Affaire Walikale : le chef de guerre Ntabo « Sheka » Ntaberi fait face à la justice

27.11.2018 ( Modifié le : 07.07.2020 )

Attendu depuis longtemps, le procès de deux chefs rebelles congolais s’est ouvert à Goma (province du Nord Kivu) le 27 novembre 2018. Des accusations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité pèsent contre Ntabo Ntaberi et son coaccusé « Lionceau », ex-leader au sein du FDLR. TRIAL International a œuvré en étroite collaboration avec des acteurs locaux et internationaux en soutien au judiciaire congolais, afin que les centaines de victimes des deux hommes accèdent à la justice.

Les juges devront décider du rôle des deux chefs de guerre dans les attaques de nombreux villages dans les territoires de Walikale et Masisi entre 2010 et 2014. Cette zone de la province du Nord Kivu a été, durant cette période, le champ de bataille de plusieurs milices, avec pour conséquences pillages, violences sexuelles, meurtres de masse et recrutement d’enfants soldats… entre autres crimes.

Ntabo Ntaberi, aussi connu sous le nom de guerre « Sheka », était le commandant de l’une de ces milices, la Nduma Defence of Congo (NDC). Lui-même et un autre chef de guerre, Séraphin Nzitonda surnommé « Lionceau », font désormais face à la justice devant la Cour militaire opérationnelle du Nord Kivu.

 

Quatre ans de terreur

De 2010 à 2014, la NDC dirigée par Sheka a attaqué et pillé des villages entiers dans les territoires de Walikale et de Masisi, tuant et violant systématiquement leurs habitants. Certaines de ces opérations ont été menées en coalition avec une unité du groupe armé des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) dirigée par Lionceau. Au total, le groupe a conduit au moins une douzaine d’attaques à l’encontre de la population civile, causant au moins 400 décès et 200 cas de violences sexuelles rapportés.

A partir de 2011, des affrontements entre la NDC et d’autres milices d’une part, et entre la NDC et l’armée congolaise de l’autre, ont provoqué des déplacements massifs de population et exacerbé des tensions ethniques préexistantes. Car pour avoir la mainmise sur les territoires de Walikale et Masisi, la NDC a commencé à cibler les populations Hunde et Hutu, accusées d’être de mèche avec les milices rivales. Des preuves de crimes d’une extrême violence et de pratiques cruelles (recrutement de plus de 150 enfants soldats, esclavage sexuel, etc.) ont été consignées pour la période entre 2012 et 2014.

Le 26 juillet 2017, Sheka s’est rendu aux Casques bleus du Nord Kivu, qui l’ont ensuite transféré aux autorités congolaises.

 

Un réseau au service de la justice

Suite à la reddition de Sheka, la justice congolaise a finalisé l’enquête ouverte sur les crimes commis à Walikale et à Masisi.

Des acteurs locaux et internationaux avaient déjà largement documenté les crimes perpétrés par la NDC et la FDLR sur ces territoires depuis 2010. Réunis au sein d’un réseau informel actif à Goma, et avec le soutien du judiciaire congolais, ils ont mené plusieurs missions d’investigation et entretiens avec des survivants et des témoins. TRIAL International s’est jointe au réseau début 2018.

Depuis qu’elle fait partie du réseau, TRIAL International a œuvré en étroite collaboration avec les avocats des victimes. Ensemble, ils ont collecté puis analysé plus de 3’000 pages de preuves et consolidé leur stratégie juridique, afin de démontrer le caractère généralisé et systématique des crimes. Ils ont également soutenu les ONG travaillant directement avec les victimes, pour préparer ces dernières aux audiences.

 

Des victimes et des témoins encore très vulnérables

Bien que ce procès soit un signe positif, les audiences constituent, à bien des égards, un défi de taille. En effet, Sheka compte encore beaucoup de partisans dans la province, ce qui suscite de sérieuses inquiétudes quant à la sécurité des victimes, des témoins et des acteurs locaux qui ont travaillé sur cette affaire.

 

Procédure

A la demande de la Défense, les audiences ont été renvoyées dès le premier jour du procès. Elles ont repris le 6 décembre 2018 avec des questions procédurales.

De mars à juin 2020, les audiences ont été suspendues en raison de la pandémie de coronavirus. Les derniers témoins ont été entendus en juillet 2020.

Le travail de TRIAL International dans cette affaire a été mené au sein du Cadre de concertation, un réseau informel d’acteurs internationaux qui coopèrent afin de soutenir le travail des juridictions militaires congolais dans l’investigation et la mise en accusation des auteurs de crimes de masse au Nord Kivu.

 

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