Justice est faite pour les enfants de Kavumu

13.12.2017 ( Modifié le : 02.02.2018 )

Bukavu / Genève / New York, 13 décembre 2017. 11 miliciens ont été condamnés aujourd’hui pour des violences sexuelles contre 37 enfants, constitutives de crimes contre l’humanité. Une victoire pour les victimes, les familles, la communauté de Kavumu, les organisations mobilisées sur place et aussi pour la justice en RDC.

Après 17 jours d’audiences sous haute sécurité et une dizaine de témoins entendus dans un procès historique, la cour de Bukavu, déplacée en audience foraine dans le village de Kavumu, a rendu son verdict : 11 hommes, organisés en milice sous le contrôle du parlementaire local Frédéric Batumike, ont bien commis les viols.

C’est la première fois en RDC qu’un politicien en poste est reconnu coupable, en tant que supérieur hiérarchique, des crimes commis par lui-même et la milice qu’il contrôlait et finançait. Les 11 prévenus reconnus coupables de violences sexuelles ont été condamnés à la perpétuité, y compris Batumike.

Outre les viols des fillettes, les miliciens ont été condamnés pour leur participation à un mouvement insurrectionnel et le meurtre d’individus qui avaient dénoncé leurs exactions.

 

Les victimes et leurs familles « soulagées »

Cette issue est une victoire dans le parcours du combattant que vivent les victimes et leurs familles. Longtemps ignorées par les autorités locales, ce n’est qu’en 2016 – trois ans après les premières attaques – qu’elles ont entrevu la possibilité de voir les responsables condamnés.

Aujourd’hui, elles se disent satisfaites et soulagées : après des années à craindre de nouvelles attaques, ce verdict marque la fin de l’impunité dans le village.

« Ce verdict est un soulagement pour les victimes et leurs familles : après des années de silence motivées par la peur et le déni, leurs souffrances sont reconnues au grand jour. Le long travail de réhabilitation peut maintenant commencer pour ces jeunes filles » explique Me Charles Cubaka, le porte-parole des avocats des parties civiles.

Une réhabilitation facilitée par les 5’000 USD de réparations accordées à chaque victime de violences sexuelles. Les familles des individus assassinés, elles, ont chacune reçu 15’000 USD.

 

Un moment historique

Le procès Kavumu est un moment historique dans la lutte contre l’impunité des violences sexuelles en RDC, pour plusieurs raisons. D’une part, la systématique des attaques qui a permis de les caractériser comme crimes contre l’humanité. D’autre part, il est rare qu’un membre du Parlement encore en fonction voit ses privilèges immunitaires suspendus et soit traduit en justice, et que témoins et survivants voient leur identité protégée par la cour.

Le procès est également une première dans la mesure où des éléments de preuves médico-légales ont été recueillis d’une manière scientifique, méthodique et rigoureuse. Enfin, cette affaire a profité d’une collaboration historique entre les familles, les représentants de la société civile et les ONG, et des experts locaux, nationaux et internationaux.

 

Un procès aux nombreux rebondissements

Non pas que le procès se soit déroulé sans difficultés. Repoussées à de nombreuses reprises, les dates des audiences sont restées incertaines jusqu’au dernier moment.

Les prévenus, quant à eux, ont adopté diverses techniques dilatoires : négations en bloc, réfutation des témoignages et, dans le cas du député Batumike, tentatives répétées de décrédibiliser la cour. Son accusation de partialité envers deux juges a retardé le procès de plusieurs jours avant d’être rejetée. Il a passé la fin des audiences muré dans un silence buté, refusant de coopérer avec la cour.

Face à ces difficultés, les ONG qui ont accompagné et soutenu le procès retiennent la qualité des audiences.

« Les expertises et les nombreuses preuves ont mis en lumière l’organisation de la milice et sa hiérarchie. L’existence d’une systématique dans leurs crimes a été cruciale pour qu’ils soient reconnus comme des crimes contre l’humanité » explique Daniele Perissi, responsable du programme RDC de l’ONG TRIAL International.

 

Créer un précédent pour les autres victimes

« Ce procès prouve que quand l’enquête est bien menée et des preuves sont méthodiquement recueillies, le système judiciaire congolais a les capacités de rendre justice, même quand les accusés sont détenteurs de pouvoir et très bien organisés. A présent, charge aux autorités de généraliser ces efforts à l’ensemble de la RDC » ajoute Karen Naimer, Directrice du programme contre les violences sexuelles en zones de conflit de l’ONG Physicians for Human Rights.

L’impunité pour les crimes de masse restent la norme dans l’est de la RDC, en raison d’une situation sécuritaire volatile et de moyens insuffisants du judiciaire. Les exemples positifs comme celui de Kavumu sont essentiels pour redonner espoir aux victimes qui attendent encore justice.

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