Massacre de quatre membres de la famille de Zijad Bacic en juillet 1992, suivi de la dissimulation de leurs corps
Au mois d’avril 2010, TRIAL a déposé devant la Cour européenne des droits de l’homme une requête contre la Bosnie-Herzégovine (BH), à propos du massacre suivi de l’enlèvement et la dissimulation des corps de Zikreta Bacic (10 ans), Sabahudin Bacic (13 ans), Zikret Bacic (15 ans) et Šida Bacic, en juillet 1992. TRIAL représente dans cette procédure Zijad Bacic, respectivement frère et fils des victimes, et survivant du massacre.
Lors des évènements, Zijad Bacic était âgé de 14 ans et vivait avec sa famille à Zecovi, un village proche de Prijedor, aujourd’hui en Republika Srpska. Il est l’un des trois survivants du massacre perpétré par l’armée Serbe, qui a couté la vie à 29 personnes, dont la quasi totalité sa famille.
Le 25 juillet 1992, une opération de purification ethnique a été menée dans la région de Prijedor, au cours de laquelle les membres de la famille Bacic, dont Zijad, et plusieurs voisins ont été contraints de se cacher dans la maison d’un proche, Hasan Bacic. Dans la soirée, les membres de l’armée serbe ont encerclé le village, ont ouvert le feu et ont arbitrairement tué des femmes non armées et des enfants, dont la quasi totalité des membres de la famille de Zijad Bacic. Ce dernier a réussi à se cacher et à échapper au massacre. Avec l’aide de voisins, de connaissances et de parents éloignés, il a finalement pu quitter le pays et atteindre l’Allemagne, où il est resté jusqu’en 1997.
Des témoins affirment que les dépouilles des membres de la famille Bacic ont peu après été enlevées et emportées dans un camion qui a pris la direction de Prijedor. Leur sort est inconnu depuis lors. Des témoins ont également pu identifier certains des responsables du massacre, ce dont il a été fait état à plusieurs reprises devant les autorités étatiques compétentes.
Plus de 18 ans après les événements, aucune enquête officielle, prompte, impartiale, minutieuse et indépendante n’a été effectuée par les autorités de BH pour localiser, exhumer, identifier et rendre aux familles la dépouille mortelle des victimes; et personne n’a encore été poursuivi, jugé ou sanctionné pour ces crimes.
Zijad Bacic a plusieurs fois dénoncé les évènements auprès de la police de Sanski Most, du bureau cantonal du Procureur de Bihac et du bureau du Procureur national à Sarajevo. Il a également dénoncé ces évènements devant les organisations internationales présentent en BH comme la Mission des Nations Unies en BH, la Commission Internationale pour les personnes disparues, le Comité international de la Croix Rouge, et divers organes chargés de la problématique des personnes disparues, comme la Croix Rouge de Sanski Most, la Croix Rouge de Prijedor et la Commission fédérale des personnes disparues. Zijad Bacic a également communiqué à l’Agence nationale d’enquête et de protection (State Agency for Investigation and Protection – SIPA) les preuves en sa possession et a demandé aux autorités d’ordonner des poursuites judiciaires pour identifier et punir les responsables.
Le 16 juillet 2007, la Cour constitutionnelle de BH, saisie par plusieurs familles de victimes de disparition forcée dans la région de Prijedor, dont Zijad Bacic, a retenu que la BH avait violé le droit à ne pas être soumis à des tortures ou à des traitements inhumains et dégradants, ainsi que le droit au respect de la vie privée et familiale des proches des personnes disparues. Par conséquent, la Cour a ordonné aux autorités de divulguer toutes les informations disponibles sur ce qu’il est advenu des personnes disparues, y compris relativement aux quatre membres de la famille de Zijad Bacic. A ce jour, ce dernier n’a toujours pas reçu des institutions concernées la moindre information sur ses proches.
Par conséquent, Zijad Bacic demande à la Cour européenne des droits de l’homme:
De constater que Zikreta Bacic, Sabahudin Bacic, Zikret Bacic et Šida Bacic, ont subi une violation par le BH des aspects procéduraux des articles 2 (droit à la vie) et 3 (interdiction de la torture), en conjonction avec les articles 1 (obligation de respecter les droits de l’homme) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des droits de l’homme, en raison de l’absence d’enquête prompte, impartiale, minutieuse et indépendante par les autorités de BH concernant le massacre, le déplacement des dépouilles et leur dissimulation;
De constater que Zijad Bacic est victime lui-même d’une violation par la BH de l’article 3 en conjonction avec les articles 1, 8 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, en raison de l’angoisse et des troubles psychiques causés par l’absence d’information donnée quant à la localisation, l’identification, l’exhumation et la remise des dépouilles de ses proches ainsi que sur les progrès et les résultats des enquêtes effectuées par les autorités de BH;
D’exiger de la BH qu’elle poursuive pénalement les auteurs du massacre des membres de la famille du requérant devant les autorités compétentes et qu’elle les juge et les sanctionne dans les plus brefs délais;
Et d’exiger de la BH qu’elle assure à Zijad Bacic une réparation pour le tort qu’il a subi, notamment une compensation rapide, adéquate et équitable.
Le 11 décembre 2014, la Cour européenne des droits de l’homme, dans sa formation de juge unique, a déclaré l’affaire irrecevable, en constatant que les conditions de recevabilité exposées aux articles 34 et 35 de la Convention européenne des droits de l’homme ne sont pas remplies. Aucun détail complémentaire n’a été fourni au regard de cette décision. La décision est finale et n’est pas sujette à recours.
Contexte général
Selon les sources, entre 100’000 et 200’000 personnes ont trouvé la mort entre 1992 et 1995 durant le conflit en BH et entre 25’000 et 30’000 personnes ont été victimes de disparition forcée. Environ 10’000 n’ont à ce jour pas encore été retrouvées.
Le massacre, le déplacement et la dissimulation subséquente des corps de Zikreta Bacic, Sabahudin Bacic, Zikret Bacic et Šida Bacic se sont déroulés dans le cadre d’une purification ethnique menée par les forces serbes durant l’attaque militaire de Prijedor et de ses environs.
Voir également les affaires Fikret Bacic et Hidajet Horozovic, dont les proches ont également été tués dans le cadre des mêmes évènements.