De la CPI à la compétence universelle: comment lutter contre les violences sexuelles ?

20.12.2016 ( Modifié le : 31.01.2019 )

Un op-ed de Valérie Paulet

L’importance de la compétence universelle contre la torture ou le génocide a été largement reconnue ces dernières années. Il est maintenant temps que ce principe s’applique aussi aux crimes sexuels.

Lors de sa prise de pouvoir en 2014, la procureure de la Cour pénale internationale (CPI) Fatou Bensouda a affirmé que sa priorité serait la lutte contre les violences sexuelles. Cette année, deux grandes affaires très médiatisées ont mis ce sujet en lumière.

D’une part, le chef de guerre congolais Jean-Pierre Bemba a été condamné à 18 ans de prison pour viol comme crime de guerre et crime contre l’humanité.

D’autre part, le procès de Dominic Ongwen s’est ouvert ce mois-ci sur un message fort du Bureau du Procureur : l’ancien commandant en chef de l’Armée de résistance du Seigneur n’est pas seulement accusé d’avoir ordonné mariages forcés, viols, actes de torture et esclavage sexuel. Il devra également répondre de crimes sexuels perpétrés directement contre ses épouses forcées.

Ces affaires sont d’une importance cruciale, mais elles ne sont que la pointe de l’iceberg. Le mandat de la CPI est limité à certaines situations et à la poursuite des plus hauts dignitaires. Des milliers de criminels sexuels échappent donc à son contrôle.

Les Etats doivent faire face à leur passé

La CPI est fondée sur le principe de la subsidiarité, ce qui signifie que la responsabilité de poursuivre les crimes internationaux incombe avant tout aux Etats. En 2016, le Guatemala a rempli ses obligations avec le procès de Reyes Giron.

La détermination des victimes à amener le Colonel devant la justice a fini par payer. Il a été condamné à 120 ans de prison et $65 000 de compensation pour chaque victime pour violence sexuelle, esclavage sexuel et esclavage domestique pendant la guerre au Guatemala. C’est la première fois – dans le monde entier – qu’une court nationale retient les charges d’esclavage sexuel dans un conflit armé.

La volonté du Guatemala de faire face à son sombre passé, doit être saluée et devrait servir d’exemple pour les autres pays en phase de transition post-conflit. La question est maintenant : la Syrie, l’Irak, le Yémen ou le Nigéria suivront-ils cet exemple? Poursuivront-ils les violences sexuelles commises sur leur territoire ? Les chances sont minces.

Une autre voie vers la justice

Le fait est que la poursuite des crimes sexuels en conflits armés reste exceptionnelle. La réticence des Etats, le silence des victimes et la compétence limitée de la CPI sont autant de facteurs limitatifs.

Mais nous avons assisté cette année à une démonstration spectaculaire que la justice peut triompher malgré tout : la condamnation d’Hissène Habré au Sénégal. Après 17 ans de lutte, l’ancien dictateur tchadien a enfin été amené devant la justice, grâce au principe de compétence universelle. Il été le premier chef d’état à être condamné pour viol.

D’innombrables victimes d’Afrique Centrale ou du Burundi ont vu dans ce procès comme une lueur d’espoir. Les refuges pour les criminels sexuels se réduisent comme peau de chagrin, mais malheureusement pas assez vite. Il est grand temps que les Etats reconnaissent le potentiel immense de la compétence universelle pour lutter contre la violence sexuelle à travers le monde.

Valérie Paulet, Coordinatrice Trial Watch
@valeriepaulet

 

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