L’exploitation illégale du sous-sol congolais lors du conflit en cours peut-elle constituer un crime de guerre ?
Un homme d’affaires suisse pourrait-il être responsable de pillage – un crime de guerre au regard du droit international – en s’approvisionnant en minerais en provenance d’une région de République démocratique du Congo contrôlée par un groupe armé ? C’est la question à laquelle l’enquête, ouverte en mars 2018 par le Ministère public de la Confédération, pourrait peut-être répondre.

En novembre 2016, deux ans avant l’ouverture de cette enquête, TRIAL International et l’ONG Open Society Justice Initiative (OSJI) ont déposé une dénonciation pénale contre Christoph Huber, un homme d’affaires suisse actif dans le commerce de minerais. Au cours de la deuxième guerre du Congo entre 1998 et 2003, celui-ci aurait été en lien direct avec le RCD-Goma (aile gomatracienne du Rassemblement congolais pour la Démocratie), un groupe armé accusé de crimes de guerre qui occupait militairement – et administrait de facto de larges territoires dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC).
Les faits dénoncés remontent à 2001. Christoph Huber aurait alors signé au nom d’une entreprise minière rwandaise un contrat permettant l’obtention de plusieurs concessions minières de la part d’un organe officiel du RCD-Goma, assorties de garanties de protection par des troupes du groupe armé. M. Huber serait par ailleurs impliqué dans le commerce de minerais dans la région au moins depuis 1997 pour le compte d’autres entreprises, y compris suisses.
Les documents commerciaux obtenus au cours de l’enquête conduite entre 2013 et 2016 par les deux organisations mettent en évidence l’existence de liens entre le RCD-Goma et l’homme d’affaires suisse. « Nous n’avons eu d’autre choix que de déposer une dénonciation pénale contre Christoph Huber en tant qu’individu, car la possibilité de faire de même contre une entreprise est particulièrement limitée dans le droit suisse », explique Bénédict de Moerloose, responsable du programme Procédures et enquêtes internationales au sein de TRIAL International. Dans le cas présent, cette difficulté est accentuée par le fait que les liens commerciaux de M. Huber avec les entreprises suisses en question ont entretemps été rompus. A travers cette stratégie, l’organisation espère donc obtenir une décision qui fasse jurisprudence. Reste à savoir si le Ministère public de la Confédération donnera suite.
Tout comme dans de nombreux autres pays, le cadre légal en Suisse est très peu contraignant pour les entreprises, et compte avant tout sur leur bon-vouloir. Il existe très peu de voies juridiques pour poursuivre les acteurs économiques pouvant être impliqués dans la commission de crimes internationaux.
Instaurer un devoir de diligence, assorti d’une responsabilité légale, devrait permettre que des entreprises fautives puissent rendre des comptes et non uniquement les personnes travaillant pour leur compte.
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