Mort du président Pierre Nkurunziza : quel avenir pour les victimes au Burundi ?

10.06.2020

Pierre Nkurunziza est décédé le 8 juin 2020 d’un arrêt cardiaque, selon les sources officielles. Que signifie cette mort soudaine pour ce petit pays en proie à une grave crise depuis plus de cinq ans ?

Le décès de Pierre Nkurunziza ne signifie pas la fin de la lutte contre l’impunité au Burundi. ©Landry Nshimiye

Pierre Nkurunziza a été le président du Burundi pendant 15 ans. Les cinq dernières années de son mandat ont été marquées par une forte augmentation des pires violations des droits humains : disparitions forcées, arrestations arbitraires, tortures, violences sexuelles, etc. C’est d’ailleurs la décision de Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat qui avait déclenché le chaos politique en avril 2015, qui s’est ensuite mué en une « crise normalisée ».

 

Quel avenir pour les victimes en quête de justice ?

Certaines victimes des exactions commises sous l’ère Nkurunziza ont senti que la justice pourrait leur échapper. C’est le cas de Pierre-Claver Mbonimba, défenseur des droits humains plusieurs fois incarcéré et torturé : « J’ai été victime de ce gouvernement, alors si le chef du gouvernement n’est plus, c’est à dire qu’il sera difficile de le poursuivre devant la justice. C’est cela qui me fait mal. On attendait la justice, mais maintenant, ce sera difficile », a-t-il témoigné au micro de Deutsche Welle.

Pourtant, la lutte contre l’impunité ne s’arrête pas avec la mort de Pierre Nkurunziza. « Tous les membres de l’appareil étatique qui se seraient rendus coupables d’exactions doivent être tenus pour responsable. Cela va des hauts gradés de l’armée aux policiers, en passant par les agents du Service national de renseignement » explique Pamela Capizzi, Coordinatrice nationale pour le Burundi à TRIAL International.

Par ailleurs, les affaires portées contre l’État du Burundi lui-même, en tant qu’entité juridique, restent actuelles. « Les instances onusiennes ou la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples ne condamnent pas des individus mais des États » clarifie Pamela Capizzi.

 

Une opportunité à saisir ?

Indépendamment des causes du décès du président – certaines sources allèguent que c’est le coronavirus qui a emporté Pierre Nkurunziza – la question de son héritage politique reste entière. Il y a quelques semaines, les élections ont désigné son successeur à la présidence, Evariste Ndayishimiye. Mais Pierre Nkurunziza serait resté influent même après la passation de pouvoir prévue en août, en tant que « guide suprême du patriotisme ».

« Le Burundi a peut-être aujourd’hui une chance de tourner la page de la présidence Nkurunziza, de renouer avec la communauté internationale et de faire la lumière sur les crimes du passé » conclut Pamela Capizzi. « L’avenir dira si ses successeurs saisiront cette opportunité ».

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