Une courageuse victime de viol enfin récompensée

30.04.2013 ( Modifié le : 13.07.2017 )

La lutte courageuse d’une survivante de viols durant la guerre en Bosnie-Herzégovine a enfin été récompensée. Dans un verdict prononcé ce jour, un tribunal de Doboj a en effet reconnu son agresseur coupable de viol et l’a condamné à une peine de trois ans de prison. Bien que cette peine soit légère, l’ONG suisse TRIAL salue cette décision qui représente une étape importante dans la lutte contre l’impunité dont ont joui trop longtemps les auteurs de violences sexuelles durant la guerre de Bosnie.

A l’issue d’un procès fort en émotions initié en février dernier, le tribunal de la municipalité de Doboj a aujourd’hui condamné Dragoljub Kojic à une peine de trois ans de prison pour les viols commis durant la guerre en Bosnie (1992-1995). La cour a toutefois refusé d’accorder une indemnité pour le préjudice subi à Lejla B. (nom d’emprunt), l’une de ses victimes, renvoyant celle-ci au plan civil pour cette démarche. Rappelons néanmoins que c’est grâce au courage et à la persévérance de Lejla B. – soutenue dans son combat pour la justice par TRIAL- que ce procès a pu se tenir.

Violée et réduite au travail forcé

En mai 1992, alors que la guerre fait rage en Bosnie-Herzégovine, Lejla B. quitte sa ville de Živinice pour retrouver son fils alors âgé de 19 ans à Bosanski Samac. Cette localité vient d’être occupée par l’armée de la Republika Srpska qui réduit son fils au travail forcé. Le 3 juillet 1992, le jeune homme est abattu par les forces serbes dans le village de Zasavica. Cette même semaine, Lejla B. est arrêtée par trois policiers et conduite de force au camp de Zasavica. Elle y est violée à trois reprises par Dragoljub Kojic, sous la menace d’une arme à feu. Contrainte au travail forcé, Lejla B. reste 10 mois dans le camp Zasavica, où elle survit dans des conditions inhumaines.

Donner une voix aux victimes en quête de justice

Après un long silence, Lejla B. a trouvé le courage d’exiger que justice lui soit rendue. Durant les six dernières années, elle a inlassablement écrit aux autorités compétentes. Ses efforts sont restés lettre morte jusqu’à ce que TRIAL soutienne son cas en 2010 et réclame l’ouverture d’une enquête ainsi que la poursuite de son agresseur présumé.

Alors que le verdict vient d’être prononcé, la victime témoigne de son immense soulagement « J’ai attendu ce moment depuis si longtemps. Lutter pour obtenir justice a été pour moi une façon de revenir à la vie.Tout ce que j’espère aujourd’hui, c’est que mon histoire et ce verdict serviront d’exemple pour d’autres victimes qui luttent pour se faire entendre « , a déclaré Lejla B.

« Aujourd’hui est un grand jour pour la justice et pour les victimes de violences sexuelles dans le cadre de conflits armés », note Adrijana Hanusic, conseillère juridique de TRIAL. « Ce verdict montre que le courage et la persévérance sont porteurs de changements pour les victimes de ces crimes. Trop souvent laissées pour compte, les victimes peuvent pourtant trouver auprès d’organisations non gouvernementales un soutien professionnel permettant que justice leur soit rendue » rappelle également Mme Hanusic.

Pour Philip Grant, Directeur de TRIAL: « ce verdict est une excellente nouvelle pour la victime et une reconnaissance longuement attendue de ses souffrances. Nous déplorons toutefois que la Cour n’ait pas considéré la question de l’indemnisation. Les tribunaux de Bosnie-Herzégovine doivent en effet maintenant mettre un terme à la pratique consistant à dire aux victimes d’entamer un nouveau procès au plan civil, alors que ces dernières n’ont que rarement les moyens d’y déposer plainte. Les demandes de compensation peuvent en effet très bien être tranchées dans le cadre des procès pénaux ».

Contexte

Les violences sexuelles et le viol en particulier ont été largement utilisés comme arme de guerre et de nettoyage ethnique durant la guerre en ex-Yougoslavie (1992-1995). Entre 20’000 et 50’000 personnes selon les sources ont été violées ou victimes de violences sexuelles pendant la guerre. Mais les auteurs de ces crimes ont depuis lors bénéficié d’un large climat d’impunité: seuls quelque 50 auteurs de crimes ont été amenés à rendre compte devant les tribunaux.

TRIAL a initié un programme de soutien aux victimes de violences sexuelles de la guerre en 2010. Elle a depuis lors assisté plusieurs victimes, en déclenchant notamment des poursuites pénales.

Malgré les nombreuses tentatives de Lejla B. pour attirer l’attention des autorités sur les viols subis, aucune enquête n’avait été diligentée par ces dernières. TRIAL a jugé que cette affaire justifiait pleinement le dépôt devant la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine d’une plainte contre les autorités. Avant d’entamer une telle démarche,TRIAL et Lejla B. ont toutefois tenté une dernière fois d’encourager le Bureau du Procureur de Bosnie-Herzégovine à mener sans plus tarder une enquête sérieuse susceptible d’aboutir à des accusations criminelles à l’égard du suspect.

A l’issue d’une longue procédure, l’affaire a finalement été transférée au tribunal de la municipalité de Doboj, où une enquête a été ouverte. TRIAL a soutenu la victime à chacune des étape de la procédure, lui prodiguant gratuitement ses conseils juridiques ainsi qu’une aide administrative. Suite à l’ouverture du procès en février dernier à Doboj, l’aide de TRIAL s’est intensifiée, avec la préparation notamment d’une demande d’indemnisation en faveur de la victime.

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