Oser rêver : pourquoi les ONG inspirent ceux qui luttent contre l’impunité

09.08.2018 ( Modifié le : 19.12.2018 )

Thomas Unger est membre du Comité de TRIAL depuis mai 2018. Il a plus de 15 ans d’expérience dans le domaine de la justice internationale et est Maître de conférence à l’Académie de droit international humanitaire et des droits humains de Genève. Comment est né son intérêt pour la justice internationale ? Quels défis voit-il pour l’avenir ? Et comment rester optimiste dans cette ère de scepticisme ?

 

TRIAL International : Comment est né votre intérêt pour la justice internationale ?

Thomas Unger : J’étais étudiant dans les années 1990, un âge d’or pour la justice internationale. Ce domaine était en plein essor avec la création des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, les premières discussions autour de la Cour pénale internationale, etc. Tout était nouveau et intéressant, beaucoup plus dynamique que les domaines traditionnels du droit. Je voulais faire partie du mouvement !

Mon intérêt a aussi une origine plus personnelle. Ma famille autrichienne a soutenu les Nazis, et plus on essayait de me le cacher, plus je questionnais cet héritage. Cette histoire m’a aussi appris à considérer les choses sous différentes perspectives : ma grand-mère a aussi été victime de violences sexuelles aux mains de l’armée russe, et mon père est né de ce crime. Il est essentiel de se rappeler que les victimes peuvent aussi être des criminels, et pas seulement dans les pays du Sud. Cela s’est aussi passé en Europe. Les crimes perpétrés il y a plusieurs générations ont un impact aujourd’hui, et ils ne disparaitront pas de sitôt. Nous devons nous y intéresser.

 

Au cours de votre carrière, vous avez travaillé pour des organisations internationales, des ONG et des gouvernements. Quel cadre avez-vous préféré, et pourquoi ?

Chaque expérience a été enrichissante à sa manière et, prises ensembles, elles m’ont donné une vision réaliste de ce que chaque acteur peut apporter à la lutte contre l’impunité. Il est aussi important de comprendre comment chaque institution fonctionne pour espérer changer les choses. Ceci dit, la société civile et le monde universitaire sont mes véritables passions.

L’initiative individuelle tient peu de place au sein des gouvernements ou des organisations internationales : ce sont des lieux hiérarchiques et bureaucratiques, et les actions qu’ils mènent sont parfois en deçà de leurs promesses. La société civile, en revanche, est plus aux prises avec la réalité des choses. Parce que les organisations de société civile ont un fonctionnement ascendant (partant du bas vers le haut), elles permettent une plus grande créativité et une plus grande liberté. Pour leur part, l’université et l’éducation permettent de générer des idées et de contribuer aux changements culturels, elles sont essentielles pour construire un avenir meilleur.

 

Pourtant, les ONG ont peu de poids sans le bon-vouloir des États … N’est-ce pas décourageant ?

Il y a des hauts et des bas, et je ressens bien sûr la frustration par moments. Mais la société civile a un rôle crucial : celui de nous donner une vision. Les ONG osent imaginer un monde où la justice est accessible à tous. Cela ne deviendra peut-être jamais réalité, mais garder cette perspective, ce rêve est la clé du changement. Et en chemin, des batailles très concrètes – et parfois spectaculaire – sont gagnées.

Je retrouve cet équilibre entre réalisme et utopie chez TRIAL International. D’une part, l’organisation possède une solide expertise juridique et a un véritable impact dans la vie des victimes. D’un autre côté, l’ONG a la vision d’un monde plus juste qu’elle partage avec un large public. Que des criminels sont poursuivis et jugés est une grande source d’inspiration, les gens ont envie de rejoindre ce combat !

 

Vous êtes membre du Comité de TRIAL International. Quels défis l’organisation pourrait-elle rencontrer à l’avenir ?

TRIAL International s’est développé très rapidement. C’est très positif, mais j’ai été témoin des dommages qu’une croissance soudaine peut causer à une organisation. Nous devons donc établir des priorités, élaborer des stratégies et planifier soigneusement le futur afin que de pas être dépassés par les changements rapides. La durabilité découle également d’une gestion solide, souvent négligée dans le secteur caritatif. Ces recommandations peuvent sembler terre-à-terre, mais c’est ainsi que TRIAL International restera un leader dans son domaine et continuera à inspirer les autres.

 

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