Disparition forcée de Enes Ramulic en juillet 1992

12.02.2016 ( Modifié le : 12.10.2016 )

Au mois de juin  2010, TRIAL a déposé devant la Cour européenne des droits de l’homme une requête contre la Bosnie-Herzégovine (BH), à propos de la disparition forcée d’Enes Ramulic survenue en juillet 1992. TRIAL représente dans cette procédure Edin Ramulic, frère de la victime. 

Lors des évènements, Edin Ramulic était âgé de 22 ans et vivait avec sa famille à  Rakovcani, village situé dans la municipalité de Prijedor, aujourd’hui en Republika Srpska. 

Le 20 juillet 1992, des soldats en uniforme de l’armée yougoslave sont venus dans le village et ont ordonné à tous les hommes présents de se présenter devant leur maison. Obéissant à la sommation, Edin Ramulic, Enes Ramulic et Uzeir Ramulic sont sortis. Edin Ramulic, amaigri et diminué physiquement, a semblé trop jeune aux soldats qui lui ont  demandé de retourner dans la maison.

Des témoins affirment que les hommes arrêtés dans le village, dont Enes et Uzeir Ramulic, auraient été conduits au camp de concentration de Keraterm, puis interné dans la pièce numéro 3 où ils auraient été abattus le 24 juillet 1992. Des co-détenus ont rapporté qu’Uzeir Ramulic aurait perdu la vie durant le massacre alors que son fils y aurait survécu. Ce dernier a été vu pour la dernière fois le 4 août 1992, dans un état de santé très préoccupant, avant d’être emmené hors du camp par bus avec  environ 120 autres détenus, le 5 août 1992. Un jugement du TPIY confirme ces faits et relate que tous les occupants du buis auraient été massacrés, mais le corps de Enes Ramulic n’a pas pu être identifié parmi les dépouilles des autres passagers retrouvés à Hrastova Glavica, à environ trente kilomètres de Prijedor.

Plus de 18 ans après les événements, aucune enquête officielle, prompte, impartiale, minutieuse et indépendante n’a été effectuée par les autorités de BH pour localiser, exhumer, identifier et rendre à la famille la dépouille mortelle de la victime ; et personne n’a encore été poursuivi, jugé ou sanctionné pour ces crimes, en dépit de l’énergie avec laquelle le requérant s’est investi dans l’éclaircissement des faits.

Edin Ramulic a plusieurs fois dénoncé les évènements auprès de la police de Sanski Most, le bureau cantonal du Procureur de Bihac, la Croix Rouge de Travnik et de Zagreb, la Commission fédérale des personnes disparues ou encore l’Institut de BH des personnes disparues. Malgré ses démarches infructueuses, Edin Ramulic reste très actif, notamment par son implication dans le travail de l’association IZVOR qui soutient les familles de disparus et par ses recherches personnelles, favorisées par ses fonctions de journaliste.

Le 16 juillet 2007, la Cour constitutionnelle de BH, saisie par plusieurs familles de victimes de disparition forcée dans la région de Prijedor, dont Edin Ramulic, a retenu que la BH avait violé le droit à ne pas être soumis à des tortures ou à des traitements inhumains et dégradants, ainsi que le droit au respect de la vie privée et familiale des proches des personnes disparues. Par conséquent, la Cour a ordonné aux autorités de divulguer toutes les informations disponibles sur le sort des personnes disparues, y compris relativement au frère d’Edin Ramulic.

Le 22 mars 2008, le requérant a reçu une lettre du Bureau de recherche des personnes disparues de la Republika Srpska, mais celle-ci n’a fait que confirmer les démarches entreprises par le requérant, sans fournir la moindre information supplémentaire.

Face à l’indifférence des autorités de BH, Edin Ramulic a demandé la Cour constitutionnelle de BH dans une lettre du 30 mars 2009, de prendre les mesures nécessaires pour que son jugement soit exécuté. La demande est également restée sans réponse à ce jour.

Par conséquent, Edin Ramulic demande à la Cour européenne des droits de l’homme:

La procédure

Après une analyse préliminaire de la recevabilité de la requête, le 28 septembre 2012 a requête a été communiquée au gouvernement de la Bosnie-Herzegovine.

En janvier 2013, REDRESS et l’OMCT ont soumis à la CEDH un « amicus brief » à propos de ce cas afin d’éclaircir la nature du lien entre la disparition forcée et l’interdiction de la torture et autres mauvais traitements; ainsi que d’analyser la corrélation entre le caractère continu de la disparition forcée et le contenu du recours effectif et des réparations en faveur de la famille des disparus.

En janvier 2013, le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine a présenté sa réponse, contestant la recevabilité et le fond de l’affaire. Le 25 mars 2013, TRIAL a plaidé, au nom des requérants, devant la Cour européenne des droits de l’homme, et contré les arguments avancés par l’Etat défendeur en mettant en évidence un certain nombre d’erreurs et de contradictions contenues dans le mémoire présenté par l’État à la Cour européenne. Celle-ci a transmis la réponse de TRIAL au gouvernement et lui a donné jusqu’au 13 mai 2013 pour soumettre des commentaires additionnels.

Le 3 juin 2014, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a rendu sa décision. Elle a estimé que dans ce cas, les autorités bosniennes avaient fait tout ce qui pouvait être raisonnablement attendu, compte tenu des circonstances particulières qui prévalaient dans le pays jusqu’en 2005 et du grand nombre de crimes de guerre en instance devant les tribunaux locaux. La Cour a noté qu’ « il est évident que tous les auteurs directes des nombreux crimes de guerres commis dans le contexte de la purification ethnique dans la région de Prijedor n’ont pas été punis ». Néanmoins, elle a apprécié le fait que le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et la Cour d’Etat ont respectivement condamné 16 et 7 personnes dans le cadre des crimes commis dans cette région.

Voir  également l’affaire Aliskovic, dont les proches ont été enlevés dans le cadre des mêmes évènements.

 

Contexte général

Selon les sources, entre 100’000 et 200’000 personnes ont trouvé la mort entre 1992 et 1995 durant le conflit en BH et entre 25’000 et 30’000 personnes ont été victimes de disparition forcée. Environ 10’000 n’ont à ce jour pas encore été retrouvés.

Les arrestations arbitraires et enlèvements de Uzeir et Enes Ramulic, le massacre du premier et la disparition forcée du second se sont déroulés dans le cadre d’une purification ethnique menée par les forces serbes durant l’attaque militaire de Prijedor et de ses environs.

 

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