Un présumé tortionnaire algérien échappe de peu à la justice suisse

18.10.2009 ( Modifié le : 17.07.2017 )

Genève, le 18 octobre 2009 – Bouguerra SOLTANI, chef du parti islamiste du Mouvement de la société pour la paix, qui se trouvait en Suisse vendredi dernier et contre lequel une plainte pour actes de torture avait été déposée auprès de la justice fribourgeoise, a quitté la Suisse avant de pouvoir être appréhendé.

Le 12 octobre 2009, TRIAL (Track Impunity Always – association suisse contre l’impunité) a déposé une dénonciation pénale auprès du juge d’instruction du canton de Fribourg contre M. Bouguerra SOLTANI, pour actes de torture. La victime, Nouar ABDELMALEK, s’est constituée partie civile le lendemain.

Au mois de juillet 2009, TRIAL avait déjà saisi le Comité contre la torture des Nations Unies d’une plainte contre l’Algérie, en raison de nombreuses tortures subies par M. ABDELMALEK dans son pays entre 2001 et 2005. M. SOLTANI figure parmi les personnes dénoncées par la victime comme ayant orchestré des séances de torture. M. ABDELMALEK, en raison des sévices endurés, s’est vu reconnaître la qualité de réfugié en France, où il vit désormais.

Dans le cadre des fonctions qu’il exerçait au sein du ministère de la Défense, M. ABDELMALEK avait publié en 1998 un rapport dans lequel il mettait expressément en cause les agissements de M. SOLTANI dans une affaire de recrutement d’un jeune islamiste algérien envoyé en Afghanistan. Suite à la publication de ce rapport, M. ABDELMALEK a été mis en congé mais a continué à publier des articles dénonçant les agissements de M. SOLTANI dans la presse.

Le 29 juin 2005, M. ABDELMALEK a été arrêté sur la base d’accusations fallacieuses. Des gendarmes l’ont alors emmené de force au siège de la Brigade de Beni Messous où il a subi des tortures durant plusieurs jours. Le 1er juillet 2005 au matin, des fonctionnaires ont conduit M. ABDELMALEK au centre de Châteauneuf, tristement célèbre pour être le centre de torture et de détention arbitraire le plus important du pays.

Décharges électriques et autres violences

Ce jour-là, M. SOLTANI, alors ministre d’Etat, s’est rendu dans la salle où se tenait M. ABDELMALEK afin de diriger la séance de torture durant environ deux heures. Au cours de cette séance, la victime a subi le supplice du chiffon, de nombreuses décharges électriques sur le ventre, les pieds et les mains, des torsions des pieds en vue de les casser et un tournevis a même été introduit dans une cicatrice récente sur son pied droit. Afin de pousser M. ABDELMALEK à signer de fausses déclarations et des documents vierges, M. SOLTANI a ouvertement dirigé cette séance de torture en encourageant et incitant les agents présents à exercer ces actes inhumains. M. ABDELMALEK a été menacé de ne jamais sortir vivant de ce lieu de détention.

La Suisse met en oeuvre ses obligations internationales

ABDELMALEK a été entendu vendredi 16 octobre 2009 par un juge d’instruction, en présence d’un expert psychiatre, lequel a conclu à la grande crédibilité de son témoignage. Selon Me Damien CHERVAZ, avocat de la victime, «il a été prévu au terme de l’audience que M. SOLTANI serait appréhendé et qu’une confrontation directe serait ensuite organisée entre les deux protagonistes».

Cette confrontation n’a toutefois pas pu se tenir. M. SOLTANI a été vu et reconnu à Genève le vendredi 16 octobre 2009 par plusieurs personnes et y a été interviewé par l’agence de presse Alquds Press. Il a cependant vraisemblablement fui la Suisse peu après et ne s’est donc probablement pas rendu à Fribourg, où il était initialement attendu.

TRIAL regrette la fuite de M. SOLTANI mais se félicite du fait que la justice suisse ait pris au sérieux ses engagements internationaux en engageant une procédure contre une personne suspectée d’avoir commis des actes de torture. Selon la Convention contre la torture, entrée en vigueur en 1987 pour notre pays, la Suisse a l’obligation de détenir toute personne soupçonnée d’avoir commis des actes de torture, même intervenus à l’étranger (principe de compétence universelle), et doit soumettre l’affaire à ses autorités pénales si elle ne l’extrade pas en vue d’être juger. Pour Philip GRANT, Président de TRIAL, l’arrestation de M. SOLTANI «aurait été un signal fort que l’impunité n’est plus de mise pour les tortionnaires et que la justice est du côté des victimes».

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