Il y a quelques semaines, TRIAL International a organisé une formation à l’intention des juges et procureurs. Objectif : leur donner les outils nécessaires aux demandes de réparation des victimes de violences sexuelles en temps de guerre.

Comment réparer les torts subis par les victimes de violences sexuelles ? La condamnation de l’auteur suffit-elle pour que ces dernières puissent reprendre leurs destins en main ? Une quinzaine de juges et de procureurs de différents tribunaux cantonaux de Bosnie-Herzégovine se sont réunis pour une formation le 16 novembre 2018, à l’appel de TRIAL International et d’une ONG partenaire, le Center for Education of Judges and Prosecutors of FBiH. A l’ordre du jour, les demandes de réparation pour les victimes de violences sexuelles en temps de guerre.

Dans le contexte bosnien, où les faits remontent à plus de vingt ans, le besoin de justice est toujours présent. Et le fardeau – psychologique et financier – porté par les victimes souvent bien réel. TRIAL International lutte depuis des années pour que celles-ci obtiennent une compensation financière, en plus de la condamnation des auteurs de ces crimes.

 

Vers une indemnisation plus systématique

Ces dernières années, pas moins de dix peines pécuniaires ont été prononcées dans plusieurs régions de Bosnie-Herzégovine. En formant les magistrats, TRIAL International espère que cette pratique se généralise. Cependant, les demandes de réparation ne sont pas chose aisée à faire reconnaître devant une cour. En particulier lorsque le dommage causé aux victimes n’est pas matériel.

L’atelier visait donc à former les juges et procureurs aux aspects pratiques de ces procédures. TRIAL a par ailleurs publié un manuel qui décrit les étapes qui permettent d’inclure ces demandes aux procédures pénales, ainsi que des recommandations pour que celles-ci soient suivies d’effet.

 

Une pratique réparatrice

« L’octroi de réparations est une partie importante du processus de réconciliation. Elles apportent une reconnaissance supplémentaire du dommage subi par les victimes et contribuent à ce que celle-ci puisse enfin tourner la page », déclare Adrijana Hanušić, conseillère juridique principale pour la Bosnie-Herzégovine chez TRIAL International.

Pour l’heure, aucune de ces condamnations n’a été suivie d’effet, les auteurs des crimes n’ayant pas les ressources pour s’acquitter de leur sanction. TRIAL International entend bien continuer sa lutte pour faire appliquer ces peines.

 

Un ancien policier bosno-serbe, Darko Mrđa, a été condamné vendredi dernier à 15 ans de prison pour crimes contre l’humanité. Il comparaissait pour le meurtre de Said Sadić, enlevé chez lui en août 1992 et disparu depuis.

« Tu n’auras plus besoin de tes chaussures », aurait lancé Darko Mrđa à Said Sadić lorsqu’il est venu le chercher chez lui, dans le village de Tukovi, avant de le tuer à deux kilomètres de chez lui. La disparition de Said Sadić fait partie de 50 affaires de disparitions forcées portées par TRIAL International devant la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine. Dans deux décisions rendues en 2012 et 2013, la Cour avait ordonné aux autorités locales de mener des enquêtes approfondies et complètes sur ces cas de disparitions forcées.

En 2016, à la suite de cette décision, un acte d’accusation a été porté contre Darko Mrđa pour l’un des cas de disparition forcée signalés, et il a été arrêté. Darko Mrđa avait déjà été condamné par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie à 17 ans d’emprisonnement pour avoir participé au meurtre de 200 civils et à des actes inhumains (sous la forme de tentatives de meurtre) contre 12 autres civils à Koricanske Stijene en août 1992.

La condamnation de Darko Mrđa à une peine de prison pour le meurtre Said Sadić est une grande nouvelle pour les rapatriés et les familles des personnes disparues qui se sentaient intimidées par son retour dans sa ville natale. TRIAL International salue sa condamnation comme une victoire importante dans la lutte contre l’impunité des crimes commis pendant la guerre.

 

Attendu depuis longtemps, le procès de deux chefs rebelles congolais s’est ouvert à Goma (province du Nord Kivu) le 27 novembre 2018. Des accusations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité pèsent contre Ntabo Ntaberi et son coaccusé « Lionceau », ex-leader au sein du FDLR. TRIAL International a œuvré en étroite collaboration avec des acteurs locaux et internationaux en soutien au judiciaire congolais, afin que les centaines de victimes des deux hommes accèdent à la justice.

Les juges devront décider du rôle des deux chefs de guerre dans les attaques de nombreux villages dans les territoires de Walikale et Masisi entre 2010 et 2014. Cette zone de la province du Nord Kivu a été, durant cette période, le champ de bataille de plusieurs milices, avec pour conséquences pillages, violences sexuelles, meurtres de masse et recrutement d’enfants soldats… entre autres crimes.

Ntabo Ntaberi, aussi connu sous le nom de guerre « Sheka », était le commandant de l’une de ces milices, la Nduma Defence of Congo (NDC). Lui-même et un autre chef de guerre, Séraphin Nzitonda surnommé « Lionceau », font désormais face à la justice devant la Cour militaire opérationnelle du Nord Kivu.

 

Quatre ans de terreur

De 2010 à 2014, la NDC dirigée par Sheka a attaqué et pillé des villages entiers dans les territoires de Walikale et de Masisi, tuant et violant systématiquement leurs habitants. Certaines de ces opérations ont été menées en coalition avec une unité du groupe armé des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) dirigée par Lionceau. Au total, le groupe a conduit au moins une douzaine d’attaques à l’encontre de la population civile, causant au moins 400 décès et 200 cas de violences sexuelles rapportés.

A partir de 2011, des affrontements entre la NDC et d’autres milices d’une part, et entre la NDC et l’armée congolaise de l’autre, ont provoqué des déplacements massifs de population et exacerbé des tensions ethniques préexistantes. Car pour avoir la mainmise sur les territoires de Walikale et Masisi, la NDC a commencé à cibler les populations Hunde et Hutu, accusées d’être de mèche avec les milices rivales. Des preuves de crimes d’une extrême violence et de pratiques cruelles (recrutement de plus de 150 enfants soldats, esclavage sexuel, etc.) ont été consignées pour la période entre 2012 et 2014.

Le 26 juillet 2017, Sheka s’est rendu aux Casques bleus du Nord Kivu, qui l’ont ensuite transféré aux autorités congolaises.

 

Un réseau au service de la justice

Suite à la reddition de Sheka, la justice congolaise a finalisé l’enquête ouverte sur les crimes commis à Walikale et à Masisi.

Des acteurs locaux et internationaux avaient déjà largement documenté les crimes perpétrés par la NDC et la FDLR sur ces territoires depuis 2010. Réunis au sein d’un réseau informel actif à Goma, et avec le soutien du judiciaire congolais, ils ont mené plusieurs missions d’investigation et entretiens avec des survivants et des témoins. TRIAL International s’est jointe au réseau début 2018.

Depuis qu’elle fait partie du réseau, TRIAL International a œuvré en étroite collaboration avec les avocats des victimes. Ensemble, ils ont collecté puis analysé plus de 3’000 pages de preuves et consolidé leur stratégie juridique, afin de démontrer le caractère généralisé et systématique des crimes. Ils ont également soutenu les ONG travaillant directement avec les victimes, pour préparer ces dernières aux audiences.

 

Des victimes et des témoins encore très vulnérables

Bien que ce procès soit un signe positif, les audiences constituent, à bien des égards, un défi de taille. En effet, Sheka compte encore beaucoup de partisans dans la province, ce qui suscite de sérieuses inquiétudes quant à la sécurité des victimes, des témoins et des acteurs locaux qui ont travaillé sur cette affaire.

 

Procédure

A la demande de la Défense, les audiences ont été renvoyées dès le premier jour du procès. Elles ont repris le 6 décembre 2018 avec des questions procédurales.

De mars à juin 2020, les audiences ont été suspendues en raison de la pandémie de coronavirus. Les derniers témoins ont été entendus en juillet 2020.

Le travail de TRIAL International dans cette affaire a été mené au sein du Cadre de concertation, un réseau informel d’acteurs internationaux qui coopèrent afin de soutenir le travail des juridictions militaires congolais dans l’investigation et la mise en accusation des auteurs de crimes de masse au Nord Kivu.

 

En juin 2013, trois villages du territoire de Kalehe (Sud Kivu) ont été attaqués par des soldats de l’armée congolaise (FARDC). Le commandant de cette unité, accusé de crimes contre l’humanité, a été condamné à perpétuité par la Cour militaire du Sud Kivu.

Le 7 juin 2013, sur la place du marché de Katasomwa (territoire de Kalehe), un échange de tir a éclaté entre des soldats FARDC et des membres du groupe armé « Raia Mutomobki ». A l’origine de ces violences, l’arrestation d’un jeune homme rattaché à cette milice, dont le nom signifie « citoyens en colère ». Un soldat FARDC a trouvé la mort dans cet affrontement.

 

Des attaques de civils en représailles

En représailles, deux commandants des FARDC ont attaqué dans les jours suivants les villages de Mirenzo, Murangu et Chirimiro sous prétexte qu’ils cherchaient les éléments Raia Mutomboki. Les hommes du Major Mabiala Ngoma auraient commis de nombreux crimes graves contre les villageois, dont des meurtres, des viols et des pillages constitutifs de crimes contre l’humanité.

 

Procédure

Le 21 novembre 2018, le procès du Major Mabiala s’est ouvert devant la Cour Militaire du Sud Kivu. Cette dernière, siégeant habituellement à Bukavu, s’est déplacée pour tenir les audiences au plus près des lieux du crime. Cette pratique, appelée « audiences foraines », facilite l’accès aux preuves et la participation des victimes.

Un collectif de cinq avocats représentait les 146 victimes identifiées. En collaboration avec la clinique juridique de Panzi et l’ONG Avocats sans frontières, TRIAL a coordonné la formation de ce collectif. Elle a notamment suivi de près la préparation du dossier, la collecte et l’analyse des preuves ainsi que l’élaboration de la stratégie juridique.

 

Décision

Le 29 novembre 2018, les juges ont reconnu le Major Mabiala coupable de meurtres, viols, torture, pillages et incendies constitutifs de crimes contre l’humanité. Il a été condamné à une peine de prison à perpétuité. Toutes les victimes participantes au procès ont été reconnues, ce qui leur ouvre le droit aux réparations suivantes : 10’000 USD pour les victimes de meurtre, viol et torture, et 5’000 USD pour celles de pillage et incendie.

De plus, l’État congolais a été condamné en solidarité avec le Major Mabiala, ce qui signifie qu’il devra lui-même verser les compensations aux victimes, si l’accusé n’est pas en mesure de le faire.

En octobre 2019, la Haute Cour Militaire de la RDC a confirmé le verdict.

Malgré sa condamnation, le Major Mabiala est resté en liberté après le procès. Il est décédé en juillet 2020.

Le travail de TRIAL International sur ce dossier a été mené dans le cadre de la Task Force Justice Pénale Internationale, un réseau informel d’acteurs internationaux qui collaborent afin de soutenir le travail des juridictions militaires congolaises dans l’enquête et la poursuite des crimes de masse en RDC.

 

Dans quelques jours, le peuple suisse aura tranché. Mais à quel sujet au juste ? «Le droit suisse au lieu de juges étrangers», «initiative pour l’autodétermination», «initiative anti-droits humains», sous ces différents noms se cachent un seul et même objet de votation. Le point avec Daniel Bolomey, président du Comité de TRIAL International.

L’Union démocratique du centre (UDC), à l’origine de cette initiative, n’a eu de cesse de déplacer le débat. Dernière estocade en date, un rejet de l’initiative ferait peser une menace sur la démocratie directe et sur le « modèle suisse », et ne garantirait plus le droit de vote des citoyens à long terme.

Or il n’en est rien. L’initiative de l’UDC veut faire croire à un problème là où il n’y en a pas. Elle n’est rien de moins qu’une attaque directe contre la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). La Suisse a ratifié la CEDH il y a plus de quarante ans et notre démocratie directe n’a pourtant pas pris une ride. Au contraire, la CEDH renforce les droits fondamentaux inscrits dans la Constitution helvétique. Car ces droits peuvent être affaiblis, notamment par des initiatives populaires aux conséquences incertaines que l’UDC brandit régulièrement, ou même par des lois fédérales, puisqu’il n’existe en Suisse aucun contrôle de la conformité des lois avec la Constitution fédérale.

Les décisions rendues par la Cour européenne des droits de l’homme n’ont pourtant pas toujours desservi les intérêts de l’UDC. Pour rappel, la Cour de Strasbourg avait cassé une décision du Tribunal fédéral dans l’affaire Perinçek en 2015. Elle avait jugé que la condamnation par la Suisse d’un nationaliste turc pour ses propos qualifiant le génocide arménien de « mensonge international » violait la liberté d’expression. Or, l’UDC s’est toujours opposée à la loi anti-raciste sur laquelle la condamnation de Perinçek se fondait.

 

Libertés menacées

Cette initiative pourrait surtout faire sauter les garde-fous qui protègent le droit à la vie, à la liberté, le droit à un procès équitable, à la protection contre les traitements inhumains, le droit à la sphère privée, à la liberté de conscience et de religion, à la liberté d’expression et d’association, le droit au mariage et à la vie de famille. Elle inscrirait la Suisse dans la tendance portée par les politiques de Trump, Poutine, Erdoğan ou Orbán.

En votant « NON » le 25 novembre, le peuple suisse manifestera son attachement aux droits fondamentaux qu’il a acquis grâce à la CEDH. En votant « NON », il évitera à la Suisse de se retrouver en porte-à-faux avec les traités qu’elle a signé. En votant « NON », il affirmera que ses droits fondamentaux ne seront pas sacrifiés sur l’autel de la démagogie et des échéanciers politiques.

 

Uta Simon a récemment travaillé pour la Commission d’enquête des Nations Unies sur le Burundi en tant que conseillère sur le genre et enquêtrice sur les violences sexuelles et fondées sur le genre. Entre autres activités, ses collègues et elle-même se sont rendus dans des camps de réfugiés à la rencontre de réfugiés burundais. Dans une interview avec TRIAL International, elle revient sur son travail et les défis liés à la documentation des violences sexuelles et fondées sur le genre.

« Cela fait près de 17 ans que j’enquête sur les violations des droits humains. De décembre 2017 à septembre 2018, j’ai intégré une Commission d’enquête des Nations Unies chargée de documenter les violations des droits humains au Burundi. Comme le gouvernement ne nous a pas autorisés à entrer dans le pays, nous avons mené des enquêtes à distance et des missions dans les pays voisins auprès de réfugiés burundais.

Notre recherche s’est également nourrie d’autres éléments, tels que des entretiens avec des experts, des recherches documentaires et l’analyse d’informations publiques. Toutes ces formes de recherche peuvent aider à corroborer des informations sur des violations des droits humains recueillies dans des témoignages.

Nous avons mené des entretiens dans des camps de réfugiés en Tanzanie, au Rwanda et en République démocratique du Congo, souvent dans des environnements où les personnes craignaient pour leur sécurité. C’est pourquoi nous avons fait un effort particulier pour établir une relation de confiance avec les personnes interrogées.

En tant qu’enquêtrice, je trouve important d’expliquer notre mandat et nos méthodes de travail. Cela permet d’assurer le consentement éclairé des personnes interviewées, et d’expliquer que nous ne sommes pas en mesure de leur prêter une assistance directe. »

 

Les violences sexuelles, une forme de violence parmi d’autres

« De nombreuses personnes rencontrées ont subi des violations multiples de leurs droits humains, dont les violences sexuelles ne sont qu’un aspect. Nous ne savons pas toujours avant les entretiens ce que la personne rapportera, ni quelles violations nous allons établir. C’est pourquoi il est souvent plus sensé d’adopter une approche intégrée pour enquêter sur les violences sexuelles, plutôt que de les traiter séparément.

Au sein de la Commission d’enquête sur le Burundi, tous les enquêteurs connaissaient les normes éthiques s’appliquant aux entretiens avec des personnes ayant subi des violences sexuelles. Par exemple, ils savaient comment éviter de contribuer à une re-traumatisation et rester attentifs à des indices qu’une personne pourrait avoir subi ce type de violence (tels que des hésitations, des ellipses dans leur récit ou des signes de gêne physique ou émotionnelle). Les survivants n’abordent souvent pas directement les violences sexuelles parce que leur souvenir est douloureux, et à cause de la stigmatisation qui y est rattachée. »

 

La victime au centre de notre approche

« En général, je commence par demander aux personnes de me raconter leur histoire. Cela leur permet de parler de ce qui compte pour elles, et réduit le risque de manquer des parties importantes de leur récit. Écouter et reconnaitre leur expérience est également important pour établir la confiance. Dans un second temps, je reviens sur certains points de l’histoire pour obtenir les détails nécessaires à l’enquête.

Une personne est toujours libre de choisir la manière dont nous utilisons ses informations. Certaines préfèrent ne pas divulguer du tout les violences sexuelles qu’elles ont subi. Cela explique que les violences sexuelles restent sous-rapportées, même dans le cadre d’enquêtes internationales. »

 

Comprendre le contexte

« Au Burundi, les femmes et les filles sont les principales victimes de violences sexuelles, même si nous avons également documenté des cas touchant des hommes. Mais la violence à l’égard des femmes ne se cantonne pas aux violences sexuelles. Afin d’appréhender la façon dont elles sont touchées par une crise, une analyse des rôles de genre spécifique au contexte est nécessaire.

Au Burundi par exemple, les violations des droits civils et politiques résultant de la crise politique (telles que les détentions arbitraires, les exécutions extrajudiciaires ou les disparitions forcées) ont ciblé principalement des hommes. Alors que les femmes ont rarement été directement visées, elles ont été touchées par ces violations en raison de leur rôle de genre.

Par exemple, les hommes sont souvent les principaux soutiens financiers de la famille, alors que le rôle traditionnel des femmes comprend les tâches domestiques et le soin aux enfants. En conséquence, dans un pays où de nombreuses personnes sont pauvres, la survie des femmes et des enfants est souvent menacée lorsque l’homme chef de famille est tué, emprisonné ou disparu. Dans son second rapport présenté en septembre 2018, la Commission d’enquête a mis un accent particulier sur la manière dont les femmes sont touchées par la crise en raison de discriminations fondées sur le genre. »

 

Chaque année, des milliers de migrants d’Amérique centrale disparaissent au Mexique, venant s’ajouter au nombre déjà considérable de ressortissants mexicains disparus. Avec un gouvernement nouvellement élu et une préoccupation internationale croissante pour les migrations en Amérique latine, le Mexique peut-il lutter efficacement contre ce crime ?

 

TRIAL International et la Fundación para la Justicia and Estado Democrático de Derecho soumettent un rapport à l’ONU sur les disparitions forcées au Mexique. Dans quel contexte ce rapport intervient-il ?

Gabriella Citroni, conseillère juridique principale chez TRIAL International : Le Comité des Nations Unies sur les disparitions forcées (CED) examine la situation du Mexique pour la deuxième fois depuis sa création. L’État présente son rapport au CED et les organisations de la société civile sont invitées à déposer des rapports complémentaires, afin de fournir un autre point de vue sur la situation. La particularité de notre rapport conjoint est qu’il se concentre sur les disparitions forcées de migrants au Mexique.

 

Comment la situation a-t-elle évolué depuis le dernier examen du Mexique en 2015 ?

Ana Lorena Delgadillo, directrice exécutive de la Fundación para la Justicia: Ces dernières années, nous avons assisté à une augmentation du nombre de disparitions forcées, ce qui nous mène à affirmer que le Mexique manque à ses obligations internationales. Ce constat est paradoxal, puisqu’en 2017, le pays a adopté des mesures législatives extrêmement progressistes (connues sous le nom de « Loi générale ») pour lutter contre les disparitions forcées. Mais ces améliorations sont restées lettre morte jusqu’à présent : les familles des victimes ne disposent toujours pas de mécanismes efficaces pour rechercher leurs proches, ni d’accès concret à la vérité et à la justice.

 

Pouvez-vous donner des exemples ?

Gabriella Citroni: La Loi générale pourrait être l’un des instruments juridiques les plus complets au monde sur les disparitions forcées. Deux autres mesures, créées avec la collaboration des familles et de la Fundación para la Justicia, sont particulièrement progressistes. La première est la création d’une commission médico-légale interdisciplinaire spécialement chargée d’identifier la dépouille des victimes de trois massacres commis entre 2010 et 2012, dont celles de nombreux migrants. La seconde était le Mécanisme transnational pour l’accès à la justice, une disposition permettant aux familles d’États d’Amérique centrale de saisir les autorités mexicaines par l’intermédiaire de ses ambassades et consulats – un point crucial étant donné la difficulté pour les familles de migrants de saisir la justice mexicaine.

Ana Lorena Delgadillo: Le problème est que certaines de ces mesures restent théoriques. La nouvelle Commission nationale de recherche des disparus – créée en vertu de la Loi générale – manque de ressources financières et humaines suffisantes. Les familles des victimes continuent d’effectuer elles-mêmes le travail de recherche.

L’accès à la justice pour les familles hors du pays est également bloqué. Le Mécanisme transnational pour la justice a été créé, mais le Mexique ne compte aucun personnel permanent affecté aux disparitions forcées dans les États d’Amérique centrale d’où proviennent les migrants (principalement le Honduras, le Nicaragua, El Salvador et le Guatemala). Les demandes des familles doivent donc passer par les fonctionnaires en visite, mais cela n’arrive que quelques fois par an. Entre-temps, les familles souffrent quotidiennement des incertitudes liées au sort de leurs proches.

 

Qu’espérez-vous de ce rapport ?

Gabriella Citroni: Je pense qu’il y a une prise de conscience croissante des disparitions forcées au Mexique, en particulier concernant les migrants, et que cette prise de conscience constitue un élément particulièrement positif. Un autre facteur encourageant est que le Mexique dispose de l’arsenal juridique nécessaire pour prévenir et éliminer efficacement les disparitions forcées, et notre rapport présente une feuille de route très concrète pour sa mise en œuvre. Donc, si la volonté politique est là, les autorités sont bien équipées pour initier un changement.

Ana Lorena Delgadillo: Il y a aussi un élan politique : le Mexique vient d’élire un nouveau gouvernement. Nous avons rencontré ses représentants et espérons qu’ils prendront au sérieux le crime de disparitions forcées. Les familles et les proches des victimes sont très bien organisés et incroyablement courageux. Ils ont toujours été à l’avant-garde de la lutte contre l’impunité et ont souvent mené leurs propres enquêtes lorsque les autorités leur ont fait défaut. Le nouveau gouvernement doit prendre en compte l’expertise qu’ils ont ainsi développé, respecter et améliorer les bonnes pratiques telles que la commission de police scientifique et le mécanisme transnational d’accès à la justice, et s’appuyer sur l’aide de la communauté internationale. Compte tenu de l’ampleur de l’impunité au Mexique, seul un effort commun peut apporter de réelles améliorations.

 

Lire le rapport complet au Comité des disparitions forcées (en espagnol)
Lire le résumé du rapport (en anglais)
En savoir plus sur les disparitions forcées

L’ancien chef de la police civile nationale guatémaltèque, qui vient de faire appel au Tribunal fédéral de sa condamnation à 15 ans de prison par un tribunal genevois, pourrait faire face à de nouvelles accusations pour des exécutions extrajudiciaires et des actes de torture commis sur des fugitifs du pénitencier de «El Infiernito» en 2005.

Quatre responsables du gouvernement et des forces de sécurité guatémaltèques ont été arrêtés au Guatemala le 29 octobre 2018. Carlos Vielmann, ministre de l’Intérieur de 2004 à 2007, Stu Velasco, ancien sous-directeur de la police civile nationale (PNC), ainsi que deux autres personnes sont aujourd’hui sous les verrous. Mais parmi les personnes citées à comparaître par le Ministère public, il y a aussi l’ancien chef de la PNC, Erwin Sperisen, qui a fait appel de sa condamnation à Genève pour une affaire similaire survenue dans une autre prison.

La justice guatémaltèque entend faire la pleine lumière sur l’implication de ces hommes dans le «plan Gavilán». Le 22 octobre 2005, 19 prisonniers s’échappaient de la prison de haute sécurité «El Infiernito». Un plan aurait alors été échafaudé pour retrouver les fugitifs et les exécuter. Sept d’entre ont été abattus, et au moins quatre autres auraient été torturés. Selon le Ministère public guatémaltèque, les forces de sécurité étaient organisées en deux groupes: l’un, officiel, censé retrouver les fugitifs; le second, «extra-officiel», chargé de les exécuter. Ce deuxième groupe devait mettre en scène une confrontation armée entre les prisonniers et les forces de l’ordre, de façon à justifier la mort de ces derniers comme étant le résultat d’un échange de tirs.

 

Mêmes événements, nouvelles charges

Erwin Sperisen, double national suisse et guatémaltèque, a été acquitté par un tribunal genevois pour deux des assassinats des fugitifs de «El Infiernito». Mais l’enquête du Ministère public et de la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG) – basée sur 56 témoignages, des autopsies et des rapports balistiques ou de police –, le met en cause dans la mort de trois autres personnes, dont deux fugitifs du pénitencier. Lors d’une conférence de presse tenue le 29 octobre, Juan Francisco Sandoval, le chef du Bureau du procureur spécial contre l’impunité, a affirmé que le groupe officieux qui a exécuté les prisonniers recapturés était dirigé par Carlos Vielmann et Erwin Sperisen. Ceux-ci auraient en effet été tenus informés des opérations des deux groupes par Victor Rivera, alors conseiller du ministre de l’Intérieur, aujourd’hui décédé. Par ailleurs, quatre prisonniers recapturés ont témoigné des tortures qu’ils ont subies. Toujours selon M. Sandoval, trois d’entre eux ont affirmé avoir été torturés par Erwin Sperisen en personne.

«L’enquête va se poursuivre. Mais si ces faits sont confirmés, ils représentent un développement important qui devrait intéresser la justice suisse, et pourraient se transformer en autant de charges nouvelles contre M. Sperisen», indique Philip Grant, directeur de TRIAL International, qui rappelle que ce dernier n’est pas extradable. M. Sperisen et M. Vielmann avaient déjà été jugés pour d’autres crimes, l’un en Suisse, l’autre en Espagne. Condamné par la justice genevoise à 15 ans de réclusion pour complicité dans l’assassinat de sept détenus de la prison de Pavón, Erwin Sperisen devra-t-il répondre du meurtre de deux des prisonniers de «El Infiernito» et d’actes de torture? Dans une vidéo postée sur internet, il a réagi en se déclarant confiant et dénonçant un coup d’éclat politique. Même son de cloche du côté de Carlos Vielmann, acquitté en mars 2017 par un tribunal espagnol pour son rôle dans les assassinats de Pavón. Reste à voir, en présence de telles charges, si la thèse d’une conspiration parviendra encore à convaincre.

 

La première audience dans le cadre du processus de justice transitionnelle pour l’affaire Jaïdane a eu lieu  jeudi 4 octobre 2018 à Tunis. En raison du mouvement des magistrats qui a touché la quasi-totalité des chambres spécialisées, la chambre de Tunis, composée en partie de magistrats remplaçants, a dû prononcer le report de l’audience après 45 minutes d’échanges introductifs alors même que 5 accusés étaient présents.

Après que la Cour d’appel de Tunis a donné, en décembre 2017, un arrêt retenant la prescription de la torture subie par Rached Jaïdane en faveur de ses tortionnaires, le transfert du dossier en juin 2018 par l’Instance Vérité et Dignité (IVD) offre un nouvel espoir pour rendre justice et voir les auteurs présumés condamnés. L’IVD a inculpé, lors du transfert du dossier de l’affaire, 9 auteurs présumés pour 6 chefs d’inculpation sur la base de plusieurs articles du Code pénal tunisien.

Rappel des faits 

Malgré le fait que le crime de torture soit imprescriptible selon les dispositions de la Constitution tunisienne, le Tribunal de première instance de Tunis a pourtant jugé le 8 avril 2015 que les faits étaient trop anciens. Les auteurs présumés sont ainsi repartis libres. Cette décision a été par la suite confirmée par la Cour d’appel de Tunis le 21 décembre 2017.

Le 11 août 2017, la décision du Comité contre la torture, rendue à la suite d’une plainte déposée par l’ACAT et TRIAL international, s’inscrit à l’encontre des jugements rendus. Elle est lourde de sens et d’exigences vis-à-vis de la justice tunisienne. Tout en rappelant à la Tunisie l’« obligation (…) d’imposer aux auteurs d’actes de torture des peine appropriées eu égard à la gravité des actes », le Comité :

  • Affirme que la justice tunisienne ne peut nullement retenir la prescription comme elle l’a fait dans l’affaire Jaïdane ;
  • Exige, dans les cas où les juges ne pourraient qualifier juridiquement de ‘torture’ des actes commis avant 1999 (date d’incrimination de la torture dans le Code pénal), qu’ils retiennent une qualification reflétant la gravité des faits et permettant des poursuites.

Cette décision constitue un appel clair à rompre avec les pratiques d’impunité qui, au-delà de la douleur qu’elles infligent aux victimes, constituent un blanc-seing donné aux forces de sécurité tunisiennes qui continuent encore aujourd’hui de recourir à la torture et aux mauvais traitements.

L’histoire de Rached Jaïdane est emblématique du système tortionnaire tunisien, celui-là sur lequel les gouvernements post-révolution ont promis de tourner la page en rendant justice aux victimes. Et pourtant…

Aujourd’hui, et malgré ses obligations internationales ainsi que les réformes juridiques et institutionnelles introduites depuis 2011, l’Etat tunisien ne démontre toujours pas de volonté ferme de mettre fin à cette impunité. Dans ce contexte, la mise en place des chambres spécialisées représente un espoir considérable d’obtenir justice et de créer une jurisprudence solide sur laquelle des centaines d’autres affaires pourront se baser.

Dans ce contexte, les organisations signataires appellent :

  • Le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) ainsi que les acteurs concernés à procéder rapidement aux remplacements des membres manquants des chambres spécialisées et à leur formation ;
  • La chambre spécialisée de Tunis à agir avec toute la diligence nécessaire pour poursuivre, dans le cadre d’un procès équitable, les présumés tortionnaires.

Organisations signataires :

  • ACAT, Action des chrétiens pour l’abolition de la torture ;
  • ASF, Avocats Sans Frontières ;
  • TRIAL International ;
  • OMCT, Organisation Mondiale Contre la Torture.

Les «Junglers», les escadrons de la mort de l’ancien dictateur gambien, ont à de nombreuses reprises fait disparaître des corps en Casamance. C’est ce qu’a notamment permis de révéler l’enquête conjointe réalisée par TRIAL International et Human Rights Watch (HRW) sur la disparition de 56 migrants ouest-africains en 2005. Les Junglers ont alors traversé la frontière pour abattre au moins 45 d’entre eux au Sénégal, où ils les ont enterrés dans des puits abandonnés. TRIAL International et HRW ont présenté devant la presse sénégalaise le résultat de leur enquête.

 

Continuer la lecture de « Yahya Jammeh enterrait ses victimes au Sénégal »

Forte de son expertise au Burundi et en RDC, TRIAL International inaugure sa première formation jointe pour 80 avocats rwandais, congolais et burundais. Un tournant qui amorce la stratégie régionale « Grands Lacs » de l’organisation.

L’Association des Barreaux des Pays des Grands Lacs (ABGL) regroupe depuis février 2018 les Barreaux de Goma (RDC), de Bukavu (RDC), de Bujumbura (Burundi) et du Rwanda. Fondée pour favoriser les échanges entre les avocats de la région, l’initiative a trouvé un écho naturel chez TRIAL International. L’organisation travaille en effet depuis plusieurs années sur le Burundi et la RDC, et pourra grâce à l’ABGL systématiser son appui aux avocats de la région.

« Nous avons constaté que les avocats congolais et burundais faisaient face à des difficultés similaires dans leur travail de lutte contre l’impunité », explique Pamela Capizzi, responsable du programme Burundi à TRIAL International. « Nous avons donc bâti notre formation autour de thématiques qui seront utiles à chaque Barreau, notamment la documentation des crimes internationaux comme la détention arbitraire et les violences sexuelles. »

 

Vers une stratégie régionale dans les Grands Lacs

Cette formation marque une première étape dans la nouvelle approche transfrontalière de TRIAL International dans la région. A l’avenir, l’organisation devrait mener de plus en plus de projets communs à ses programmes Burundi et RDC, voire étendre son action à d’autres pays de la zone.

L’atelier est aussi une occasion de renforcer les dynamiques régionales d’échange entre les avocats eux-mêmes. « Notre approche est fondée sur le renforcement de compétences, autrement dit donner aux partenaires locaux des outils pour être eux-mêmes acteurs du changement », précise Daniele Perissi, responsable du programme RDC de TRIAL International. « Dans ce sens, bâtir un réseau transfrontalier d’avocats qui se connaissent et partagent leurs bonnes pratiques contribue à la pérennité de notre action sur place.»

Concrètement, la formation a réuni 80 participants, équitablement répartis entre les Barreaux de Goma, de Bukavu, de Bujumbura et du Rwanda à raison de 20 participants par Barreau, avec une importante représentation féminine. « Par cette formation, TRIAL International a offert une grande opportunité à l’ABGL en matérialisant l’un de ses objectifs, à savoir la création d’un cadre d’échange et partage scientifique pour la promotion du droit dans la région », affirme Me Abel Ntumba, Bâtonnier du Barreau de Goma et Président de l’Association des Barreaux des Pays des Grands Lacs.

 

 

 

 

L’ex-agent de police serbe bosnien Dragan Janjić a été déclaré coupable de viol et condamné à 7 ans de prison pour crimes contre l’humanité. Il avait été inculpé pour viol et abus sexuel d’une femme, ainsi que pour avoir encouragé l’emprisonnement illégal d’autres civils bosniaques. Les faits remontent à 1992, lorsque l’armée de la république serbe de Bosnie ainsi que des forces policières et paramilitaires multipliaient les assauts dans la municipalité de Foča. Dragan Janjić a enlevé la femme et sa famille et les a emmené au poste de police de Miljevina (près de Foča). Après les avoir séparé, il a menacé et emmené la femme dans une autre pièce où il l’a violé et l’a abusé sexuellement.

En plus de la peine de prison, la Cour de Bosnie-Herzégovine a condamné Janjić à verser 15,000 BAM (7,588.22 EUR) à la victime en compensation de sa souffrance physique et psychologique. TRIAL International, qui a apporté un soutien légal à la victime depuis 2014, salue cette décision.

« Nous gardons pour objectif la condamnation de chaque cas de violences sexuelles commises lors de conflits. Ce verdict nous confirme, une fois de plus que cela vaut le coup d’agir pour combattre l’impunité » dit Adrijana Hanušić Bećirović, conseillère juridique au bureau de TRIAL International à Sarajevo.

Dragan Janjić est le sixième prévenu à avoir été condamné pour abus sexuel en temps de guerre (le procès d’un autre prévenu est en cours), tout cela grâce au travail de longue haleine et à la pugnacité de l’équipe de TRIAL International dans la lutte contre l’impunité des atrocités commises pendant la guerre de 1992 à 1995 en Bosnie-Herzégovine.

La victoire d’aujourd’hui ne signifie pas la fin de la lutte contre l’impunité des crimes de guerre. « TRIAL International reste mobilisé pour faire valoir les droits des survivants de guerre, en particulier en luttant contre l’impunité  » dit Selma Korjenić, responsable du Programme Bosnie-Herzégovine de TRIAL International.

En 2016, TRIAL International a réussi à déposer un amendement à la Loi d’Etat sur la Gratuité de l’Aide Juridictionnelle. Cet amendement a permis la mise en place de dispositifs gratuits d’aide juridictionnelle sur les demandes de réparation par le Ministère de la Justice de Bosnie Herzégovine. La victime de l’affaire Janjić était la première personne à bénéficier de ce dispositif gratuit.

Que signifie être une femme en République démocratique du Congo ? A quoi ressemble le quotidien d’une défenseuse des droits humains ? Notre collègue Ghislaine Bisimwa narre son quotidien à Bukavu, la capitale du sud Kivu.

La situation dans l’est de la RDC est tendue en cette période pré-électorale. Ces tensions s’ajoutent à des difficultés structurelles : pour une grande partie de la population, l’accès à l’alimentation, à la santé, à l’éducation ou même à l’eau potable et l’électricité est difficile.

Dans les quartiers les plus reculés de Bukavu, l’insécurité bat son plein. Et les femmes et les fillettes en sont les premières victimes. Elles sont exposées au viol, par exemple quand elles vont chercher de l’eau à la tombée de la nuit.

 

Des inégalités structurelles entretenues par des stéréotypes rétrogrades

Les inégalités de genre et les discriminations envers les femmes sont partout. La femme congolaise a intégré dès son plus jeune âge qu’elle vaut moins que l’homme. Des coutumes et stéréotypes rétrogrades persistent et continuent de priver les femmes de l’accès à la santé, à la scolarité, voire à leur héritage.

Parlant des droits civils et politiques, la population a été éduquée à ne pas faire confiance à une femme. Même lorsque l’une d’elle essaye de se présenter aux élections ou à un poste important, elle est souvent découragée et par ses paires et par les hommes.

 

Les femmes s’ouvrent plus facilement face à une autre femme

Dans mon travail, être une femme a aussi des avantages. Mes relations avec les victimes sont facilitées, surtout celles qui ont subi des violences sexuelles et basées sur le genre, qui sont pour la plupart des femmes. Dans notre travail de documentation, par exemple, elles s’ouvrent plus facilement. Parfois elles utilisent même des propos qui touchent à leur intimité, qu’elles n’auraient pas utilisé en face de l’homme.

C’est la partie de mon travail qui me plait le plus : Dans la phase de préparation des procès, quand les victimes se confient à moi, je cultive l’espoir qu’elles seront bientôt rétablie dans leurs droits.

 

 

La décennie de guerre civile est toujours une plaie ouverte pour le Népal. Ceux qui désirent briser le silence imposé par les autorités sur les violations des droits humains qui ont eu lieu entre 1996 et 2006 s’exposent à des représailles. Lenin Bista, un ancien enfant soldat, en a fait les frais le mois dernier.

Appelé à prendre la parole à un congrès sur la réinsertion des jeunes ayant vécu dans des zones de conflit, on lui a refusé l’accès à l’avion, au motif qu’il était « partiellement blacklisté » depuis le matin même. « Les autorités compétentes n’ont pas donné leur permission pour qu’il participe à ce programme », lui ont répondu les douaniers lorsqu’il a cherché à en savoir plus. Or, il n’existe aucune loi demandant à un citoyen népalais d’avoir une permission officielle pour voyager à l’étranger.

Aujourd’hui âgé de 27 ans, Lenin Bista se bat, avec l’organisation qu’il a créée, pour la réinsertion des anciens enfants soldats maoïstes. Nombre d’entre eux sont restés sur le carreau dès la fin de la guerre civile, suite au refus du gouvernement d’honorer sa promesse et de les intégrer dans l’armée régulière. TRIAL International a rencontré Lenin Bista.

 

TRIAL International: Qu’est-ce qui a poussé les autorités népalaises à émettre une interdiction de voyager à votre encontre ?

Lenin Bista : Je suis un ancien combattant maoïste et un ancien enfant-soldat. Cela fait maintenant sept ou huit ans que je traite du problème des enfants-soldats au Népal. Les personnes actuellement au pouvoir voient ceci d’un très mauvais œil, car bon nombre de responsables sont d’anciens belligérants. Le gouvernement a tenté de me faire taire à plusieurs reprises, en me kidnappant et m’emprisonnant à plusieurs reprises. J’imagine qu’ils m’ont empêché de quitter le pays par peur que je soulève cette question dans un forum international, car ils ne souhaitent pas que ce problème soit discuté hors du pays.

 

Vous deviez assister à des ateliers sur la problématique des enfants-soldats aurait probablement été abordée. Pensez-vous que le gouvernement a cherché à vous faire taire ?

L’interdiction de voyager est une indication très claire que le gouvernement ne veut pas qu’on parle de cette thématique à l’étranger. Ils n’ont même pas cherché à se justifier. Cela prouve à mon avis leur détermination à faire taire les voix discordantes.

 

Une interdiction de voyager est une atteinte claire à votre liberté de voyager ainsi qu’à votre liberté d’expression. Comment décririez-vous la situation des droits humains au Népal ?

Les pressions exercées par le gouvernement ne se limitent pas à l’action de mon organisation. Le gouvernement veut donner l’impression que le processus de paix s’est achevé avec succès. Je pense qu’il cherche à faire un exemple de mon cas. Il envoie une sorte de message indirect à tous ceux qui chercheraient à rendre ces thèmes publics. Pourtant, il y a encore énormément de problèmes à régler et le gouvernement rechigne à s’en emparer. De façon générale, la situation des droits humains est très préoccupante au Népal.

En partenariat avec l’Institut Philip Kirsch et le Centre canadien pour la justice internationale.

Joseph Rikhof est rédacteur pour le Global Justice Journal de l’institut Philip Kirsch. Il a rencontré Terry Beitner, Directeur/Avocat général de la Section des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre du ministère de la Justice du Canada, au sujet du travail accompli par sa section.

JR : Qu’est-ce que l’Unité canadienne des crimes de guerre et quelles sont vos activités ?

Tout d’abord, le nom officiel est la Section des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, située à Ottawa, au ministère de la Justice du Canada. Appelons-la « l’unité ». L’unité a été créée il y a plus de trente ans.

Avec nos partenaires du Programme sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, nous enquêtons sur les allégations concernant la présence de criminels de guerre au Canada. Nos partenaires sont l’Agence des services frontaliers du Canada, le service Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et la Gendarmerie royale du Canada.

JR : Comment se déroulent les enquêtes dans les affaires de crimes de guerre ?

Qu’il s’agisse d’une allégation d’acquisition frauduleuse du statut d’immigrant entraînant la révocation de la citoyenneté ou d’une affaire pénale, le processus commence par une analyse juridique et politique/historique du conflit armé au cours duquel les événements sont censés s’être produits. Bien que la présence d’un conflit armé ne soit pas requise pour certains crimes internationaux traités par le Programme (à savoir les crimes contre l’humanité), l’histoire montre qu’un conflit armé est habituellement à l’origine de l’affaire. Par conséquent, une analyse du conflit est essentielle pour comprendre les intentions des parties impliquées dans ces crimes internationaux. L’analyse fournira également le contexte de la situation, qui permettra de déterminer si les crimes spécifiques en question peuvent être liés au conflit armé ou si ces comportements faisaient partie d’une attaque généralisée ou systématique contre des civils. L’analyse historique est donc essentielle pour établir les éléments juridiques des infractions en question. Dans le scénario idéal, une fois l’analyse contextuelle terminée, les enquêteurs élaborent un plan d’enquête pour obtenir des preuves matérielles et documentaires en plus des témoignages recueillis.

JR : Ces enquêtes doivent être coûteuses, car les événements ont eu lieu à l’extérieur du Canada. Pourquoi devrions-nous nous soucier de ce qui s’est passé si loin et, dans certains cas, il y a très longtemps ?

Le Canada, comme beaucoup d’autres pays, a une tolérance zéro sur la présence de criminels de guerre sur son territoire. Notre politique est appelée « No Safe Haven ». Le Canada ne sera un refuge sûr pour aucune personne contre qui pèsent des soupçons raisonnables d’implication dans des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre ou de génocide.

JR : Y a-t-il des dossiers intéressants dont vous pouvez discuter publiquement ?

Nous avons plusieurs dossiers actuellement devant la Cour fédérale du Canada. L’un d’eux est une affaire de longue date remontant à la Seconde Guerre mondiale, tandis que trois autres découlent de conflits plus récents. Par exemple, l’une des affaires concerne des allégations de participation à des crimes contre l’humanité au Guatemala, lors d’un événement connu sous le nom de « massacre de Las Dos Erres » commis en 1982. Les autres affaires en cours concernent des allégations de participation à des atrocités commises en Bosnie-Herzégovine pendant la guerre qui a suivi l’éclatement de l’ex-Yougoslavie.

Lire l’interview complète de Terry Beitner sur le site de l’Institut Philip Kirsch (en anglais)