Le massacre du Mont Vlasic (21 août 1992) et la disparition des victimes

12.02.2016 ( Modifié le : 21.08.2019 )

En septembre 2008, TRIAL a saisi la Cour européenne des droits de l’homme de six affaires relatives à la disparition de huit hommes bosniaques lors du massacre du Mont Vlasic, agissant au nom de leurs proches.

Il s’agit de:

  • Edin Elezovic, 24 ans
  • Emir Elezovic, 22 ans
  • Fahrudin Mujkanovic, 29 ans
  • Serif Bajric, 50 ans
  • Zafir Bajric, 21 ans
  • Zijad Huskanovic, 26 ans
  • Fahrudin Elezovic, 45 ans
  • Asmir Memic, 28 ans.

Ces civils étaient détenus au camp de concentration de Trnopolje, situé à une dizaine de kilomètres de la ville de Prijedor, au nord-ouest de la Bosnie-Herzégovine. Le 21 août 1992, plusieurs bus dépêchés par les autorités serbes arrivèrent au camp afin d’embarquer de nombreuses personnes en vue de les libérer en les transférant vers le territoire tenu par les forces bosniaques. En fin d’après-midi, le convoi s’arrêta un peu avant d’atteindre la ligne de démarcation entre la partie de Bosnie-Herzégovine contrôlée par les forces serbes et celle contrôlée par les Bosniaques. Environ 200 hommes furent alors extraits du convoi, placés dans deux bus, et dirigés vers le lieu dit de Koricanske Stijene, sur le Mont Vlasic. Le reste du convoi, avec femmes, enfants et vieillards, continua sa route vers sa destination initiale.

Les gardes et soldats serbes ordonnèrent aux 200 passagers de sortir des bus, et de s’agenouiller au bord d’une falaise. Les hommes furent ensuite fusillés. Leurs ravisseurs lancèrent également des grenades et tirèrent sur les hommes tombés au fond de la gorge. Une douzaine de personnes environ survécurent au massacre après avoir sauté, ou être tombées de la falaise.

Ce qu’il est advenu des nombreuses autres victimes, dont Edin et Emir Elezovic, Fahrudin Mujkanovic, Serif et Zafir Bajric, Zijad Huskanovic, Fahrudin Elezovic et Asmir Memic, est incertain. Leurs corps ont probablement été transportés dans différents charniers de Bosnie-Herzégovine suite au massacre, mais ils n’ont jamais été retrouvés. Plus de 16 ans après les faits, aucune enquête sérieuse n’a été menée par les autorités pour retrouver les corps ou d’éventuels survivants blessés.

Les familles des disparus ont conduit de nombreuses démarches afin d’obtenir des informations sur leurs proches, par le biais de la Commission fédérale des personnes disparues du gouvernement de Bosnie-Herzégovine, et du Bureau de recherche des personnes disparues de la Republika Srpska, démarches qui se sont révélées vaines. La seule enquête ayant abouti a une condamnation pénale a été menée par le TPIY contre Darko Mrdja, condamné à 17 ans de prison.

Le 16 juillet 2007, la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine, saisie par plusieurs  familles de victimes, a ordonné aux différentes institutions nationales et locales de leur fournir des informations quant au sort de leurs proches. Ce jugement n’a abouti à aucun résultat.

Les auteurs des requêtes à la Cour européenne des droits de l’homme demandent à celle-ci de reconnaître que l’absence d’enquête effective par les autorités mène à une violation procédurale continue des articles 2 (droit à la vie) et 5 (droit à la liberté et à la sûreté) de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) sur les personnes disparues, ainsi qu’à une violation substantive continue des articles 3 et 8 CEDH pour les souffrances psychologiques que les proches des disparus endurent, ainsi que pour l’atteinte portée à leur vie familiale. Enfin, il est demandé que soit reconnue une violation de l’article 13 de la CEDH, en raison de l’absence de d’enquête et de recours effectif.

 

La procédure

Après une analyse préliminaire de la recevabilité de la requête, le 28 septembre 2012 a requête a été communiquée au gouvernement de la Bosnie-Herzegovine.

 

En janvier 2013, REDRESS et l’OMCT ont soumis à la CEDH un « amicus brief » à propos de ce cas afin d’éclaircir la nature du lien entre la disparition forcée et l’interdiction de la torture et autres mauvais traitements; ainsi que d’analyser la corrélation entre le caractère continu de la disparition forcée et le contenu du recours effectif et des réparations en faveur de la famille des disparus.

En janvier 2013, le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine a présenté sa réponse, contestant la recevabilité et le fond de l’affaire. Le 25 mars 2013, TRIAL a plaidé, au nom des requérants, devant la Cour européenne des droits de l’homme, et contré les arguments avancés par l’Etat défendeur en mettant en évidence un certain nombre d’erreurs et de contradictions contenues dans le mémoire présenté par l’État à la Cour européenne. Celle-ci a transmis la réponse de TRIAL au gouvernement et lui a donné jusqu’au 13 mai 2013 pour soumettre des commentaires additionnels.

Le 3 juin 2014 la Cour européenne a rendu sa décision et a considéré que les autorités bosniennes ont, dans le cas d’espèce, pris toute mesure raisonnable compte tenu des circonstances spécifiques du pays jusqu’en 2005 et du large nombre de procédures pour crimes de guerre pendantes devant les juridictions nationales. L’exhumation des restes de quatre parmi les proches des plaignants a été considérée comme un résultat important ainsi que l’identification de dix auteurs directs de ces crimes par la cour nationale et la publication de deux mandats d’arrêt internationaux et la condamnation d’un auteur par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yugoslavie.

 

Le contexte général

Le massacre du Mont Vlasic s’est déroulé au début de la guerre de Bosnie-Herzégovine, dans le cadre d’une vague de nettoyage ethnique menée par les forces armées et la police de la Republika Srpska, suite à l’éclatement de la Yougoslavie.

Selon les estimations, le conflit aurait causé la mort de 100’000 à 200’000 personnes. Sur les 25’000 personnes portées disparus à la fin du conflit, environ la moitié a été retrouvée et identifiée dans différents charniers. Environ 13’000 personnes sont toujours portées disparues.

Une seule personne ait été condamnée et par le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie suite au massacre de Koricanske Stijene. Les autorités bosniennes ont enfin annoncé en mai 2008 que quatre autres personnes devraient être poursuivies par les tribunaux locaux pour ce crime. A ce jour, les familles des victimes n’ont toujours pas reçu d’information sur le sort de leurs proches.

 

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