Violences sexuelles : le courage de témoigner

10.01.2019

Au printemps dernier, Selma Korjenić, responsable du programme Bosnie-Herzégovine, s’est rendue à Athènes avec une victime de viol soutenue par TRIAL International, pour y rencontrer des migrantes. Voici ce qui l’a marquée.

« Se battre pour ses droits n’est pas une perte de temps. Pour les victimes de violences sexuelles, témoigner permet non seulement de partager son expérience, mais parfois aussi de délier les langues. C’est ce qui s’est passé lors de notre visite en Grèce. Nous nous sommes rendues à Athènes, Semka Agic et moi-même, pour rencontrer des ONG locales qui viennent en aide aux migrants.

Violée pendant la guerre de Bosnie-Herzégovine, Semka fait partie des femmes qui ont obtenu justice avec l’aide de TRIAL International. En Grèce, elle a raconté son histoire devant des migrantes syriennes, afghanes, irakiennes et en provenance de plusieurs pays d’Afrique subsaharienne. Jetées sur les routes de la migration, ces femmes sont particulièrement vulnérables aux différentes formes de violences sexuelles. Je me souviens de l’une d’entre elle, visiblement bouleversée par le témoignage de Semka. D’un coup, elle a réalisé qu’elle n’était pas seule à avoir enduré des atrocités. Elle a pris la parole dans la foulée pour se délester de son fardeau. »

 

Raconter pour faire raconter

« Les volontaires de Glocal Roots, une ONG basée à Zurich en Suisse, sont à l’origine de cette rencontre. Leur objectif, ‘apprendre des expériences des autres.’ L’atelier auquel nous avons participé en Grèce s’inscrit dans la volonté de cette ONG de briser l’omerta autour des violences sexuelles : ‘Grâce à nos ateliers, nous entamons de nouveaux dialogues avec les survivantes de violences sexuelles liées à des conflits, et nous aidons d’autres femmes à élaborer leurs propres stratégies pour faire face à ce qu’elles ont vécu.’

Cet échange d’expériences a un double avantage. Non seulement les femmes qui n’ont pas encore osé briser le silence peuvent-elles y trouver le courage de le faire, mais c’était aussi une occasion pour Semka de transmettre son énergie, son envie de lutter en faveur de ses droits, des droits de toutes ces femmes. Si j’avais un vœu à formuler, je souhaiterais que son combat juridique serve d’inspiration pour que d’autres victimes se mobilisent à leur tour pour accéder à la justice. »

 

Sensibiliser les organisations d’aide

« Les migrantes ne sont pas pour autant les seules à retirer un bénéfice de ces rencontres : les nombreuses organisations qui viennent en aide aux migrants doivent également être à même de soutenir les victimes de violences sexuelles.

Par exemple, le Réseau Melissa, à Athènes, propose des cours de grec, une garde d’enfants et divers ateliers pour les femmes qui arrivent en Europe par la Méditerranée. Si elle est bien rôdée dans son domaine de prédilection, l’organisation n’est en revanche pas vraiment armée pour faire face aux situations de détresse que rencontrent les femmes qui ont subi des violences sexuelles. Ces dernières n’osent souvent pas parler de ce qu’elles ont vécu, de peur d’être stigmatisées ou parce qu’elles craignent de réveiller un traumatisme trop lourd à porter.

La première étape consiste donc à instaurer un climat de confiance dans lequel les femmes oseront parler de leur expérience. Mais il faut aussi apprendre comment communiquer avec les victimes de telles violences. De leur propre aveu, les bénévoles de l’organisation sont démunis pour faire face à ce genre de situation. Et à plus forte raison de chercher à leur venir en aide pour poursuivre les auteurs.

Loin d’éloigner ces organisations de leur tâche principale –l’aide d’urgence– le témoignage de Semka a permis de montrer aux intéressées comme aux professionnels qu’il existe des voies juridiques pour guérir les blessures liées aux violences sexuelles. Et que la première étape est nécessairement de briser le silence. »

 

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