Journée internationale des personnes disparues : un deuil sans visage

28.08.2018 ( Modifié le : 19.12.2018 )

Comment faire son deuil sans dépouille ni date de décès ? Pour de nombreuses familles, la journée internationale des personnes disparues est un anniversaire pour se souvenir des proches qu’ils ont perdu. A Vogosca (Bosnie-Herzégovine), plus de 25 ans après le conflit, la blessure est toujours à vif.

La ville de Vogosca ressemble à des centaines d’autres en Bosnie-Herzégovine. Un centre-ville entouré de collines, quelques magasins, une petite station de bus vétuste. Sur la place centrale, quelques arbres et un monument érigé aux morts de la guerre.

Mais celui-ci ne commémore que les individus dont le décès a été attesté, daté, et dont la famille a pu enterrer le corps. Si leur perte reste douloureuse, celles-ci ont au moins le réconfort de la certitude.

Car il existe à Vogosca un autre type de victimes : les disparus, enlevés du jour au lendemain sans laisser de traces. Ceux dont on ne sait pas s’ils sont vivants ou morts, même si le temps écoulé laisse peu de place au doute.

 

Une blessure toujours ouverte

Ema Cekic a vu son mari Salih pour la dernière fois en 1992, avant que l’armée serbe ne le fasse disparaitre. Elle est aujourd’hui une vieille femme, mais son souvenir est intact : « La dernière fois que nous nous sommes vus, il a posé sa main sur mon épaule. Parfois je la sens encore. »

L’incertitude quant au sort des disparus maintient leurs proches dans une souffrance particulière, empêchant le processus de deuil. C’est pourquoi les disparitions forcées constituent un crime distinct des meurtres au regard du droit international.

« Tout ce que je veux, ce sont des réponses. Je me battrai jusqu’au bout pour connaître la vérité » poursuit Ema. « Je ne veux pas que mes enfants et petits-enfants portent ce poids à leur tour. Je veux qu’ils puissent tourner la page et aller de l’avant. »

 

Des roses pour se souvenir

Le mémorial des disparus de Vogosca se trouve quelques kilomètres du centre-ville. Il faut quitter la route asphaltée et s’engager sur un petit chemin pour y accéder. Un endroit serein, proche d’une petite rivière… qui cache une histoire sinistre.

« Deux corps ont été retrouvés dans cette rivière » explique Ema. « Nous pensons que d’autres corps y ont été jetés. Le 30 août, nous jetons des roses dans l’eau. C’est un hommage aux disparus, mais aussi un message aux criminels qui vivent encore parmi nous : nous savons ce qu’ils ont fait et comment ils ont disposé des corps. »

Les roses sont devenues le symbole de la mémoire parmi les familles affectées. « Nous avons planté nous-même les rosiers autour du mémorial. Nous voulions que l’endroit soit beau, puisque c’est la seule sépulture que nous pouvons offrir nos disparus. En été, quand il fait chaud, les familles viennent ensemble arroser les rosiers. Les jeunes tondent la pelouse, puis nous restons à discuter, à prendre le café. Quand nous parlons près des rosiers, c’est un peu comme si nous parlions avec les disparus. »

Année après année, le souvenir perdure. Face à des autorités indifférentes et à une jeune génération désireuse d’oublier le conflit, Ema se sent parfois seule dans sa quête de vérité. Mais sa détermination est inébranlable : « Tous les jours, je me lève en espérant retrouver mon mari. C’est mon seul espoir dans la vie. Je ne vis que pour le jour où je le retrouverai et lui offrirai de vraies funérailles. »

Regarder le témoignage complet d’Ema Cekic

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