BiH : « Les familles des disparus sont épuisées par le manque de coopération des autorités locales »

08.07.2010 ( Modifié le : 17.07.2017 )

Genève, le 6 juillet 2010

TRIAL (Track Impunity Always – association suisse contre l’impunité) a déposé dans le courant du mois de juin deux requêtes devant Cour européenne des droits de l’homme contre la Bosnie-Herzégovine concernant les disparitions forcées de Esad Ališković et Enes Ramulić, perpétrées en 1992 par les forces serbes. Il s’agit des 13ème et 14ème dossiers que l’organisation a déposés devant la Cour européenne.

Le 20 juillet 1992, alors que des opérations de nettoyage ethnique avaient lieu dans toute la région de Prijedor, l’armée yougoslave a attaqué Rakovćani, un village du secteur de « Brdo » situé dans la municipalité de Prijedor. Les soldats ont arbitrairement arrêté un grand nombre d’hommes dans le village, dont Esad Ališković et Enes Ramulić,  et les ont conduits vers une destination inconnue des familles.

Plusieurs témoins ont rapporté devant le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) que suite aux attaques menées dans le secteur de Brdo, les hommes arrêtés ont été conduits au camp de Keraterm et détenus plusieurs jours dans la pièce numéro 3. Le 24 juillet, les soldats ont ouvert le feu sur les personnes détenues dans la pièce, faisant environ 130 morts. Les corps ont été transportés par camion vers une destination qui demeure inconnue à ce jour..

Cependant, plusieurs témoignages indiquent que ni Esad Ališković, ni Enes Ramulić n’auraient trouvé la mort dans ce massacre. Concernant Esad Ališković, la veille du tragique évènement, il aurait été appelé ainsi qu’une vingtaine d’autres détenus à sortir de la pièce et aurait été conduit hors du camp vers une destination inconnue. Enes Ramulić, quant à lui, était bien détenu dans la pièce numéro 3 le jour du massacre mais y aurait survécu. Il aurait été transporté quelques jours plus tard avec les autres survivants vers une destination demeurant là encore inconnue. C’est la dernière fois que les deux hommes ont été vus : ils sont depuis lors portés disparus.

Presque 18 ans après les faits, aucune enquête officielle, prompte, impartiale, minutieuse et indépendante n’a été menée par les autorités pour retrouver Esad Ališković et Enes Ramulić ou le cas échéant pour localiser, exhumer, identifier et restituer aux familles les dépouilles des deux hommes. A ce jour, aucun responsable n’a encore été poursuivi, jugé ou sanctionné pour ces crimes. Les proches des disparus ont régulièrement dénoncé ces événements devant les autorités compétentes, mais également devant les organisations internationales présentes en Bosnie-Herzégovine et les entités chargées de traiter des affaires de personnes disparues.

Le 16 juillet 2007, la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine a notamment ordonné aux institutions locales concernées de divulguer toutes les informations disponibles sur le sort et la localisation de Esad Ališković et de Enes Ramulić. Or, les autorités bosniaques n’ont à ce jour pas exécuté ce jugement et n’ont fourni aucun élément d’information pertinent aux requérants.

Pour Philip Grant, président de l’association TRIAL, « les familles des disparus sont épuisées par le manque de coopération des autorités locales. Elles doivent non seulement faire leur deuil sans avoir d’information sur ce qu’il est advenu de leurs proches, mais doivent également vivre avec le sentiment tenace que les responsables demeurent impunis ».

En juin 2010, TRIAL a donc saisi la Cour européenne de deux requêtes, lui demandant notamment de condamner la Bosnie-Herzégovine pour violation des articles 2 (droit à la vie) et 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradant) de la Convention européenne des droits de l’homme pour n’avoir pas procédé aux enquêtes et aux poursuites nécessaires. Ils allèguent être eux-mêmes victimes d’une violation des articles 3 et 8 (droit au respect de la vie familiale) en raison de l’attitude des autorités face à leurs souffrances, de l’impossibilité de faire leur deuil et d’enterrer leurs proches conformément à leur croyance.

 

Contexte

Selon les sources, entre 100’000 et 200’000 personnes ont trouvé la mort entre 1992 et 1995 durant le conflit en Bosnie-Herzégovine, et entre 25’000 et 30’000 personnes ont été victimes de disparition forcée. Près de 10’000 personnes n’ont à ce jour toujours pas été retrouvées.

Depuis sa création, TRIAL a saisi la Cour européenne des droits de l’homme de quatorze affaires concernant la Bosnie-Herzégovine. Sept autres dossiers font l’objet d’une procédure devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies. L’ensemble de ces procédures concerne 55 victimes de disparitions forcées ou de massacres, ainsi que leurs proches.
L’organisation est également active sur des affaires de disparitions forcées ou de torture en Algérie, en Libye et au Népal et défend plus d’une vingtaine de familles devant différentes instances internationales.

Pour plus d’information

Voir les actions de TRIAL en Bosnie-Herzégovine

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