Rapport annuel sur la compétence universelle (UJAR) 2020 : poursuivre les atrocités avec justesse et rigueur

30.03.2020 ( Modifié le : 23.02.2023 )

Le dernier Rapport annuel sur la compétence universelle (UJAR) salue l’augmentation des affaires fondées sur la compétence universelle dans le monde entier. Il souligne aussi une tendance alarmante : la poursuite d’atrocités en tant que terrorisme, et non en tant que crimes internationaux.

Poursuivre les atrocités comme crimes internationaux, et non comme terrorisme, a des conséquences directes pour les victimes. © Nicole Tung

En 2019, la compétence universelle a gagné du terrain. L’année écoulée a vu un nombre sans précédent d’affaires fondées sur ce principe : 16 pays ont des poursuites en cours, 11 accusés sont actuellement devant la justice et plus de 200 suspects pourraient bientôt l’être également.

Lire le Rapport annuel sur la compétence universelle 2020 (en anglais)

La compétence universelle est désormais un principe juridique bien établi, aussi le débat a-t-il évolué. La question n’est plus s’il faut en faire usage, mais comment l’utiliser au mieux. Et un phénomène inquiétant est en train d’émerger…

 

Charges de terrorisme ou de crimes internationaux ?

La lutte contre le terrorisme est devenue une priorité politique pour de nombreux gouvernements, et les poursuites pour terrorisme ont crû en conséquence. Mais, compte tenu de ressources limitées, cela a eu une incidence négative sur les poursuites pour crimes internationaux.

Un détail ? Pas du tout. Les conséquences sont bien réelles : d’abord, le spectre de crimes poursuivis est réduit car les charges de terrorisme sont moins inclusives que celles de génocide, crimes de guerre ou crimes contre l’humanité. Ce qui est compris comme « terrorisme » varie également beaucoup d’un pays à l’autre.

« Le terrorisme n’a pas de définition internationalement reconnue » commente Valérie Paulet, Éditrice du UJAR. « Contrairement aux crimes de génocide, de torture, de crimes de guerre ou de disparitions forcées, aucun traité international ne définit clairement le terrorisme. En conséquence, chaque État a inventé sa propre définition, souvent influencée par l’actualité et l’opinion publique. »

 

Des bases juridiques bien distinctes

Autre conséquence : les victimes sont moins présentes dans les procédures, puisque le terrorisme est avant tout une atteinte à un État, et non à des individus. Difficile à justifier pour tant de survivants, pour qui accéder à la justice est un moyen de tourner la page.

L’absence de consensus sur la définition du terrorisme a une autre conséquence plus insidieuse. Elle ouvre la porte à l’arbitraire étatique, alors que les traités qui codifient les crimes internationaux (comme les Conventions contre le génocide ou les Conventions de Genève) sont précisément fondés sur la collégialité et l’édiction des standards les plus rigoureux. Autrement dit, la tendance actuelle pourrait in fine ébranler les fondements de notre droit international au lieu de la renforcer.

La volonté sans précédent des États à punir les pires atrocités est extrêmement positive. A présent, les autorités ne doivent pas céder aux pressions politiques et les poursuivre uniquement sous des charges de terrorisme. Avec le soutien de la société civile, et sur des bases rigoureuses issues du droit international, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et de génocide doivent être poursuivis pour ce qu’ils sont. Ni plus, ni moins.

Lire le Rapport annuel sur la compétence universelle 2020 (en anglais)

 

Le Rapport annuel sur la compétence universelle (UJAR) est la principale publication juridique de TRIAL International. Il a été rédigé par Valérie Paulet, en collaboration avec REDRESS, le European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR) et la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH). Il a bénéficié du généreux soutien de la Ville de Genève, de la Oak Foundation et de la Taiwan Foundation for Democracy.

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