Pillage: Enquête en cours après la dénonciation d’un homme d’affaires suisse pour crimes de guerre en RDC
TRIAL International et l’Open Society Justice Initiative (OSJI) saluent l’ouverture d’une enquête pénale par le Ministère public de la Confédération après le dépôt de leur dénonciation contre Christoph Huber, un ressortissant suisse actif dans le secteur minier. Étayée par les nombreuses preuves récoltées au cours de leur enquête débutée en 2013, la dénonciation pénale déposée en novembre 2016 par les deux organisations suspectait M. Huber d’être impliqué dans du pillage de ressources naturelles en République démocratique du Congo (RDC), un crime de guerre aux yeux de la loi suisse.

Le Ministère public de la Confédération (MPC) enquête depuis mars 2018 à la suite des soupçons – formulés en novembre 2016 par TRIAL International et OSJI – de commerce illicite de minerais en RDC au cours de la deuxième guerre du Congo entre 1998 et 2003.
«A l’heure où le public exige un engagement accru du secteur privé en faveur du respect des droits humains, l’ouverture d’une enquête vraisemblablement en lien avec les agissements d’un homme d’affaires occidental, potentiellement impliqué dans un commerce illégal en zone de conflit, envoie un message fort à tout le secteur minier. » a déclaré Bénédict De Moerloose, responsable du programme Procédures et enquêtes internationales de TRIAL International.
Des liens apparents avec un groupe armé
Au cours de leur enquête, les deux organisations ont notamment découvert des documents commerciaux mettant en évidence des liens d’affaires entre M. Huber et le RCD-Goma (aile gomatracienne du Rassemblement congolais pour la Démocratie), un groupe armé accusé de crimes de guerre qui contrôlait de larges territoires dans l’Est du Congo pendant le conflit. En 2001, l’entreprise représentée par M. Huber aurait en effet obtenu quatre concessions minières de la part d’un organe officiel du RCD-Goma, qui occupait militairement la zone dans laquelle se trouvent les mines. Selon le contrat accordant ces concessions, leur octroi était assorti de garanties de protection, assurées par des troupes du groupe armé.
Selon Ken Hurwitz, responsable du Programme Anticorruption de OSJI, « de nombreux conflits sont encore alimentés par la vente illégale de ressources pillées. Mais les entreprises et les hommes d’affaires impliqués ne sont que trop rarement poursuivis. Nous saluons l’ouverture d’une procédure par les autorités suisses en lien avec la dénonciation d’une affaire aussi complexe qu’importante. »
Si l’enquête en cours venait à établir l’implication de M. Huber dans l’exploitation illégale et l’appropriation de ressources naturelles d’une zone de conflit, il pourrait être tenu pénalement responsable de pillage, un crime de guerre selon le droit international humanitaire, et punissable selon le code pénal suisse d’une peine de prison de trois ans au moins. Les deux organisations invitent maintenant le MPC à conclure rapidement son enquête.
Un éventuel procès dans cette affaire constituerait un précédent historique. En effet, ce pourrait être la première fois en Suisse qu’un acteur économique ferait face à un juge pour des accusations de de crime de guerre de pillage. Pourtant, cette pratique a atteint des proportions alarmantes au cours des dernières décennies.