Erwin Sperisen rattrapé par de nouvelles accusations au Guatemala ?

31.10.2018 ( Modifié le : 23.07.2019 )

L’ancien chef de la police civile nationale guatémaltèque, qui vient de faire appel au Tribunal fédéral de sa condamnation à 15 ans de prison par un tribunal genevois, pourrait faire face à de nouvelles accusations pour des exécutions extrajudiciaires et des actes de torture commis sur des fugitifs du pénitencier de «El Infiernito» en 2005.

Quatre responsables du gouvernement et des forces de sécurité guatémaltèques ont été arrêtés au Guatemala le 29 octobre 2018. Carlos Vielmann, ministre de l’Intérieur de 2004 à 2007, Stu Velasco, ancien sous-directeur de la police civile nationale (PNC), ainsi que deux autres personnes sont aujourd’hui sous les verrous. Mais parmi les personnes citées à comparaître par le Ministère public, il y a aussi l’ancien chef de la PNC, Erwin Sperisen, qui a fait appel de sa condamnation à Genève pour une affaire similaire survenue dans une autre prison.

La justice guatémaltèque entend faire la pleine lumière sur l’implication de ces hommes dans le «plan Gavilán». Le 22 octobre 2005, 19 prisonniers s’échappaient de la prison de haute sécurité «El Infiernito». Un plan aurait alors été échafaudé pour retrouver les fugitifs et les exécuter. Sept d’entre ont été abattus, et au moins quatre autres auraient été torturés. Selon le Ministère public guatémaltèque, les forces de sécurité étaient organisées en deux groupes: l’un, officiel, censé retrouver les fugitifs; le second, «extra-officiel», chargé de les exécuter. Ce deuxième groupe devait mettre en scène une confrontation armée entre les prisonniers et les forces de l’ordre, de façon à justifier la mort de ces derniers comme étant le résultat d’un échange de tirs.

 

Mêmes événements, nouvelles charges

Erwin Sperisen, double national suisse et guatémaltèque, a été acquitté par un tribunal genevois pour deux des assassinats des fugitifs de «El Infiernito». Mais l’enquête du Ministère public et de la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG) – basée sur 56 témoignages, des autopsies et des rapports balistiques ou de police –, le met en cause dans la mort de trois autres personnes, dont deux fugitifs du pénitencier. Lors d’une conférence de presse tenue le 29 octobre, Juan Francisco Sandoval, le chef du Bureau du procureur spécial contre l’impunité, a affirmé que le groupe officieux qui a exécuté les prisonniers recapturés était dirigé par Carlos Vielmann et Erwin Sperisen. Ceux-ci auraient en effet été tenus informés des opérations des deux groupes par Victor Rivera, alors conseiller du ministre de l’Intérieur, aujourd’hui décédé. Par ailleurs, quatre prisonniers recapturés ont témoigné des tortures qu’ils ont subies. Toujours selon M. Sandoval, trois d’entre eux ont affirmé avoir été torturés par Erwin Sperisen en personne.

«L’enquête va se poursuivre. Mais si ces faits sont confirmés, ils représentent un développement important qui devrait intéresser la justice suisse, et pourraient se transformer en autant de charges nouvelles contre M. Sperisen», indique Philip Grant, directeur de TRIAL International, qui rappelle que ce dernier n’est pas extradable. M. Sperisen et M. Vielmann avaient déjà été jugés pour d’autres crimes, l’un en Suisse, l’autre en Espagne. Condamné par la justice genevoise à 15 ans de réclusion pour complicité dans l’assassinat de sept détenus de la prison de Pavón, Erwin Sperisen devra-t-il répondre du meurtre de deux des prisonniers de «El Infiernito» et d’actes de torture? Dans une vidéo postée sur internet, il a réagi en se déclarant confiant et dénonçant un coup d’éclat politique. Même son de cloche du côté de Carlos Vielmann, acquitté en mars 2017 par un tribunal espagnol pour son rôle dans les assassinats de Pavón. Reste à voir, en présence de telles charges, si la thèse d’une conspiration parviendra encore à convaincre.

 

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