Erwin Sperisen condamné : les ONG saluent une étape importante pour la lutte contre l’impunité

06.06.2014 ( Modifié le : 12.07.2017 )

Il y a près de sept ans, après un travail de longue haleine, plusieurs ONG dénonçaient Erwin Sperisen aux autorités suisses, soulignant sa responsabilité dans de graves et nombreuses violations des droits humains. Aujourd’hui, la justice genevoise vient de rendre un jugement important en condamnant l’ancien chef de la police du Guatemala à la prison à vie pour 7 exécutions extrajudiciaires commises en 2006 au Guatemala. Cette condamnation envoie un signal fort: les auteurs de crimes graves – aussi haut-placés soient-ils – ne sont pas à l’abri de sanctions pénales ; leurs victimes – quelles que soient leurs origines – méritent que justice leur soit rendue.

A l’issue de trois semaines de procès et deux jours de délibération, le Tribunal criminel de Genève a rendu son verdict le 6 juin 2014, condamnant Erwin Sperisen à la prison à vie de l’assassinat de sept personnes en 2006 au Guatemala lors de la reprise du pénitencier de Pavon.

Erwin Sperisen a cependant été acquitté pour ce qui concerne sa participation aux exécutions des fugitifs de la prison  » El Infiernito « , bien que le tribunal ait reconnu que ces détenus avaient bel et bien été tués de sang froid par la police guatémaltèque.

D’une voix commune, TRIAL (Track Impunity Always), l’Organisation Mondiale contre la Torture (OMCT), l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT-Suisse) et la Communuauté Genevoise d’Action Syndicale (CGAS) saluent le jugement rendu.

Philip Grant, Directeur de TRIAL:  » Le jugement rendu ce jour est l’illustration que l’idéal de justice poursuivi par tant de gens, en Suisse et au Guatemala, peut se concrétiser. Malgré la distance, malgré la complexité du dossier et malgré les intimidations, la détermination de nombreux acteurs, ici comme là-bas, a permis que justice soit rendue. La lutte contre l’impunité et la dignité humaine sont les grandes gagnantes du verdict rendu aujourd’hui. »

Gerald Staberock, Directeur de l’OMCT: «  Le jugement d’Erwin Sperisen restera gravé dans l’histoire de la justice genevoise, mais à plus large échelle aussi. Sa condamnation démontre que l’impunité ne règne pas en maître et que les responsables de tels crimes peuvent et doivent être punis. Nous espérons que ce jugement sera aussi un signal clair pour les autorités guatemaltèques, et qu’elles mettront tout en œuvre pour mettre fin à l’impunité et garantir aux victimes de violations des droits de l’homme l’accès à une justice impartiale. »

Bettina Ryser, Secrétaire générale de l’ACAT-Suisse: « A ce jour, sur les dix-neuf personnes à l’encontre desquelles le Guatemala a émis des mandats d’arrêt pour ces exécutions extrajudiciaires, cinq individus – dont Erwin Sperisen – ont été condamnés. Le courage des témoins, des victimes, des autorités et des ONG porte ses peu à peu ses fruits, même si le climat demeure pesant pour les victimes et les défenseurs des droits humains au Guatemala. Souhaitons que ce jugement ne soit qu’une étape suivie de nombreuses autres dans la lutte contre l’impunité là-bas. »

Chantal Woodtli et Claude Reymond de la CGAS:  » Carlos Vielman, ancien Ministre de l’Intérieur du Guatemala, fait actuellement l’objet d’une enquête en Espagne. Nous espérons que la condamnation de M. Sperisen ouvrira rapidement la voie à au jugement de l’ancien supérieur direct d’Erwin Sperisen dans ce pays. »

Rappel des faits

Procès

Un procès s’est tenu du 15 mai au 6 juin 2014 devant le Tribunal criminel de Genève, composé de sept juges. Une quinzaine de témoins a été appelée à témoigner durant deux semaines d’audiences. Parmi eux, un témoin oculaire français, ex-détenu à la prison de Pavon, des représentants de l’appareil miltaire et policier guatémaltèque, des enquêteurs de la Commission Internationale contre l’Impunité au Guatemala (CICIG), une médecin légiste, des subordonnés de M. Sperisen, ainsi que l’ancien maire de Guatemala City. Le Procureur Yves Bertossa a rendu son réquisitoire, suivi des plaidoiries de Me Alexandra Lopez et Me Alec Reymond, avocats de la partie plaignante (la mère d’une des victimes), puis de celles de Me Florian Baier et Me Giorgio Campa, avocats de la défense. Le jugement rendu aujourd’hui peut encore faire l’objet d’un appel.

Procédure et arrestation

Erwin Sperisen a été dénoncé à la justice il y a près de sept ans par une coalition d’ONG pour des atrocités commises entre 2004 et 2007, notamment les exécutions extra-judiciaires pour lesquelles M. Sperisen a été jugé. La coalition d’ONG dénonciatrices a depuis lors milité sans relâche pour qu’une enquête soit menée par les autorités de poursuite genevoises à l’encontre de ce double national helvético-guatémaltèque qui vivait à Genève. Le 31 août 2012, Erwin Sperisen a finalement été arrêté sur ordre du Ministère public genevois.

De nationalité suisse, Erwin Sperisen ne pouvait être extradé vers le Guatemala. Dès lors, le canton de Genève était seul compétent pour instruire ce dossier. M. Sperisen a ainsi été entendu par le Ministère public genevois à 11 reprises lors des auditions préliminaires. 14 témoins se sont déplacés de France, du Guatemala et d’Espagne et quatre commissions rogatoires internationales ont été adressées en Autriche, en Espagne et au Guatemala. L’enquête a convaincu le Procureur de la responsabilité pénale d’Erwin Sperisen, puisqu’il a décidé en janvier 2014 de renvoyer le prévenu devant le Tribunal criminel genevois pour l’assassinat de dix personnes au Guatemala, dont l’exécution sommaire de sept détenus lors d’une opération au centre pénitentiairePavón en septembre 2006 ainsi celle de trois détenus évadés en 2005 du centre pénitentiaire Infiernito.

Contexte

Ce jugement intervient dans un moment critique au Guatemala : Il y a un an à peine, la Cour constitutionnelle guatémaltèque annulait le jugement prononcé à l’encontre de l’ancien président Efraín Ríos Montt pour crimes contre l’humanité et génocide. Plusieurs figures importantes de l’appareil judiciaire ont depuis lors été également remplacées ou sanctionnées, et l’adoption de résolutions a restreint encore davantage la possibilité pour les victimes du conflit passé d’obtenir justice (voir le communiquéd’Amnesty International pour plus de détails à ce sujet). Tous les défenseurs des droits de l’homme s’accordent à constater le retour de pratiques d’intimidation et de subordination. L’impunité règne aujourd’hui au Guatemala.

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Communiqué en espagnol

Résumé du jugement

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