BiH : Une affaire de multiples disparitions forcées devant l’ONU

12.05.2010 ( Modifié le : 17.07.2017 )

Genève / Sarajevo, le 12 mai 2010

TRIAL (Track Impunity Always – association suisse contre l’impunité) a déposé début mai une communication devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies contre la Bosnie-Herzégovine (BH) concernant douze cas de disparition forcée, perpétrés en juin 1992 par les forces serbes. L’ONG représente 25 proches des disparus.

Le 4 mai 1992, lors de la première vague de disparitions forcées et de «nettoyage ethnique» menée par les forces serbes, Himzo Hadžić, Safet Hodžić, Mensud Durić, Rasim Selimović, Abdulah Jelašković, Sinan Salkić, Idriz Alić, Hasan Abaz, Hakija Kanđer, Emin Jelečković, Esad Fejzović et  Đemo Šehić, ainsi que plusieurs centaines d’habitants du village de Svrake, situé près de Vogošća (BH), ont été privés de leur liberté par des membres de l’armée serbe de la Republika Srpska.

Quelques jours plus tard, les femmes, les enfants et les personnes âgées faits prisonniers lors de l’opération ont été libérés, tandis que les hommes ont été maintenus en détention dans le camp de concentration de «Kakina garaza». Ils y sont restés une vingtaine de jours, à l’issu desquels plusieurs d’entre eux ont été libérés, avec obligation de se présenter deux fois par jour auprès des forces serbes. Après quelques jours, ils ont été contraints de se présenter au camp de concentration de «Planjina kuca», situé dans la municipalité de Vogošća, où ils ont de nouveau été fait prisonniers. Les détenus y ont été victimes de mauvais traitements et ont été contraints au travail forcé.

Sinan Salkić, la première victime, a été libéré aux alentours du 14 mai 1992, avec obligation de se présenter trois fois par jour au camp de Planjina kuca. Le matin du 10 juin 1992, trois ou quatre hommes se sont rendus à son domicile et l’ont arrêté. Il aurait ensuite été exécuté et son corps jeté dans le fleuve Bosna.

Pour leur part, Himzo Hadžić, Safet Hodžić, Mensud Durić, Idriz Alić, Emin Jelečković et Hakija Kanđer ont été vus pour la dernière fois le 16 juin 1992 au camp de Planjina kuća, avant d’être placés de force dans un camion, puis emmenés par les forces serbes vers une destination inconnue.

Rasim Selimović, Abdulah Jelašković, Hasan Abaz et Esad Fejzović ont, eux, été vus pour la dernière fois dans ce même camp de concentration le 18 juin 1992. Ils ont ensuite disparu.

Enfin, après avoir été témoin de la première vague d’enlèvements le 16 juin 1992, Đemo Šehić a essayé de s’échapper vers un village voisin. Il aurait été capturé et exécuté par des éléments des forces serbes.

Ce qu’il est advenu de ces douze hommes demeure inconnu depuis lors.

Presque 18 ans après les faits, aucune enquête prompte, impartiale, minutieuse et indépendante n’a été menée par les autorités pour localiser les douze disparus ou pour exhumer, identifier et restituer aux familles leur dépouille. Aucun responsable n’a encore été poursuivi pour ces crimes, en dépit des preuves permettant de les identifier. Pourtant, les familles des douze disparus ont effectué plusieurs démarches pour obtenir des informations sur leurs proches et ont régulièrement dénoncé ces événements devant les autorités compétentes et devant les organisations internationales présentes en BH. À cette date, toutes ces initiatives sont restées vaines.

Le 23 février 2006, la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine a notamment ordonné aux institutions locales concernées de divulguer toutes les informations disponibles sur le sort et la localisation des douze disparus.

Le 16 novembre 2006, la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine a dû émettre un jugement retenant que les autorités concernées n’avaient pas appliqué sa précédente décision. A ce jour, les proches des victimes n’ont reçu aucun élément d’information des autorités bosniaques concernant les disparus.

Pour Ema Čekić, présidente de l’association de familles de disparus de Vogošća, soutenue par TRIAL, «il est temps que les autorités prennent au sérieux les exigences des proches des victimes. Nous avons assez attendu, justice doit nous être rendue». Selon Philip Grant, président de TRIAL, «l’absence d’enquête et de poursuites est un traumatisme persistant pour les proches des disparus. Il faut que les autorités s’activent, et rapidement!».

Début mai 2010, TRIAL a donc saisi le Comité des droits de l’homme des Nations Unies d’une communication au nom de 25 proches des disparus, lui demandant de condamner la Bosnie-Herzégovine pour violation de diverses dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, notamment le droit à la vie (article 6), le droit à l’intégrité (article 7), le droit à la liberté et à la sécurité de la personne (article 9), le droit d’être traité avec humanité et dans le respect de sa dignité (article 10). Ces violations sont invoquées au nom des disparus. Leurs proches invoquent également, pour eux-mêmes, certaines violations du Pacte, en raison de l’attitude des autorités face à leurs souffrances et de l’impossibilité de faire leur deuil et d’enterrer leurs proches conformément à leurs convictions.

Contexte

Selon les sources, entre 100’000 et 200’000 personnes ont trouvé la mort entre 1992 et 1995 durant le conflit en Bosnie-Herzégovine, et entre 25’000 et 30’000 personnes ont été victimes de disparition forcée. A ce jour, près de 10’000 personnes n’ont toujours pas été retrouvées.

Depuis sa création, TRIAL a saisi le Comité des droits de l’homme des Nations Unies de six dossiers concernant la Bosnie-Herzégovine, douze autres affaires font l’objet d’une procédure devant la Cour européenne des droits de l’homme.

L’organisation est également active sur des affaires de disparitions forcées ou de torture en Algérie, en Libye et au Népal en défendant plus d’une vingtaine de familles devant différentes instances internationales.

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