Disparitions forcées de 12 personnes à Vogosca en juin 1992

12.02.2016 ( Modifié le : 11.10.2016 )

TRIAL a soumis en mai 2010 une communication au Comité des droits de l’homme des Nations Unies concernant 12 cas de disparitions forcées qui se sont produits en juin 1992 non loin de Vogošća, en Bosnie centrale. TRIAL représente 25 parents des 12 personnes disparues. Ces dernières sont:

Le 4 mai 1992, ces personnes ont été arbitrairement privées de leur liberté à Svrake, en Bosnie-Herzégovine (BH), par des membres de l’armée de la Republika Srpska (Vojska Republike Srpske – VRS), en même temps que la plupart des habitants de leur village (environ 850 personnes). Peu après, les femmes, enfants et les personnes âgées ont été libérés, alors que les hommes ont été déportés dans un camp de concentration du nom de “Nakina garaza”, où ils y sont restés environ 20 jours. A la suite de cela, de nombreux prisonniers ont été relâchés, avant d’être à nouveau contraints de se rendre au camp de concentration connu sous le nom de “Planjina kuća”, localisé dans la municipalité de Vogošća. Lors de leur détention, ils ont été soumis à de mauvais traitements et au travail forcé.

Six des victimes (Himzo Hadžić, Safet Hodžić, Mensud Durić, Idriz Alić, Emin Jelečković et Hakija Kanđer) et un autre groupe de prisonniers ont été vus pour la dernière fois le 16 juin 1992 à Planjina kuća, lorsqu’ils ont été emmenés par des soldats serbes dans un camion pour une destination inconnue. Une septième victime, Demo Šehić, a décidé le 16 juin 1992, après avoir été le témoin de l’enlèvement de ce premier groupe d’hommes vers une destination inconnue, de s’enfuir vers un village proche, sous contrôle de l’armée de BH, pour sauver sa vie. Il aurait toutefois été capturé et exécuté par des membres de l’armée serbe. Sinan Salkić a pour sa part été relâché aux alentours du 14 mai 1992, à la condition qu’il se présente trois fois par jour à Planjina kuća. Le matin du 10 juin 1992, trois ou quatre hommes sont arrivés à sa maison et l’ont arrêté sans motifs. Il aurait été exécuté et son corps aurait été jeté dans la rivière Bosna. Quant aux quatre dernières victimes, Rasim Selimović, Abdulah Jelašković, Hasan Abaz et Esad Fejzović, elles ont également été enlevées par des membres de la VRS du camp de Planjina kuća, le 18 juin 1992.

Ce qu’il est advenu de ces douze hommes demeure inconnu depuis lors.

Presque 18 ans après les faits, aucune enquête prompte, impartiale, minutieuse et indépendante n’a été menée par les autorités pour localiser les douze disparus ou pour exhumer, identifier et restituer aux familles leur dépouille. À ce jour, aucun responsable n’a été poursuivi, jugé ou sanctionné pour ces crimes. Les parents de ces disparus ont entrepris toutes sortes de démarches afin d’obtenir des informations sur leurs proches, au travers notamment de la police de Visoko et de Vogošća, de la Commission d’Etat pour les personnes disparues, du bureau du procureur du canton de Sarajevo et de la Croix-Rouge de BH. A ce jour, ces initiatives sont restées vaines.

Le 23 février 2006, la Cour constitutionnelle de BH a jugé que la BH avait violé le droit des proches à ne pas être sujet à la torture et à des traitements inhumains et dégradants ainsi que le droit au respect de leur vie privée et familiale. En conséquence, la Cour a ordonné aux institutions concernées de dévoiler toutes les informations disponibles quant au sort réservé aux victimes et à l’endroit où elles – ou leurs restes humains – se trouvent. Le 16 novembre 2006, la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine a dû émettre un jugement retenant que les autorités concernées n’avaient pas appliqué sa précédente décision. A ce jour, les proches des victimes n’ont reçu aucun élément d’information des autorités bosniaques concernant les disparus.

Par conséquent, les 25 auteurs de la communication demandent notamment au Comité des droits de l’homme:

Le contexte général

Selon les sources, entre 100’000 et 200’000 personnes ont trouvé la mort entre 1992 et 1995 durant le conflit en BH et entre 25’000 et 30’000 personnes ont été victimes de disparition forcée. Environ 10’000 disparus n’ont à ce jour pas encore été retrouvés.

Les événements en question dans la présente affaire se sont déroulés dans le cadre de la première vague de disparitions forcées et de purification ethnique menée par les forces serbes au printemps et en été 1992.

 

La décision

Le 17 juillet 2014, le Comité des droits de l’homme a adopté sa décision (appelée  » constatations  » dans le jargon onusien) sur l’affaire Selimović et autres. Le Comité a déclaré la Bosnie-Herzégovine responsable pour la violation des plusieurs dispositions du Pacte international relatif aux droits civiles et politiques. Notamment, le Comité a affirmé que l’État est responsable de n’avoir pas menée une enquête effective sur la privation de liberté, torture et disparition forcée de 12 victimes, et d’avoir soumis le 25 auteurs de la communication à un traitement inhumaine et dégradant car il n’a pas établi la vérité sur la sort réservé à les 12 personnes disparues et le lieu où elles se trouvent. En plus, le fait que les auteurs des plaintes soient forcés de déclarer la mort de leurs proches disparus afin de recevoir des indemnisations constitue un traitement inhumain et dégradant.

Le Comité demande à la Bosnie-Herzégovine de:

– Etablir la sort des 12 disparus ;

– Traduire en justice sans délai les responsables de ces disparitions forcées;

– Garantir une indemnisation adéquate aux 25 auteurs de la communication ;

– Modifier la législation afin qu’il ne soit plus nécessaire de déclarer le décès de la victime afin d’obtenir réparation.

La Bosnie-Herzégovine dispose maintenant de 180 jours pour informer le Comité des mesures prises pour donner effet à la décision.

 

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