Disparition forcée de Sahraoui AYACHE en août 1994

12.02.2016 ( Modifié le : 15.09.2016 )

En juin 2011, TRIAL a saisi le Comité des droits de l’homme des Nations unies d’une communication individuelle pour le compte de Mme Aïcha Dehimi et Mlle Nouara Ayache. Celles-ci agissent au nom de leur fils et frère, M. Sahraoui Ayache, enlevé le 12 août 1994 à Constantine, et porté disparu depuis. Cette disparition s’est produite dans le contexte des disparitions massives survenues en Algérie entre 1992 et 1998.

M. Sahraoui Ayache a été arrêté à son domicile le 12 août 1994 au matin, par des services de sécurité algériens mixtes dépourvus de motif ou de mandat. Son arrestation, ainsi que celle de parents et voisins, fit suite à l’assassinat de deux militaires dans la région et participait  à une politique de répression de l’opposition visant essentiellement les partisans du Front Islamique du Salut, accusés d’actes de terrorisme.

Emmené vers un lieu inconnu, M. Sahraoui Ayache et ses codétenus ont enduré de terribles conditions de détention. Entassés dans une cellule de quatre mètres carrés, les hommes ont été forcés de rester debout dans l’insupportable chaleur du mois d’août. En l’espace d’une journée seulement, nombreux sont décédés. Il est possible de croire que M. Sahraoui Ayache serait lui aussi mort à ce moment-là.

Plongés dans une incertitude douloureuse, les proches du disparu n’ont pourtant jamais cessé de réclamer que justice soit faite, s’adressant à ce titre à une multitude d’autorités nationales. Communiquant tant avec les autorités militaires que les services algériens de sécurité ou encore soumettant auprès des institutions nationales judiciaires et de droits de l’homme des requêtes pour qu’une enquête soit menée, aucune réponse pertinente n’a jamais su être délivrée à la famille de la victime.

Malgré les nombreuses démarches et l’espoir continu des membres de la famille de retrouver leur proche, il n’a jusque là jamais été permis de faire la lumière sur la disparition de M. Sahraoui Ayache.

Par leur communication auprès du Comité des droits de l’homme, Mme Aïcha Dehimi et Mlle Nouara Ayache demandent qu’il soit reconnu que l’Algérie a violé les articles 2, 6, 7, 9, 10, 16 et 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques à l’encontre du disparu. Elles arguent par ailleurs que les autorités algériennes ont également violé les articles 2 et 7 du même Pacte à leur encontre, la disparition de leur fils et frère étant la cause d’angoisse et de souffrance.

La procédure est actuellement en cours devant le Comité des droits de l’homme des Nations unies.

Le contexte général

Les disparitions forcées ou involontaires, dont M. Sahraoui Ayache est l’une des innombrables victimes, prirent naissance durant la guerre civile algérienne. Sortie d’une guerre de libération nationale meurtrière, l’Algérie, fière de son indépendance, bascule pourtant peu après dans une guerre fratricide qui conduira à de trop nombreux excès et violations massives des droits de l’homme. Entre 7’000 à 20’000 personnes, selon les différentes sources, ont été arrêtées ou enlevées par les services de sécurité algériens et milices armées entre 1992 et 1998, et sont encore portées disparues.

A ce jour, les familles des victimes de disparitions forcées ou involontaires restent sans nouvelles du sort de leurs proches disparus. Les autorités algériennes n’ont jamais daigné ouvrir des enquêtes suite aux plaintes et démarches effectuées, et, bien que les auteurs et les commanditaires de ces crimes soient connus, aucun d’eux n’a jamais été poursuivi ou inquiété. Par ailleurs, depuis la mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale en 2006, ces derniers bénéficient d’une amnistie à peine déguisée puisqu’il est désormais interdit de porter plainte pour des exactions comme celle endurée par M. Sahraoui Ayache, l’Algérie y percevant autant ces tentatives comme visant à «instrumentaliser les blessures de la tragédie nationale» et à mettre à mal le processus de réconciliation nationale en marche.

 

La décision

Au mois d’octobre 2014, le Comité des droits des l’homme a communiqué sa décision (appelée « constatations » dans le jargon onusien).

Le Comité a retenu que l’Algérie avait violé les articles 6 § 1, 7, 9, 10 § 1 et 16 du Pacte relatif aux droits civils et politiques, individuellement et en lien avec l’article 2 § 3 du Pacte à l’égard de la victime.

Le Comité a également constaté une violation de l’article 7 du Pacte, conjointement avec l’article 2 § 3, à l’égard de la mère et la sœur de la victime.

Le Comité a notamment enjoint l’Algérie de « mener une enquête approfondie et rigoureuse sur la disparition de Sahraoui Ayache ». L’Algérie doit également « fournir à sa famille des informations détaillées quant aux résultats de son enquête », « libérer immédiatement l’intéressé s’il est toujours détenu au secret » ou « restituer sa dépouille à sa famille » en cas de décès. Le Comité insiste par ailleurs sur l ‘obligation qu’a l’Algérie de « poursuivre, juger et punir les responsables des violations commises » et d’indemniser de manière appropriée la famille des victimes pour les violations subies, ainsi que Sahraoui Ayache s’il est toujours en vie.

Le Comité a par ailleurs demandé à l’Algérie de garantir l’efficacité de son système judiciaire domestique, en particulier en ce qui concerne les victimes de torture, d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées, et de prendre toutes les mesures pour empêcher que de telles violations se reproduisent.

 

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