Irma Leticia Hidalgo Rea contre Mexique

Dans la nuit du 10 au 11 janvier 2011, un groupe d’hommes lourdement armés est entré par effraction dans la maison de Mme Hidalgo Rea. Après avoir menacé et violemment frappé les membres de sa famille, les hommes ont emmené son fils Roy (alors âgé de 18 ans). Depuis, personne ne sait ce qui lui est arrivé ni où il se trouve, et aucun coupable n’a été mis en cause ou jugé. Suite à une plainte déposée par TRIAL International et le Centro Diocesano para los derechos humanos Fray Juan de Larios  au nom de Mme Hidalgo Rea devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, l’affaire a été gagnée en mars 2021. Le Mexique est sommé d’enquêter sur la disparition et d’accorder des réparations à Mme Hidalgo Rea. 

 

L’affaire

Au matin du 11 janvier 2011, un groupe de personnes armées aux visages couverts a fait irruption dans la maison de la famille Hidalgo Rea à San Nicolás de los Garza, Nuevo León, au Mexique. Certains d’entre eux portaient des gilets pare-balles de la police municipale d’Escobedo. Mme Irma Leticia Hidalgo Rea et ses deux fils, Ricardo et Roy (alors respectivement âgés de 16 et 18 ans), étaient à la maison. Après avoir violemment battu les deux adolescents et insulté et menacé Mme Hidalgo Rea, les hommes armés ont emmené M. Roy Rivera Hidalgo avec eux. Le sort du jeune homme et l’endroit où il se trouve demeurent inconnus à ce jour. En outre, certains objets et biens, y compris deux véhicules, appartenant à la famille ont été volés.

Mme Hidalgo Rea et son fils Ricardo souffrent de graves dommages psychologiques dus à la disparition forcée de Roy. Avant que son fils ne disparaisse, Mme Hidalgo Rea travaillait comme enseignante mais depuis sa disparition, elle s’est consacrée entièrement à la recherche de Roy et n’a pas pu retourner travailler. Elle est actuellement directrice de l’organisation « Forces unies pour nos disparus à Nuevo León ». Elle est sujette à des menaces constantes.

 

En quête de justice

Mme Irma Leticia Hidalgo Rea a signalé les faits devant de nombreuses instances de justice mexicaines, y compris le bureau du procureur général, l’agence anti-enlèvement du gouvernement, la Commission nationale des droits de l’homme de Nuevo León, l’unité spécialisée dans les enquêtes sur les crimes contre la santé, le bureau du sous-procureur spécialisé dans les enquêtes contre le crime organisé et le bureau du procureur chargé de la recherche. En vain : le crime reste impuni, personne ne sait ce qui est arrivé à Roy où il se trouve, et Mme Hidalgo Rea et son fils Ricardo n’ont reçu aucune indemnisation ou de réparation pour les dommages subis.

En janvier 2018, avec le soutien de TRIAL et du Centro Diocesano para los derechos humanos Fray Juan de Larios, Mme Hidalgo Rea s’est adressée au Comité des droits de l’Homme des Nations Unies (CDH).

En octobre 2018, le CDH a enregistré l’affaire et l’a transmis aux autorités mexicaines. Celles-ci ont 6 mois pour soumettre leur réponse.

Le 25 mars 2021, le Comité des droits de l’Homme de l’Organisation des Nations unies a jugé que l’enlèvement de Roy Rivera Hidalgo à son domicile à Nuevo León devait effectivement être considéré comme une disparition forcée. Le Comité a donc sommé le Mexique d’enquêter sur sa disparition, de partager les informations sur son sort et d’accorder des réparations à sa mère.

 

Crimes présumés

Dans sa plainte, Mme Hidalgo Rea demandait au CRH de:

  • Reconnaitre que son fils Roy est victime d’une violation des arts. 6, 7, 9 et 16 (droit à la vie, interdiction de la torture, droit à la liberté personnelle et droit à la reconnaissance en tant que personne devant la loi), lu seul et en conjonction avec l’art. 2, par. 3 (droit à un recours effectif) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en raison de sa disparition forcée et de l’absence subséquente d’une enquête exhaustive et efficace, tant en ce qui concerne l’enlèvement de Roy que l’identification des coupables et leur condamnation. Les dispositions susmentionnées sont également considérées comme violées en raison de l’absence de réparation et d’indemnisation adéquates pour les dommages subis par sa famille.
  • Déclarer qu’elle-même est victime d’une violation de l’art. 7 (droit de ne pas être soumis à la torture), lu seul et en conjonction avec l’art. 2, par. 3) du Pacte, en raison de l’anxiété et des souffrances psychologiques constantes causées par la disparition forcée de son fils et l’incertitude quant à son sort, ainsi que par l’indifférence manifeste des autorités mexicaines.
  • Déclarer qu’elle est également victime d’une violation de l’art. 17, para. 1 (droit à la vie de famille), lu seul et en conjonction avec l’art. 2, par. 3 du Pacte en raison de l’effraction de son foyer et de l’absence de mesures appropriées par les autorités mexicaines. Ces dispositions sont également violées du fait que les autorités mexicaines n’ont pas pris les mesures appropriées pour garantir à Mme Hidalgo Rea le droit de connaître la vérité sur le sort de son fils, en cas de décès, de localiser son corps et lui faire parvenir sa dépouille.
  • Demander au gouvernement mexicain de mener une enquête et de retrouver M. Roy Rivera Hidalgo; enquêter, poursuivre et sanctionner les responsables de ce crime; et de veiller à ce que Mme Hidalgo Rea et son fils Ricardo reçoivent une réparation intégrale, y compris la restitution de leurs biens, leur réhabilitation, une indemnisation et des garanties de non-répétition.

Conformément à la décision du Comité de mars 2021, il appartient désormais à l’État mexicain de mener une enquête rapide, efficace, approfondie, indépendante, impartiale et transparente sur les circonstances de la disparition forcée de M. Rivera Hidalgo. La décision stipule également que M. Rivera doit être immédiatement libéré s’il est vivant ou, en cas de décès, que sa dépouille doit être rendue à sa famille. Enfin, les responsables doivent être poursuivis et sanctionnés, les résultats de l’enquête communiqués à la mère de M. Rivera. Elle doit par ailleurs obtenir une indemnisation adéquate pour le préjudice subi, ainsi qu’une assistance médicale et psychologique. Le Mexique dispose de 180 jours pour informer le Comité des mesures adoptées pour mettre en œuvre cette décision.

Contexte

La disparition forcée de M. Roy Rivera Hidalgo n’est pas un cas isolé. Le gouvernement mexicain fait face à une situation de disparitions généralisées sur l’ensemble du territoire. Fin 2017, le gouvernement a listé plus de 34 500 personnes disparues, dont beaucoup ont été victimes de disparition forcée. Une impunité quasi absolue règne sur ces crimes. L’incapacité des autorités à permettre aux victimes d’avoir accès à la justice et à dévoiler la vérité sur le sort des personnes disparues entraîne une impunité structurelle qui, à son tour, perpétue et même favorise la répétition de graves violations des droits de l’Homme.

 

Conjointement aux ONG FIACAT, CCPR Centre, DefendDefenders, l’OMCT et Protection International, TRIAL International a sponsorisé la déclaration ci-dessous devant le Comité de droits de l’homme des Nations Unies. 

 

Monsieur le Président,
Mesdames et Monsieur les membres de la Commission d’enquête,

Je m’adresse à vous au nom d’une coalition d’ONG burundaises soutenue par le CCPR Centre, la FIACAT, l’OMCT, Protection International et TRIAL International.

Ces organisations remercient la Commission d’enquête pour le travail effectué et pour la présentation de son rapport. Il est particulièrement préoccupant de constater que la Commission conclut à la persistance de graves violations des droits humains dont certaines sont constitutives de crimes contre l’humanité.

Les ONG burundaises signataires, par leur monitoring constant, rejoignent les conclusions de la Commission. Depuis le 30 juin 2018, SOS-Torture / Burundi a ainsi documenté 35 cas d’exécutions extrajudiciaires, 2 viols et 158 arrestations arbitraires notamment contre des opposants présumés ou réels, impliquant parfois des membres Imbonerakure. La Ligue Iteka a quant à elle recensé 16 cas de violences basées sur le genre et 49 cas de torture notamment par le SNR et les Imbonerakure. Ces chiffres ne sont pas exhaustifs et ne représentent pas la totalité des cas documentés par les organisations burundaises.

Les défenseur(e)s des droits humains continuent également d’être persécutés en raison de leur travail. A ce titre, il convient de noter la condamnation à 5 ans d’emprisonnement de Nestor Nibitanga de l’APRODH le 13 août 2018 pour atteinte à la sûreté de l’Etat. D’autre part, Germain Rukuki, ancien comptable de l’ACAT Burundi, condamné à 32 ans de prison pour son travail à l’ACAT est toujours maintenu en détention.

Au vu de ces éléments et en vue des prochaines élections de 2020, il apparait primordial de maintenir un mécanisme international, indépendant et fiable pour enquêter sur les violations des droits humains au Burundi. Un tel mécanisme est d’autant plus essentiel que le Burundi n’a pas coopéré avec le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme pour mettre en œuvre la résolution 36/2, qu’il avait pourtant soutenu, et qui mandatait 3 experts à aller au Burundi et offrir une assistance technique et un renforcement des capacités au gouvernement burundais.

Les organisations signataires appellent donc le Conseil des droits de l’Homme à renouveler pour un an le mandat de la Commission d’enquête sur le Burundi conformément à sa propre recommandation et exhortent le gouvernement burundais à coopérer pleinement avec le Haut- Commissariat aux droits de l’Homme et notamment avec la Commission d’enquête sur le Burundi.

Je vous remercie Monsieur le Président.

AFFAIRE ANIL CHAUDARY C. NEPAL

Anil Chaudhary avait 15 ans lorsqu’il a été abattu par des agents de sécurité. Depuis lors, ses parents ont inlassablement cherché justice. Le 28 mars, 14 ans après la mort d’Anil Chaudhary, TRIAL International porte l’affaire devant le Comité des droits de l’homme des Nations unies (CDH).

 

L’AFFAIRE

Anil Chaudhary est né dans le district de Bardiya et appartenait au groupe ethnique autochtone Tharus.

Le 15 mars 2004, Anil Chaudhary faisait du vélo avec son voisin Ram Prasad Chaudhary vers le village de Fattepur, où il vivait à cette époque. Sur leur chemin, les garçons ont été interceptés par un groupe d’environ 200 agents de sécurité.

Certains d’entre eux ont attaché les mains des garçons dans leur dos et les ont interrogés sur des liens potentiels avec la guérilla maoïste. Ils ont soumis les deux mineurs à des agressions verbales et physiques. Ils les ont ensuite entraînés vers un canal non loin, où ils ont continué de les rouer de coups. Un officier a alors tiré une balle mortelle sur Ram Prasad Chaudhary. Anil Chaudhary a été témoin de l’exécution extrajudiciaire. Il a par la suite été interrogé et maltraité pendant une demi-heure, avant d’être tué par trois balles dans la tête.

 

LA QUÊTE DE JUSTICE

Au cours des 18 dernières années, les parents d’Anil Chaudhary ont tenté d’obtenir justice et réparation.

Ils ont à plusieurs reprises déposé des plaintes auprès de différentes autorités népalaises, sans succès. Après de nombreuses tentatives, la police aurait enregistré une plainte pénale (« premier rapport d’information »), sans vouloir leur fournir des informations.

À ce jour, personne n’a été tenu responsable de la mort d’Anil Chaudhary, et sa famille n’a pas reçu d’indemnisation adéquate pour les dommages subis.

Ayant épuisé tous les recours internes et avec l’aide de TRIAL International, les parents d’Anil Chaudhary se sont adressés au CDH le 28 mars 2018.

L’affaire est actuellement en cours.

 

VIOLATIONS ALLEGUEES

Il est allégué qu’Anil Chaudhary est une victime d’arrestation arbitraire, de tortures et d’exécution extrajudiciaire commises par des agents de sécurité népalais, en violation des articles 6, 7 et 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Ces violations avaient un motif présumé discriminatoire fondé sur son appartenance ethnique et ont été aggravées par le fait qu’il était mineur au moment des faits.

TRIAL International demande au CDH d’établir que le Népal a violé les droits d’Anil Chaudhary et est tenu obligé, entre autres, d’enquêter sur sa mort, de tenir les auteurs pour responsables de leurs actes, et d’indemniser convenablement ses parents.

 

Les Nations unies reconnaissent la responsabilité du Népal dans la torture et l’exécution extrajudiciaire d’Anil par une décision le 20 mai 2022

Le Comité des droits de l’homme a constaté qu’Anil a été soumis à une privation arbitraire de liberté et à une exécution extrajudiciaire et qu’il a été pris pour cible en tant que jeune garçon, membre de la communauté indigène Tharu. Le Népal n’a pas respecté ses obligations et les enquêtes menées n’ont pas été adéquates et n’ont fait que favoriser l’impunité. Cette situation a été facilitée par une législation déficiente, notamment en ce qui concerne le délai de prescription applicable en matière de torture.
Les parents d’Anil ont également été considérés comme des victimes de violations par l’État, d’une part en raison de la peur et de l’angoisse ressenties et entretenues par l’absence de réponses adéquates sur la mort de leur fils et, d’autre part, parce qu’ils ont fait l’objet de menaces et de harcèlement et que la réputation de leur fils a été affectée puisqu’il a été étiqueté comme terroriste.
Tout ce qui précède, se traduit par la reconnaissance que le Népal a violé les arts. 6 (droit à la vie), 7 (interdiction de la torture) et 9 (droit à la liberté individuelle) lus seuls et en conjonction avec les arts. 2.3 (droit à un recours effectif), 24.1 (droits de l’enfant) et 26 (interdiction de la discrimination) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques à l’égard d’Anil.
Le Népal a également violé les art. 7 (interdiction de la torture), lu seul et en conjonction avec l’art. 2.3 (droit à un recours effectif) et l’art. 17 (droit à la vie privée et à la vie familiale) des parents d’Anil.

Le HRC a indiqué que le Népal doit:- enquêter sur les événements, identifier les responsables, les poursuivre et les sanctionner. Les résultats de l’enquête doivent être rendus publics.
– fournir aux parents d’Anil une réhabilitation psychologique et un traitement médical gratuits.
– fournir une compensation adéquate aux parents d’Anil.
– présenter des excuses officielles aux parents d’Anil et construire un mémorial au nom d’Anil, afin de restaurer son nom et celui de sa famille.
– modifier la législation nationale, notamment en ce qui concerne les délais de prescription applicables à la torture.

LE CONTEXTE GÉNÉRAL

Cette affaire doit être lue dans le contexte du conflit armé interne de dix ans qui a opposé le gouvernement népalais et le parti communiste népalais-maoïste. Au cours de ces années, les arrestations arbitraires, les tortures et les exécutions extrajudiciaires ont été pratiquées de façon systématique. Les événements se sont déroulés dans le district de Bardiya, particulièrement touché par le conflit. Les indigènes Tharus, y compris les femmes et les enfants, étaient souvent associés à la guérilla maoïste et ciblés par les forces de sécurité.

 

Lire plus sur l’impunité au Népal
Lire un autre cas d’exécution extrajudiciaire d’un mineur au Népal (en anglais)

Lire le communiqué de presse sur la décision du CDH

 

Dans un rapport accablant, TRIAL International dénonce l’impossibilité quasi-totale pour les victimes de violence sexuelles d’obtenir justice. Les données, collectées en collaboration avec l’hôpital de Panzi, révèlent les causes structurelles de cette impunité.

 

Avec près de sept ans de retard, la RDC a rendu son rapport périodique au Comité des droits de l’homme. Dans ce rapport très attendu, la question de l’impunité pour les crimes de violences sexuelles était à peine traitée. En vue de l’examen de la RDC le 16 octobre prochain, TRIAL International a soumis son propre rapport au Comité, centré sur les causes de cette impunité. Ce fléau ravage en particulier l’est du pays où le viol est systématiquement utilisé comme arme de guerre, sans que les auteurs ne soient inquiétés. Les raisons ? Des infrastructures déficientes, du personnel mal formé et une banalisation de la violence à l’égard des femmes.

 

Des tribunaux insuffisants et mal équipés

Seuls quatre tribunaux dans tout le Sud-Kivu sont compétents pour juger d’un crime de viol. Une absurdité pour un territoire plus grand que la Suisse et comptant plus de 6 millions d’habitants. Sans surprise, le manque d’accès à l’assistance juridique est l’une des principales causes citées par les victimes pour justifier l’abandon des poursuites.

Les audiences foraines, conçues pour pallier le manque de tribunaux dans les territoires enclavés, ont leurs limites. D’une part, leur coût et leur organisation reposent exclusivement sur des acteurs internationaux, avec un engagement très limité des autorités nationales. D’autre part, parce que des zones entières du pays sont trop dangereuses pour s’y rendre : le gouffre entre les victimes et le système judiciaire reste intact.

Enfin, ces tribunaux sont très mal équipés pour traiter les crimes à caractère sexuel. Les autorités congolaises (policiers, magistrats et juges) sont encore pétries d’idées préconçues à l’égard des victimes, ce qui affecte le traitement de leurs plaintes. Les victimes, souvent menacées et intimidées pour avoir osé porter plainte, n’ont pas accès à un environnement sain et rassurant où demander justice, et préfèrent s’abstenir.

 

Les ONG font le travail du gouvernement

Il faut encore souligner l’attentisme des magistrats, qui exercent rarement leur pouvoir de se saisir des affaires de violences sexuelles. Il revient donc souvent aux ONG locales de référer les affaires aux tribunaux, malgré un manque de compétences ou des ressources. C’est pour répondre à leurs besoins que TRIAL International assure des missions de documentation et de renforcement des capacités.

Mais le vrai problème demeure : face à des autorités inertes, les ONG congolaises portent le fardeau démesuré de prendre en charge des victimes extrêmement fragilisées. Soins médicaux, accompagnement psychologique, aide économique… tout est à construire, puisqu’aucun soutien holistique aux victimes n’est prévu par l’Etat congolais.

Dans son rapport au Comité des droits de l’homme TRIAL pointe de nombreux autres écueils : l’insécurité des victimes, l’absence de mise en œuvre des verdicts, ou encore le blocage de procédures pour des motifs politiques.

La conclusion qui s’en dégage est que les causes de l’impunité sont structurelles : « Les difficultés des victimes en RDC ne sont pas liées à des individus ou à des contextes précis » explique Daniele Perissi, responsable du programme RDC de TRIAL. « Les lacunes sont généralisées, inscrites dans les lois, les structures et les mentalités. C’est pour cela qu’un changement en profondeur doit s’imposer par le haut. Nous demandons au gouvernement congolais de prendre enfin ce problème à bras-le-corps, en s’appuyant sur sa société civile dynamique et les nombreux partenaires internationaux présents dans le pays. »

Dans deux affaires portées par TRIAL, le Comité des droits de l’homme de l’ONU a reconnu – une fois de plus – l’incapacité du Népal à rendre justice à ses propres citoyens.

Les souffrances endurées par les familles de Rajendra Dhakal et de Padam Narayan Nakarmi ont enfin été reconnues. Le Comité des droits de l’homme (CDH) a admis que les autorités népalaises avaient failli à leur devoir de rendre justice. Les deux victimes ont été victimes de disparitions forcées dans le cadre de violences systématiques contre les maoïstes présumés dans la guerre civile.

M. Rajendra Dhakal était un avocat et un fervent défenseur des droits de l’homme. Au moment de son arrestation, il défendait des victimes torturées et agressées par des représentants de l’Etat. Il avait lui-même déjà été retenu et maltraité par les forces armées à cause de son engagement passé dans des groupes communistes.

M. Padam Narayan Nakarmi a également été arrêté et victime de disparition forcé en raison de son allégeance politique. Des preuves indiquent que la torture et les mauvais traitements étaient monnaie courante dans la caserne de l’armée où M. Nakarmi a été vu en détention pour la dernière fois.

Les familles des deux victimes avaient épuisé toutes les voies de recours internes quand elles se sont tournées vers TRIAL International. L’organisation et les familles ont saisi ensemble le CDH. Le Comité a reconnu que le Népal avait manqué à ses obligations et a formulé des recommandations en faveur des victimes.

 

« C’est maintenant que le plus dur commence »

Il incombe maintenant au Népal de prononcer ces recommandations et de garantir aux victimes que vérité et justice soient rendues.

Malheureusement, les décisions du CDH n’étant pas contraignantes, leur exécution dépend du bon vouloir des Etats. L’absence de mise en œuvre d’une décision du CDH renvoie un message alarmant : les violations des droits de l’homme peuvent rester impunies.

« Dans le passé, le Népal souvent ignoré, partiellement ou totalement, les recommandations du CDH », affirme Helena Rodríguez-Bronchú Carceller, responsable du programme Népal. « Le travail de TRIAL est loin d’être fini. En vérité, c’est maintenant que le plus dur commence ».

 

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Il aura fallu des années de lobbying et une décision des Nations Unies pour qu’Alma M. puisse faire valoir ses droits, et recevoir une reconnaissance concrète de ses souffrances.

Qu’y-a-t-il de pire que la disparition forcée d’un être aimé ? Que cette situation soit suivie de vingt ans d’incertitude, et du sentiment d’être abandonnée par les autorités. C’est ce qu’a vécu Alma M. (pseudonyme) en Bosnie-Herzégovine.

Son mari a été victime de disparition forcée alors qu’il était militaire. Sa famille l’a vu pour la dernière fois en août 1992. Ils n’ont jamais su ce qui lui était arrivé. Maintenant, leur droit à des compensations a enfin été reconnu.

Pour la première fois depuis plus de 20 ans, Alma M. a reçu l’allocation des familles de disparus. Le terme d’une bataille juridique longue et ardue.

 

Des obsèques et des dédommagements financiers

Cela faisait des années qu’Alma M. se heurtait à une bureaucratie kafkaïenne quand elle a sollicité l’aide de TRIAL. Ensemble, ils ont porté l’affaire devant le Comité des droits de l’homme de l’ONU (CDH).

En 2015, le Comité a recommandé à la Bosnie-Herzégovine d’établir la vérité sur la disparition du mari d’Alma, de dédommager son épouse convenablement et de mener les coupables en justice. Malheureusement, les décisions du CDH ne sont pas juridiquement contraignantes (on parle d’ailleurs de « recommandations »). Des démarches de lobbying auprès du gouvernement bosnien ont donc continué pendant des mois. TRIAL est resté aux côtés d’Alma M. tout au long de ces démarches.

Progressivement, la vie de la veuve s’est améliorée. L’année dernière, le corps de son mari a été trouvé près de Sarajevo. Des obsèques dignes de ce nom ont enfin été organisées, offrant à sa famille un lieu de recueillement.

L’allocation mensuelle à laquelle ont droit les familles des personnes disparues est une reconnaissance concrète des injustices que la famille a endurées. Celle-ci permettra à Alma M. de se sortir d’une situation financière précaire.

 

Décisions des Nations Unies : des tigres de papier ?

Les mesures dont a bénéficié Alma M. sont un grand pas un avant, mais la bataille n’est pas terminée. En effet, le Comité a recommandé son dédommagement, mais aussi que les assassins de son mari soient portés devant la justice. Or, ils courent aujourd’hui dans la plus totale impunité.

TRIAL international enjoint la Bosnie-Herzégovine à mettre en œuvre toutes les recommandations du CDH, non seulement dans le cas d’Alma M., mais aussi des onze autres familles qui attendent de voir ces mesures se concrétiser.

En savoir plus sur le travail de TRIAL pour la mise en œuvre des décisions du CDH.

 

Monsieur Nepali était journaliste au Maoist Daily pendant la guerre civile qui a opposé les forces népalaises de sécurité à la guerilla Maoïste. Militant politique, Monsieur Nepali était aussi membre du parti communiste du Népal Maoïste (PCN-M). Il vivait à Katmandou avec son épouse. En sa qualité de membre de l’opposition, il a été arrêté et interrogé, ainsi que son épouse, à plusieurs occasions sans toutefois être sérieusement menacé.

Le 21 mai 1999, sa vie a basculé lorsque que six ou sept policiers se sont présentés et lui ont demandé de les suivre pour être questionné. Monsieur Nepali les a suivis sans résistance et a été emmené dans un mini-van vers une destination inconnue. Cette fois, il n’est jamais revenu.

Sa femme, témoin de son arrestation, a remué ciel et terre pour savoir où il avait été amené. Elle s’est fréquemment rendue à la station de police locale, en vain. Finalement, des semaines après l’arrestation de son époux, elle a reçu un appel anonyme l’informant qu’il était retenu au quartier général de la police à Naxal, Katmandou.

Le jour suivant, Madame Basnet s’est rendu à Naxal et a demandé à voir son mari. La police a refusé mais a accepté de prendre le linge propre qu’elle lui avait apporté. Cet acte a donné un regain de courage à l’épouse, prenant cela comme un signe que son mari était bien détenu à Naxal et était encore en vie.

Après avoir quitté le poste de police, Mme Basnet a escaladé une butte voisine et a pu apercevoir Monsieur Nepali à l’intérieur du complexe. Il était escorté par un policier alors qu’il se rendait aux toilettes et, bien que menotté, il semblait en bonne forme physique. Madame Basnet a crié pour attirer son attention, mais elle était trop loin et il ne l’a pas entendue.

C’est la dernière fois qu’elle, ou quiconque, a vu Monsieur Nepali.

 

 Procédure

L’année suivante, la Cour Suprême a rejeté à deux reprises les demandes de remise en liberté (respectivement le 12 juillet 1999 et le 5 juillet 2000). Dans les deux décisions, la Cour a considéré que la police ayant nié toute détention, aucune remise en liberté ne pouvait être prononcée.

Le combat de Madame Basnet ne s’est pas limité au volet juridique. Avec les familles d’autres individus disparus, elle a tenu une conférence de presse et lancé un appel au grand public et aux autorités gouvernementales de lui signaler toute information sur la localisation de M. Nepali. Elle a également présenté un appel écrit au Parlement et a cofondé l’Association pour les familles des victimes de disparition d’État (AFVDE).

En juillet 2009, la cause de Madame Basnet était même soutenue par Amnesty International, qui a lancé deux appels urgents en août 1999 et en février 2000. Le gouvernement du Népal est resté inflexible.

En mai 2012, TRIAL International a porté l’affaire devant le Comité des droits de l’homme de Nations Unies (CDH).

Le 1er novembre 2016, le CDH a transmis une décision dans laquelle il considère que les droits de Mme Basnet avaient, en effet, été violés et a enjoint le gouvernement du Népal :

  • D’enquêter sur la disparition forcée de Monsieur Nepali
  • Dans le cas où il serait mort, de localiser son corps et de remettre sa dépouille à sa veuve
  • De poursuivre et de punir les coupables
  • De garantir une indemnisation et un suivi psychologique à Mme Basnet

Le CDH a également enjoint l’Etat de prévenir tout cas similaire, en s’assurant que les disparitions forcées donnent lieu à des enquêtes et que la législation nationale permette de poursuivre et de punir les auteurs.

 

Le combat n’est pas terminé

Le prochain défi pour Madame Basnet est de transformer cette décision en changements effectifs. Une quête qui promet d’être longue et difficile, et dans laquelle TRIAL l’accompagnera. En effet, les recommandations du CDH sont souvent restés lettres mortes au Népal, ce qui constitue une nouvelle violation des droits des victimes.

Rejoignez la campagne Real Rights de TRIAL International pour appeler les autorités népalaises à agir !

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Lire une autre histoire de disparition forcée au Népal

 

Tej Bahadur Bhandari est porté disparu depuis 2011. Son fils, Ram Bhandari, n’a jamais cessé de lutter pour la justice. Il est aujourd’hui un important défenseur des droits humains au Népal. Voici son histoire.

« Mon père a  disparu en 2001. J’avais alors 23 ans. J’étais à l’université lorsque j’ai reçu l’appel téléphonique de ma mère : elle était affolée, elle a dit que mon père avait été enlevé par la police. J’ai immédiatement redouté le pire : certains de mes amis à l’université avaient été emprisonnés, enlevés ou torturés par les autorités. Je savais de quoi ils étaient capables.

Je me suis empressé de rentrer chez moi dès le lendemain pour être avec ma mère. Ensemble, nous nous sommes rendus au poste de police. Les policiers ont nié avoir enlevé mon père, mais certains témoins nous ont relaté une histoire bien différente : mon père a été passé à tabac en plein jour, au milieu de la rue, jusqu’à perdre connaissance. Les policiers lui ont ensuite bandé les yeux et attaché les mains, et l’ont emmené. Nous ne l’avons pas revu depuis. »

 

Une famille brisée

« Comme je refusais de me taire et continuais d’interpeller les autorités, j’ai commencé à recevoir des menaces. J’ai même été emprisonné pendant quelques jours. Comme ma mère s’inquiétait pour notre sécurité, nous avons décidé de déménager dans une autre ville. Nous avons laissé derrière nous notre entreprise familiale et tous nos proches. Dans cette nouvelle ville, nous ne connaissions personne. Ma mère ne pouvait pas travailler, elle était extrêmement angoissée et a dû être hospitalisée.

Les liens familiaux sont très importants au Népal. La place d’une femme dans la société est liée à son mari. C’est également lui qui apporte un revenu, la femme restant à la maison et s’occupant des enfants. Au moment où mon père a été enlevé, ma mère n’a donc pas été en mesure de se débrouiller seule. C’est le cas de nombreuses épouses d’hommes disparus.

Ces femmes ne peuvent même pas recevoir des fonds de veuvage, car elles ne sont pas en mesure de fournir un corps ou une date de décès. Elles se trouvent dans une position ambiguë que leur communauté ne comprend pas, ce qui entraîne leur rejet et leur stigmatisation. Les enfants souffrent également : en raison du manque de ressources, ils ne peuvent pas aller à l’école ou être soignés correctement. Lorsqu’un homme est victime de disparition forcée, toute sa famille est confrontée à l’exclusion sociale et à de grandes souffrances psychologiques. »

 

Chercher justice au niveau supranational

« Ma mère et moi étions déterminés à savoir ce qui était arrivé à mon père. Nous sommes allés voir la police, les juridictions, les politiciens, nous avons écrit des lettres, nous avons rassemblé des preuves… en vain. Je pensais que nous étions à nos limites lorsque j’ai entendu parler de TRIAL International pour la première fois. Ils m’ont expliqué que les procédures ne s’arrêtaient pas au niveau national, que nous pourrions porter l’affaire devant les Nations Unies. Nous avons retrouvé espoir quand nous avons appris que nous allions pouvoir continuer notre combat malgré le manque de coopération des autorités népalaises !

En 2014, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a pris notre défense et a demandé au Népal de rendre justice. Enfin, notre souffrance, de même que le caractère illégal de ces évènements, étaient reconnus.

Malheureusement, rien n’a été fait par les autorités népalaises depuis la décision du Comité. Nous ne savons toujours pas pourquoi mon père a été enlevé, ce qui lui est arrivé, ni même s’il est encore vivant. »

 

Du préjudice individuel à l’action collective

« Je dédie désormais ma vie à la défense des victimes de disparitions forcées. Avec le Réseau national népalais des familles des disparus, nous informons les personnes sur leurs droits. Nous expliquons les procédures, nous les aidons à récolter les preuves les plus convaincantes, et nous leur parlons des procédures devant les Nations Unies si la justice népalaise fait la sourde oreille.

Ces familles sont trop nombreuses à ne pas connaître leurs droits. Souvent, elles sont issues d’un milieu rural et vivent dans le dépouillement. Beaucoup d’entre elles ont peur, ou pensent que demander justice ne servira à rien. Elles ne rapportent pas toujours les disparitions forcées, ce qui signifie qu’un grand nombre de ces crimes ne sont toujours pas enregistrés et passent inaperçus. Nous nous efforçons de changer cela. Nous encourageons ces personnes à se manifester, car c’est notre action collective qui changera les choses et nous permettra d’obtenir justice.

Nous faisons également un travail didactique sur les disparitions forcées, en expliquant la torture psychologique que subissent les victimes. Nous espérons que, dans le futur, les familles de disparus seront moins stigmatisées et mieux comprises. Je ne veux plus voir de femmes mise au banc comme ma mère l’a été. »

 

En savoir plus sur l’affaire Tej Bahadur Bhandari

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Un projet de l’Union européenne, mené en collaboration avec le PNUD, permettra à TRIAL International d’élargir ses activités de lutte contre l’impunité dans l’Est de la RDC.

Grâce à son expertise en matière d’accès à la justice, TRIAL International a été approchée par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) pour participer à un projet d’amélioration structurelle du système judiciaire congolais. Celui-ci est mené de concert avec l’Union européenne, qui en est le principal bailleur.

Le projet vise à lutter contre les crimes internationaux en renforçant l’accès des victimes à la justice. Il s’articule autour de deux priorités : d’une part, au niveau national, développer le rôle des juridictions civiles ; et d’autre part, favoriser l’accès des victimes aux organes internationaux, tels que la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et le Comité des droits de l’homme des Nations Unies.

La première phase du projet se déroulera jusqu’en 2018. Dans ce cadre, TRIAL International, déjà présent au Sud Kivu, devrait étendre ses actions à la province du Katanga, tristement célèbre pour l’importante impunité qui y règne.

Le 17 décembre 2014, F. a été arrêté à son domicile, sans mandat d’arrêt, par des agents de l’Agence Nationale de Renseignements (ANR). Aussitôt placé en cellule d’isolement dans les cachots de l’ANR, il y a été longuement torturé, dans le but de le faire « avouer » le vol d’une importante somme d’argent appartenant à son ancien associé… qui se trouvait être très proche du commandant de l’ANR. F. a eu beau clamer son innocence, il a été maintenu en cellule d’isolement pendant près d’un mois.

Il a ensuite été transféré à la prison centrale de Bukavu et placé en détention préventive par le Tribunal. Au cours de cette période, ses droits les plus fondamentaux ont été bafoués : droit de voir un avocat, d’être informé des raisons de son arrestation ou d’être entendu devant une autorité compétente. On lui a également refusé des soins, de l’eau et de la nourriture, et toute visite extérieure. Les efforts de son avocat pour le faire libérer ont été vains.

Les mois suivants ont marqué une véritable campagne d’intimidation contre F. et sa famille : arrestation et détention arbitraire, menaces, agression physique, etc. Depuis lors, F. et sa famille vivent dans la crainte de nouvelles représailles.

En plus des actions menées au niveau national, TRIAL International a assisté F. dans le dépôt d’une dénonciation devant le Groupe de travail sur la détention arbitraire. En septembre 2015, cet organe international a reconnu le caractère arbitraire de la détention de F. et les actes de torture commis par les agents de l’ANR. TRIAL International a également déposé une plainte devant le Comité des droits de l’homme, demandant à ce que les responsables soient sanctionnés, que les violations commises à l’égard de la victime soient reconnues et qu’une forme de réparation lui soit accordée. La procédure est actuellement en cours.

Ce dossier est particulièrement représentatif des violations commises par les agents de l’ANR en RDC, qui jouissent d’une impunité considérable.

 

Pendant 10 jours en 2012, le petit village de Minova a été le théâtre d’une vague de violence : les villageois ont été victimes de viols de masse, de meurtres et de pillages. Les auteurs de ces atrocités étaient tous des membres des FARDC (Forces armées de la République démocratique du Congo) et de la Police nationale congolaise (PNC).

Cette affaire a provoqué un tollé au niveau national et a fait l’objet d’un procès mettant en cause 39 officiers de l’Etat, traduits devant la Cour militaire opérationnelle (CMO) du Nord-Kivu. Dans ce dossier, plus de 1 000 témoins se sont constitués parties civiles et plus de 200 victimes ont été représentées. Malgré cela, la CMO a rendu le 5 mai 2014 une décision bien en deçà des espérances des victimes : seuls 25 officiers ont été condamnés pour pillage, et deux pour viol. 12 officiers ont été acquittés de toutes les charges. Pire encore, la quasi-totalité des victimes ont été déboutées du procès au motif qu’elles n’avaient pas été en mesure d’identifier les coupables, coupant court à toute possibilité de réparations.

La loi congolaise ne permet pas de faire appel d’un jugement de la CMO. Pourtant, deux des victimes, soutenues par l’Association du Barreau Américain, ont déposé un recours devant la Haute Cour Militaire pour viols. Celle-ci ne s’est toujours pas prononcée.

TRIAL International, en collaboration avec les organisations REDRESS et le International Centre for Transitional Justice, envisage de porter le dossier devant le Comité des droits de l’homme. Celui-ci pourrait reconnaître les violations commises, demander la condamnation des responsables et le versement de réparations aux victimes. Cette décision pourrait également, à terme, établir un précédent pour les autres victimes de crimes graves et de violences sexuelles commis par les forces armées de l’Etat.

 

Pascal Kabungulu, l’un des plus éminents défenseurs des droits humains en RDC, a été assassiné en 2005 à son domicile. Secrétaire exécutif de l’organisation Héritiers de la Justice, il avait à plusieurs reprises dénoncé la corruption et les violences commises dans l’Est de la RDC. Depuis plusieurs années, M. Kabungulu faisait l’objet de menaces par les personnes dérangées par ses accusations, fort nombreuses et haut placées. M. Kabungulu avait notamment accusé de corruption un lieutenant-colonel des FARDC (Forces armées de la République démocratique du Congo) dans les mines d’or du territoire de Mwenga.

L’assassinat de M. Kabungulu est un dossier hautement symbolique, car il représente l’essence même des violences commises à l’égard des défenseurs des droits de l’homme. ©CCJI

Au lendemain de l’assassinat de M. Kabungulu, sa famille a commencé à recevoir des menaces et des intimidations. Sa femme a été contrainte de fuir avec ses six enfants, d’abord en Ouganda puis au Canada où ils ont obtenu l’asile.

Depuis 10 ans, sa famille n’a jamais cessé de tenter d’obtenir justice, en vain. Une  commission d’enquête ouverte après le meurtre a mené à l’ouverture d’un procès et à l’identification des responsables, mais le dossier s’est « perdu » dans les méandres des juridictions et depuis 2009, il a été impossible d’en retrouver la trace.

 

Procédure devant le Comité des droits de l’homme

TRIAL International et le Centre canadien pour la justice internationale ont déposé pour la famille de Pascal Kabungulu une plainte devant le Comité des droits de l’homme (CDH). Ensemble, ils ont demandé que les violations à l’égard de la victime et de sa famille soit reconnues, que les responsables soient condamnés et que des réparations soient accordées aux victimes.

Le 12 janvier 2021, le CDH a reconnu que la RDC avait violé le droit à la vie de Pascal Kabungulu et avait privé sa famille de tout accès à un recours utile en refusant de faire la lumière sur les faits. Le Comité a appellé la RDC à poursuivre d’une manière rapide, efficace, exhaustive, indépendante, impartiale et transparente l’instruction et la procédure pénale sur le meurtre de Pascal Kabungulu et de fournir à sa famille une indemnité adéquate.

Lire la décision complète

L’assassinat de M. Kabungulu est un dossier hautement symbolique, car il représente l’essence même des violences commises à l’égard des défenseurs des droits de l’homme. Une victoire dans cette affaire représente un pas de plus vers une meilleure protection des défenseurs des droits humains dans un contexte national délétère.

 

Mme H. travaille à l’hôpital de Panzi aux côtés du Dr Mukwege, qui vient en aide aux femmes victimes de violences sexuelles. Son activité lui avait déjà attiré plusieurs menaces quand, le 19 juin 2013, elle a été enlevée par six hommes armés à quelques mètres de son domicile. Séquestrée pendant trois jours, elle a été violée et brutalisée. Dans la nuit du troisième jour, Mme H. a été abandonnée, menottée et inconsciente, sur le bord de la route.

Mme H. a rapporté à plusieurs reprises les violences subies, et a déposé trois plaintes pénales – l’une avant et deux autres après l’enlèvement. En dépit de ces efforts, aucune mesure de protection n’a été prise par les autorités. Au contraire, le Ministère Public a déposé contre elle une plainte pour diffamation et faux bruits. Pendant un an, Mme H. et sa famille ont vécu dans la peur constante de nouvelles agressions. Leurs pires craintes se sont réalisées quand, à la sortie de l’Hôpital de Panzi, la victime et son mari ont été attaqués en pleine rue et et que leur domicile a été vandalisé. Face à ces nouveaux épisodes de violences, la famille n’a plus eu d’autres choix que de fuir le pays pour se réfugier en Ouganda. Ils vivent désormais dans une situation extrêmement précaire et la santé de Mme H. demeure fragile.

Face à l’échec des recours au niveau national, TRIAL International a soumis une plainte devant le Comité des droits de l’homme, au nom de la victime et de son mari pour qu’une enquête soit menée, que les violations à leur égard soit reconnues et que des réparations leur soient accordées.

 

Introduction

Déborah Kitumaini Kasiba est la veuve d’un éminent défenseur des droits humains, assassiné en République démocratique du Congo (RDC), il y a 10 ans. Elle a tout perdu : son mari, ses biens, son pays. Depuis, elle vit au Canada avec ses six enfants. Si elle n’a pas toujours eu la vie facile, Déborah n’en laisse rien paraître. Âgée de 56 ans, elle déborde de vivacité et de courage.

Dix ans après la mort de Pascal Kabungulu, et après des années de procédures judiciaires infructueuses en RDC, la famille a décidé de déposer plainte auprès des Nations unies, avec le soutien de deux ONG : Le Centre Canadien pour la Justice Internationale et TRIAL. Avant de déposer sa plainte, elle nous a confié son histoire.

« Un homme courageux, fier, drôle et tendre »



Déborah, pourriez-vous nous dire qui était Pascal Kabungulu ?

Mon mari, Pascal Kabungulu, était journaliste et Secrétaire exécutif au sein de l’ONG congolaise Héritiers de la Justice, qui lutte en faveur des droits humains et pour la promotion de la paix dans la région du Sud-Kivu. Pascal était un homme engagé qui, dans le cadre de son travail, a dénoncé beaucoup d’abus et de crimes commis en RDC.

En juillet 2005, il a été assassiné, sous mes yeux et ceux de mes enfants. Nous avons toutes les raisons de croire que ceux qui l’ont assassiné voulaient le faire taire.

Pascal était un époux et un père exceptionnel. Il a été l’Amour de ma vie. C’était un homme courageux, fier, drôle et tendre aussi, qui s’est montré capable d’un amour et d’une générosité sans limite pour les siens. Cela fait dix ans qu’il nous a quitté et il n’y a pas un jour qui passe sans que nous ne pensions à lui !

Selon vous, pourquoi fallait-il faire taire votre mari ?

Pascal avait dénoncé plusieurs affaires dans lesquelles trempaient des dirigeants de la région de Mwenga, au Sud Kivu… des magouilles, notamment en lien avec les mines d’or. Héritiers de la Justice avait réunit de nombreux témoignages sur ces affaires.

Les hommes dénoncés n’ont pas apprécié et ont voulu le faire taire. Ils l’ont menacé avant de l’assassiner. En s’en prenant à Pascal – figure très populaire – ils ont également envoyé un message et une menace d’une portée plus large aux autres défenseurs ainsi qu’à la population.


« Aujourd’hui, tu vas mourir ! »



Que s’est-il passé exactement la nuit où votre mari a été assassiné ?

Le 31 juillet 2005, mon mari rentrait d’un voyage au Rwanda. Il n’est rentré qu’à 20h30 ce soir là et nous avons passé la soirée en famille. Pascal a passé du temps avec les enfants et nous avons regardé la télévision avant d’aller nous coucher. Au milieu de la nuit, l’un de mes fils s’est mis à crier, et j’ai entendu une voix d’homme menaçante: « Si tu cries encore, je te tue ».

Mon mari est sorti de la chambre à coucher pendant que j’alertais les voisins par la fenêtre. Des hommes en uniforme ont alors attrapé Pascal et lui ont dit : « Kama unakimbiyaka leo utakufa », en d’autres termes : « Tu as réussi à fuir jusqu’à présent, mais aujourd’hui, tu vas mourir ! ». J’ai ensuite entendu des détonations et des bruits de gens qui couraient avant d’apercevoir Pascal, en sang, allongé au milieu du salon. Tandis que mes fils forçaient la porte pour aller chercher de l’aide, je me suis approchée de Pascal et l’ai pris dans mes bras. Il était déjà inconscient.

Des voisins nous ont aidé à transporter Pascal jusqu’au centre médical le plus proche. Mais ses blessures étaient tellement graves qu’il a du être transféré d’urgence à l’hôpital. Les médecins ont constaté son décès peu de temps après notre arrivée.

Et vous, avez-vous aussi subi des pressions ?

Oui, plusieurs, du temps où Pascal était en vie : on frappait à notre porte, mais nous n’avons jamais ouvert jusqu’au jour fatidique. Après sa mort, des hommes en armes et uniforme ont commencé à me rendre visite sur mon lieu de travail, puis à rôder autour de notre domicile alors que j’y étais seule avec les enfants…

La menace devenait chaque jour plus palpable, et les collègues de feu mon mari l’ont prise très au sérieux. Nous avons dû quitter la RDC dans la précipitation, quelques jours à peine après sa mort, en laissant à peu près tout derrière nous.

Et où êtes vous allés en quittant la RDC ?

Nous sommes partis avec une petite valise chacun jusqu’à la frontière avec le Rwanda; moi, en taxi avec mes enfants en bas âge; et mes fils aînés à pied. Comme mon fils Heri portait le nom de Kabungulu, il a été arrêté à la frontière pendant des heures. En voyant son passeport, l’un des gardes lui a dit : « les Kabungulu n’ont pas le droit de sortir du territoire ». Il n’a pu s’en sortir que grâce à l’intervention d’un ami.

Lorsque nous avons enfin passé la frontière rwandaise, nous avons pris un bus jusqu’en Ouganda. Nous avons d’abord logé à l’hôtel à Kampala, jusqu’à ce que les membres d’Héritiers de la Justice mettent gracieusement un appartement à notre disposition. Nous sommes restés en Ouganda pendant près d’un an.

« Nous avons vécu la peur au ventre »



Comment avez-vous vécu cette période ?

Ça a été tellement dur ! On ne parlait pas la langue du pays, mes enfants n’étaient pas scolarisés et nous étions tous extrêmement traumatisés par ce qu’il s’était passé. Nous avions peur que les menaces reprennent : une de nos cousines a dû elle aussi fuir la RDC, mais les menaces ont continué en Ouganda. Ces gens ont le bras long, vous savez !

Nous avons vécu les premiers mois reclus, la peur au ventre. C’est comme si ma vie s’était arrêtée à la frontière… J’étais vraiment mal. Un médecin m’a aidée à m’accrocher à ce qui me restait : mes enfants. Ce sont eux qui m’ont véritablement sauvée.

Après un an en Ouganda, vous êtes partis au Canada…

Oui, le Canada a heureusement accepté notre demande d’asile. Nous sommes vraiment reconnaissants d’avoir pu refaire notre vie ici, malgré le vide et la tristesse laissés par l’absence de Pascal.

Mais je ne vous cacherai pas que les débuts n’ont pas été faciles : je n’avais pas d’amis, pas d’argent, pas de travail et six enfants à charge. Il fallait tout reconstruire.

Grâce aux formations dont j’ai pu ensuite bénéficier, j’ai trouvé un emploi et les choses se sont petit à petit mises en place. Aujourd’hui, tous mes enfants travaillent ou font des études. Plusieurs sont mariés et ont fondé leur propre famille. Voir mes petits-enfants me remplit de joie, même si j’aurais tellement voulu que Pascal puisse les connaître !

Et comment vous sentez-vous aujourd’hui ?

Mon mari nous avait préparés, les enfants et moi, au fait qu’il avait des ennemis et qu’il risquait de mourir. Mais ça n’empêche ni la peur, ni la tristesse et encore moins les symptômes du stress post-traumatique, même si ceux-ci s’estompent un peu avec le temps… Dix ans plus tard, ce drame fait encore partie de notre vie : mon cœur s’accélère toujours à la vue d’un uniforme et nous n’avons pas osé sortir du Canada jusqu’à présent !+

Votre famille semble animée par une forte motivation de contribuer au bien commun. D’où vient cet élan ?

A Bukavu, l’ONG de Pascal avait clairement redonné un sens au mot « justice ». Je crois que mes enfants ont tous hérité de l’état d’esprit de leur père, il a été leur source d’inspiration à ce niveau. Mon fils Heri dit par exemple de lui : « Je lui dois mon caractère et ma force. Il n’a jamais laissé de place à la facilité et nous a toujours encouragé à travailler dur. Les valeurs qu’il m’a transmises sont à jamais gravées dans mon cœur ».

Vous savez, après sa mort, nous avons appris que Pascal apportait une aide financière à de nombreuses familles modestes. Il leur donnait de quoi acheter de la nourriture ou payer les études des enfants. Tout ça, dans la plus grande discrétion et sans jamais se mettre en avant.

Et vous, êtes-vous aussi une activiste des droits humains, Déborah ?

A l’origine, je suis sage-femme. J’ai exercé ce métier durant de nombreuses années, avant de fonder mon propre centre médical à Bukavu, dont j’ai été la directrice, jusqu’au moment de fuir le pays. Mon parcours a changé au moment de l’exil et je cumule aujourd’hui deux emplois pour m’en sortir.

Après la mort de Pascal, j’ai aussi repris en partie son combat. En 2011, j’ai créé avec ma famille la Fondation Pascal Kabungulu qui vient notamment en aide à ceux qui, comme nous, sont les veuves et orphelins de défenseurs des droits humains. Et croyez-moi, ils sont nombreux, car en RDC on te coupe la tête si tu oses dire la vérité ! Nous aidons des personnes en RDC mais aussi celles qui, comme nous, sont réfugiées au Canada, afin que leurs débuts dans ce pays d’accueil se passe au mieux.

« Nombreux sont ceux qui reçoivent encore des menaces de mort »



Le combat mené par votre mari à l’époque est-il différent de celui des défenseurs des droits humains aujourd’hui ? Qu’est-ce qui a changé ?

Les choses n’ont pas radicalement changé. Mais le combat mené par Pascal a donné de la force à beaucoup de jeunes défenseurs, je crois. La nouvelle génération de défenseurs est extrêmement courageuse, malgré la répression qui sévit toujours en RDC : nombreux sont ceux qui n’hésitent pas à dénoncer les abus, mais nombreux sont ceux qui reçoivent encore des menaces de mort !

Nous sommes restés en contact avec beaucoup d’activistes. Certains appellent d’ailleurs toujours mes enfants « petits frères» et les exhortent à poursuivre le combat de leur père. Je suis si fière de voir que les graines semées par Pascal ont germé!

« 

La justice doit faire cesser la peur et l’impunité
»



Vous avez décidé de porter plainte auprès des Nations unies pour la mort de votre mari. Pourquoi ?

Je suis veuve. Mes enfants sont orphelins. Cela fait dix ans que nous avons dû quitter notre pays pour vivre en exil, en laissant tout derrière nous. Et nous continuons à vivre dans la peur de représailles, tandis que les assassins de Pascal – qui ont pourtant été clairement identifiés – sont libres. Ces hommes nous ont volé l’être que nous aimions et notre vie.

L’arrestation et la condamnation des responsables ne nous rendront pas Pascal, mais nous attendons des Nations unies et de notre pays qu’ils fassent justice, pour au moins nous rendre notre vie. Il faut faire cesser la peur et l’impunité.

Qu’espérez vous pour l’avenir, Déborah ?

Nous voulons que la justice nous ramène la paix. Nous avons désormais la nationalité canadienne et sommes très heureux de vivre dans ce pays, mais nous sommes aussi restés profondément attachés à notre pays d’origine et il nous manque énormément.

Je rêve de retourner en RDC un jour, de revoir tous ceux et celles qui nous sont chers, de respirer l’air de Bukavu et de marcher à nouveau sur notre terre, en sécurité, la tête haute, sachant que les assassins de mon mari ne pourront plus nuire. J’espère que ce jour viendra bientôt !

 

Le cas de sept femmes dont les agresseurs ont été condamnés en 2011 illustre l’écart entre un verdict de culpabilité et une justice réparatrice vraiment satisfaisante.

Au cours de l’été 2009, l’armée congolaise a lancé l’opération « Kimia II » au Sud-Kivu, visant à traquer les membres du FDLR, un groupe armé non-étatique. Un bataillon de l’armée a été déployé dans la ville de Mulenge et dès la mi-août, fuyant les combats acharnés, la plupart de sa population civile s’est relocalisée dans le village voisin de Mugaja.

 

Des crimes horribles entraînent des condamnations rapides

Lorsque la nourriture s’est raréfiée, un groupe de civils déplacés a décidé de retourner à Mulenge, dans l’espoir d’y cultiver leurs champs. Sept femmes, dont une aveugle et deux enceintes, faisaient partie de ce groupe. Lorsqu’elles sont arrivées à Mulenge le 18 août 2009, elles ont été attaquées et violées par une poignée de soldats congolais.

Le 30 octobre 2010, le tribunal militaire d’Uvira a déclaré cinq soldats congolais coupables de crimes contre l’humanité pour les sept viols commis à Mulenge. En outre, le tribunal a ordonné à l’État de la RDC de verser une somme de 50’000 USD à chacune des victimes, en réparation du préjudice matériel et psychologique. Le 7 novembre 2011, la cour d’appel militaire a confirmé le verdict.

 

Mais l’histoire ne s’arrête pas là

Les réparations octroyées par la cour n’ont pas été mises en œuvre, et aucune des victimes n’a reçu le moindre dollar.

Au nom des femmes Mulenge, TRIAL International a soumis un dossier de réparation aux autorités compétentes de Kinshasa (la capitale de la RDC) en juin 2015. Après plus de cinq ans de procédures et de négociations interminables avec les autorités compétentes, aucune indemnisation n’avait encore été versée. Plus précisément, les ministères du Budget et des Finances étaient dans l’impasse, attendant que le ministère de la Justice autorise le paiement effectif.

Malheureusement, cette pratique est très courante : à l’heure où nous écrivons, aucune victime de crimes internationaux n’a été correctement indemnisée par l’État. En février 2017, TRIAL International a déposé un amicus curiae dans une affaire similaire devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, arguant que les obstacles à une réparation effective en RDC étaient structurels, profondément enracinés et généralisés.

Cliquez ici pour plus d’information sur l’amicus curiae

Au cours de l’été 2016, TRIAL International a déposé une plainte contre l’État congolais devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, pour son inaction dans l’affaire Mulenge.

En novembre 2021, le Comité des droits de l’homme a publié sa décision, qui a reconnu que la RDC a violé les droits des 7 femmes de Mulenge. Notamment, l’absence de compensation effective de la part de l’Etat congolais a aggravé leur stigmatisation et leur souffrance et a violé leur droit à ne pas etre soumises à la torture, leur droit d’accès à un tribunal et de recours utile, ainsi que leur droit à ne pas etre discriminées sur la base du genre.

Le Comité a demandé à la RDC de procéder à l’exécution intégrale de la décision judiciaire, en indemnisant les bénéficiaires pour le retard excessif, et d’offrir des mesures de réadaptation psychologique, soutien médical et réinsertion sociale et économique adaptées.

 

Pourquoi cette affaire est-elle si importante ?

Contrairement aux avancées positives des autorités judiciaires congolaises pour sanctionner les auteurs de crimes graves, aucun progrès n’a été accompli jusqu’à présent en termes de réparation aux victimes.

Plus d’informations sur les victoires contre l’impunité en DRC

L’affaire Mulenge est l’une des rares affaires pour lesquelles la procédure d’indemnisation a été entièrement menée à bien. Par conséquent, une simple décision du ministère de la Justice pourrait rendre effectif le paiement aux victimes.

Malheureusement, contrairement à la plupart des pays, le paiement monétaire en RDC n’est pas automatique. Il est soumis à une procédure d’exécution extrêmement longue, complexe et coûteuse. Par ailleurs, la procédure présente une composante politique et la décision de payer est totalement discrétionnaire.

Ce sont ces obstacles structurels que TRIAL International espère pouvoir surmonter dans l’affaire Mulenge. La création d’un précédent pourrait ouvrir la voie à des milliers de victimes qui attendent toujours les réparations promises.

 

 

 

Affaire Bholi Pharaka c. Népal

A l’âge de neuf ans, M. Bholi Pharaka (nom d’emprunt) est parti travailler à Katmandou pour subvenir aux besoins de sa famille. Chez son employeur, il a été victime de travail forcé et à de mauvais traitements quotidiens. Quand il a enfin pu s’échapper de cette situation cauchemardesque à 14 ans, il a été arrêté, détenu arbitrairement et torturé par des policiers népalais. Depuis lors, M. Pharaka et sa famille ont demandé justice sans relâche, mais à ce jour personne n’a été poursuivi pour ces crimes et la victime n’a obtenu aucune réparation. En mai 2016, TRIAL a porté plainte au nom de M. Pharaka devant le Comité des droits de l’homme des Nations unies, afin d’obtenir enfin justice et réparation.

 

L’affaire

Issu d’une famille très pauvre, M. Bholi Pharaka n’a pas eu d’autre choix que de commencer à travailler à l’âge de neuf ans. Il a été envoyé à Katmandou pour y être l’aide domestique d’un officier de l’armée. Cette situation déjà illégale est devenue inhumaine quand M. Pharaka a été soumis à des abus physiques et psychologiques et s’est vu interdire de quitter la maison. Quand il a finalement réussi à s’échapper en 2012, son employeur l’a accusé d’avoir volé de l’or et des objets de valeur. Suite à ce faux témoignage, la victime a été arbitrairement arrêtée et détenue au poste de police (Metropolitan Police Range) de Hanumandhoka, à Katmandou.

Pendant sa détention, M. Pharaka a été maintenu dans une chambre sale et surpeuplée, qu’il partageait avec des adultes. Des policiers l’ont torturé quotidiennement pour lui faire « avouer » le vol.  Frappé sur tout le corps, battu avec des tuyaux en plastique, électrocuté et soumis au falanga (coups de bâton sur la plante des pieds), M. Pharaka a finalement été contraint de signer des documents sans même avoir pu les lire avant. Il a appris plus tard qu’il avait signé une « confession » avouant son implication dans le vol allégué.

Même après avoir « avoué » et malgré deux décisions judicaires ordonnant sa libération, M. Pharaka a encore été maintenu en prison plusieurs mois car sa famille ne pouvait pas payer sa caution. Ce n’est que le 25 juin 2013 qu’il a enfin été libéré, lorsque la Cour Suprême a reconnu le caractère arbitraire de sa détention et ordonné sa libération.

Sur la base de la «confession» extorqué de M. Pharaka, le tribunal de Katmandou l’a reconnu coupable de vol et l’a condamné à un mois de prison – peine qu’il avait déjà largement purgée pendant les neuf mois et dix-neuf jours de sa détention arbitraire.

Aujourd’hui encore, M. Pharaka souffre des séquelles de cet épisode. Ses symptômes incluent des troubles dépressifs et du sommeil. Il a dû quitter l’école et recommencer à travailler pour subvenir aux besoins de sa famille.

La quête de justice

Pharaka et ses proches ont dénoncé à de nombreuses reprises les conditions de détention et les tortures subies aux autorités népalaises, en vain. Les autorités ont au mieux ignoré leurs plaintes, et dans certains cas ont même refusé de les enregistrer. Cette attitude laxiste a été facilitée par les importantes lacunes législatives sur la torture et le travail forcé. De ce fait, aucun bourreau n’a été poursuivi et sanctionné et M. Pharaka n’a reçu aucune indemnisation pour le préjudice subi.

Ayant épuisé tous les recours nationaux et avec l’aide de TRIAL International, M. Bholi Pharaka a déposé une plainte devant le Comité des droits de l’homme des Nations unies (CDH) en mai 2016. Le 22 août 2019, Le CDH a donné raison à TRIAL International et à la victime.

Violations alléguées

Dans sa décision, le CDH a  reconnu :

  • que M. Bholi Pharaka avait été victime d’une violation des arts. 7 (interdiction de la torture) et 10 (droit à un traitement humaine), lus conjointement avec l’art. 24, par. 1 (obligation d’adopter des mesures spéciales de protection pour les mineurs), du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En effet, la victime a été torturée et maintenue dans des conditions inhumaines dans le but d’obtenir un aveu. Ces violations sont aggravées par le fait que M. Pharaka était mineur au moment des faits, ce qui aurait dû lui garantir des mesures spéciales de protection – mesures que le Népal n’a pas appliquées.
  •  la violation des arts. 7 et 10, lus conjointement avec les arts. 2, par. 3 (droit à un recours effectif), et 24, par. 1, du même Pacte, car les autorités népalaises n’ont ni enquêté efficacement sur les allégations de M. Pharaka, ni poursuivi et sanctionné les coupables, ni indemnisé adéquatement la victime. Ces violations sont aggravées par le fait que le Népal n’ait pas garanti à M. Bholi Pharaka la protection spéciale à laquelle sont statut de mineur lui donnait droit.
  •  la violation de l’art. 7 lu conjointement avec l’art. 2, par. 2 (obligation d’adopter des mesures législatives), du Pacte. En effet, le Népal n’a pas adopté de lois prévenant et sanctionnant la torture et offrant à la victime des mesures de réparation, dont des garanties de non-répétition.
  • la violation de l’art. 9, par. 1, 2, 3 et 5 (droit à la liberté personnelle), lu conjointement avec les arts. 2, par. 3, et 24, para. 1, car les arrestation et détention de M. Pharaka étaient arbitraires et aucune enquête n’a été menée suite aux plaintes de ce dernier – une double atteinte aux obligations internationales du Népal puisque la victime était mineure au moment des faits et aurait donc dû se voir offrir une protection supplémentaire.
  • la violation de l’art. 14, par. 2, 3(a), 3(b) et 3(g) (droit à un procès équitable), lu conjointement avec l’art. 24, par. 1, du Pacte. Le procès de M. Pharaka a en effet été inéquitable pour plusieurs raisons : il n’a pas été présumé innocent, n’a pas été informé des accusations portées contre lui, n’a pas eu le temps ni les moyens de préparer sa défense et a été contraint de témoigner contre lui-même. Ces violations sont aggravées par le fait que le Népal n’ait pas fourni à M. Bholi Pharaka la protection spéciale à laquelle il avait droit en tant que mineur.
  • la violation de l’art. 8, par. 3(a) (interdiction du travail forcé), lu conjointement avec les arts. 2, par. 3, et 24, par. 1, du Pacte, puisque les autorités népalaises n’ont pas adopté les mesures nécessaires pour protéger la victime du travail forcé et infantile. Lorsque cela a été le cas, les autorités népalaises n’ont pas mené d’enquête menant à la poursuite et la sanction des responsables. Enfin, elles n’ont fourni à M. Pharaka aucune compensation. Ces violations sont aggravées par le fait que la victime, en tant que mineur, aurait dû être protégée d’une manière toute particulière

Le CDH a également demandé au Népal d’enquêter, de poursuivre et de punir les auteurs de torture proportionnellement à la gravité de leur crime ; et de garantir à la victime des réparations comprenant la restitution, la réhabilitation, la satisfaction et des garanties de non-répétition.

Le contexte général

L’emploi de la torture et de la détention arbitraire, en particulier envers les mineurs, est généralisé et systématique au Népal, et les responsables jouissent le plus souvent d’une impunité totale. Il semblerait que la plupart des actes de torture soient commis dans des affaires de vol, probablement car dans ces affaires, les policiers sont soumis à une pression significative d’arrêter le coupable et de retrouver les objets volés. Les policiers et autres agents de l’État accusés de torture ne sont pas poursuivis et sanctionnés – un climat d’impunité favorisée par les lacunes de la législation existante.

L’impunité s’applique aussi pour le travail forcé et infantile. Malgré leur interdiction formelle, ces pratiques restent dramatiquement courantes dans tout le pays, touchant principalement les enfants issus de groupes marginalisés ou vulnérables. Les autorités népalaises ne préviennent ni ne sanctionnent ce phénomène odieux.

Enfin, les centres de détention au Népal sont caractérisés par des conditions d’incarcération bien en-deçà des standards internationaux pour les adultes – sans même parler des mineurs.

 

Dans le courant du mois de juillet 2009, TRIAL a déposé devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies une communication individuelle contre la Bosnie-Herzégovine (BiH), à propos de la disparition forcée de M. Fikret Prutina, intervenue en juin 1992. TRIAL représente dans cette procédure Fatima Prutina, l’épouse du disparu, qui est par ailleurs membre de l’association des proches des personnes disparues de Vogosca.

Le 4 mai 1992, Fikret Prutina a été arrêté à Svrake (BiH) par des éléments de l’armée serbe, en compagnie de son épouse et de leurs enfants Asmir (âgé de 16 ans à l’époque, et mentalement handicapé) et Hasib (âgé de 18 ans), ainsi que de la plupart des habitants du village. Tous ont été emmenés dans un camp de concentration à Semizovac. Quelques jours plus tard, Fatima Prutina, son fils Asmir et d’autres femmes et enfants ont été libérés. Fikret Prutina et son fils Hasib ont été maintenus en détention et transférés dans différents camps de concentration, où ils ont été soumis à la torture et à des travaux forcés. Fikret Prutina a été vu pour la dernière fois le 16 juin 1992 dans le camp de concentration de Planjina kuca, municipalité de Vogosca. Ce qu’il est advenu de lui est, à ce jour, inconnu.

Hasib Prutina a pour sa part été libéré un mois plus tard. Il souffre aujourd’hui encore d’un syndrome de stress post-traumatic important, en raison des événements brutaux auxquels il a été soumis ainsi des horribles faits dont il a été le témoin, notamment les mauvais traitements infligés à son père et la disparition de ce dernier.

Plus de 17 ans après les événements, aucune enquête sérieuse n’a été entreprise par les autorités de BiH pour retrouver Fikret Prutina, ou le corps de celui-ci ou pour poursuivre et punir les auteurs de ce crime. Fatima Prutina a entrepris de nombreuses démarches pour obtenir des informations quant au sort de son mari, notamment au travers de la police de Visoko et celle de Vogosca, de la Commission d’Etat pour les personnes disparues, du bureau du Procureur pour le canton de Sarajevo et la Société nationale de la Croix-Rouge. Toutes ses initiatives se sont révélées vaines.

Le 23 février 2006, la Cour constitutionnelle de BiH, saisie par plusieurs familles de victimes de Vogosca, a jugé que la BiH avait violé leur droit à ne pas être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradant et leur droit au respect de leur vie privée et familiale. En conséquence, la Cour a ordonnée aux autorités compétentes de rendre accessible toutes les informations relatives au sort des personnes disparues. Le 16 novembre 2006, la Cour constitutionnelle a adopté un nouveau jugement, constatant que le Conseil des ministres de BiH, le gouvernement de la Republika Srpska, le gouvernement de la Fédération de BiH et le gouvernement du district de Brčko avaient failli à leur obligation d’exécuter le précédent jugement. Depuis, Mme Prutina n’a reçu aucune information quant au sort de son mari de la part des autorités compétentes.

En conséquence, Fatima Prutina demande au Comité des droits de l’homme:

Contexte général

De 1992 à 1995, la guerre a ravagé ce petit Etat issu de l’ex-Yougoslavie. Selon les sources, entre 100’000 et 200’000 personnes y ont trouvé la mort et entre 25’000 et 30’000 personnes ont été victimes de disparition forcée. Environ 13’000 n’ont à ce jour pas encore été retrouvées.

Le cas de Fikret Prutina s’est déroulée durant la première vague de disparitions forcées et de purification ethnique menée par les forces serbes durant le printemps et l’automne de 1992.

Malgré l’existence de preuves solides permettant d’identifier les personnes responsables de la disparition forcée de M. Prutina, et de témoins directs de ces événements, à ce jour personne n’a été poursuivi, condamné ou sanctionné pour ce crime, renforçant un climat d’impunité déjà tenace. A ce jour, les familles des personnes disparues à Vogosca n’ont toujours pas retrouvé leurs proches et n’ont aucune information quant au sort qui leur a été réservé.

 

La décision

Au mois de mars 2013, le Comité des droits de l’homme a communiqué sa décision(appelée « constatations » dans le jargon onusien). Le Comité a retenu que la Bosnie-Herzegovine avait violé l’article 2.3 en lien avec les articles 6, 7 et 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques à l’égard de la victime et de la famille.

Le Comité a notamment enjoint la Bosnie-Herzegovine de continuer les efforts pour établir la vérité sur le sort et retrouver le corps de Fikret Prutina comme prévu par la Loi sur les personnes disparues de 2004, de « continuer les efforts pour juger et sanctionner les responsables de sa disparition forcée d’ici la fin de 2015 comme prévu par la Stratégie nationale pour les crimes de guerre », de « supprimer l’obligation pour les membres de la famille de déclarer les personnes disparues en étant décédées afin d’avoir accès aux bénéfices sociaux » et également d’indemniser de manière appropriée l’épouse de la victime pour les violations subies.

Le Comité insiste par ailleurs sur l’obligation qu’a la Bosnie-Herzegovine de « prévenir de telles violations par le futur » et de s’assurer que les enquêtes portant sur des disparitions forcées soit inclusives et garantissent accès à la famille de la victime.

 

Introduction

M. Lakpa Tamang n’avait que 11 ans quand il a été torturé par des policiers en 2010. Cet acte ignoble a été rendu possible partiellement en raison de l’âge de la responsabilité pénale, fixée au Népal à 10 ans – un âge en totale contradiction avec les standards internationaux et aux répercutions potentiellement graves pour les jeunes. En mars 2016, TRIAL a soumis une plainte au nom de M. Lakpa Tamang devant le Comité des droits de l’homme des Nations unies (CDH), demandant justice et réparation pour la victime et des changements dans la législation du Népal et la criminalisation des mineurs.

 

L’affaire

En novembre 2010, M. Lakpa Tamang, alors âgé de 11 ans, et sa sœur aînée âgée de 14 ans, ont été accusés par leur voisin d’avoir volé une boucle d’oreille en or. Cette accusation était fondée uniquement sur la déclaration d’un astrologue – dont la consultation est coutumière dans cette région du Népal.

Suite à cette accusation, le frère et la sœur ont été emmenés par leurs parents au poste de police voisin de Pachwaghat pour y être interrogés. La sœur de M. Lakpa Tamang a été brièvement entendue et immédiatement libérée, mais le jeune garçon a été retenu au poste par deux officiers de police.

Ces derniers lui ont demandé s’il avait volé la boucle d’oreille puis, face à sa réponse négative, l’ont violemment maltraité : giflé au visage, battu avec des tuyaux en plastique, soumis au falanga(coups de bâton sur la plante des pieds), électrocuté aux oreilles et menacé de mort pour qu’il « avoue » le vol allégué. Terrifié et meurtri, M. Lakpa Tamang a signé une « confession » pour avoir la vie sauve. Avant d’être libéré, il a de nouveau été menacé de mort s’il révélait à quiconque qu’il avait été passé à tabac.

Suite à la libération de M. Lakpa Tamang, son père a signé un « acte de réconciliation », s’engageant à rembourser le voisin pour la boucle d’oreille en or. Ce n’est qu’après avoir signé qu’il a découvert que « l’aveux » de son fils avait été obtenu par la torture.

M. Lakpa Tamang a subi un grand choc psychologique et souffre aujourd’hui de désordre post-traumatique. Ses perspectives d’études ont également été entravées.

 

La quête de justice

M. Lakpa Tamang et ses proches ont introduit plusieurs plaintes devant les autorités népalaises, demandant justice et réparation pour les souffrances subies. Mais les deux policiers qui avaient torturé le jeune garçon n’ont eu à payer que de très modestes amendes (environ 40 euros chacun). Ils n’ont pas été condamnés à la peine applicable – déjà extrêmement basse – d’un an d’emprisonnement, ni été suspendus de leurs fonctions. Les courts népalaises ont accordé environ 800 euros d’indemnisation à la victime – somme qu’il n’a pas encore reçu.

Considérant que les sanctions étaient bien en-deçà de la gravité du crime, M. Lakpa Tamang et sa famille ont fait appel de ces décisions devant la Cour suprême du Népal. Cela n’a toutefois pas abouti, principalement parce que la législation applicable à la torture des mineurs est fondamentalement défectueuse.

En mars 2016, ayant épuisé tous les recours nationaux, M. Lakpa Tamang a déposé une plainte devant le Comité des droits de l’homme des Nations unies avec l’aide de TRIAL.

 

Violations

Dans leur demande, la victime et TRIAL ont demandé au CDH :

De reconnaitre que M. Lakpa Tamang est victime d’une violation de l’art. 7 (interdiction de la torture), lu conjointement avec l’art. 24, par. 1 (obligation d’adopter des mesures spéciales de protection pour les mineurs), du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, car il a subi torture et autres mauvais traitements dans le but d’obtenir un aveu. Ces violations sont aggravées par le fait que M. Lakpa Tamang ait été mineur au moment des faits, ce qui aurait dû lui garantir des mesures spéciales de protection – mesures que le Népal n’a pas adoptées.

De reconnaitre la violation de l’art. 7 lu conjointement avec les arts. 2, par. 3 (droit à un recours effectif), et 24, par. 1, du Pacte, car les autorités népalaises n’ont pas enquêté et poursuivi efficacement les coupables, ni sanctionné ceux-ci proportionnellement à la gravité de leur crime. Par ailleurs, M. Lakpa Tamang n’a pas reçu d’indemnisation adéquate pour les préjudices subis. Ces violations sont aggravées par le fait que le Népal n’ait pas garanti à M. Lakpa Tamang les mesures spéciales de protection auxquelles il avait droit en tant que mineur.

De reconnaitre la violation de l’art. 7 lu conjointement avec les arts. 2, par. 2 (obligation d’adopter des mesures législatives), et 24, par. 1, du Pacte. En effet, le Népal n’a pas adopté de législation efficace pour prévenir la torture contre des mineurs; pour sanctionner les responsables d’une manière proportionnelle à la gravité du crime; et pour garantir à la victime des mesures de réparation comprenant la restitution, la réhabilitation, la satisfaction et des garanties de non-répétition.

De demander au Népal d’enquêter, de poursuivre et de punir les auteurs de torture proportionnellement à la gravité de leur crime; et de garantir à la victime des mesures de réparation comprenant la restitution, la réhabilitation, la satisfaction et des garanties de non-répétition.

L’affaire est actuellement pendante devant le Comité des droits de l’Homme.

 

Le contexte général

L’emploi de la torture, en particulier envers les mineurs, est généralisé et systématique au Népal, et les responsables jouissent le plus souvent d’une l’impunité totale. Il semblerait que la plupart des actes de torture soient commis dans des affaires de vol, probablement car dans ces affaires, les policiers sont soumis à une pression significative d’arrêter le coupable et de retrouver les objets volés. Le climat d’impunité absolue est favorisé par les graves lacunes de la législation nationale en matière de torture contre les mineurs, qui ne prévoir une peine que d’un an d’emprisonnement pour les agents coupables d’avoir torturé un mineur.

 

En janvier 2009, une communication individuelle de TRIAL a été introduite devant le Comité des droits de l’homme des Nations unies pour le compte de Khaourkha Marouf, agissant au nom de son mari, Abdelkrim Azizi, et de son fils, Abdessamad Azizi.

Dans la nuit du 22 septembre 1994, Abdelkrim et Abdessamad Azizi ont été arbitrairement arrêtés à leur domicile par des membres de la police algérienne.  Au cours de cette arrestation, Abdelkrim a été torturé et sa famille a été forcée à être témoin de son supplice. De plus, la maison familiale et le magasin adjacent ont été saccagés.  Abdelkrim et Abdessamad ont ensuite été emmenés vers une destination inconnue. Ils n’ont jamais été revus depuis par leur famille.

Malgré de nombreuses demandes de la part de Khaourkha Marouf, les autorités ont refusé de reconnaître la détention d’Abdelkrim et d’Abdessamad Azizi et de fournir des informations à leur sujet.

Un ex-officier de police a rapporté qu’Abdelkrim et Abdessamad Azizi avaient été détenus au commissariat de la cité de la Montagne à Bourouba et qu’ils auraient été torturés à mort. La présence d’Abdelkrim et d’Abdessamad Azizi au commissariat de Bourouba a aussi été confirmée par d’anciens co-détenus.

Il est demandé au Comité de déclarer que la disparition d’Abdelkrim et d’Abdessamad Azizi constitue une violation du droit à la vie; à ne pas subir de torture ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants; à la liberté et à la sécurité de la personne; celui de recevoir en détention un traitement respectueux de la dignité humaine; à être reconnu en tant que sujet de droit; à ne pas faire l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée; à la vie familiale; et au droit à un recours effectif pour ces violations (articles 6 § 1, 7, 9 §§ 1, 2, 3 et 4, 10 § 1, 16, 17, 23 § 1 et 2 § 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques) à l’égard des victimes.

De plus, le Comité est prié de dire que les actions des autorités algériennes sont considérées comme une violation du droit à ne pas subir de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants; à ne pas faire l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée; à la vie familiale et au droit à un recours effectif pour ces violations  (articles 7, 17 et 23 § 1 et 2 § 3 du Pacte) à l’égard de l’auteur de la communication, pour les souffrances psychologiques endurées par tant d’années d’incertitude quant au sort de son mari et de son fils.

Il est également demandé qu’une enquête sur les circonstances des violations alléguées soit entreprise et que des efforts soient déployés en vue de poursuivre en justice les personnes responsables.

La procédure est en cours devant le Comité des droits de l’homme des Nations unies.

Le contexte général

Ces évènements se sont déroulés durant la guerre civile algérienne, au cours de laquelle des milliers de personnes ont disparu. Selon les sources, de 7’000 à 20’000 personnes auraient été enlevées par les services de sécurité algériens entre 1992 et 1998. Les détentions au secret pendant de longues périodes étaient un instrument commun de répression en Algérie durant toute la période de la guerre civile. La pratique de la torture était  également récurrente et menait fréquemment à la mort de détenus. Les membres des services de sécurité ont agi en toute impunité. D’ailleurs, depuis la mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale en 2006, ces derniers bénéficient d’une amnistie complète. Il est au demeurant désormais interdit de porter plainte contre des crimes ou des exactions comme ceux dont Abdelkrim et Abdessamad Azizi ont été victimes.

 

La décision

En juillet 2013, le Comité des droits de l’homme a rendu sa décision (en anglais) concernant les cas du père et fils Azizi.

Selon le Comité, l’Algérie a violé de nombreux articles du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dont les droits à :

  • la vie (art.6 seul ou en conjonction avec art. 2 & 3)
  • la liberté et sécurité (art. 9 seul ou en conjonction avec art. 2 & 3)
  • de bonnes conditions de détentions (art. 10 seul ou en conjonction avec art. 2 &3)
  •  l’interdiction de la torture (art. 7 seul ou en conjonction avec art. 2 & 3)
  • la reconnaissance de la personnalité juridique (art.16 seul ou en conjonction avec art. 2 & 3)
  • ne pas être l’objet d’immixtions arbitraire dans sa vie privée (art. 17 seul ou en conjonction avec art. 2 & 3)

De plus, le Comité a constaté d’autres violations du Pacte à l’égard de l’épouse de la victime, notamment,

  • l’interdiction de traitements inhumains (art. 7 seul et en conjonction avec art. 2 & 3)
  • ne pas être l’objet d’immixtions arbitraire dans sa vie privée (art. 17 seul et en conjonction avec art. 2 & 3)

Le Comité demande à l’Algérie de :

  • Par ailleurs, l’Algérie a l’obligation de :