BiH : « Le temps continue de passer sans que justice ne soit rendue »

14.11.2012 ( Modifié le : 17.07.2017 )

Entre le 28 octobre et 5 novembre 2012, Mme Rashida Manjoo, Rapporteur Spécial des Nations unies sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, a mené, pour la première fois dans l’histoire de ce mandat, une visite officielle en Bosnie-Herzégovine.

La visite a été motivée par une allégation générale présentée en mai 2011 par TRIAL (Association suisse contre l’impunité) et 12 organisations de Bosnie-Herzégovine engagée dans la lutte contre le viol ou autres formes de violences sexuelles pendant la guerre.1 L’allégation générale vise à fournir une analyse des obstacles empêchant la pleine application des obligations internationales de la Bosnie-Herzégovine vis-à-vis des victimes de viol pendant la guerre, en particulier: l’inadéquation de la législation pénale en vigueur sur le viol; le taux élevé d’impunité pour les les auteurs de viol ou autres formes de violence sexuelle pendant la guerre; le manque de protection adéquate des témoins et des victimes de ces crimes ainsi que l’échec à fournir aux victimes une réparation intégrale et une indemnisation rapide, adéquate et équitable pour le préjudice subi. Les associations signataires de l’allégation générale ont expressément demandé au Rapporteur Spécial de procéder à une visite officielle en Bosnie-Herzégovine pour recueillir des informations de première main sur la situation des femmes victimes de viol pendant la guerre et d’émettre une série de recommandations exhaustives.

Le 30 octobre 2012, Mme Manjoo a tenu une réunion avec la société civile afin de discuter de la situation des femmes victimes de violences sexuelles pendant la guerre. TRIAL a assisté à la réunion, ainsi que les associations représentant les femmes de tous les groupes ethniques présents en Bosnie-Herzégovine, et a souligné les principales questions figurant dans son allégation générale.

A la fin de la visite, Mme Manjoo a publié un communiqué de presse contenant certaines conclusions préliminaires. En ce qui concerne les femmes victimes de violences sexuelles pendant la guerre, elle a déclaré que les récentes initiatives prises par les autorités nationales pouvaient constituer une étape positive, mais qu’elles n’en étaient pas moins entravées par des niveaux élevés de fragmentation des normes législatives et le manque de cohérence entre les autorités d’exécution, ce qui constitue une absence concrète de réparation pour ces femmes.

Le Rapporteur Spécial a affirmé qu’ « il était crucial pour les autorités gouvernementales à tous les niveaux de reconnaître l’existence des femmes civile victimes de viols et de torture, quelles que soient leurs origines ethniques ou religieuses, et de veiller à ce qu’elles aient un accès égal aux recours et aux services, quel que soit de leur emplacement physique dans le pays « . Elle a également encouragé les autorités de Bosnie-Herzégovine à s’assurer que les formes spécifiques de violence sexuelle et leurs taux élevés de prévalence dont sont victimes les femmes, soient dûment pris en considération lors de la mise en œuvre de toute initiative visant à offrir des recours judiciaires effectifs aux victimes. Mme Manjoo a réitéré qu’il était crucial que la Bosnie-Herzégovine reconnaisse les expériences rencontrées par ces femmes au cours de la guerre ainsi que leur droit à la justice, aux réparations, à l’information et à l’assistance sur la question des personnes disparues et des victimes de disparition forcée.

Le Rapporteur Spécial a noté en outre que, si l’indemnisation et la réparation n’ont pas encore été garanties aux femmes victimes de violences sexuelles pendant la guerre, même l’accès à des formes de protection sociale demeure très limité par l’absence d’un système de protection sociale homogène qui garantit l’égalité d’accès aux ressources et services dans tout le pays.

Le Rapporteur Spécial a souligné que la crainte de premier plan partagée par de nombreuses femmes victimes – pendant la guerre – de viol et de torture, femmes qu’elle a rencontrées lors de sa mission, est le fait que le temps continue à passer sans que justice ne soit rendue. En ce sens, elle a indiqué qu ‘ »il était crucial d’accélérer les efforts et parvenir à des solutions politiques au niveau de l’Etat ».

Enfin, Mme Manjoo a recommandé à la Bosnie-Herzégovine de finaliser rapidement l’adoption de la Stratégie sur la Justice transitionnelle – soulignant qu’elle garantisse la reconnaissance publique et la commémoration des femmes victimes, leur accès à l’indemnisation, y compris pour les dommages moraux, et leur autonomisation – ainsi que l’adoption de la Loi sur les Droits des victimes de torture et des victimes civiles de la guerre.

TRIAL sera activement engagée dans la diffusion en Bosnie-Herzégovine des conclusions préliminaires du Rapporteur Spécial et restera en contact direct avec Mme Manjoo afin de la tenir au courant des développements pertinents en vue de l’édition de la version intégrale du rapport sur sa mission, qui sera présenté au Conseil des Droits de l’Homme des N.U. en juin 2013.

Contexte général

Il est estimé qu’entre 20.000 et 50.000 femmes ont été victimes de viols ou autres formes de violence sexuelle au cours de la guerre de 1992-1995. Dans ce contexte, le viol a été utilisé comme moyen de mise en œuvre de la stratégie de nettoyage ethnique et afin d’augmenter la haine interethnique. A ce jour, moins de 100 personnes ont été condamnées pour ces crimes par les tribunaux nationaux et le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). L’impunité reste endémique. Le cadre juridique existant en Bosnie-Herzégovine ne permet pas aux victimes de viol ou d’autres formes de violence sexuelle d’obtenir réparation intégrale et une indemnisation pour le préjudice subi.

Pour plus d’information:

©2024 trialinternational.org | Tous droits réservés | Politique de confidentialité | Statuts | Designed and Produced by ACW