Bosnie-Herzégovine: La CEDH s’oppose au droit à la justice de victimes

22.07.2014 ( Modifié le : 12.07.2017 )

Il y a 22 ans, 13 hommes ont été victimes de disparitions forcées durant la guerre en Bosnie-Herzégovine. Entre 2008 et 2011, leurs proches – avec l’aide de TRIAL – ont soumis leur cas à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Le sort de ces hommes demeure à ce jour inconnu, même si quelques os appartenant à quatre d’entre eux ont été retrouvés et identifiés. La plupart des responsables de ces crimes n’ont pas été jugés, et aucune réparation n’a été accordée. La Cour européenne vient néanmoins de juger que la Bosnie-Herzégovine n’a aucune responsabilité dans la manière dont ces affaires ont été traitées. Ces décisions résonnent comme un échec pour les familles des victimes, qui ne savent plus où se tourner pour obtenir cette justice qu’elles attendent depuis plus de 20 ans.

Une chambre de sept juges de la CEDH à Strasbourg a décidé de ne pas examiner le cas de 13 personnes disparues en 1992 dans la région de Prijedor. Près de 6 ans après que les requêtes initiales ont été introduites par TRIAL au nom des familles des victimes, la Cour les a tout récemment déclarées irrecevables, en jugeant que la Bosnie-Herzégovine (BiH) n’avait pas violé son obligation d’enquêter sur les crimes et de poursuivre pénalement les responsables.

Les proches des victimes et les ONG qui ont soutenu leur cas espéraient qu’un jugement de la CEDH établirait les standards que les autorités nationales auraient à suivre concernant la manière d’enquêter sur les crimes commis durant la guerre, de localiser et d’exhumer les restes des personnes disparues et d’assurer que des réparations soient accordées aux familles.

Philip Grant, directeur de TRIAL, prend acte avec déception des décisions de la CEDH: « Treize homme ont été victimes de disparitions forcées en 1992. Ils ont été brutalement retirés à leurs femme, enfants et parents. Six d’entre eux ont certainement été victimes d’un horrible massacre au Mont Vlašić, tandis que les autres auraient été arbitrairement exécutés. Plus de 20 ans après les faits, seuls quelques os appartenant à quatre d’entre eux ont été retrouvés. Aucune enquête complète n’a été menée. Si les juges de Strasbourg considèrent les demandes des victimes infondées, qui maintenant va pouvoir aider leurs proches à connaître le sort qui leur a été réservé ? Les familles attendent toujours que justice soit rendue et tant que le sort de des disparus n’aura pas été établi, elles ne pourront faire leur deuil et tourner cette page tragique de leur vie. »

Les décisions

Le 3 juin 2014, la CEDH a adopté une décision (en anglais) qui vient d’être rendue publique dans l’affaire Fazlić et autres c. Bosnie-Herzégovine, concernant cinq cas de disparition forcée. La Cour a estimé que les autorités bosniennes ont entrepris tout ce qui pouvait être attendu d’elles au égard des circonstances. Si la Cour a noté qu’ « il est évident que tous les responsables directs des multiples crimes commis dans le cadre de la purification ethnique de la région de Prijedor n’ont pas été punis « , elle a néanmoins pris en compte le fait que le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et la Cour d’Etat de BiH ont condamné respectivement 16 et 7 personnes en lien avec d’autres crimes commis dans cette zone.

Le même jour, la CEDH a adopté une décision (en anglais) dans l’affaire Mujkanović et autres c. Bosnie-Herzégovine, estimant que les autorités bosniennes ont entrepris tout ce qui pouvait raisonnablement l’être eu égard aux circonstances qui prévalaient dans le pays jusqu’en 2005 et aux nombreuses affaires actuellement en cours devant les tribunaux locaux. L’exhumation des restes de quatre victimes a été considérée comme un résultat important, tout comme l’identification de 10 responsables directs par la Cour d’Etat de BiH, la délivrance de deux mandats d’arrêt et la condamnation d’un auteur par le TPIY.

Les plaignants

Durant les premiers mois de la guerre qui ravage la BiH, 13 hommes sont arrêtés, retirés à leur famille et internés dans des camps de concentration dans la région de Prijedor. S’il paraît probable que ces hommes ont été victimes d’exécutions arbitraires, la lumière sur leur sort précis et le lieu où leurs dépouilles se trouvent n’a pas été faites, même si quelques os appartenant à quatre victimes été retrouvés. Plus de vingt ans après les faits, aucune enquête complète n’a été entreprise par les autorités pour retrouver les restes des personnes disparues et pour identifier l’ensemble des responsables de ces crimes, afin de les traduire en justice.

Chronologie des cas

TRIAL a juridiquement représenté les familles des victimes dans le cadre de la procédure devant la CEDH. Les requêtes ont été introduites entre 2008 et 2011. Le 28 septembre 2012, les requêtes ont été réunies en deux affaires distinctes et enfin communiquées au gouvernement de BiH. En janvier 2013, le gouvernement a soumis sa réponse, contestant la recevabilité des affaires ainsi que toute violation. Le 25 mars 2013, TRIAL a répliqué aux observations de la BiH en réitérant les obligations juridiques de celle-ci de garantir que justice soit rendue et que des réparations soient accordées. REDRESS et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) ont été autorisés à soumettre un amicus curiae à la Cour en soutien aux requêtes des victimes.

Le soutien de TRIAL à la quête de justice des victimes en BiH

TRIAL représente plus de 230 victimes et proches de victimes de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires devant la CEDH et le Comité des droits de l’homme des Nations unies et les soutient dans leur quête de connaître la vérité sur ce qui s’est passé et d’obtenir justice et réparations. Avant les décisions rendues par la CEDH, la Comité des droits de l’homme de l’ONU avait déjà jugé dans cinq affaires similaires, concernant également des disparitions forcées dans la région de Prijedor, que la Bosnie-Herzégovine avec bel et bien violé les droits fondamentaux des requérants.

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