La justice peut-elle triompher? Cette victime en est certaine.

12.12.2016 ( Modifié le : 28.03.2017 )

En 1992, alors qu’elle était encore mineure, K. (pseudonyme) a été violée à plusieurs reprises par des soldats de l’armée Republika Srpska. Aujourd’hui âgée d’une quarantaine d’années, elle est plus déterminée que jamais à voir ses agresseurs poursuivis et punis.

Notre entretien avec K. a été organisé dans un restaurant de la petite ville calme du nord-est de la Bosnie où elle habite. Dès son arrivée, deux impressions émanent de K. : force et résistance. La ténacité dont elle fait preuve, malgré son agression alors qu’elle n’était qu’une enfant, impose le respect. C’est avec une franchise étonnante qu’elle nous parle du système judiciaire bosnien, et ses espoirs pour le futur du pays.

 

Une détermination inflexible depuis 23 ans

La quête de justice de K. a commencé dès 1994, quand a rapporté aux autorités les viols qu’elle avait subis (un acte d’un grand courage surtout au vu de son jeune âge). Mais la guerre faisait alors rage en Bosnie-Herzégovine et sa plainte a rejoint des milliers d’autres pour violences sexuelles. Elle est peu à peu tombée dans l’oubli.

K. ne cache pas sa frustration de l’époque, d’autant plus qu’elle avait déjà identifié certains de ses agresseurs : « Je n’étais pas du tout satisfaite du travail du Procureur. Je me demandais ce qui pouvait prendre tant de temps».

Pendant des années, son cas est resté au point mort. En 2013, c’est toujours avec la même détermination que K. a contacté TRIAL International afin que justice soit rendue. Grâce au soutien de l’ONG, une enquête a enfin été ouverte.

Qu’est-ce qui l’a motivée à persévérer pendant tant d’années ? K. nous confie que les expériences d’autres victimes lui ont donné du courage. « Quand j’entends des histoires semblables à la mienne, où des victimes ont reçu des réparations et ont fait poursuivre leurs agresseurs, cela me donne de la force et je reprends confiance ».

 

Des réparations synonymes d’émancipation

Lorsqu’on touche au sujet des compensations, K. insiste sur la différence entre réparations et condamnation.  Elle estime que les réparations sont une expiation bien plus personnelle. Comme l’explique une autre victime, « les agresseurs sont punis par l’Etat, mais les réparations sont la punition que les victimes obtiennent ».

« Je pense que les coupables devraient verser des réparations aux victimes en plus de purger leur peine », dit K. vivement. « S’ils ne peuvent pas payer, ils peuvent peut-être échanger des années d’emprisonnement contre de l’argent, et je ne trouve pas ça juste. Une condamnation ne peut pas remplacer des réparations, et vice versa ».

Pour cette raison, K. estime que les pensions d’Etat versées aux victimes de la guerre ne sont pas des réparations. « Les pensions sont des aides sociales, elles ne nous rendent pas justice », dit-elle avec un haussement d’épaule. D’autres victimes auxquelles nous avons parlé étaient également de cet avis. Elles estiment que les pensions sont importantes, mais qu’elles ne donnent pas aux victimes le même sentiment d’émancipation, et celles-ci se retrouvent une fois de plus dans une posture passive.

Plus important encore, les pensions ne sont pas versées par les coupables. Pour K., ce n’est pas l’aspect financier qui importe le plus, mais plutôt le lien qu’établissent les réparations entre les victimes et leurs agresseurs, en rappel d’un crime qui ne sera oublié par aucune des parties.

« À chaque fois que les coupables me verseront de l’argent, cela les renverra à leurs crimes. C’est une mesure symbolique très importante, un outil de dissuasion pour le futur. Ces crimes ne peuvent pas se reproduire. »

Alors que notre entretien touche à sa fin, K. insiste une fois de plus sur sa confiance en la justice : « Cela a beau faire 23 ans, je pense vraiment qu’un jour mes agresseurs seront arrêtés et condamnés. J’y crois profondément. »

Lire le rapport complet : Compensating Survivors in Criminal Proceedings, Perspectives from the field (en anglais et bosnien uniquement)

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