Disparition forcée de M. Hacen LOUDDI en avril 1995

12.02.2016 ( Modifié le : 15.09.2016 )

En septembre 2011, TRIAL a saisi le Comité des droits de l’homme des Nations unies d’une communication individuelle pour le compte de Mme Halima Louddi. Celle-ci agit au nom de son fils, M. Hacen Louddi, enlevé le 9 avril 1995 à Alger, et porté disparu depuis. Cette disparition s’est produite dans le contexte des disparitions massives survenues en Algérie entre 1992 et 1998.

M. Hacen Louddi a été arrêté le 9 avril 1995 à 14h15 sur son lieu de travail, par des policiers du Commissariat de Châteauneuf. Sa famille et ses proches ne l’ont plus revu depuis. Plusieurs personnes détenues au commissariat de Châteauneuf ont confirmé que M. Hacen Louddi a été détenu en ce lieu. M. Khoursi Nasr El-Din, le dernier témoin à l’avoir vu vivant, affirme que M. Hacen Louddi a été emmené de sa cellule dans la nuit du 18 novembre 1995.

Plongés dans une incertitude douloureuse, la famille du disparu, et en particulier la mère de celui-ci, auteur de la communication, n’a jamais cessé d’effectuer des démarches en vue de retrouver M. Hacen Louddi depuis le jour de son arrestation. Elle s’est adressée à plusieurs reprises aux autorités judiciaires par le dépôt de plaintes qui n’ont jamais été instruites de manière effective. Une plainte pour enlèvement a été introduite le 29 octobre 1998. Confrontée à un juge d’instruction peu enclin à procéder à une enquête efficace, la famille a persévéré dans ses démarches auprès de la Chambre d’accusation de la Cour d’appel d’Alger, qui a renvoyé le dossier à de nombreuses reprises au juge d’instruction pour complément d’instruction. Un jugement de la Cour suprême rendu le 29 septembre 2009 est finalement venu confirmer le non-lieu du juge d’instruction, alors qu’aucune enquête effective n’a été menée, et ceci malgré un faisceau d’indice concomitant impliquant des agents gouvernementaux dans la disparition de M. Hacen Louddi.

La famille de la victime s’est également adressée au Ministre de la justice ainsi qu’ aux différentes institutions algériennes de protection des droits de l’homme, dont l’Observatoire national des droits de l’homme (ONDH) et la Commission Nationale Consultative de Promotion et de Protection des Droits de l’Homme (CNCPPDH). La famille de M. Hacen Louddi s’est également tournée vers le Groupe de travail sur les disparitions forcées des Nations unies. Cependant, toutes ces démarches se sont avérées vaines pour déterminer les circonstances de la disparition de M. Hacen Louddi.

Malgré les nombreuses démarches et l’espoir continu des membres de la famille de retrouver leur proche, il n’a jusque là jamais été permis de faire la lumière sur la disparition et le sort de M. Hacen Louddi.

En soumettant une communication individuelle au Comité des droits de l’homme, Mme Halima Louddi demande qu’il soit reconnu que l’Algérie a violé les articles 2, 6, 7, 9, 10, 16 et 23 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques à l’encontre du disparu. Elle soutient par ailleurs que les autorités algériennes ont également violé les articles 2, 7 et 23 du même Pacte à l’encontre de l’auteur de la communication, la disparition de son fils et l’incertitude l’entourant constituant une source d’angoisse et de souffrance.

La procédure est actuellement en cours devant le Comité des droits de l’homme des Nations unies.

Le contexte général

Les disparitions forcées ou involontaires, dont M. Hacen Louddi est l’une des innombrables victimes, prirent naissance durant la guerre civile algérienne. Sortie d’une guerre de libération nationale meurtrière, l’Algérie bascule peu après dans une guerre fratricide qui conduira à de trop nombreux excès et violations massives des droits de l’homme. Entre 7’000 et 20’000 personnes, selon les sources, ont été arrêtées ou enlevées par les services de sécurité algériens et milices armées entre 1992 et 1998, et sont encore portées disparues.

A ce jour, les familles des victimes de disparitions forcées ou involontaires restent sans nouvelles du sort de leurs proches disparus. Les autorités algériennes n’ont jamais daigné ouvrir des enquêtes suite aux plaintes et démarches effectuées, et, bien que les auteurs et les commanditaires de ces crimes soient connus, aucun d’eux n’a jamais été poursuivi ou inquiété.

Par ailleurs, depuis la mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale en 2006, ces derniers bénéficient d’une amnistie à peine déguisée puisqu’il est désormais interdit de porter plainte pour des exactions comme celle endurée par M. Hacen Louddi, l’Algérie percevant ces tentatives comme visant à « instrumentaliser les blessures de la tragédie nationale » et à mettre à mal le processus de réconciliation nationale en marche.

 

La décision

Au mois d’octobre 2014, le Comité des droits de l’homme a communiqué sa décision (appelée « constatations » dans le jargon onusien).

Le Comité a retenu que l’Algérie avait violé les articles 6 § 1, 7, 9, 10 § 1, 16 et 23 du Pacte relatif aux droits civils et politiques, individuellement ou en lien avec l’article 2 § 3 du Pacte à l’égard de la victime.

Le Comité a également constaté une violation de l’article 7 du Pacte, individuellement et conjointement avec l’article 2 § 3, à l’égard de la famille de la victime.

Le Comité a notamment enjoint l’Algérie de « mener une enquête approfondie et rigoureuse sur la disparition de M. Hacen Louddi ». L’Algérie doit également « fournir à l’auteur et à sa famille des informations détaillées quant aux résultats de cette enquête », « le libérer immédiatement s’il est toujours détenu au secret » ou « restituer sa dépouille à sa famille » en cas de décès. Le Comité insiste par ailleurs sur l ‘obligation qu’a l’Algérie de « poursuivre, juger et punir les responsables des violations commises ». L’Algérie doit également indemniser de manière appropriée la famille de la victime pour les violations subies.

Le Comité a par ailleurs rappelé à l’Algérie son obligation de garantir le droit à un recours utile pour les victimes de crimes tels que la torture, les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées, et de prendre toutes les mesures pour empêcher que de telles violations se reproduisent.

 

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