Un ancien policier bosno-serbe, Darko Mrđa, a été condamné vendredi dernier à 15 ans de prison pour crimes contre l’humanité. Il comparaissait pour le meurtre de Said Sadić, enlevé chez lui en août 1992 et disparu depuis.

« Tu n’auras plus besoin de tes chaussures », aurait lancé Darko Mrđa à Said Sadić lorsqu’il est venu le chercher chez lui, dans le village de Tukovi, avant de le tuer à deux kilomètres de chez lui. La disparition de Said Sadić fait partie de 50 affaires de disparitions forcées portées par TRIAL International devant la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine. Dans deux décisions rendues en 2012 et 2013, la Cour avait ordonné aux autorités locales de mener des enquêtes approfondies et complètes sur ces cas de disparitions forcées.

En 2016, à la suite de cette décision, un acte d’accusation a été porté contre Darko Mrđa pour l’un des cas de disparition forcée signalés, et il a été arrêté. Darko Mrđa avait déjà été condamné par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie à 17 ans d’emprisonnement pour avoir participé au meurtre de 200 civils et à des actes inhumains (sous la forme de tentatives de meurtre) contre 12 autres civils à Koricanske Stijene en août 1992.

La condamnation de Darko Mrđa à une peine de prison pour le meurtre Said Sadić est une grande nouvelle pour les rapatriés et les familles des personnes disparues qui se sentaient intimidées par son retour dans sa ville natale. TRIAL International salue sa condamnation comme une victoire importante dans la lutte contre l’impunité des crimes commis pendant la guerre.

 

Le jugement est tombé ce mercredi 22 novembre 2017 : Ratko Mladic, que ses détracteurs surnomment « le boucher des Balkans », est condamné pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. 

 

Un tournant pour la justice en BiH

 

Le suspect, qui a été arrêté en 2011, a été jugé par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), que Ratko Mladic a qualifié de « tribunal satanique ».

Avec plus de 500 jours d’audiences et des centaines de victimes appelées à la barre, ce procès est un des plus importants de l’histoire du tribunal.

« L’issue du procès confirme aujourd’hui ma conviction profonde que cette bataille contre l’impunité mérite la peine d’être menée, » a dit Adrijana Hanušić Bećirović, conseillère juridique au programme BiH de TRIAL International. « Cela envoie le message fort que tôt ou tard, malgré des situations complexes, justice sera faite. »

 

Meurtres ethniques et détentions

 

L’accusé commandait l’Armée serbe de Bosnie (VRS) entre 1992 et 1996. Selon l’accusation, Mladic, Radovan Karadzic et Slobodan Milosevic sont à l’origine d’une « entreprise criminelle commune » visant à créer une grande Serbie. Pour atteindre cet objectif, ils auraient orchestré un nettoyage ethnique.

Les crimes allégués dans l’acte d’accusation comprenaient, entre autres : la tuerie de musulmans Bosniens et de Bosniens croates, leurs détentions dans des conditions de vie visant à les détruire physiquement, et le massacre de plus de 7000 musulmans Bosniens, hommes et enfants, de Srebrenica.

« Ce procès est un moment historique pour la justice et les victimes du conflit, » a dit Selma Korjenic, responsable du programme de TRIAL International en BiH. « Les victimes ont dû faire face à tant de déceptions qu’il est important que la communauté internationale envoie le message fort qu’aucun crime ne doit rester impuni. »

Le TPIY a mis en accusation plus de 160 individus depuis sa création par l’Organisation des Nations Unies en 1993. Il fermera ses portes à la fin de l’année après 24 ans d’existence.

Condamné à la prison à vie par les juges, l’accusé pourra faire appel.

Le Procureur du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a rencontré TRIAL International lors d’une visite à Sarajevo. L’occasion pour notre équipe basée en Bosnie-Herzégovine de lui poser quelques questions.

BiH team meet ICTY Prosecutor Serge Brammertz in Sarajevo, May 2017
L’équipe TRIAL en Bosnie rencontre le Procureur Serge Brammertz à Sarajevo, Mai 2017. ©TRIAL International

Pourriez-vous partager un ou deux moments marquants de votre parcours ?

Les affaires contre Radovan Karadzic and Ratko Mladic ont compté parmi les plus grands défis de mon mandat en tant que Procureur général du TPIY. Le moment où Karadzic et Mladic ont été arrêtés, en juillet 2008 et mai 2011 respectivement, ont été extrêmement importants.

 Ces arrestations ont eu lieu alors que les discussions sur la fermeture du TPIY avaient déjà commencé. Karadzic était en fuite depuis près de 13 ans et Mladic près de 16 ans. Tout espoir semblait perdu. Tout le monde était pessimiste quant à leurs chances d’être arrêtés.

 Quand j’ai été informé que les opérations d’arrestation avaient réussi, j’ai eu le sentiment que quelque chose d’important avait été réalisé. Pas juste pour le Tribunal, pour terminer ce que nous avions commencé. Mais aussi pour la justice internationale, parce que cela prouvait clairement que personne n’échappe à la loi. Et surtout, leur arrestation a marqué un jour important pour les victimes qui ont attendu si longtemps de voir Karadzic et Mladic enfin traduits en justice. Ce n’est pas une exagération de dire que ces arrestations nous ont redonné de l’espoir. Depuis lors, nous savions que nous pourrions rendre justice aux victimes de manière significative. 

 

Comment voyez-vous la situation des droits des victimes en Bosnie-Herzégovine, et son développement ?

Au cours des 25 dernières années, le TPIY a obtenu des résultats incroyables en matière d’établissement de la vérité sur les conflits. Nous avons inculpé 161 individus et plus aucun n’est en fuite.  Nous avons obtenu 81 condamnations et poursuivi des individus issus de toutes les parties au conflit, y compris les plus hauts placés sur l’échiquier politique et militaire. Nous avons prouvé que de hauts responsables ont planifié et mis en œuvre des campagnes de nettoyage ethnique. Nous aurions pu faire mieux dans certains domaines, mais le Tribunal a sans aucun doute posé des bases solides sur lesquelles bâtir.

 La justice pour les crimes de guerres semble avancer dans la bonne direction en Bosnie-Herzégovine. Mais trop de victimes attendent justice encore aujourd’hui. 335 affaires complexes et 450 affaires moins complexes ont été menés à terme jusqu’à présent. Mais il reste une quantité considérable de travail à abattre, avec encore environ 5 000 suspects sur lesquels enquêter.

Nous avons besoin d’une justice plus exhaustive, c’est-à-dire qui poursuive tous les suspects de crimes indépendamment de leur appartenance ethnique ou de celle de leurs victimes.

 

Quels défis persistent en ce qui concerne les droits des victimes en Bosnie-Herzégovine ?

Il reste aujourd’hui de nombreux défis dans ce domaine. En plus du grand nombre d’affaires encore en cours, l’un des plus gros problèmes est que ces crimes continuent d’être largement niés, que certains faits établis ne sont pas acceptés et que des criminels de guerre sont glorifiés dans toutes la région. Inutile de préciser que la situation actuelle menace la réconciliation et même une paix durable. C’est aussi une insulte aux victimes.

 La justice pour les victimes demande aussi que les personnes disparues pendant le conflit soient localisées et identifiées. Mais aujourd’hui, trop de survivants dans la région ignorent ce qu’il est advenu de leurs proches. Enfin, le parcours est encore aujourd’hui semé d’embuches pour les victimes de guerre qui cherchent à obtenir des compensations.

 

Comment évaluez-vous la situation en Bosnie-Herzégovine concernant le transfert des poursuites entre le TPIY et les cours nationales ?

La poursuite de crimes de guerre en Bosnie-Herzégovine est sur la bonne voie, avec un nombre croissant d’affaires complexes en cours d’enquête ou de poursuite, y compris des affaires concernant des suspects de haut-rang ou de moyen-rang et des affaires de violences sexuelles en temps de conflits.

Avec la fermeture du TPIY à la fin de l’année, il reviendra aux cours nationales seules de poursuivre notre travail. La tâche qui attend les pays de la région, et particulièrement la Bosnie-Herzégovine, est immense. Mais mon Bureau continuera de soutenir les systèmes judiciaires pour s’assurer que justice sera faite.

 

Maintenant que le TPIY est sur le point de fermer, quel message voudriez-vous adresser aux praticiens du droit sur le terrain ?

A l’heure où les politiciens et les personnalités publiques dans la région jouent la carte de la glorification des criminels de guerre, du déni des crimes et du révisionnisme, les praticiens du droit ont un rôle crucial à jouer.

 Qu’ils soient juges, enquêteurs ou procureurs, ils doivent rester solidaires dans leur engagement pour une justice indépendante et impartiale pour toutes les victimes. Le fait que l’environnement politique actuel ne soit pas favorable aux poursuites des crimes de guerre ne doit pas les empêcher de faire avancer le processus de justice.  

 Un autre problème majeur aujourd’hui est que les écoliers dans la région, y compris en Bosnie-Herzégovine, apprennent des faits différents sur leur passé commun. Pour que la paix et la réconciliation aient une chance de s’implanter dans la région, des efforts doivent être entrepris de toute urgence pour que les jeunes générations apprennent à l’école ce que les tribunaux ont prouvé.

 

Lire l’Op-Ed de Selma Korjenic sur le TPIY

 

Le TPIY n’aura pas apporté la réconciliation espérée en Bosnie-Herzégovine, mais son influence et son héritage ont posé des bases pour les démarches futures. Une opinion de Selma Korjenic.

 

Le tribunal de la dernière chance

C’est à La Haye (Pays-Bas) que s’est établi le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) en 1993. Son mandat ? Poursuivre les suspects de haut rang et ce, dans toute la région des Balkans. Sa création a nourri l’espoir de milliers de victimes et de leurs familles.

Dès son ouverture, et peut-être même avant, le Tribunal a été accusé d’être, entre autres, politisé, partial et injuste. L’acquittement d’accusés de haut rang il y a quelques années a exacerbé ces critiques. Toutes les parties au conflit ont eu le sentiment d’être jugées trop durement alors que leurs opposants sont jugés avec trop de clémence.

Après 25 ans d’existence, le Tribunal fermera ses portes de façon permanente dans les prochains mois. Même si tout n’était pas parfait, son influence a été capitale dans l’établissement des faits, la reconnaissance des responsabilités individuelles et l’empouvoirement des victimes.

 

Une jurisprudence novatrice

Le TPIY a rendu des décisions importantes sur le génocide, les crimes de guerres et les crimes contre l’humanité. Il était le premier tribunal international depuis Nuremberg en 1946. Sa jurisprudence a ouvert la voie pour le Tribunal pénal international pour le Rwanda, les cours mixtes en Sierra Leone, au Cambodge et au Timor Leste, et plus récemment la Cour pénale internationale.

Le procès de Dusko Tadic, un membre de l’armée républicaine de Srpska, a a été un exemple marquant des succès du TPIY. Il s’agit de la première affaire où des violences sexuelles commises envers des hommes ont été jugées et punies.

Le TPIY a aussi été le premier à poursuivre des violences sexuelles en tant qu’esclavage comme crime contre l’humanité dans le cadre de l’affaire Dragoljub Kunarac et autres. L’année dernière, des charges similaires ont été retenues contre le dictateur tchadien Hissène Habré.

Mais parmi tous les précédents du Tribunal, rien n’est plus important que la voix qu’il a donné aux survivants.

 

Une tribune pour les victimes invisibles

De nombreuses guerres se sont succédées dans les Balkans à travers l’histoire. La guerre des années 1990 n’en est que l’exemple le plus récent et le plus violent. Après chaque conflit, la majorité des crimes n’étaient pas dénoncés, ou uniquement dans les cercles familiaux. Nombreux sont ceux qui souffraient en silence.

Le TPIY a changé cette dynamique. Il a donné aux survivants la possibilité de parler et d’être entendus, encourageant  d’autres à faire de même. De nombreux verdicts de culpabilités ont été rendus grâce à leurs témoignages.

Le Tribunal a initié un mouvement de fond, redonnant à de nombreuses victimes un rôle actif et le contrôle de leur histoire. Il a également encouragé la formation d’associations de victimes, dont le but commun est la recherche de la vérité et de la justice.

 

Les combats futurs 

L’effet de ricochet du TPIY a été particulièrement marqué après 2005, lorsque les affaires ont commencé à être transférées devant les juridictions nationales. Les victimes déjà habituées à s’exprimer se sont organisées, demandant à la Bosnie-Herzégovine de perpétuer les efforts du TPIY. Elles ont également exigé la réalisation de leurs autres droits, comme celui de recevoir des réparations.

Le TPIY a bousculé le rôle passif traditionnellement imposé aux victimes. Il leur a donné la possibilité de construire leur propre narration sur la guerre. En leur donnant la possibilité de s’exprimer, le Tribunal leur a donné le courage de se battre pour leurs droits. Et de ne plus jamais se taire à nouveau.

Selma Korjenic, Responsable du programme BiH
@SelmaKorjenic1

 

Radomir Šušnjar, dit Lalco, est accusé par plusieurs témoins bosniens et serbes d’avoir participé aux meurtres de 59 Bosniaques qui ont été brûlés vifs à Visegrad, pendant la guerre. En juin 1992, environ 70 personnes dont une majorité de femmes, d’enfants et de personnes âgées ont été enfermés dans la chambre d’une maison. Le bâtiment a été incendié et les victimes qui ont essayé de s’échapper par la fenêtre ont été abattues.

Les huit survivants, dont deux sont décédés quelques années plus tard, ont pu témoigner devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie à La Haye. « Lalco » est accusé d’avoir personnellement verrouillé la pièce dans laquelle se trouvaient les civils et d’y avoir mis le feu.

Radomir Šušnjar se cachait en France depuis de nombreuses années. TRIAL International a pu retrouver sa trace en région parisienne, et en a informé les autorités bosniennes et françaises. EN 2014, Radomir Šušnjar a été interpellé et se trouve depuis en procédure d’extradition.

Le 6 octobre 2017, il a été inculpé en Bosnie-Herzégovine pour le meurtre allégué de civils Bosniaques. Le 18 juin 2018, le Conseil d’État français a validé sa demande d’extradition. Le 30 octobre 2019, la Cour de Bosnie-Herzégovine a reconnu l’ex-soldat coupable du meurtre de 57 Bosniaques à Višegrad et l’a condamné à 20 ans de prison.  Le 20 mars 2020, la Chambre d’appel de la Cour de BiH a confirmé le verdict de première instance.

 

En juin 2010, TRIAL a déposé une requête individuelle devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme contre la Bosnie-Herzégovine (BiH) à propos de la disparition forcée de Esad Ališković intervenue en juillet 1992. Dans cette procédure, TRIAL représente Refika Ališković, épouse de Esad Ališković.

Le 20 juillet 1992, presque deux mois après l’attaque de la ville de Prijedor (29-30 avril 1992), l’armée serbe a attaqué Rakovćani, un village du secteur de « Brdo » situé dans la municipalité de Prijedor.

Au moment de l’attaque, la requérante se trouvaient chez elle avec son mari, leurs filles, le frère de son mari et la femme de ce dernier. Les deux hommes ont été séparés de leurs proches et contraints de rejoindre d’autres d’hommes précédemment arrêtés dans le même village. Les soldats n’ont fourni aucune information ni à la requérante, ni à sa belle sœur, sur les raisons de l’arrestation de leurs conjoints et sur le lieu dans lequel ils étaient détenus. De nombreux témoignages portés devant le TPIY affirment que les hommes de Brdo ont étés conduits au de camp de Keraterm aux alentours des 20-21 juillet 1992, et enfermés dans la pièce numéro 3. Le 24 juillet, les soldats ont tirés sur ces détenus, ne laissant que peu de survivants. Un témoin a fait part à Refika Ališković que ce que la veille du massacre, une vingtaine de détenus ont été appelés et emmenés vers une destination inconnue, parmi lesquels son mari. Depuis lors, nous ne détenons aucune information sur ce qu’il est advenu de Esad Ališković.

Plus de 18 ans après les événements, aucune enquête officielle, prompte, impartiale, minutieuse et indépendante n’a été effectuée par des autorités de BiH pour retrouver Esad Ališković ou le corps de celui-ci, et aucun responsable n’a encore été poursuivi, jugé ou sanctionné. Refika Ališković a effectué de multiples démarches pour obtenir des informations sur son mari auprès des autorités et des institutions nationales (notamment auprès des autorités de police et de la Commission fédérale des personnes disparues), et auprès d’institutions internationales (auprès de la Commission internationales des personnes disparues). Ces initiatives sont cependant restées vaines jusqu’à aujourd’hui.

Le 16 juillet 2007 la Cour Constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine, saisie par plusieurs parents des victimes de disparition forcées de Prjiedor et de ses environs, a retenu que la BiH avait violé le droit à ne pas être soumis à des tortures et des traitements inhumains et dégradants, ainsi que du droit au respect de la vie privée et familiale des proches des personnes disparues. Par conséquent, la Cour a ordonné aux autorités de l’Etat de divulguer toutes les informations disponibles sur ce qu’il est advenu des personnes disparues, y compris de Esad Ališković. Suite à cette décision, le Bureau de recherche des personnes disparues de la Republika Srpska a adressé une lettre à la requérante par laquelle il confirme l’inscription de son mari sur les registres de la Commission fédérale des personnes disparues, et fait part de la volonté des autorités de résoudre les cas de disparitions forcées. A ce jour, la requérante n’a reçu aucune information supplémentaires des autorités concernant les circonstances de la disparition de son mari et les mesures prises pour localiser les dépouilles. Les autorités de BiH ont donc jusqu’alors failli à l’exécution de la décision de la Cour Constitutionnelle et n’ont procuré aucune information pertinente à la Cour ou à la requérante.

Par conséquent, Refika Ališković demande à la Cour Européenne des Droits de l’Homme :

La procédure

Après une analyse préliminaire de la recevabilité de la requête, le 28 septembre 2012 a requête a été communiquée au gouvernement de la Bosnie-Herzegovine.

En janvier 2013, REDRESS et l’OMCT ont soumis à la CEDH un « amicus brief » à propos de ce cas afin d’éclaircir la nature du lien entre la disparition forcée et l’interdiction de la torture et autres mauvais traitements; ainsi que d’analyser la corrélation entre le caractère continu de la disparition forcée et le contenu du recours effectif et des réparations en faveur de la famille des disparus.

En janvier 2013, le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine a présenté sa réponse, contestant la recevabilité et le fond de l’affaire. Le 25 mars 2013, TRIAL a plaidé, au nom des requérants, devant la Cour européenne des droits de l’homme, et contré les arguments avancés par l’Etat défendeur en mettant en évidence un certain nombre d’erreurs et de contradictions contenues dans le mémoire présenté par l’État à la Cour européenne. Celle-ci a transmis la réponse de TRIAL au gouvernement et lui a donné jusqu’au 13 mai 2013 pour soumettre des commentaires additionnels. Le 3 juin 2014, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a rendu sa décision. Elle a estimé que dans ce cas, les autorités bosniennes avaient fait tout ce qui pouvait être raisonnablement attendu, compte tenu des circonstances particulières qui prévalaient dans le pays jusqu’en 2005 et du grand nombre de crimes de guerre en instance devant les tribunaux locaux. La Cour a noté qu’ « il est évident que tous les auteurs directes des nombreux crimes de guerres commis dans le contexte de la purification ethnique dans la région de Prijedor n’ont pas été punis ». Néanmoins, elle a apprécié le fait que le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et la Cour d’Etat ont respectivement condamné 16 et 7 personnes dans le cadre des crimes commis dans cette région.

Voir également l’affaire Ramulić, dont les proches ont été enlevés dans le cadre des mêmes évènements.

 

Contexte général

Selon les sources, entre 100’000 et 200’000 personnes ont trouvé la mort pendant le conflit en BiH (1992-1995), et entre 25’000 et 30’000 personnes ont été victimes de disparition forcée. A ce jour, entre 10’000 et 13’000 personnes n’ont pas encore été retrouvées.

La disparition de Esad Ališković a eu lieu au cours de la première vague de disparitions forcées et de purification ethnique menée par les forces serbes, durant l’attaque armée de Prijedor et ses environs au printemps et à l’été 1992.

Jusqu’alors, personne n’a été poursuivi, condamné ou sanctionné pour la disparition forcée de Esad Ališković, renforçant ainsi un climat d’impunité déjà tenace. A ce jour, la famille de Esad Ališković  n’a reçu ni information quant au sort qui lui a été réservé, ni compensation adéquate et intégrale pour le préjudice subi.

 

En septembre 2008, TRIAL a saisi la Cour européenne des droits de l’homme de six affaires relatives à la disparition de huit hommes bosniaques lors du massacre du Mont Vlasic, agissant au nom de leurs proches.

Il s’agit de:

  • Edin Elezovic, 24 ans
  • Emir Elezovic, 22 ans
  • Fahrudin Mujkanovic, 29 ans
  • Serif Bajric, 50 ans
  • Zafir Bajric, 21 ans
  • Zijad Huskanovic, 26 ans
  • Fahrudin Elezovic, 45 ans
  • Asmir Memic, 28 ans.

Ces civils étaient détenus au camp de concentration de Trnopolje, situé à une dizaine de kilomètres de la ville de Prijedor, au nord-ouest de la Bosnie-Herzégovine. Le 21 août 1992, plusieurs bus dépêchés par les autorités serbes arrivèrent au camp afin d’embarquer de nombreuses personnes en vue de les libérer en les transférant vers le territoire tenu par les forces bosniaques. En fin d’après-midi, le convoi s’arrêta un peu avant d’atteindre la ligne de démarcation entre la partie de Bosnie-Herzégovine contrôlée par les forces serbes et celle contrôlée par les Bosniaques. Environ 200 hommes furent alors extraits du convoi, placés dans deux bus, et dirigés vers le lieu dit de Koricanske Stijene, sur le Mont Vlasic. Le reste du convoi, avec femmes, enfants et vieillards, continua sa route vers sa destination initiale.

Les gardes et soldats serbes ordonnèrent aux 200 passagers de sortir des bus, et de s’agenouiller au bord d’une falaise. Les hommes furent ensuite fusillés. Leurs ravisseurs lancèrent également des grenades et tirèrent sur les hommes tombés au fond de la gorge. Une douzaine de personnes environ survécurent au massacre après avoir sauté, ou être tombées de la falaise.

Ce qu’il est advenu des nombreuses autres victimes, dont Edin et Emir Elezovic, Fahrudin Mujkanovic, Serif et Zafir Bajric, Zijad Huskanovic, Fahrudin Elezovic et Asmir Memic, est incertain. Leurs corps ont probablement été transportés dans différents charniers de Bosnie-Herzégovine suite au massacre, mais ils n’ont jamais été retrouvés. Plus de 16 ans après les faits, aucune enquête sérieuse n’a été menée par les autorités pour retrouver les corps ou d’éventuels survivants blessés.

Les familles des disparus ont conduit de nombreuses démarches afin d’obtenir des informations sur leurs proches, par le biais de la Commission fédérale des personnes disparues du gouvernement de Bosnie-Herzégovine, et du Bureau de recherche des personnes disparues de la Republika Srpska, démarches qui se sont révélées vaines. La seule enquête ayant abouti a une condamnation pénale a été menée par le TPIY contre Darko Mrdja, condamné à 17 ans de prison.

Le 16 juillet 2007, la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine, saisie par plusieurs  familles de victimes, a ordonné aux différentes institutions nationales et locales de leur fournir des informations quant au sort de leurs proches. Ce jugement n’a abouti à aucun résultat.

Les auteurs des requêtes à la Cour européenne des droits de l’homme demandent à celle-ci de reconnaître que l’absence d’enquête effective par les autorités mène à une violation procédurale continue des articles 2 (droit à la vie) et 5 (droit à la liberté et à la sûreté) de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) sur les personnes disparues, ainsi qu’à une violation substantive continue des articles 3 et 8 CEDH pour les souffrances psychologiques que les proches des disparus endurent, ainsi que pour l’atteinte portée à leur vie familiale. Enfin, il est demandé que soit reconnue une violation de l’article 13 de la CEDH, en raison de l’absence de d’enquête et de recours effectif.

 

La procédure

Après une analyse préliminaire de la recevabilité de la requête, le 28 septembre 2012 a requête a été communiquée au gouvernement de la Bosnie-Herzegovine.

 

En janvier 2013, REDRESS et l’OMCT ont soumis à la CEDH un « amicus brief » à propos de ce cas afin d’éclaircir la nature du lien entre la disparition forcée et l’interdiction de la torture et autres mauvais traitements; ainsi que d’analyser la corrélation entre le caractère continu de la disparition forcée et le contenu du recours effectif et des réparations en faveur de la famille des disparus.

En janvier 2013, le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine a présenté sa réponse, contestant la recevabilité et le fond de l’affaire. Le 25 mars 2013, TRIAL a plaidé, au nom des requérants, devant la Cour européenne des droits de l’homme, et contré les arguments avancés par l’Etat défendeur en mettant en évidence un certain nombre d’erreurs et de contradictions contenues dans le mémoire présenté par l’État à la Cour européenne. Celle-ci a transmis la réponse de TRIAL au gouvernement et lui a donné jusqu’au 13 mai 2013 pour soumettre des commentaires additionnels.

Le 3 juin 2014 la Cour européenne a rendu sa décision et a considéré que les autorités bosniennes ont, dans le cas d’espèce, pris toute mesure raisonnable compte tenu des circonstances spécifiques du pays jusqu’en 2005 et du large nombre de procédures pour crimes de guerre pendantes devant les juridictions nationales. L’exhumation des restes de quatre parmi les proches des plaignants a été considérée comme un résultat important ainsi que l’identification de dix auteurs directs de ces crimes par la cour nationale et la publication de deux mandats d’arrêt internationaux et la condamnation d’un auteur par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yugoslavie.

 

Le contexte général

Le massacre du Mont Vlasic s’est déroulé au début de la guerre de Bosnie-Herzégovine, dans le cadre d’une vague de nettoyage ethnique menée par les forces armées et la police de la Republika Srpska, suite à l’éclatement de la Yougoslavie.

Selon les estimations, le conflit aurait causé la mort de 100’000 à 200’000 personnes. Sur les 25’000 personnes portées disparus à la fin du conflit, environ la moitié a été retrouvée et identifiée dans différents charniers. Environ 13’000 personnes sont toujours portées disparues.

Une seule personne ait été condamnée et par le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie suite au massacre de Koricanske Stijene. Les autorités bosniennes ont enfin annoncé en mai 2008 que quatre autres personnes devraient être poursuivies par les tribunaux locaux pour ce crime. A ce jour, les familles des victimes n’ont toujours pas reçu d’information sur le sort de leurs proches.

 

Il y a 22 ans, 13 hommes ont été victimes de disparitions forcées durant la guerre en Bosnie-Herzégovine. Entre 2008 et 2011, leurs proches – avec l’aide de TRIAL – ont soumis leur cas à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Le sort de ces hommes demeure à ce jour inconnu, même si quelques os appartenant à quatre d’entre eux ont été retrouvés et identifiés. La plupart des responsables de ces crimes n’ont pas été jugés, et aucune réparation n’a été accordée. La Cour européenne vient néanmoins de juger que la Bosnie-Herzégovine n’a aucune responsabilité dans la manière dont ces affaires ont été traitées. Ces décisions résonnent comme un échec pour les familles des victimes, qui ne savent plus où se tourner pour obtenir cette justice qu’elles attendent depuis plus de 20 ans.

Une chambre de sept juges de la CEDH à Strasbourg a décidé de ne pas examiner le cas de 13 personnes disparues en 1992 dans la région de Prijedor. Près de 6 ans après que les requêtes initiales ont été introduites par TRIAL au nom des familles des victimes, la Cour les a tout récemment déclarées irrecevables, en jugeant que la Bosnie-Herzégovine (BiH) n’avait pas violé son obligation d’enquêter sur les crimes et de poursuivre pénalement les responsables.

Les proches des victimes et les ONG qui ont soutenu leur cas espéraient qu’un jugement de la CEDH établirait les standards que les autorités nationales auraient à suivre concernant la manière d’enquêter sur les crimes commis durant la guerre, de localiser et d’exhumer les restes des personnes disparues et d’assurer que des réparations soient accordées aux familles.

Philip Grant, directeur de TRIAL, prend acte avec déception des décisions de la CEDH: « Treize homme ont été victimes de disparitions forcées en 1992. Ils ont été brutalement retirés à leurs femme, enfants et parents. Six d’entre eux ont certainement été victimes d’un horrible massacre au Mont Vlašić, tandis que les autres auraient été arbitrairement exécutés. Plus de 20 ans après les faits, seuls quelques os appartenant à quatre d’entre eux ont été retrouvés. Aucune enquête complète n’a été menée. Si les juges de Strasbourg considèrent les demandes des victimes infondées, qui maintenant va pouvoir aider leurs proches à connaître le sort qui leur a été réservé ? Les familles attendent toujours que justice soit rendue et tant que le sort de des disparus n’aura pas été établi, elles ne pourront faire leur deuil et tourner cette page tragique de leur vie. »

Les décisions

Le 3 juin 2014, la CEDH a adopté une décision (en anglais) qui vient d’être rendue publique dans l’affaire Fazlić et autres c. Bosnie-Herzégovine, concernant cinq cas de disparition forcée. La Cour a estimé que les autorités bosniennes ont entrepris tout ce qui pouvait être attendu d’elles au égard des circonstances. Si la Cour a noté qu’ « il est évident que tous les responsables directs des multiples crimes commis dans le cadre de la purification ethnique de la région de Prijedor n’ont pas été punis « , elle a néanmoins pris en compte le fait que le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et la Cour d’Etat de BiH ont condamné respectivement 16 et 7 personnes en lien avec d’autres crimes commis dans cette zone.

Le même jour, la CEDH a adopté une décision (en anglais) dans l’affaire Mujkanović et autres c. Bosnie-Herzégovine, estimant que les autorités bosniennes ont entrepris tout ce qui pouvait raisonnablement l’être eu égard aux circonstances qui prévalaient dans le pays jusqu’en 2005 et aux nombreuses affaires actuellement en cours devant les tribunaux locaux. L’exhumation des restes de quatre victimes a été considérée comme un résultat important, tout comme l’identification de 10 responsables directs par la Cour d’Etat de BiH, la délivrance de deux mandats d’arrêt et la condamnation d’un auteur par le TPIY.

Les plaignants

Durant les premiers mois de la guerre qui ravage la BiH, 13 hommes sont arrêtés, retirés à leur famille et internés dans des camps de concentration dans la région de Prijedor. S’il paraît probable que ces hommes ont été victimes d’exécutions arbitraires, la lumière sur leur sort précis et le lieu où leurs dépouilles se trouvent n’a pas été faites, même si quelques os appartenant à quatre victimes été retrouvés. Plus de vingt ans après les faits, aucune enquête complète n’a été entreprise par les autorités pour retrouver les restes des personnes disparues et pour identifier l’ensemble des responsables de ces crimes, afin de les traduire en justice.

Chronologie des cas

TRIAL a juridiquement représenté les familles des victimes dans le cadre de la procédure devant la CEDH. Les requêtes ont été introduites entre 2008 et 2011. Le 28 septembre 2012, les requêtes ont été réunies en deux affaires distinctes et enfin communiquées au gouvernement de BiH. En janvier 2013, le gouvernement a soumis sa réponse, contestant la recevabilité des affaires ainsi que toute violation. Le 25 mars 2013, TRIAL a répliqué aux observations de la BiH en réitérant les obligations juridiques de celle-ci de garantir que justice soit rendue et que des réparations soient accordées. REDRESS et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) ont été autorisés à soumettre un amicus curiae à la Cour en soutien aux requêtes des victimes.

Le soutien de TRIAL à la quête de justice des victimes en BiH

TRIAL représente plus de 230 victimes et proches de victimes de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires devant la CEDH et le Comité des droits de l’homme des Nations unies et les soutient dans leur quête de connaître la vérité sur ce qui s’est passé et d’obtenir justice et réparations. Avant les décisions rendues par la CEDH, la Comité des droits de l’homme de l’ONU avait déjà jugé dans cinq affaires similaires, concernant également des disparitions forcées dans la région de Prijedor, que la Bosnie-Herzégovine avec bel et bien violé les droits fondamentaux des requérants.

Entre le 28 octobre et 5 novembre 2012, Mme Rashida Manjoo, Rapporteur Spécial des Nations unies sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, a mené, pour la première fois dans l’histoire de ce mandat, une visite officielle en Bosnie-Herzégovine.

La visite a été motivée par une allégation générale présentée en mai 2011 par TRIAL (Association suisse contre l’impunité) et 12 organisations de Bosnie-Herzégovine engagée dans la lutte contre le viol ou autres formes de violences sexuelles pendant la guerre.1 L’allégation générale vise à fournir une analyse des obstacles empêchant la pleine application des obligations internationales de la Bosnie-Herzégovine vis-à-vis des victimes de viol pendant la guerre, en particulier: l’inadéquation de la législation pénale en vigueur sur le viol; le taux élevé d’impunité pour les les auteurs de viol ou autres formes de violence sexuelle pendant la guerre; le manque de protection adéquate des témoins et des victimes de ces crimes ainsi que l’échec à fournir aux victimes une réparation intégrale et une indemnisation rapide, adéquate et équitable pour le préjudice subi. Les associations signataires de l’allégation générale ont expressément demandé au Rapporteur Spécial de procéder à une visite officielle en Bosnie-Herzégovine pour recueillir des informations de première main sur la situation des femmes victimes de viol pendant la guerre et d’émettre une série de recommandations exhaustives.

Le 30 octobre 2012, Mme Manjoo a tenu une réunion avec la société civile afin de discuter de la situation des femmes victimes de violences sexuelles pendant la guerre. TRIAL a assisté à la réunion, ainsi que les associations représentant les femmes de tous les groupes ethniques présents en Bosnie-Herzégovine, et a souligné les principales questions figurant dans son allégation générale.

A la fin de la visite, Mme Manjoo a publié un communiqué de presse contenant certaines conclusions préliminaires. En ce qui concerne les femmes victimes de violences sexuelles pendant la guerre, elle a déclaré que les récentes initiatives prises par les autorités nationales pouvaient constituer une étape positive, mais qu’elles n’en étaient pas moins entravées par des niveaux élevés de fragmentation des normes législatives et le manque de cohérence entre les autorités d’exécution, ce qui constitue une absence concrète de réparation pour ces femmes.

Le Rapporteur Spécial a affirmé qu’ « il était crucial pour les autorités gouvernementales à tous les niveaux de reconnaître l’existence des femmes civile victimes de viols et de torture, quelles que soient leurs origines ethniques ou religieuses, et de veiller à ce qu’elles aient un accès égal aux recours et aux services, quel que soit de leur emplacement physique dans le pays « . Elle a également encouragé les autorités de Bosnie-Herzégovine à s’assurer que les formes spécifiques de violence sexuelle et leurs taux élevés de prévalence dont sont victimes les femmes, soient dûment pris en considération lors de la mise en œuvre de toute initiative visant à offrir des recours judiciaires effectifs aux victimes. Mme Manjoo a réitéré qu’il était crucial que la Bosnie-Herzégovine reconnaisse les expériences rencontrées par ces femmes au cours de la guerre ainsi que leur droit à la justice, aux réparations, à l’information et à l’assistance sur la question des personnes disparues et des victimes de disparition forcée.

Le Rapporteur Spécial a noté en outre que, si l’indemnisation et la réparation n’ont pas encore été garanties aux femmes victimes de violences sexuelles pendant la guerre, même l’accès à des formes de protection sociale demeure très limité par l’absence d’un système de protection sociale homogène qui garantit l’égalité d’accès aux ressources et services dans tout le pays.

Le Rapporteur Spécial a souligné que la crainte de premier plan partagée par de nombreuses femmes victimes – pendant la guerre – de viol et de torture, femmes qu’elle a rencontrées lors de sa mission, est le fait que le temps continue à passer sans que justice ne soit rendue. En ce sens, elle a indiqué qu ‘ »il était crucial d’accélérer les efforts et parvenir à des solutions politiques au niveau de l’Etat ».

Enfin, Mme Manjoo a recommandé à la Bosnie-Herzégovine de finaliser rapidement l’adoption de la Stratégie sur la Justice transitionnelle – soulignant qu’elle garantisse la reconnaissance publique et la commémoration des femmes victimes, leur accès à l’indemnisation, y compris pour les dommages moraux, et leur autonomisation – ainsi que l’adoption de la Loi sur les Droits des victimes de torture et des victimes civiles de la guerre.

TRIAL sera activement engagée dans la diffusion en Bosnie-Herzégovine des conclusions préliminaires du Rapporteur Spécial et restera en contact direct avec Mme Manjoo afin de la tenir au courant des développements pertinents en vue de l’édition de la version intégrale du rapport sur sa mission, qui sera présenté au Conseil des Droits de l’Homme des N.U. en juin 2013.

Contexte général

Il est estimé qu’entre 20.000 et 50.000 femmes ont été victimes de viols ou autres formes de violence sexuelle au cours de la guerre de 1992-1995. Dans ce contexte, le viol a été utilisé comme moyen de mise en œuvre de la stratégie de nettoyage ethnique et afin d’augmenter la haine interethnique. A ce jour, moins de 100 personnes ont été condamnées pour ces crimes par les tribunaux nationaux et le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). L’impunité reste endémique. Le cadre juridique existant en Bosnie-Herzégovine ne permet pas aux victimes de viol ou d’autres formes de violence sexuelle d’obtenir réparation intégrale et une indemnisation pour le préjudice subi.

Pour plus d’information:

Genève / Sarajevo, le 5 avril 2012

Sous le titre BETWEEN STIGMA AND OBLIVION, A Guide on Defending the Rights of Women Victims of Rape or other Forms of Sexual Violence in Bosnia and Herzegovina, TRIAL vient de publier en collaboration avec UN Women un guide juridique à l’attention des victimes de violences sexuelles commises durant le conflit en Bosnie-Herzégovine.

A l’aide d’exemples tirés de situations réelles, ce Guide vise à donner aux victimes de violences sexuelles et aux organisations qui les défendent de nouveaux outils d’action, tirés du droit international.

Pour Gabriella Citroni, conseillère juridique principale de TRIAL et auteur de l’ouvrage, « afin de pouvoir exiger justice, il est important de bien comprendre ce que sont les droits des victimes. Le but de ce Guide est de familiarisé les victimes de viols avec leurs droits et les mécanismes du droit international auxquels elles pourraient recourir. Idéalement, ce petit livre représente un outil permettant aux femmes victimes de violences sexuelles de tenter de sortir de la situation dans laquelle elles sont laissées, entre stigmatisation et oubli ».

Le Guide a été présenté lors d’un événement public qui s’est tenu à Sarajevo le 4 avril 2012, organisé par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, TRIAL et Medica Zenica, avec le soutien de UN Women la mission de l’OSCE en Bosnie-Herzégovine.

« BETWEEN STIGMA AND OBLIVION – A Guide on Defending the Rights of Women Victims of Rape or other Forms of Sexual Violence in Bosnia and Herzegovina » (préface de Madeleine Rees) 

est disponible ici en format électronique

Ce communiqué de presse du TPIY n’existe qu’en anglais. Merci de consulter la version anglaise de cette page.

Genève, le 6 juillet 2010

TRIAL (Track Impunity Always – association suisse contre l’impunité) a déposé dans le courant du mois de juin deux requêtes devant Cour européenne des droits de l’homme contre la Bosnie-Herzégovine concernant les disparitions forcées de Esad Ališković et Enes Ramulić, perpétrées en 1992 par les forces serbes. Il s’agit des 13ème et 14ème dossiers que l’organisation a déposés devant la Cour européenne.

Le 20 juillet 1992, alors que des opérations de nettoyage ethnique avaient lieu dans toute la région de Prijedor, l’armée yougoslave a attaqué Rakovćani, un village du secteur de « Brdo » situé dans la municipalité de Prijedor. Les soldats ont arbitrairement arrêté un grand nombre d’hommes dans le village, dont Esad Ališković et Enes Ramulić,  et les ont conduits vers une destination inconnue des familles.

Plusieurs témoins ont rapporté devant le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) que suite aux attaques menées dans le secteur de Brdo, les hommes arrêtés ont été conduits au camp de Keraterm et détenus plusieurs jours dans la pièce numéro 3. Le 24 juillet, les soldats ont ouvert le feu sur les personnes détenues dans la pièce, faisant environ 130 morts. Les corps ont été transportés par camion vers une destination qui demeure inconnue à ce jour..

Cependant, plusieurs témoignages indiquent que ni Esad Ališković, ni Enes Ramulić n’auraient trouvé la mort dans ce massacre. Concernant Esad Ališković, la veille du tragique évènement, il aurait été appelé ainsi qu’une vingtaine d’autres détenus à sortir de la pièce et aurait été conduit hors du camp vers une destination inconnue. Enes Ramulić, quant à lui, était bien détenu dans la pièce numéro 3 le jour du massacre mais y aurait survécu. Il aurait été transporté quelques jours plus tard avec les autres survivants vers une destination demeurant là encore inconnue. C’est la dernière fois que les deux hommes ont été vus : ils sont depuis lors portés disparus.

Presque 18 ans après les faits, aucune enquête officielle, prompte, impartiale, minutieuse et indépendante n’a été menée par les autorités pour retrouver Esad Ališković et Enes Ramulić ou le cas échéant pour localiser, exhumer, identifier et restituer aux familles les dépouilles des deux hommes. A ce jour, aucun responsable n’a encore été poursuivi, jugé ou sanctionné pour ces crimes. Les proches des disparus ont régulièrement dénoncé ces événements devant les autorités compétentes, mais également devant les organisations internationales présentes en Bosnie-Herzégovine et les entités chargées de traiter des affaires de personnes disparues.

Le 16 juillet 2007, la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine a notamment ordonné aux institutions locales concernées de divulguer toutes les informations disponibles sur le sort et la localisation de Esad Ališković et de Enes Ramulić. Or, les autorités bosniaques n’ont à ce jour pas exécuté ce jugement et n’ont fourni aucun élément d’information pertinent aux requérants.

Pour Philip Grant, président de l’association TRIAL, « les familles des disparus sont épuisées par le manque de coopération des autorités locales. Elles doivent non seulement faire leur deuil sans avoir d’information sur ce qu’il est advenu de leurs proches, mais doivent également vivre avec le sentiment tenace que les responsables demeurent impunis ».

En juin 2010, TRIAL a donc saisi la Cour européenne de deux requêtes, lui demandant notamment de condamner la Bosnie-Herzégovine pour violation des articles 2 (droit à la vie) et 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradant) de la Convention européenne des droits de l’homme pour n’avoir pas procédé aux enquêtes et aux poursuites nécessaires. Ils allèguent être eux-mêmes victimes d’une violation des articles 3 et 8 (droit au respect de la vie familiale) en raison de l’attitude des autorités face à leurs souffrances, de l’impossibilité de faire leur deuil et d’enterrer leurs proches conformément à leur croyance.

 

Contexte

Selon les sources, entre 100’000 et 200’000 personnes ont trouvé la mort entre 1992 et 1995 durant le conflit en Bosnie-Herzégovine, et entre 25’000 et 30’000 personnes ont été victimes de disparition forcée. Près de 10’000 personnes n’ont à ce jour toujours pas été retrouvées.

Depuis sa création, TRIAL a saisi la Cour européenne des droits de l’homme de quatorze affaires concernant la Bosnie-Herzégovine. Sept autres dossiers font l’objet d’une procédure devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies. L’ensemble de ces procédures concerne 55 victimes de disparitions forcées ou de massacres, ainsi que leurs proches.
L’organisation est également active sur des affaires de disparitions forcées ou de torture en Algérie, en Libye et au Népal et défend plus d’une vingtaine de familles devant différentes instances internationales.

Pour plus d’information

Voir les actions de TRIAL en Bosnie-Herzégovine