Le Népal condamné pour avoir dissimulé la torture et le travail forcé d’un mineur

27.08.2019

Le culte de l’impunité ne s’est pas arrêté avec la fin de la guerre civile au Népal. Dans une décision historique rendue le 25 août 2019, le Comité des droits de l’homme des Nations unies (CDH) a considéré que le Népal avait violé les droits fondamentaux d’un jeune homme, mineur au moment des faits, et demandé que l’affaire soit instruite et que des réparations lui soient accordées.

Le culte de l’impunité ne s’est pas arrêté avec la fin de la guerre civile au Népal. ©TRIAL International / Sabrina Dangol

Forcé de travailler tous les jours de 4 heures du matin à 22 heures, battu sur tout le corps, frappé avec des tuyaux en plastique sur la plante des pieds, électrocuté par la pointe des doigts, les traitements réservés par un officier de l’armée et par la police népalaise en 2012 à un enfant de 14 ans font froid dans le dos. On croyait ce genre de pratiques – et l’absence de poursuite de leurs auteurs – révolues avec la fin de la guerre civile en 2006. Or le cas de Bohli Pharaka (nom d’emprunt) qui a été examiné par le CDH est emblématique de l’impunité dont jouissent les dignitaires de l’État en temps de paix.

 

Une décision historique du Comité des droits de l’homme

Suite à la plainte déposée par TRIAL International, le Comité des droits de l’homme a condamné le Népal pour les actes de torture et le travail forcé endurés par Bohli Pharaka de ses 11 à ses 14 ans. Parmi d’autres mesures de réparation, il s’est vu octroyer un soutien éducatif et une prise en charge médicale et psychologique gratuite. Une enquête pour faire la lumière sur les faits est également dûe. Durant celle-ci, les suspects devraient être suspendus ou relevés de leurs fonctions.

Ce n’est pas la première fois que le Népal fait la sourde oreille face aux décisions du Comité des droits de l’homme. Afin de promouvoir le respect de ses décisions dans le pays, le Comité a – pour la première fois – demandé du gouvernement qu’il identifie les autorités nationales compétentes pour octroyer chacune des mesures de réparation, et qu’il fournisse ces informations dans un délai de 180 jours.

« La législation relative à la torture et au travail forcé, en particulier en ce qui concerne les mineurs, est clairement déficiente », a déclaré Helena Rodríguez-Bronchú Carceller,  responsable du programme Népal pour TRIAL International. « La décision met en évidence le désaccord de la récente criminalisation de la torture avec les normes internationales. Ce n’est pas la première fois que l’impunité endémique au Népal est dénoncée par l’ONU. Mais cette affaire met en lumière les mécanismes d’impunité, non seulement du fait de lacunes juridiques, mais aussi du pouvoir non contrôlé des agents de l’Etat. »

 

L’histoire de Bohli Pharaka

A l’âge de 14 ans, Bholi Pharaka a été accusé de vol par sa famille d’accueil, dont un officier de l’armée qui était censé parrainer son éducation. Au lieu de cela, Bholi Pharaka a été forcé à travailler tous les jours sans interruption, de 4 heures du matin à 22 heures, dès l’âge de 11 ans. Il n’a jamais reçu de compensation, ni eu l’occasion d’aller à l’école. Lorsqu’il est enfin parvenu à s’enfuir, la famille a utilisé son influence au sein de l’appareil d’État pour faire déposer une fausse plainte contre lui. Arrêté, torturé par la police et contraint d’avouer en apposant ses empreintes digitales sur un document qu’il ne pouvait pas lire, il a ensuite été détenu pendant neuf mois sans que des accusations claires aient été portées contre lui.

Lorsqu’il a cherché à dénoncer les conditions de détention et les tortures subies aux autorités népalaises, celles-ci ont au mieux ignoré ses plaintes, et dans certains cas ont même refusé de les enregistrer. A ce jour, aucun des bourreaux n’a été poursuivi ni sanctionné, et Bholi Pharaka n’a reçu aucune indemnisation pour le préjudice subi. C’est pour tenter de faire valoir ses droits en dehors du Népal qu’il a saisi le CDH en 2016.

Lire la décision du Comité (en anglais)

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