UE : Redoubler d’efforts pour plus de justice à travers le monde

La Journée européenne de lutte contre l’impunité met en lumière les perspectives et les défis à venir

(Bruxelles, 23 mai 2022) – L’Union européenne et ses états membres devraient prendre des mesures concrètes afin de renforcer le système judiciaire international, y compris à travers la poursuite nationale de crimes en droit international, ont déclaré dix organisations non gouvernementales aujourd’hui. Les états membres devraient étendre le champ d’application de la justice en adoptant les lois nécessaires, en créant des unités spéciales pour enquêter et poursuivre les crimes de guerre, en renforçant la coopération entre les états, et en offrant plus de soutien financier et politique à la Cour internationale de justice ainsi qu’aux autres mécanismes permettant de mettre en œuvre la responsabilité des criminels, permettant ainsi le travail requis, en toute impartialité.

Les organisations de la société civile qui sont à l’origine de cette déclaration, sont Amnesty International, le Center for Justice and Accountability (CJA), Civitas Maxima, the European Center for Constitutional and Human Right (ECCHR), la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), Human Rights Watch, The Open Society Justice Initiative (OSJI) REDRESS et TRIAL International. La coalition pour la Cour pénale internationale, dont ces organisations sont membres, soutiennent également cette déclaration. Elles ont publié cette déclaration à l’occasion de la Journée européenne contre l’impunité se déroulant à la Haye et organisée par la présidence française du Conseil de l’UE avec la commission européenne, le Réseau génocide de l’UE, et Eurojust.

« Cette année, la journée européenne de lutte contre l’impunité met en lumière le chemin qu’il reste à faire pour véritablement répondre aux violations des droits humains dans le monde » explique Balkees Jarrah, directeur ad interim de la justice internationale auprès de Human Rights Watch. « Les pays de l’UE doivent travailler ensemble pour apporter un soutien de principe à l’obligation de rendre des comptes pour les atrocités commises, non seulement en Ukraine, mais aussi dans d’autres conflits où les civils sont victimes d’abus généralisés.»

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février, les pays européens et les autres gouvernements ont œuvré afin de mettre en place une gamme d’outils de responsabilisation pour permettre la poursuite des crimes les plus graves commis en temps de conflit. Parallèlement, l’UE a clairement garanti son soutien pour toutes les mesures visant à assurer que justice soit faite en cas de crimes graves, qu’importe le lieu. L’UE et ses membres devraient apporter un soutien sans précèdent à la mise en œuvre de la responsabilité des crimes commis en Ukraine afin de renforcer la justice à travers le monde, ajoute le groupe d’organisations non gouvernementales.

Les gouvernements et corps judiciaires internationaux ont d’ores et déjà initié nombre d’actions de responsabilisation en réponse aux crimes commis en Ukraine. Le 2 mars, le procureur de la Cour pénale internationale a annoncé l’ouverture d’une enquête formelle, à l’issue d’une demande d’u groupe d’états membres de la CPI, alors que les autorités de pays comme la France, l’Allemagne, la Lituanie et la Suède ont ouvert leurs propres enquêtes grâce au principe de compétence universelle. Le 4 mars le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a voté en faveur de l’établissement d’une commission internationale d’enquête afin de documenter les crimes de guerres et les violations des droits de l’homme. L’UE a exprimé son soutien auprès de ces mécanismes pour qu’ils puissent enquêter et rassembler les preuves nécessaires pour qualifier les crimes de guerre et contre l’humanité en Ukraine.

Suite à cette décision d’ouvrir une enquête, le procureur de la CPI a lancé un appel auprès de cours des états membres pour qu’elles soutiennent son bureau et lui fassent parvenir les ressources et les preuves nécessaires pour toutes les situations visées par ces enquêtes, à travers des contributions volontaires ainsi que du personnel. Plusieurs états membres de l’UE ont depuis annoncé qu’ils fourniraient à la Cour des financements additionnels ainsi que des ressources humaines en dehors du budget déjà alloué à la CPI.

Même si la réponse encourageante des états membres de la CPI à l’appel du procureur envoie un signal d’engagement par rapport à la quête de justice internationale, celle-ci reflète aussi la reconnaissance du manque de ressources existantes de la Cour pour lui permettre de mener à bien son mandat, mentionne le groupe d’ONGs. De plus, le fait que ces promesses soient faites dans un contexte spécifique risque de laisser planer une impression de politisation et de sélectivité du travail de la Cour, ce qui mettrait en péril sa légitimité. Les états membres devraient adopter une approche de principe qui assurerait à la Cour d’obtenir des financements sur le long terme, et des ressources suffisantes afin de mener les poursuites de manière efficace et indépendante, quelle que soit l’organe ou le programme concernée, et dans le cadre de son budget ordinaire.

Avec la procédure en Ukraine, le nombre d’ouverture d’enquêtes est monté à 16 – y compris une enquête sur les crimes commis pendant la guerre de 2008 en Géorgie. Les autres enquêtes en cours portent sur des crimes internationaux commis sur l’ensemble de la planète, notamment au Bangladesh, au Myanmar, au Soudan et en Palestine.

« Le fait que la charge de travail de la Cour ait surpassé ses ressources n’est pas une nouveauté : il s’agit d’un problème institutionnel qui requiert une solution institutionnelle en renforçant son budget plutôt qu’en se reposant sur les contributions volontaires », souligne Melinda Reed, présidente actuelle de la coalition pour la CPI. « Il est clair que le manque de financements des états pour la CPI a impacté de manière négative l’effectivité de la Cour et a aussi retardé l’accès des victimes à la justice ».

Tous les membres de l’UE sont partis au Statut de Rome, fondateur de la CPI. L’UE devrait faire en sorte d’étendre le champ d’actions de la Cour en incitant d’autres pays comme l’Ukraine, les Etats-Unis, la Lybie, le Sud Soudan et le Soudan à ratifier le traité et à devenir membre de la CPI. Aujourd’hui, 123 des membres des Nations Unies sur les 193 sont parties à la Cour. L’universalité du Statut de Rome permettrait d’étendre la protection légale des victimes de crimes internationaux au niveau mondial et d’assurer que les auteurs des crimes les plus graves ne puissent pas échapper à la justice.

La journée européenne de lutte contre l’impunité concerne les différentes crises mondiales qui ont menées à l’arrivée au sein des pays européens de populations fuyant les zones de conflits, comme l’Ukraine, la Syrie, l’Irak et l’Afghanistan. Cette situation a créé une opportunité unique pour les autorités judiciaires des pays européens de procéder à une contribution significative au processus de justice pour les atrocités commises dans ces pays. La présence croissante de réfugiés et de demandeurs d’asiles signifie que les victimes, témoins, preuves matérielles et même certains suspects, autrefois difficilement atteignables, sont désormais à portée de main des autorités judiciaires nationales.

Ces dernières années, les cours nationales d’un nombre croissant de pays, majoritairement des pays membres de l’Union européenne, ont poursuivi certaines affaires impliquant des crimes de guerre, crimes contre l’humanité, ou génocide commis à l’étranger, grâce à la compétence universelle. En janvier, une cour allemande a condamné un ancien agent de renseignements pour crimes contre l’humanité et l’a condamné à la prison à perpétuité. D’autres cas présentés devant les cours européennes visaient des crimes commis au Rwanda, en République démocratique du Congo, en Afghanistan, en Irak, au Liberia, en Gambie, et dans beaucoup d’autres pays.

Les affaires de compétence universelle font parties d’un important effort international de responsabilisation des auteurs d’atrocités, de rendre justice aux victimes qui n’ont aucun autre endroit vers lequel se tourner dans leur quête de justice et s’assurer que les pays ne deviennent pas des lieux de refuges pour les auteurs de violations graves des droits de l’homme, indique le groupe d’ONGs. Néanmoins, la demande croissante devant les autorités judiciaires nationales montre que des améliorations futures sont indispensables afin d’assurer l’effectivité des poursuites nationales des crimes internationaux les plus graves.

Reconnaissant le rôle crucial des états membres dans la lutte contre l’impunité, l’UE, en 2002 et 2003, a adopté deux décisions permettant la création d’un réseau d’enquêteurs et de procureurs travaillant sur des crimes en droit international, le Réseau Génocide de l’UE, et a recommandé que les États membres créent des unités dédiées aux crimes de guerre. Plusieurs pays membres dont les Pays-Bas, la Belgique, le Danemark, la Suède, la France et l’Allemagne ont créé ces unités, composées de policiers et de procureurs spécialisé et dédiés à ces cas spécifiques. Le Réseau Génocide de l’UE a permis de renforcer la coopération et a facilité le partage de bonnes pratiques entre les pays de l’UE.

Tous les pays de l’UE ne possèdent pas de lois nationales définissant les crimes en droit international, et certains manquent de juridictions pour poursuivre ces crimes lorsqu’ils sont commis à l’étranger, laissant des disparités en matière d’impunité au sein de l’UE. Seule une minorité de pays ont mis en œuvre une unité spécialisées dans les crimes de guerre et davantage devraient envisager de le faire, ont déclaré les organisations non gouvernementales. Mais même dans les pays qui disposent d’unités spécialisées dans les crimes de guerre, celles-ci manquent souvent de personnel et de ressources, avec seulement une poignée d’enquêteurs et de procureurs malgré un nombre croissant d’affaires.

Les gouvernements des pays de l’UE doivent veiller à ce que leurs services de police et de poursuites disposent des ressources et du personnel adéquats, et leur fournir une formation continue pour faire face à l’éventail de situations où des crimes graves sont en cours.

« Le nombre croissant d’affaires de compétence universelle à travers l’Europe montre que les enquêtes et les poursuites des crimes les plus graves par les tribunaux nationaux sont possibles avec les bons outils en place », a déclaré Philip Grant, directeur exécutif de TRIAL International. « Une justice efficace et impartiale pour les crimes les plus graves est réalisable lorsqu’il existe une bonne combinaison de lois appropriées, de ressources adéquates, d’engagement institutionnel et de volonté politique. »

 

Pour accéder au suivi réalisé par TRIAL International en matière de compétence universelle :

https://trialinternational.org/universal-jurisdiction-tools/

Pour plus d’informations sur le travail de Human Rights Watch sur la justice internationale :

https://www.hrw.org/topic/international-justice

 

Pour plus d’informations, contactez :

Pour  TRIAL International, Giulia Soldan :+41-78-806-08-26 ou g.soldan@trialinternational.org. Twitter: @Trial

Pour  Human Rights Watch, Balkees Jarrah : +1-202-841-7398 ou jarrahb@hrw.org. Twitter: @balkeesjarrah

Pour la coalition pour la CPI, Virginie Amato : +32-485-193-469 ou amato@coalitionfortheicc.org. Twitter: @VirginieAmato

Pour ECCHR, Maria Bause : presse@ecchr.eu. Twitter: @ECCHRBerlin

Pour Civitas Maxima, Rebecca Senior : rebecca.senior@civitas-maxima.org. Twitter: @Civitas_Maxima

Pour FIDH, Raphaël Lopoukhine: +33-672-284-294 ou rlopoukhine@fidh.org.

 

 

 

 

Alors que le gouvernement gambien s’efforce de finaliser, dans les semaines à venir, le livre blanc qui constituera la feuille de route pour la mise en œuvre des recommandations de la TRRC, 16 organisations gambiennes et internationales de défense des droits de l’homme, dont TRIAL International, ont fait part de certains de leurs espoirs et préoccupations dans une lettre ouverte commune.

 

Lire la lettre

Genève, le 21 avril 2022 Le Tribunal militaire de garnison de Kananga a rendu mardi son verdict concernant le procès en audience foraine qui s’était ouvert le 12 avril dernier à Bana Ba Ntumba, en République démocratique du Congo. Il s’agissait pour les magistrats de juger les responsables présumés de nombreuses atrocités commises lors de l’attaque de plusieurs villages d’avril à mai 2017 dans le territoire de Dimbelenge au Kasaï-central. Appartenant à une milice associée à l’insurrection Kamuina Nsapu, les 9 prévenus ont été condamnés pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité, ainsi que pour d’autres infractions ordinaires.

Située au sud de la RDC, la région du Kasaï est tristement célèbre pour le violent conflit qui a opposé de 2016 à 2019 l’insurrection armée de Kamuina Nsapu et le gouvernement de Kinshasa. La population civile, prise en étau entre les innombrables factions armées, a subi des crimes de masse, dont la plupart sont encore impunis.

Entre avril et mai 2017, plusieurs villages, dont celui de Bana Ba Ntumba dans le territoire de Dimbelenge au Kasaï-central, ont été attaqués par une milice liée à l’insurrection armée de Kamuina Nsapu.

 

Un procès résultant d’une longue collaboration

Le procès, ouvert le 12 avril 2022, a vu 9 prévenus répondre des crimes commis sur plus que 250 victimes constituées partie civile devant le Tribunal militaire de garnison de Kananga. Ce tribunal s’est déplacé en audience foraine à Bana Ba Ntumba, lieu où les crimes ont été commis, afin de faciliter l’accès à la justice pour les victimes ainsi que la communauté locale.

Ayant ouvert un projet au Kasaï en 2020, TRIAL International a activement participé à cette affaire. Portée à son attention lors d’échanges avec ses partenaires congolais, en fin 2020 TRIAL International a facilité une mission de documentation à Bana Ba Ntumba, au cours de laquelle plus de 250 victimes ont été identifiées. En 2021, le procureur militaire a complété l’enquête afin d’obtenir toutes les preuves nécessaires et récolter les témoignages des victimes. Cela a permis de clôturer l’enquête et d’organiser le procès qui vient de s’achever. TRIAL international a également accompagné 4 avocats/es du Barreau de Kananga qui ont formé un collectif représentant les quelques 250 parties civiles victimes des crimes de la milice.

 

Une avancée considérable pour les victimes congolaises

A l’issue du procès, les 9 prévenus ont été condamnés pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité par meurtre, torture et autres actes inhumains, viol et pillage, ainsi que pour d’autres infractions ordinaires. Le tribunal a octroyé aux victimes des réparations judiciaires allant de 2’000 à 20’000 dollars américains par personne. La peine de mort a été prononcée à l’encontre des condamnés.

« Nous sommes satisfaits que la justice congolaise ait pu entendre les victimes des atrocités commises à Bana Ba Ntumba et que plusieurs responsables aient été sanctionnés. La qualification retenue de crimes de guerre et crimes contre l’humanité montre bien la gravité des actes perpétrés. En attendant de lire le texte du jugement dans son intégralité, nous nous inquiétons de l’utilisation de la peine de mort comme sanction infligée aux condamnés. Même si elle n’est pas appliquée en République démocratique du Congo, TRIAL International considère la peine de mort comme une violation du droit à la vie ainsi que du droit de ne pas être soumis à un traitement cruel, inhumain ou dégradant, droit qui est reconnu à tout individu, indépendamment des crimes qu’il/elle aurait pu commettre » souligne Daniele Perissi, Responsable du programme Grands Lacs.

« Ce procès montre que la lutte contre l’impunité progresse dans la région du Kasaï. TRIAL International espère que d’autres dossiers portant sur les crimes commis par des éléments de l’armée congolaise pendant le conflit Kamuina Nsapu puissent bientôt aboutir à des procès tant attendus par les communautés locales », affirme Guy Mushiata, Coordinateur national de TRIAL International en République démocratique du Congo.

 

 

Le travail de TRIAL International sur ce dossier est mené au sein du Cadre de Concertation de Kananga, un réseau informel d’acteurs internationaux et nationaux qui collaborent afin de soutenir le travail des juridictions congolaises dans l’enquête et la poursuite des crimes de masse en RDC.

TRIAL International collabore au Kasaï-central avec Physicians for Human Rights. Leur projet conjoint vise à renforcer l’accès à la justice en combinant leurs expertises juridique et médicale. Ce projet bénéficie du généreux soutien de l’Agence suédoise de coopération pour le développement international, Sida.

Le respect du droit international humanitaire doit passer avant la recherche du profit !

Selon des informations en possession de TRIAL International, le Ministère public de la Confédération (MPC) a formellement ouvert une procédure pénale dans une affaire de détournement de gasoil libyen. L’ouverture de cette procédure fait suite à une dénonciation pénale déposée auprès du MPC par TRIAL International en mai 2020. En l’état, TRIAL International ignore quelles sont les personnes – physiques ou morales –, ainsi que les infractions, visées par l’enquête.

Après un an d’enquête, TRIAL International et Public Eye avaient publié un rapport conjoint en mars 2020 concernant une affaire de soupçons de pillage de gasoil appartenant à la National Oil Corporation, une société d’État libyenne. L’enquête alléguait que la société́ de négoce zougoise Kolmar Group (ou une société suisse) avait acheté ce gasoil de contrebande en provenance de Libye dans le contexte du conflit armé qui y régnait en 2014 et 2015. TRIAL International avait analysé les preuves récoltées durant l’enquête et en avait conclu que le négociant suisse pourrait s’être rendu complice du crime de guerre de pillage avant de déposer une dénonciation pénale en mai 2020.

Le MPC devra donc déterminer si les faits portés à sa connaissance violent – ou non – les règles de droit. L’ouverture d’une procédure concernant de tels faits est une importante avancée dans la responsabilisation des acteurs économiques actifs dans des situations de guerre. Elle démontre la nécessité pour les entreprises qui opèrent dans de tels contextes de travailler de façon extrêmement précautionneuse, pour s’assurer que leurs agissements n’enfreignent pas le droit international.

Pour Philip Grant, directeur exécutif de TRIAL International, « le MPC envoie un signal fort à toutes les entreprises qui opèrent en zones de conflit : leurs activités doivent impérativement respecter le droit international humanitaire ». TRIAL International souligne que la justice traite rarement ce genre d’affaires. Jamais condamnation n’a en effet été rendue par un État contre un acteur économique s’étant livré à des actes de pillage depuis la Seconde Guerre mondiale. L’ONG a également déposé deux autres dénonciations pénales contre des hommes d’affaires suisses pour des actes de pillage possiblement commis dans d’autres contextes, en République démocratique du Congo et en Gambie/Sénégal, qui sont actuellement traitées par le MPC. Pour l’organisation, ces affaires ont le potentiel d’aboutir à des jurisprudences qui clarifieront pour l’ensemble des acteurs, opérant en zones de conflit ou en territoires occupés, leurs obligations au regard du droit international humanitaire et de contribuer ainsi à mettre un terme à des pratiques qui, trop souvent, alimentent directement les conflits.

Genève, le 12 avril 2022 – Aujourd’hui s’ouvre à Bana Ba Ntumba, en République démocratique du Congo, un procès forain pour juger les responsables présumés de nombreuses atrocités commises lors de l’attaque de plusieurs villages d’avril à mai 2017 dans le territoire de Dimbelenge au Kasaï-central. Appartenant à une milice associée à l’insurrection Kamuina Nsapu, les prévenus, au nombre de 8, sont mis en accusation par l’auditoire du Tribunal militaire de garnison de Kananga pour crimes de guerre et sont suspectés d’avoir notamment commis des pillages, la destruction de biens publics et privés, des meurtres et des viols sur la population civile. TRIAL international suit cette affaire depuis 2020 et 4 avocats/es formés/ées par l’organisation représentent environ 250 victimes qui ont dénoncé ces crimes. Le verdict est attendu dans les deux prochaines semaines. Il s’agit d’un signal encourageant dans la lutte contre l’impunité des groupes armés en RDC.

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Photographie prise lors de l’ouverture du premier procès de miliciens suspectés de crimes de guerre en mars 2021 au Kasaï-Central. Le tribunal de garnison militaire de Kananga. @Sosthène Kambindi

Un signal encourageant pour la lutte contre l’impunité en RDC

Entre avril et mai 2017, plusieurs villages, dont celui de Bana Ba Ntumba, dans le territoire de Dimbelenge au Kasaï-central ont été attaqués par une milice liée à l’insurrection armée de Kamuina Nsapu. De nombreuses exactions ont été commises contre la population civile lors de ces attaques : meurtres, pillages, destruction de biens public et privés, tortures et viols contre des centaines de civils, disparitions forcées, en représailles à leur refus de collaborer avec ce groupe armé. Le procès qui s’ouvre aujourd’hui verra les 8 prévenus, membres de cette milice, répondre de leurs crimes contre près de 250 victimes devant le Tribunal militaire de garnison de Kananga. Ce tribunal s’est déplacé en audience foraine à Bana Ba Ntumba, le lieu où les crimes ont été commis, afin de faciliter l’accès à la justice pour les victimes ainsi que la communauté locale.

En mars 2021, dans le premier procès pour crimes de masse tenu au Kasaï-central, un commandant, d’une autre milice locale associée à l’insurrection Kamuina Nsapu ainsi qu’un de ses bras droits ont été reconnus coupables et condamnés à la réclusion à perpétuité pour crimes de guerres.

Le Kasaï : une région marquée par les tensions et l’impunité des groupes armés

Ce procès s’ouvre un an après le précédent procès et à peine deux ans après que TRIAL International a ouvert son projet au Kasaï. C’est lors d’échanges avec les acteurs locaux que l’affaire avait été portée à l’attention de l’organisation. Fin 2020, TRIAL International a facilité une mission de documentation, pendant laquelle plus de 250 victimes ont été identifiées. Au courant de l’année 2021, le procureur militaire a mené une enquête afin d’obtenir toutes les preuves nécessaires et récolter les témoignages des victimes de Bana Ba Ntumba. Cela a permis de clôturer l’enquête et d’organiser le procès qui s’ouvre aujourd’hui. TRIAL international a accompagné 4 avocats/es du Barreau de Kananga qui ont formé un collectif qui représente les quelque 250 parties civiles victimes des crimes de la milice.

« Cette région et le village de Bana Ba Ntumba n’ont pas encore connu un procès sur les crimes commis durant cette période. Il s’agit donc d’une première pour rendre justice aux victimes qui restent sous la menace proche des auteurs, » a souligné Maître Naomie Merveille Meta, l’une des avocates formée par TRIAL International et représentant les parties civiles au procès.

La tenue de ce procès illustre que la lutte contre l’impunité se poursuit en République démocratique du Congo et que les efforts déployés par TRIAL International et ses partenaires peuvent porter leurs fruits. TRIAL International espère que d’autres dossiers portant sur les crimes commis par des éléments de l’armée congolaise pendant le conflit Kamuina Nsapu, en cours d’instruction auprès des autorités de poursuite à Kananga et à Kinshasa, puissent bientôt aboutir à des procès tant attendus par les communautés au Kasaï. La route est encore longue, mais l’espoir pour les victimes de voir les responsables condamnés et que justice soit rendue, existe.

Considérée jusqu’alors comme une région de non-droit, le Kasaï, située au sud de la RDC, est tristement célèbre pour le violent conflit qui a opposé de 2016 à 2019 l’insurrection armée de Kamuina Nsapu et les forces de sécurité étatiques. La population civile, menacées et prise pour cible par les factions armées, a subi des crimes de masse, dont la plupart sont encore impunis. En mars 2017, le Kasaï a fait la une des médias avec l’enlèvement et l’assassinat de deux experts des Nations unies, l’Américain Michael Sharp et la Suédoise Zaida Catalan, ainsi que les quatre Congolais qui les accompagnaient. Le procès des personnes suspectées de ces assassinats s’est terminé en janvier 2022 avec un verdict qui semble avoir laissé beaucoup de questionnements sur les auteurs de ces crimes.

Le travail de TRIAL International sur ce dossier est mené au sein du Cadre de Concertation de Kananga, un réseau informel d’acteurs internationaux et nationaux qui collaborent afin de soutenir le travail des juridictions congolaises dans l’enquête et la poursuite des crimes de masse en RDC.

TRIAL International collabore au Kasaï-central avec Physicians for Human Rights. Leur projet conjoint vise à renforcer l’accès à la justice en combinant leurs expertises juridique et médicale. Ce projet bénéficie du généreux soutien de l’Agence suédoise de coopération pour le développement international, Sida.

 

Avec des développements dans plus de 60 affaires devant 16 juridictions nationales, l’année 2021 a vu la compétence universelle jouer un rôle toujours plus important pour rendre justice aux victimes de crimes internationaux. TRIAL International publie aujourd’hui, en collaboration avec Civitas Maxima, le Center for Justice and Accountability (CJA), ECCHR, la FIDH et REDRESS, le rapport annuel sur la compétence universelle (« Universal Jurisdiction Annual Review » – UJAR 2022). Tout en saluant les développements importants dans nombreuses affaires fondées sur la compétence universelle en 2021, le UJAR souligne le chemin qu’il reste à parcourir pour rendre justice aux victimes de violences sexuelles en temps de conflit. Outil puissant pour lutter contre l’impunité des crimes internationaux, la compétence universelle devrait aussi servir de recours juridique aux victimes de violences sexuelles en temps de conflit. Malheureusement, ce n’est pas encore le cas. Sur les 125 chefs d’accusation prononcés l’an dernier et recensés dans le rapport, seulement 17 concernent des violences sexuelles. Le UJAR 2022 explique pourquoi et comment la compétence universelle devrait devenir un instrument plus efficace pour rendre justice aux victimes de ces crimes.

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La compétence universelle : une justice qui dépasse les frontières

Le UJAR, qui paraît aujourd’hui, documente les affaires relevant de la compétence universelle pour des crimes internationaux, comme le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, pour lesquelles des procédures initiées par des juges ou des procureurs sur l’ensemble de la planète ont connu des avancées en 2021. En 2021, 125 chefs d’accusation ont été prononcés, dont 34 pour crimes de guerre, 66 pour crimes contre l’humanité, 25 pour génocide. Seulement 17 accusations ont été enregistrées pour des violences sexuelles en temps de conflit.

Qu’ils s’agissent de crimes commis pendant le génocide au Rwanda ou lors de la guerre en Syrie ou encore durant l’ère Jammeh en Gambie, les autorités de poursuite nationales, grâce à la compétence universelle, disposent de moyens efficaces pour mettre les suspects/es d’atrocités face à leurs actes, et ainsi faire entendre les voix des victimes.

« La compétence universelle ne cesse de gagner du terrain. Avec 17 accusé/e/s actuellement en procès et 15 condamnations, la contribution de nombreux États à la lutte contre l’impunité pour crimes internationaux passe aussi, et de façon toujours plus importante, par ces affaires recensées dans le UJAR 2022 », explique Giulia Soldan, responsable du programme Procédures et Enquêtes Internationales de TRIAL International.

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La compétence universelle : un outil efficace, mais encore trop négligé, pour lutter contre les violences sexuelles en temps de conflit

Principe juridique désormais établi et dont la contribution à la lutte contre l’impunité est reconnue, la compétence universelle ne semble pas aussi efficace dans la poursuite des violences sexuelles commises en temps de conflit. Après avoir été longtemps négligés, ces crimes – tel que le viol, la stérilisation et la nudité forcées, ou encore l’esclavage sexuel – sont de plus en plus documentés et poursuivis. Y compris en 2021 dans des affaires liées à la compétence universelle, comme l’ont montré les deux verdicts contre le colonel syrien Anwar Raslan en Allemagne et celui contre le chef de guerre libérien Alieu Kosiah en Suisse.

Malgré ces progrès, les violences sexuelles en temps de conflit font encore trop rarement l’objet d’enquêtes et de poursuites dans les affaires liées à la compétence universelle. Les raisons sont diverses, notamment le fait que ces crimes n’ont souvent pas été été intégrés aux stratégies d’enquête et, lorsqu’ils sont poursuivis, sont souvent qualifiés d’actes de torture. Cependant, cette qualification juridique ne reflète pas leur réelle nature d’arme de guerre et leur usage stratégique qui vise à affaiblir le tissu social des communautés menacées. De plus, pour poursuivre ces crimes, les témoignages des victimes sont clés. Cependant, le risque de traumatiser une nouvelle fois les victimes et la stigmatisation à laquelle elles s’exposent en témoignant illustrent le besoin de formation spécifique du personnel judiciaire pour mener ces entretiens

« Les conséquences des violences sexuelles en temps de conflit vont bien au-delà de la souffrance individuelle des victimes. Elles affectent des communautés entières, détruisent les liens familiaux, infligent des dommages sur plusieurs générations. Le silence et l’impunité autour de ces crimes doivent cesse », déclare Valérie Paulet, consultante juridique pour TRIAL International et éditrice du rapport.

À propos de la compétence universelle

Le principe juridique de compétence universelle est fondé sur l’idée que les crimes internationaux sont d’une nature si grave qu’ils constituent une atteinte à tous les être humains et que la lutte contre l’impunité dont jouissent les responsables de ces crimes n’a pas de frontières. En vertu de ce principe, les États ont l’obligation de poursuivre les suspects/es de crimes internationaux se trouvant sur leur territoire – et ce où qu’aient été commis les crimes et quelle que soit la nationalité des suspects et de leurs victimes.

À propos du UJAR 2022

Cette publication a bénéficié du généreux soutien de la Oak Foundation, de la Taiwan Foundation for Democracy, de UKaid et de la Ville de Genève. Il a été réalisé en collaboration avec Civitas Maxima, CJA, ECCHR, la FIDH et REDRESS.

Lire et télécharger le UJAR 2022

Pour de plus amples informations sur le rapport :

Olivia Gerig, Chargée de communication et des relations médias

TRIAL International

+ 41 78 683 52 66

o.gerig@trialinterntional.org

 

Cette année, TRIAL International participera une nouvelle fois au Festival international du film sur les droits humains à Genève pour sa 20ème édition.

Il s’agit d’un événement culturel incontournable et au cœur des actions et de la mission de l’organisation. TRIAL International sera présente lors de cette édition pour une journée spéciale le 12 mars. Au côté des représentants de la Ville de la Genève de la Délégation Genève ville solidaire et de la chaîne de télévision, Arte, Philip Grant, directeur exécutif de TRIAL International, introduira le débat du « Grand Entretien », sur le thème Du génocide à l’écocide, avec Philippe Sands, Du génocide à l’écocide, avocat, professeur de droit international et écrivain, à l’espace Pitoëff, dans la grande salle du festival, au 52 rue de Carouge.

Avant le débat, aura lieu la projection du film Invisible Demons de Rahul Jain, à 16h30, qui raconte, dans un documentaire « vertigineux » les conséquences particulièrement catastrophiques de la croissance économique rapide en Inde ces dernières années.

Le thème de la protection de l’environnement tient particulièrement à cœur à TRIAL International sous l’angle de la responsabilité des entreprises ainsi que sous celui de l’exploitation illégale de ressources naturelles à des fins d’enrichissement personnel par certains individus. Plusieurs affaires prises en charge par l’organisation se penchent sur ces questions, comme le pillage de bois rose en Gambie pour son exportation vers la Casamance ou l’affaire de l’exploitation des ressources minières et du bois par un groupe armé dans un parc national au Sud-Kivu en République démocratique du Congo.

Pour en savoir plus :

Sur les affaires de TRIAL International:

Sur l’événement au FIFDH:

Une avancée majeure pour les victimes d’abus commis sous le régime de Yahya Jammeh

(Berlin et Genève, 03.03.2022) – La mise en accusation en Allemagne, annoncée le 03.03.2022, d’un ancien membre présumé de « l’escadron de la mort  » gambien soupçonné de crimes contre l’humanité est une étape importante pour les victimes gambiennes et la justice internationale, ont déclaré aujourd’hui TRIAL International et la Commission internationale des juristes.

Portrait de Baba Hydara, fils du journaliste assassiné le 16 décembre 2004 et membre du centre gambien pour les victimes de violations de droits humains. © Will Baxter / TRIAL International

« Bai L. » était un membre présumé du célèbre escadron de la mort connu sous le nom des « Junglers« , et mis en place par le président de l’époque, Yahya Jammeh, dont le règne de 22 ans a été marqué par des violations généralisées des droits humains. Yahya Jammeh se trouve actuellement en Guinée équatoriale, où il a fui après avoir perdu l’élection présidentielle gambienne de 2016 face à Adama Barrow, élu en décembre 2021 pour un second mandat. La Commission gambienne vérité, réconciliation et réparations (TRRC pour Truth Reconciliation and Repararions Commission) a récemment recommandé des poursuites à l’encontre de Yahya Jammeh et de nombreux autres individus, y compris Bai L. pour les crimes qu’ils auraient commis.

Bai L., arrêté par les autorités allemandes en mars 2021, est le troisième complice présumé de Jammeh à être détenu à l’étranger. Parmi les autres suspects figurent l’ancien ministre de l’Intérieur de la Gambie, Ousman Sonko, qui fait l’objet d’une enquête en Suisse depuis 2017, et un autre ancien Jungler, Michael Sang Correa, inculpé en juin 2020 aux États-Unis.

« Le bras long de la loi rattrape Yahya Jammeh et ses complices dans le monde entier », a déclaré Reed Brody, un commissaire au sein de la Commission internationale des juristes qui travaille avec les victimes de Jammeh. « Les sbires de Jammeh ont été arrêtés en Allemagne, en Suisse et aux États-Unis, et la Commission vérité gambienne a demandé à ce que ses complices en Gambie soient poursuivis, ainsi que Jammeh lui-même qui se trouve en Guinée équatoriale. »

La mise en accusation de Bai L., ainsi que les arrestations en Suisse et aux États-Unis, ont été possibles en vertu du principe juridique de compétence universelle qui permet, et parfois oblige, d’enquêter et de poursuivre les crimes les plus graves au regard du droit international, indépendamment du lieu où ils ont été commis et de la nationalité des suspects ou des victimes. Les autorités allemandes enquêtent également sur des personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes graves dans un certain nombre d’autres pays. Le 13 janvier dernier, une cour allemande a condamné un colonel syrien impliqué dans la torture de milliers de personnes, à la réclusion à perpétuité pour crimes contre l’humanité.

Les procureurs allemands accusent Bai L., qui habitait la ville de Hanovre, d’avoir en tant que Jungler, fait office de chauffeur et conduit ses complices vers plusieurs scènes de crimes entre décembre 2003 et décembre 2006. Il aurait ainsi été impliqué dans trois « ordres de liquidation », conduisant d’autres Junglers sur les lieux où des attaques ont été commises. Parmi les personnes visées figuraient l’éminent rédacteur en chef d’un journal, Deyda Hydara, critique du gouvernement de Jammeh, assassiné en 2004, un opposant présumé, Dawda Nyassi, tué en 2006, ainsi qu’un avocat, Ousman Sillah, qui a survécu à une tentative d’assassinat un an auparavant. Bai L. lui-même a décrit sa participation à ces événements dans des interviews radio en 2013 et en 2014.

« Je veux que justice soit faite pour mon père et pour toutes les autres victimes de Yahya Jammeh et de ses forces de sécurité« , a déclaré Baba Hydara, fils de Deyda Hydara et plaignant dans le cadre des poursuites en Allemagne. « Toutes les personnes impliquées dans le meurtre de mon père devront faire face à la justice et nous ne nous arrêterons pas tant que chacune d’entre elles ne sera pas traduite devant un tribunal. »

La TRRC, dont le rapport final a été publié le 24 décembre 2021 a recommandé des poursuites contre Bai L. concernant les affaires Hydara et Sillah, même s’il n’a pas été cité pour l’affaire Nyassi. La TRRC a également recommandé des poursuites à son encontre relativement au meurtre de 59 migrants ouest-africains en 2005. Les deux organisations ont demandé aux autorités allemandes d’approfondir l’enquête sur ce massacre qui constitue l’une des atrocités les plus emblématiques commises sous le régime de Jammeh. Bai L. a lui-même décrit dans l’interview radio de 2013 sa participation aux opérations ayant mené au meurtre des migrants, à l’exécution de l’ancien chef des services de renseignement Daba Marenah et de ses quatre associés en avril 2006, ainsi qu’au meurtre du frère de Jammeh, Haruna Jammeh.

L’acte d’accusation de Bai L. est maintenant soumis au tribunal régional supérieur de Celle. Si le tribunal l’approuve, un procès pourrait s’ouvrir au cours du premier semestre 2022.

« L’inculpation de Bai L. est significative à plusieurs égards« , selon Philip Grant, Directeur exécutif de TRIAL International, qui a transmis des éléments de preuve aux autorités allemandes sur cette affaire : « Cela conduirait à l’ouverture du premier procès fondé sur la compétence universelle pour juger les atrocités commises sous le régime de Jammeh et permettrait ainsi de faire la lumière sur l’unité paramilitaire des Junglers et ses liens avec l’ancien président, préparant davantage le terrain pour son inculpation. »

Le communiqué de presse relatif à l’acte d’accusation peut être consulté sur le site du procureur fédéral allemand à la page suivante : https://www.generalbundesanwalt.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/DE/aktuelle/Pressemitteilung2-vom-03-03-2022.html?nn=478184

“Il m’a fallu beaucoup de temps pour retrouver ma voix, maintenant que je peux à nouveau parler, je ne resterai plus silencieux/se”

Survivant/e de violences sexuelles liées au conflit en Bosnie-Herzégovine

Cover Study on reparations

Bosnie-Herzégovine, 02.03.2022 – Aujourd’hui, le Global Survivors Fund, TRIAL International et Vive žene, publient conjointement, l’Étude sur les possibilités de réparation pour les survivant/e/s de violences sexuelles en temps de conflits, « We raise our voices », menée en Bosnie-Herzégovine de février 2021 à février 2022. L’étude montre que les survivant/e/s de violences sexuelles liées au conflit en Bosnie-Herzégovine se sentent toujours laissé/e/s pour compte. Elle présente également des recommandations à l’intention des acteurs/trices pour répondre aux besoins des survivant/e/s et faciliter leur réinsertion dans la société.

Selon des estimations, environ 20’000 femmes et hommes ont été violé/e/s ou abusé/e/s sexuellement pendant la guerre qui a duré de 1992 à 1995 en Bosnie-Herzégovine. Parmi eux/elles, seulement 1’000 personnes ont obtenu des réparations ou sont en voie d’en obtenir. Cette différence importante peut être attribuée aux nombreux obstacles qui découragent ou empêchent les survivant/e/s d’accéder à leurs droits à des réparations.

Une solution étatique qui permettrait à toutes les victimes d’accéder à un soutien adéquat et à des droits égaux n’a jamais été adoptée dans le pays. Par conséquent, ces dernières sont confrontées à des systèmes de protection sociale complexes en raison des différences de législation entre les trois unités administratives de Bosnie-Herzégovine. En pratique, cela signifie que les survivant/e/s sont trait/e/s différemment en fonction de leur lieu de résidence, ce qui peut entraîner des inégalités et des discriminations.

« Les survivant/e/s n’ont jamais été indemnisé/e/s pour tous les immenses préjudices qu’ils/elles ont subis à la suite de violences sexuelles. Les autres mesures de soutien et les conditions pour y accéder diffèrent dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine, la république serbe de Bosnie ainsi que le district de Brčko, et amènent malheureusement à un traitement inégal des survivant/e/s, selon leur lieu de résidence », explique Adrijana Hanušić Bećriović, Senior Legal Advisor de TRIAL International et l’une des auteures de l’Étude.

Certain/e/s survivant/e/s recourent à des procédures individuelles devant les tribunaux pénaux et civils pour obtenir une indemnisation mais beaucoup d’entre eux/elles ne font pas confiance aux institutions judiciaires du pays. Non seulement les victimes trouvent que la poursuite des crimes de guerre est lente et inefficace, mais ils craignent également de ne pas pouvoir obtenir de compensation de la part des auteur/e/s des crimes. En effet, certain/e/s procureur/e/s ne remplissent par leur devoir et les condamnations des auteur/e/s à verser des indemnités aux victimes ne sont pas toujours exécutées parce qu’ils/elles se rendent insolvables ou qu’ils/elles dissimulent leurs biens. Certains/aines survivant/e/s se sentent même « encore plus victimes » des institutions judiciaires. En effet, un nombre croissant d’entre eux/elles sont contraint/e/s de payer les frais de justice des individus qu’ils/elles ont poursuivis après que leurs demandes aient été rejetées en raison de l’application du délai de prescription, pourtant contraire aux normes internationales.

En outre, les enfants nés d’un viol continuent de se battre pour faire reconnaître leur statut et sont toujours confrontés à une forte stigmatisation ainsi qu’à de nombreux autres obstacles administratifs. De nombreux/ses survivant/e/s trouvent que les réparations offertes ne sont pas adaptées à leurs besoins réels et qu’elles ne compensent pas de manière adéquate ou ne réparent pas réellement le préjudice subi. Pour y remédier, l’Étude demande la reconnaissance des enfants nés de viols et leur inclusion dans les droits aux réparations en tant que catégorie distincte de victimes ayant des besoins spécifiques.

« Le manque de soutien ne fait qu’aggraver la situation psychosociale des victimes de violences sexuelles, ce qui complique encore le processus de réhabilitation et d’intégration des survivant/e/s dans la société. Le temps n’a pas guéri leurs blessures. La Bosnie-Herzégovine doit agir maintenant », déclare Elmir Ibralić, psychologue à l’organisation Vive žene.

Avec un cadre juridique incohérent et inadéquat, il est clair que la Bosnie-Herzégovine a encore un long chemin à parcourir lorsqu’il s’agit de fournir un soutien adéquat aux survivant/e/s de violences sexuelles liées aux conflits. Près de trente ans après le début de la guerre, combien de temps reste-t-il à la Bosnie-Herzégovine pour arranger les choses pour les victimes ?

 « Les résultats de l’étude menée en Bosnie-Herzégovine montrent l’immense fossé entre les besoins des survivant/e/s de violences sexuelles liées au conflit et la réponse médiocre, voire inexistante, qu’ils/elles ont reçue de l’État », explique Esther Dingemans, directrice exécutive du Global Surivors Fund.  « Le chemin vers les réparations est souvent le combat d’une vie avec de nombreux obstacles juridiques et socio-économiques, mais cette étude est aussi la preuve qu’il y a de l’espoir lorsque toute la communauté est prête à faire tous les efforts possibles pour répondre au lourd fardeau que les survivant/e/s ont enduré, en commençant par leur fournir un soutien pour accéder aux réparations.»

À ce jour, la question de l’octroi de réparations significatives et efficaces aux survivant/e/ de violences sexuelles liées aux conflits – qui continuent de souffrir de conséquences psychologiques, physiques, économiques et sociales durables – est souvent mise sous le tapis. Comme le montre l’Étude, les survivant/e/s se sentent, à juste titre, négligé/e/s et oublié/e/s.

Malgré les difficultés à fournir un système complet et efficace de mesures de réparation, l’Étude se conclut sur une série de recommandations qui répondraient à certains des besoins les plus urgents des survivant/e/s, afin que la Bosnie-Herzégovine puisse respecter ses obligations internationales et améliorer la qualité de vie des victimes. Les auteur/e/s appellent notamment à la mise en œuvre de la décision du Comité des Nations Unies contre la torture de 2019 dans l’affaire A. v. BiH.

En Bosnie-Herzégovine, l’Étude a été menée par TRIAL International en collaboration avec une organisation partenaire locale, Vive žene. Elle fait partie d’un effort de recherche global, coordonné et mis en œuvre dans plus de 20 pays à travers le monde par le Global Survivors Fund. Le sujet de cette étude mondiale est de fournir une vue d’ensemble sur le statut et les opportunités de réparations pour les survivants de violences sexuelles liées aux conflits afin d’exercer leur droit à des réparations. L’objectif de l’étude est de fournir des recommandations spécifiques afin que les réparations soient conçues de manière centrée sur les survivants et accessibles à ces derniers. 

Pour télécharger l’étude (uniquement disponible en anglais) : Study on opportunities of reparations for survivors on conflict-related sexual violence

 

A propos des partenaires du projet :

TRIAL International est une organisation non-gouvernementale qui lutte contre l’impunité des crimes internationaux et soutient les victimes dans leur quête de justice. TRIAL International adopte une approche innovante du droit, ouvrant un chemin vers la justice pour les survivant/e/s de souffrances indicibles. L’organisation offre une assistance juridique, saisit la justice, développe les capacités des acteurs/trices locaux/cales et plaide en faveur des droits humains. TRIAL International est active en Bosnie-Herzégovine depuis 2007 et a ouvert son bureau local à Sarajevo en 2013.

Pour plus d’informations : https://trialinternational.org

TRIAL International – Bureau en Bosnie-Herzégovine a pour objectif de lutter contre l’impunité et de promouvoir la justice transitionnelle en Bosnie-Herzégovine en améliorant l’accès à la justice des victimes de crimes graves et en veillant à ce qu’elles obtiennent les réparations auxquelles elles ont droit. En soutenant les victimes de crimes de guerre en Bosnie-Herzégovine, l’organisation se concentre sur les groupes vulnérables, notamment les survivant/e/s de violences sexuelles, les familles de personnes disparues et les ancien/ne/s détenu/e/s des camps.

Pour plus d’informations : http://trial.ba

L’association Vive žene – Centre de thérapie et de réhabilitation – est une organisation non gouvernementale de premier plan qui fournit une assistance et un soutien psychosociaux aux personnes ayant vécu des expériences de guerre traumatisantes, de torture et de violence. L’association a été fondée début 1994 pour assurer l’accueil, la prise en charge et la réhabilitation des femmes et des enfants victimes de persécutions de guerre. Depuis vingt-sept ans, l’association travaille sans relâche à l’élimination des conséquences des traumatismes de guerre, à la prévention de toutes les formes de violence, à la construction d’une coopération multiethnique et au respect des droits de l’homme en Bosnie-Herzégovine.

Pour plus d’informations :  https://vivezene.ba/o-nama/

Le Global Survivors Fund («GSF») a été lancé en octobre 2019 par le Dr Denis Mukwege et Nadia Murad, lauréats du prix Nobel de la paix 2018. Sa mission est d’améliorer l’accès aux réparations pour les survivant/e/s de violences sexuelles liées aux conflits dans le monde entier, répondant ainsi à une lacune identifiée depuis longtemps par les survivants. GSF agit pour fournir des mesures de réparation intérimaires dans les situations où les États ou d’autres parties ne peuvent ou ne veulent pas assumer leurs responsabilités. GSF plaide pour que les détenteurs d’obligations ainsi que la communauté internationale développent des programmes de réparation, et guide les États et la société civile en fournissant une expertise et un soutien technique pour la conception de programmes de réparation. L’approche centrée sur les survivant/e/s de GSF est la pierre angulaire de son travail.

Pour plus d’informations :  www.globalsurvivorsfund.org

Genève, le 8 février 2022 – Il s’agit d’un pas de géant dans la lutte contre l’impunité. Le Ministère public de la Confédération (MPC) a procédé à l’audition finale de Khaled Nezzar. Le dossier du MPC retient que de nombreux crimes de guerre et crimes contre l’humanité ont été commis alors que M. Nezzar dirigeait la junte militaire et officiait comme Ministre de la défense au début de la guerre civile algérienne. Après plus de 10 ans d’instruction et de nombreux rebondissements judiciaires, la fin de la procédure ouvre la voie à un prochain renvoi en jugement de M. Nezzar devant le Tribunal pénal fédéral (TPF) pour des faits gravissimes constitutifs de complicité de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, notamment des exécutions extrajudiciaires, des actes de torture et des disparations forcées.

 

© AFP / Thomas Coex

 

Une affaire de compétence universelle historique

Après avoir procédé trois jours durant à l’audition finale de M. Nezzar à Berne entre les 2 et 4 février dernier, le MPC est sur le point de boucler son enquête. Cette étape décisive permet désormais le renvoi en jugement de M. Nezzar devant les tribunaux suisses. Le MPC reproche en effet à Khaled Nezzar d’avoir participé comme complice à la commission de multiples crimes de guerre (meurtres, torture, de traitements inhumains, détentions illégales) ainsi qu’à des assassinats dans le contexte d’une attaque systématique et généralisée contre la population civile entre janvier 1992 et janvier 1994, alors qu’il était l’homme fort du Haut Conseil d’État et officiait comme Ministre de la Défense. Une décision formelle du MPC renvoyant l’intéressé en jugement devant le TPF pourrait très prochainement être rendue.

 

Une plainte déposée par TRIAL International en 2011

TRIAL International est à l’origine de cette procédure, ayant déposé une dénonciation pénale contre M. Nezzar en octobre 2011, alors qu’il séjournait à Genève. « Nous saluons le fait que cette longue enquête se termine, ouvrant ainsi le chemin vers la justice pour les innombrables victimes de la guerre civile algérienne », a indiqué Giulia Soldan, responsable du programme Procédures et enquêtes internationales de l’organisation. Le renvoi en jugement de M. Nezzar constituerait un précédent historique : il s’agirait de la première fois au monde qu’une personne ayant officié comme chef d’État ait à rendre des comptes pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité devant une juridiction nationale ordinaire.

A l’issue de son audition finale, M. Nezzar est cependant reparti libre. L’organisation s’inquiète de ce que la détention de l’ancien homme fort d’Alger n’ait pas été ordonnée, le risque de fuite, de collusion et de pression sur les témoins et victimes paraissant important.

 

Un signal fort de la justice helvétique pour la lutte contre l’impunité de crimes internationaux

En Suisse, le procès de Khaled Nezzar serait seulement le deuxième à se tenir devant le TPF en application de la compétence universelle concernant des crimes internationaux. En juin 2021, un chef de guerre libérien avait été condamné par le TPF à 20 ans de prison pour crimes de guerre. Pour Philip Grant, directeur exécutif de TRIAL International, « il est grand temps que le renvoi en jugement de Khaled Nezzar soit ordonné. Le MPC a une occasion unique d’envoyer un message puissant aux dictateurs du monde entier. Quel que soit le pays, quel que soit le temps écoulé depuis les crimes, les responsables d’atrocités, y compris les anciens chefs d’États, doivent avoir du souci à se faire. La justice universelle pourra les rattraper ».

L’organisation, qui lutte depuis 20 ans au côté des victimes contre l’impunité des crimes les plus graves, se réjouit de ce qu’un nombre croissant d’États prennent désormais au sérieux leurs obligations découlant du droit international, et commencent à rendre justice pour les atrocités commises en Syrie, au Rwanda, dans les Balkans, au Liberia, en Algérie désormais, et ailleurs.

 

Une reconnaissance indispensable de la souffrance des victimes de la guerre civile en Algérie

Au début de la « décennie noire » en Algérie, qui aurait fait 200’000 morts ou disparus de 1992 à 2000, Khaled Nezzar était chef de l’armée par sa fonction de ministre de la Défense et de facto numéro un de la junte militaire, à la tête de troupes ayant commis un nombre incalculable d’exactions. Les violations des droits humains et des conventions internationales y étaient largement répandues et l’usage de la torture systématique. L’impunité pour ces faits est jusqu’à aujourd’hui totale. « Personne n’a jamais été poursuivi en Algérie, et encore moins jugé pour ces crimes. Il s’agit de la dernière occasion permettant d’exposer devant la justice les crimes commis durant la guerre civile algérienne », a encore ajouté Giulia Soldan.

La longue procédure contre M. Nezzar, qui a duré plus longtemps que la guerre civile algérienne elle-même, a été rendue possible par le courage des victimes et par la présence de TRIAL International et d’avocat/e/s engagé/e/s à leurs côtés. Pour l’organisation pas plus que pour les victimes, il n’était envisageable de laisser ces crimes massifs commis par le régime algérien de l’époque impunis.

Pour Me Orlane Varesano, l’une des avocates des victimes : « Mes clients, qui ont subi des tortures inimaginables, se battent depuis 30 ans pour obtenir justice. Cette nouvelle est une reconnaissance tant attendue de leurs souffrances ».

La mise en lumière des responsabilités et le jugement du principal responsable des atrocités commises pendant les premières années du conflit algérien permettrait aux victimes de torture, de disparitions forcées, de violences sexuelles et de toutes autres formes de violences perpétrées d’être reconnues et de pouvoir faire un pas vers la résilience et la reconstruction.

 

Chronologie de l’affaire

19 octobre 2011 : La présence de Khaled Nezzar est signalée sur le territoire suisse. TRIAL International dépose une dénonciation pénale auprès du Ministère public de la Confédération, qui ouvre une instruction pour crimes de guerre.

20 octobre 2011 : Khaled Nezzar est interpellé et entendu par le MPC jusqu’au 21 octobre, avant d’être remis en liberté sur la promesse de se présenter pour la suite de la procédure.

Janvier 2012 : Khaled Nezzar recourt contre les poursuites dont il fait l’objet soutenant que sa fonction de ministre de la Défense à l’époque des faits le protégeait d’éventuelles poursuites pénales en Suisse.

31 juillet 2012 : Le Tribunal pénal fédéral rend une décision historique en rejetant le recours de M. Nezzar, considérant qu’il est exclu d’invoquer une immunité pour des crimes internationaux (crimes de guerre, crimes contre l’humanité ou génocide).

Depuis 2012, 6 victimes se sont constituées parties plaignantes.

4 janvier 2017 : Le MPC classe l’affaire au motif qu’un conflit armé n’aurait pas existé au début des années 1990.

16 janvier 2017 : Les parties plaignantes déposent un recours contre l’ordonnance de classement auprès du TPF.

6 juin 2018 : Le TPF rend publique sa décision d’annuler le classement de la plainte par le MPC, lequel doit ainsi reprendre l’instruction. Le TPF reconnait notamment l’existence d’un conflit armé durant la période concernée en Algérie, et l’implication de M. Nezzar dans de nombreux crimes.

4 février 2022 : Le MPC procède à l’audition finale de M. Nezzar.

 

Télécharger le communiqué de presse en français ou en arabe

Poursuivi pour crimes contre l’humanité et incarcéré en Suisse depuis cinq ans, Ousman Sonko fait face à de nouvelles accusations formulées par la Commission Vérité, Réconciliation et Réparations (Truth, Reconcilation and Reparations Commission – TRRC) en Gambie soulignant son implication dans la répression féroce qui a caractérisé le régime de l’ancien dictateur Yahya Jammeh.

©Audrey Oettli / TRIAL International

Il y a cinq ans, jour pour jour, Ousman Sonko était arrêté en Suisse après une dénonciation pénale de TRIAL International. Le Ministère public de la Confédération (MPC) avait alors mis l’ancien chef de la police, puis ministre de l’Intérieur gambien, sous enquête pour crimes contre l’humanité. Le MPC lui reproche notamment d’avoir participé à des interrogatoires où les suspects d’un coup d’État avorté en 2006 avaient été torturés. Des violences sexuelles auraient également été perpétrées dans ce contexte.

 

Des exactions parmi d’autres

Les faits pour lesquels Ousman Sonko est placé sous enquête en Suisse ont été également examinés par la TRRC. Le travail de la commission a été lancé en 2019 pour mettre en évidence les exactions massives commises sous la présidence de Yahya Jammeh. Le 24 décembre 2021, la TRRC a rendu son rapport final, lequel liste les noms de nombreuses personnes soupçonnées d’avoir perpétré des atrocités sous l’ère Jammeh. Ousman Sonko y apparaît comme ayant joué un rôle primordial dans l’appareil répressif gambien. Le document met également en évidence plusieurs épisodes de violations graves qui ne seraient pas instruits en Suisse.

 

Tentative de dissimulation d’un massacre

La TRRC reproche notamment à Ousman Sonko d’avoir participé à la dissimulation du massacre de 56 migrants ouest-africains – dont 44 Ghanéens – en juillet 2005 par des « Junglers », une unité paramilitaire spécialement créée pour servir et protéger l’ancien Président gambien, aujourd’hui en exil en Guinée équatoriale. Selon la TRRC, Ousman Sonko aurait également planifié, en collaboration avec ce dernier, l’exécution de plusieurs détenus en 2012 et se serait rendu personnellement coupable de multiples autres actes de violences sexuelles, dont de nombreux viols dès les années 2000.

Pour Benoît Meystre, conseiller juridique chez TRIAL International, « ces nouvelles accusations mettent en évidence la place centrale qu’occupait Ousman Sonko, véritable cheville ouvrière du régime criminel de Yahya Jammeh, viennent renforcer le dossier et plaident plus que jamais pour le renvoi en jugement de M. Sonko. »

Le rapport de la TRRC peut être téléchargé à l’adresse suivante : https://www.moj.gm/downloads.

Slobodan Curcic, suspecté d’avoir commis des crimes de guerre à Foča (en Bosnie-Herzégovine) en 1992, notamment l’assassinat de deux civils bosniens et la participation avec d’autres personnes aux viols et aux abus sexuels de femmes et de filles bosniennes, ainsi que le viol d’une autre personne, a été localisé et inculpé pour ces crimes au Monténégro. Ce cas représente une importante avancée, car il s’agit du premier cas de crimes de guerre transféré de la Bosnie-Herzégovine au Monténégro. Il démontre que la lutte pour la justice et le combat contre l’impunité ne connaît pas de frontières. 

Bâtiment municipal de Podgorica, Monténégro. ©CC

TRIAL International a accompagné et soutenu la victime survivante du viol dès le départ, en lui permettant d’accéder à une aide juridique gratuite tout au long du chemin tortueux vers la justice. L’organisation a notamment facilité la communication avec le bureau du procureur de Bosnie-Herzégovine en charge de l’enquête sur son cas. En 2018, une mise en accusation a finalement été prononcée. Comme le suspect ne se trouvait alors pas dans le pays, Interpol a lancé une « notice rouge » pour son arrestation. Finalement, M. Curcic a récemment été appréhendé au Monténégro. L’accusation à son encontre a été confirmée en décembre 2021 par un tribunal monténégrin. TRIAL International a collaboré avec une organisation non gouvernementale locale, Human Rights Action, pour s’assurer que la survivante soit assistée et représentée juridiquement par un avocat pendant la procédure criminelle.

« Nous devons toujours nous efforcer de rendre justice aux survivants, quel que soit le temps écoulé depuis que les crimes ont été commis. La coopération des procureurs de la région des Balkans est essentielle pour poursuivre le plus grand nombre possible d’auteurs de crimes de guerre commis en Bosnie-Herzégovine, car beaucoup d’entre eux sont partis dans les pays voisins, pour tenter d’échapper à la justice », a déclaré Ajna Mahmić, conseillère juridique de TRIAL International.

À la fin de l’année 2020, environ 40% de cas non résolus étaient en suspens devant les tribunaux de Bosnie-Herzégovine en raison de l’absence des personnes accusées. Le rapport 2021 de la Commission européenne sur la Bosnie-Herzégovine indique que la coopération judiciaire dans les cas de crimes de guerre reste encore inefficace dans les Balkans, même si des protocoles bilatéraux de coopération spécifiques sont en vigueur entre le bureau du procureur de Bosnie-Herzégovine et ses pairs en Serbie, Croatie et Monténégro.

Le rapport relève notamment que : « Comme ils sont détenteurs de plusieurs nationalités, ces individus sont soupçonnés de résider dans les pays voisins. Ce qui leur permet d’échapper à la justice en profitant de l’interdiction en vigueur dans les pays de la région d’extrader leurs propres ressortissants pour les infractions pénales de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. » TRIAL International espère que cet exemple d’une coopération réussie entre des institutions judiciaires de la Bosnie-Herzégovine et du Monténégro, avec le soutien d’organisations non gouvernementales concernées, entrainera à l’avenir de nouveaux développements positifs dans la lutte contre l’impunité.

Des mots d’Isaac Mensah, fils de Peter Mensah, l’un des 56 migrants ouest-africains tués en 2005

 

Alors que les Nations Unies ont réitéré leur soutien aux poursuites judiciaires des crimes commis en Gambie sous la présidence de Yahya Jammeh, le chemin vers la justice dans le pays est encore long. Au cours des cinq dernières années passées chez TRIAL International, je n’ai cessé d’être impressionnée par le courage des femmes et des hommes que j’ai côtoyé/e/s, victimes des pires atrocités, qui se battent pour que leurs droits et ceux de leurs proches soient reconnus. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas reculer, les auteurs de ces terribles crimes doivent répondre de leurs actes.

Isaac Mensah, fils de Peter Mensah. © Jason Florio / TRIAL International

Isaac Mensah est le fils d’un des 56 migrants ouest-africains exécutés en juillet 2005, pour la plupart par les « Junglers », une unité paramilitaire placée sous les ordres de l’ancien Président gambien. Pour lui, comme pour les autres familles des victimes, il n’y aura pas de repos tant que la vérité n’aura pas été rendue et que les responsables de la mort de leurs proches n’auront pas été traduits en justice.

Chacun/e a le droit de se reconstruire et notre travail va au-delà de l’assistance juridique aux victimes elles-mêmes. Il permet à leurs familles d’apaiser les souffrances causées par l’incertitude, le deuil et la colère. Grâce à vos dons vous pouvez nous aider à poursuivre notre soutien aux personnes qui, comme Isaac, ont besoin de justice.

Les violations des droits humains sont un fléau, en Gambie et ailleurs, et ont des répercussions sur des générations entières. Dans le cas de ce massacre, les familles attendent la vérité depuis plus de 15 ans. Notre assistance est cruciale, mais votre soutien est indispensable : il permet l’accès à la justice et à la vérité !

 

Exceptionnellement, vous avez encore jusqu’au 20 décembre pour doubler vos dons, alors n’hésitez plus !

 

Merci infiniment,

Emeline Escafit, Conseillère juridique de TRIAL International, Procédures et enquêtes internationales.

Des mots de Ghislaine Bisimwa, Conseillère juridique de TRIAL International basée à Bukavu.

 

Au Sud-Kivu, où je travaille depuis plus de quatre ans, les exactions commises par les groupes armés qui pullulent dans la région n’ont aucune limite. Entre viols, meurtres et torture, les milices recrutent également des enfants soldats pour faire leur sale boulot. Cet enrôlement a de graves conséquences sur le développement des jeunes victimes et des répercussions à long terme, allant jusqu’à des tendances suicidaires.

©Will Baxter / TRIAL International

Mes collègues et moi-même nous battons pour que ces enfants ne soient pas doublement affectés lorsqu’une procédure pénale s’ouvre enfin contre les auteurs des crimes. En septembre dernier, lors du procès de Chance Muhonya, le chef d’une de ces milices, les témoignages des jeunes victimes ont été préenregistrés puis diffusés durant l’audience.

Cet aspect novateur est très important compte tenu des nombreux troubles post-traumatiques dont souffrent les enfants soldats. Le suivi psychologique fait partie intégrante de notre travail et ne serait possible sans le soutien de donateurs et donatrices tel/le/s que vous !

Grâce à vous, les jeunes victimes embrigadées de force peuvent faire entendre leur voix. Votre soutien leur permet de témoigner sans crainte, d’être suivi psychologiquement et d’accéder à la justice.

En cette période festive, synonyme de solidarité et de bonté, il vous reste quelques jours pour doubler vos dons jusqu’au 16 décembre ! Engagez-vous dès maintenant et permettez à vos contributions d’avoir deux fois plus d’impact sur la vie de celles et ceux qui demandent justice !

L’accès à la justice change des vies. Votre générosité permet aux anciens enfants soldats de retrouver une stabilité et de voir leurs bourreaux condamnés.

 

Merci infiniment,

Ghislaine Bisimwa, Conseillère juridique de TRIAL International basée à Bukavu, RDC.

 

Des mots de Ram Maya Nakarmi dont le mari a été enlevé en 2003

 

Lorsqu’ils sont venus chercher Padam, le mari de Ram Maya Nakarmi, tout est allé très vite. Elle m’a raconté avoir supplié le personnel de sécurité de la laisser aller au poste avec eux. Ils ont refusé mais lui ont promis que son époux reviendrait le lendemain… Depuis, 18 ans se sont écoulés.

© Sabrina Dangol / HRJC

L’incertitude liée à la disparition forcée d’un être cher, ce va-et-vient constant entre espoir et désillusion, est une véritable torture psychologique. C’est ce que Ram Maya et des centaines d’autres victimes au Népal endurent depuis des années. Vous pouvez alléger leurs souffrances et mettre fin à leur incertitude : soutenez leur quête de justice.

Grâce à vous, les victimes de disparitions forcées peuvent faire entendre leur voix. Votre soutien leur permet d’accéder à la vérité, à la justice et aux réparations. N’oubliez pas que, jusqu’au 16 décembre, votre impact est double : chaque franc versé en vaut deux !

L’accès à la justice change des vies. Votre don aide les victimes de disparitions forcées dans leur chemin vers la justice. Chaque geste compte et fait toute la différence.

De tout cœur, merci pour votre soutien,

 


Ranjeeta Silwal, Coordinatrice des droits humains de TRIAL International basée à Katmandou, Népal.

Onze organisations, dont TRIAL International, se félicitent de la présentation le 25 novembre 2021 du rapport de la Commission Vérité, Réconciliation et Réparations (TRRC) en Gambie, qui recommande la poursuite des présumés responsables des violations des droits humains survenues sous la présidence de Yahya Jammeh (1994-2017).

La TRRC et les familles des victimes à la caserne de Yundum où les corps de sept soldats assassinés ont été exhumés. © Jason Florio/ TRIAL International

Dans une déclaration publique, la TRRC a indiqué qu’elle avait identifié les noms des personnes dont elle recommandait les poursuites « expressément dans les sections pertinentes du rapport ». Bien qu’elle ne les ait pas nommés aujourd’hui, il y a très peu de doute que Yahya Jammeh était en tête de cette liste, ont déclaré les organisations.

Les témoins qui ont comparu devant la TRRC, y compris d’anciens auteurs directs, ont lié Jammeh au meurtre et à la torture d’un grand nombre d’opposants politiques, à l’assassinat de plus de 50 migrants ouest-africains, à des « chasses aux sorcières » au cours desquelles des centaines de personnes ont été détenues arbitrairement, et à un programme de traitement fictif qui obligeait les Gambiens séropositifs à renoncer à leurs traitements et à se soumettre aux soins personnels de Jammeh. Des survivants et d’anciens collaborateurs ont également décrit comment Jammeh violait et agressait sexuellement les femmes qui lui étaient amenées.

 

Et maintenant?

Selon la loi constitutive de la TRRC, le président doit, dans un délai de 30 jours, transmettre le rapport complet à l’Assemblée nationale et aux Nations-Unies, et des résumés du rapport doivent être mis à disposition du public. Dans les six mois, le gouvernement doit publier un livre blanc contenant le plan qu’il propose pour la mise en œuvre des recommandations de la Commission. Les 11 organisations ont toutefois exhorté le gouvernement de publier les résumés et de commencer à mettre en œuvre les recommandations immédiatement.

Depuis 2017, Jammeh vit en exil en Guinée Equatoriale où il est protégé malgré les obligations internationales de la Guinée Equatoriale en vertu de la Convention des Nations-Unies contre la Torture. Les organisations ont exprimé l’espoir que d’autres pays dont les citoyens ont été tués par le régime de Jammeh se joindront à la Gambie pour demander la traduction de Jammeh devant un tribunal compétent.

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