Lakpa Tamang : torturé par des policiers à 11 ans

10.03.2016 ( Modifié le : 10.11.2016 )

Introduction

M. Lakpa Tamang n’avait que 11 ans quand il a été torturé par des policiers en 2010. Cet acte ignoble a été rendu possible partiellement en raison de l’âge de la responsabilité pénale, fixée au Népal à 10 ans – un âge en totale contradiction avec les standards internationaux et aux répercutions potentiellement graves pour les jeunes. En mars 2016, TRIAL a soumis une plainte au nom de M. Lakpa Tamang devant le Comité des droits de l’homme des Nations unies (CDH), demandant justice et réparation pour la victime et des changements dans la législation du Népal et la criminalisation des mineurs.

 

L’affaire

En novembre 2010, M. Lakpa Tamang, alors âgé de 11 ans, et sa sœur aînée âgée de 14 ans, ont été accusés par leur voisin d’avoir volé une boucle d’oreille en or. Cette accusation était fondée uniquement sur la déclaration d’un astrologue – dont la consultation est coutumière dans cette région du Népal.

Suite à cette accusation, le frère et la sœur ont été emmenés par leurs parents au poste de police voisin de Pachwaghat pour y être interrogés. La sœur de M. Lakpa Tamang a été brièvement entendue et immédiatement libérée, mais le jeune garçon a été retenu au poste par deux officiers de police.

Ces derniers lui ont demandé s’il avait volé la boucle d’oreille puis, face à sa réponse négative, l’ont violemment maltraité : giflé au visage, battu avec des tuyaux en plastique, soumis au falanga(coups de bâton sur la plante des pieds), électrocuté aux oreilles et menacé de mort pour qu’il « avoue » le vol allégué. Terrifié et meurtri, M. Lakpa Tamang a signé une « confession » pour avoir la vie sauve. Avant d’être libéré, il a de nouveau été menacé de mort s’il révélait à quiconque qu’il avait été passé à tabac.

Suite à la libération de M. Lakpa Tamang, son père a signé un « acte de réconciliation », s’engageant à rembourser le voisin pour la boucle d’oreille en or. Ce n’est qu’après avoir signé qu’il a découvert que « l’aveux » de son fils avait été obtenu par la torture.

M. Lakpa Tamang a subi un grand choc psychologique et souffre aujourd’hui de désordre post-traumatique. Ses perspectives d’études ont également été entravées.

 

La quête de justice

M. Lakpa Tamang et ses proches ont introduit plusieurs plaintes devant les autorités népalaises, demandant justice et réparation pour les souffrances subies. Mais les deux policiers qui avaient torturé le jeune garçon n’ont eu à payer que de très modestes amendes (environ 40 euros chacun). Ils n’ont pas été condamnés à la peine applicable – déjà extrêmement basse – d’un an d’emprisonnement, ni été suspendus de leurs fonctions. Les courts népalaises ont accordé environ 800 euros d’indemnisation à la victime – somme qu’il n’a pas encore reçu.

Considérant que les sanctions étaient bien en-deçà de la gravité du crime, M. Lakpa Tamang et sa famille ont fait appel de ces décisions devant la Cour suprême du Népal. Cela n’a toutefois pas abouti, principalement parce que la législation applicable à la torture des mineurs est fondamentalement défectueuse.

En mars 2016, ayant épuisé tous les recours nationaux, M. Lakpa Tamang a déposé une plainte devant le Comité des droits de l’homme des Nations unies avec l’aide de TRIAL.

 

Violations

Dans leur demande, la victime et TRIAL ont demandé au CDH :

De reconnaitre que M. Lakpa Tamang est victime d’une violation de l’art. 7 (interdiction de la torture), lu conjointement avec l’art. 24, par. 1 (obligation d’adopter des mesures spéciales de protection pour les mineurs), du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, car il a subi torture et autres mauvais traitements dans le but d’obtenir un aveu. Ces violations sont aggravées par le fait que M. Lakpa Tamang ait été mineur au moment des faits, ce qui aurait dû lui garantir des mesures spéciales de protection – mesures que le Népal n’a pas adoptées.

De reconnaitre la violation de l’art. 7 lu conjointement avec les arts. 2, par. 3 (droit à un recours effectif), et 24, par. 1, du Pacte, car les autorités népalaises n’ont pas enquêté et poursuivi efficacement les coupables, ni sanctionné ceux-ci proportionnellement à la gravité de leur crime. Par ailleurs, M. Lakpa Tamang n’a pas reçu d’indemnisation adéquate pour les préjudices subis. Ces violations sont aggravées par le fait que le Népal n’ait pas garanti à M. Lakpa Tamang les mesures spéciales de protection auxquelles il avait droit en tant que mineur.

De reconnaitre la violation de l’art. 7 lu conjointement avec les arts. 2, par. 2 (obligation d’adopter des mesures législatives), et 24, par. 1, du Pacte. En effet, le Népal n’a pas adopté de législation efficace pour prévenir la torture contre des mineurs; pour sanctionner les responsables d’une manière proportionnelle à la gravité du crime; et pour garantir à la victime des mesures de réparation comprenant la restitution, la réhabilitation, la satisfaction et des garanties de non-répétition.

De demander au Népal d’enquêter, de poursuivre et de punir les auteurs de torture proportionnellement à la gravité de leur crime; et de garantir à la victime des mesures de réparation comprenant la restitution, la réhabilitation, la satisfaction et des garanties de non-répétition.

L’affaire est actuellement pendante devant le Comité des droits de l’Homme.

 

Le contexte général

L’emploi de la torture, en particulier envers les mineurs, est généralisé et systématique au Népal, et les responsables jouissent le plus souvent d’une l’impunité totale. Il semblerait que la plupart des actes de torture soient commis dans des affaires de vol, probablement car dans ces affaires, les policiers sont soumis à une pression significative d’arrêter le coupable et de retrouver les objets volés. Le climat d’impunité absolue est favorisé par les graves lacunes de la législation nationale en matière de torture contre les mineurs, qui ne prévoir une peine que d’un an d’emprisonnement pour les agents coupables d’avoir torturé un mineur.

 

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