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Erwin Sperisen: Procès en appel du 4 au 8 mai 2015

30.04.2015 ( Modifié le : 12.07.2017 )

Le procès en appel d’Erwin Sperisen se tiendra du 4 au 8 mai 2015 à Genève: les ONG espèrent que la lutte contre l’impunité en sortira renforcée

 

Erwin Sperisen sera rejugé à Genève du 4 au 8 mai 2015. En effet, ses avocats avaient fait appel de la condamnation à perpétuité prononcée le 6 juin 2014 pour sept assassinats. Le Tribunal de seconde instance devra ainsi réexaminer sa responsabilité dans les exécutions extrajudiciaires de dix détenus lors d’opérations menées par la police guatémaltèque. Pour les ONG ayant dénoncé Erwin Sperisen aux autorités suisses, ce procès sera l’occasion de refaire toute la lumière sur les faits tragiques reprochés à l’ancien chef de la police du Guatemala. Si elles ne peuvent prédire l’issue du procès, elles espèrent néanmoins qu’il viendra rappeler que nul Suisse ne peut – ici ou ailleurs – enfreindre la loi sans en payer les conséquences. Alors que le Guatemala souffre toujours de la corruption et du crime organisé, ce jugement en appel recèle un fort potentiel : celui de contribuer au recul de l’impunité dont ont trop longtemps bénéficié les membres de l’appareil d’Etat guatémaltèque. 

Le 6 juin 2014, Erwin Sperisen, citoyen suisse et guatémaltèque, a été condamné à la prison à perpétuité. Compte tenu de la gravité des faits, du nombre de victimes ainsi que de l’absence d’empathie et de prise de conscience affichée par l’ancien chef de la police nationale du Guatemala, les juges du Tribunal criminel genevois avaient estimé que « seule une peine privative de liberté à vie [était] susceptible de sanctionner le comportement du prévenu » (voir le communiqué du pouvoir judiciaire). Ce jugement a rappelé que les auteurs de crimes graves – aussi haut-placés soient-ils – ne sont pas à l’abri de sanctions pénales et que leurs victimes – quelles que soient leurs origines – méritent que justice leur soit rendue.

Erwin Sperisen et ses avocats ont fait recours de cette décision. Erwin Sperisen sera donc appelé à comparaître lors d’un procès de seconde instance qui se tiendra du 4 au 8 mai prochain devant la Chambre pénale de la Cour de justice de Genève.

L’ancien chef de la Police nationale civile du Guatemala (PNC) avait été dénoncé à la justice il y a huit ans par une coalition d’ONG qui soupçonnaient les troupes sous ses ordres d’avoir commis de graves et nombreuses violations des droits humains(exécutions extra-judiciaires, tortures, disparitions forcées et violences sexuelles). Le 31 août 2012, Erwin Sperisen avait finalement été arrêté sur ordre du Ministère public genevois et maintenu en détention provisoire jusqu’à son procès en 2014.

Pendant trop longtemps, l’appareil d’Etat guatémaltèque a cohabité avec le crime organisé et fait fi de l’Etat de droit. Aujourd’hui, journalistes et défenseurs des droits humains continuent d’être menacés, harcelés ou tués. Les auteurs de graves violations bénéficient quant à eux d’une large impunité. Pour les ONG, il est temps que l’Etat de droit puisse enfin régner au Guatemala. A quelques mois du procès en Espagne de Carlos Vielman, son ancien supérieur, et peu de temps après la condamnation de son subordonné Victor Soto Diéguez à 33 ans de prison au Guatemala, elles espèrent que le second procès d’Erwin Sperisen contribuera au recul de l’impunité.

 

Le procès d’Erwin Sperisen en 10 questions

1. Qui est Erwin Sperisen ?

Erwin Johann Sperisen Vernon est de nationalité suisse et guatémaltèque. Ce fervent adepte de l’Eglise évangélique, issu d’une famille fortunée, est né le 27 juin 1970. Il réside à Genève depuis mars 2007 et est marié et père de trois enfants. Ancien assistant de sécurité auprès du Maire et Conseiller municipal de Guatemala City (2003), il œuvre comme chef de la Police nationale civile (PNC) d’août 2004 à mars 2007. Il démissionne de son poste après l’assassinat de parlementaires salvadoriens par ses troupes (affaire Parlacen), et trouve refuge dans son pays d’origine : la Suisse. Il est arrêté le 31 août 2012 par les autorités de poursuite du Canton de Genève, qui le soupçonnent d’être impliqué dans plusieurs affaires d’exécutions extrajudiciaires (affaires Pavón et Infiernito). Depuis son arrestation, il est incarcéré à la prison de Champ-Dollon (Genève).

2. Quels faits lui sont reprochés?

Erwin Sperisen a fait l’objet d’un mandat d’arrêt émis par les autorités guatémaltèques en août 2010. Il a été dénoncé aux autorités pénales suisses pour son implication et celle de ses troupes dans les crimes suivants : exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées, torture et violences sexuelles. Il a été condamné à la prison à vie pour sept assassinats lors de l’opération de reconquête de la prison Pavón en 2006.

3. Pourquoi est-il jugé en Suisse ?

Le mandat d’arrêt du Guatemala n’aurait pas pu aboutir à l’extradition d’Erwin Sperisen vers ce pays, puisque la Constitution suisse interdit à la Suisse d’extrader ses propres ressortissants. La Suisse a par contre l’obligation de les juger, même si leurs crimes ont été commis à lréalisent ainsi la procédure à lne sont pas liés par les conclusions du tribunal de permière instance. s procès, ceux-ci se base’étranger.

4. Y-a-t-il d’autres personnes jugées pour les mêmes faits ?

Plusieurs autres individus impliqués dans les même faits ont eu affaire à la justice :

  • Victor Soto Diéguez, ancien chef des Enquêtes de la PNC, a été définitivement condamné à 33 ans de prison au Guatemala en janvier 2015, pour les assassinats commis dans les affaires Pavón et Infiernito.
  • Axel Arnoldo Martínez Arriaza et Víctor Manuel Ramos Molina, tous deux anciens membres de l’équipe d’investigation de la PNC ont été condamnés à 25 ans de prison ferme au Guatemala.
  • Javier Figueroa, ancien bras droit d’Erwin Sperisen, a été acquitté par un Jury populaire en Autriche en 2014. Son frère Aldo Stéfano Figueroa Díaz a été condamné à 15 ans de prison au Guatemala.
  • Carlos Vielman, ancien Ministre de l’intérieur, attend toujours son procès en Espagne. D’après nos sources, ce procès devrait s’ouvrir dans les mois qui viennent.

5. Quelle différence y aura-t-il entre le premier procès l’an dernier et celui de deuxième instance ?

Il s’agira d’un procès similaire au premier. Les juges pourront revoir les faits et le droit. Ils pourront librement apprécier les preuves du dossier. Par contre, comme un nombre important de témoins a déjà été entendu lors du premier procès, les juges devraient se baser sur les preuves et les témoignages déjà administrés en première instance.

6. Le verdict de ce deuxième procès peut-il vraiment être différent du premier ?

Il n’appartient pas aux ONG de faire des pronostics sur l’issue d’un procès. Le procès en première instance s’est conclu par un jugement circonstancié de plus de 130 pages s’appuyant sur une multitude de preuves accablantes et une condamnation à la prison à perpétuité. Cependant, les juges de la Chambre pénale ne sont pas liés par les conclusions du Tribunal criminel. C’est au Tribunal de deuxième instance de se faire une opinion et de rendre public son verdict.

7. Quelle sera la suite après ce deuxième verdict?

Si la condamnation et la peine de M. Sperisen se voient confirmées à l’issue de ce 2èmeverdict, le prévenu pourra faire recours devant le Tribunal fédéral. Mais les faits ne seront en principe plus revus devant cette instance : seules les questions d’éventuelles violations du droit ou d’une appréciation arbitraire des faits y seront traitées. Ainsi, la version des faits établie par la Cour de justice genevoise prévaudra devant le Tribunal fédéral, qui n’entendra plus aucun témoin ni expert. En revanche, si le second procès se solde par un acquittement, M. Sperisen pourrait demander une indemnisation pour le temps passé en détention.

8. Quel est le rôle des ONG dans cette affaire ?

Des associations guatémaltèques enquêtaient depuis 2004 sur les troupes d’Erwin Sperisen, suspectées d’avoir commis des crimes graves. En 2008, la CGAS(Communauté genevoise d’action syndicale), l’ACAT-Suisse (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture) et le syndicat Uniterre ont déposé une 1ère dénonciation pénale contre Erwin Sperisen auprès du Ministère public genevois. TRIAL et l’OMCT(Organisation Mondiale Contre la Torture) ont déposé une deuxième dénonciation pénale en 2009. Pendant deux ans, les ONG ont relancé à plusieurs reprises le Ministère public genevois (Procureur général Daniel Zapelli) pour qu’une instruction s’ouvre. Le lancement d’un mandat d’arrêt international à l’encontre d’Erwin Sperisen et 18 autres suspects a permis son arrestation. Les ONG n’ayant pas accès à la procédure, elles auront durant le procès un rôle d’observation et de sensibilisation. Elles réaliseront ainsi un travail d’information, en rappelant la gravité des crimes commis au Guatemala, le besoin de justice des victimes et la nécessité de lutter contre l’impunité.

9. Le Guatemala est un pays différent de la Suisse. L’usage de la force par la police ne peut-il pas se justifier ? 

Le Guatemala est un pays marqué par une grande violence, mais ce n’est pas pour autant le far-west. Il s’agit d’un Etat qui dispose d’une Constitution, de lois et qui a ratifié les conventions internationales de protection des droits de l’homme. Le meurtre ou la peine de mort n’y sont pas plus autorisés qu’en Suisse. Et l’assassinat de détenus n’y est pas non plus permis. Les détenus que Sperisen et ses troupes auraient abattus purgeaient une peine de prison pour avoir violé la loi. Or, ils disposaient comme tout citoyen de droits fondamentaux : le droit à la vie et celui à un procès équitable. Les membres des forces de police sont là pour faire respecter la loi, pas pour la violer. Ils ne disposent pas d’un droit de vie ou de mort sur leurs concitoyens.

10. Pourquoi la lutte contre l’impunité reste encore aujourd’hui un enjeu important au Guatemala ?

Le pays est gangréné par une violence extrême et un niveau élevé de corruption ; autant d’obstacles importants dans la lutte contre l’impunité. Le terme mis il y a quelques mois au mandat de la Procureur général Claudia Paz y Paz – qui a beaucoup œuvré pour l’Etat de droit – est très préoccupant, tout comme les tentatives de faire cesser le mandat de la CICIG (Comission des Nations unies contre l’impunité au Guatemala). Les journalistes et défenseurs des droits humains sont aussi régulièrement la cible de menaces, voire d’exécutions, tandis que les auteurs de ces crimes restent souvent impunis. L’impunité régnante favorise la violence et la criminalité au Guatemala.

 

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