La Suisse serait-elle un refuge pour les bourreaux ?

18.09.2018 ( Modifié le : 19.12.2018 )

Un rapport de l’ONU récemment rendu public pointe la Suisse du doigt : dans deux affaires en cours, le Ministère Public de la Confédération aurait cédé à des pressions politiques. Avec pour conséquence d’énormes retards dans les procédures, au détriment des victimes soutenues par TRIAL International.

Les procureurs de la Confédération seraient-ils trop perméables aux pressions politiques ? Le reproche adressé au Département Fédéral des Affaires Etrangères (DFAE) par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture, ainsi que par le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats est cinglant : « absence de volonté politique d’instruire des crimes internationaux ».

En cause notamment, les atermoiements dans l’affaire Khaled Nezzar. Pour rappel, cet ancien ministre de la défense algérien fait l’objet d’une procédure depuis 2011 au chef de crimes de guerre, pour des faits commis entre 1992 et 1994. Mais en 2017, le Ministère public de la Confédération (MPC) classe l’affaire, au motif qu’il n’y avait pas de conflit armé en Algérie au cours de la guerre civile. La presse avait ensuite appris que pour le bien des relations bilatérales entre la Suisse et l’Algérie –notamment de certains dossiers économiques–, le DFAE avait informé les procureurs que l’enquête serait une « bombe à retardement ».

Une autre affaire en souffrance a par ailleurs attiré l’attention des deux Rapporteurs spéciaux : celle de Rifaat Al-Assad. Une instruction pénale pour crimes de guerre avait été ouverte par le MPC en 2013 contre l’oncle de l’actuel président syrien au nom des victimes du massacre du village de Hama en 1982. Depuis lors, rien. Si bien qu’un recours en déni de justice a été déposé en 2017 devant le Tribunal fédéral. Là encore, le DFAE aurait fait pression sur les procureurs afin que ceux-ci classent l’affaire.

Dans sa réponse, le DFAE nie toute implication dans les affaires du MPC et souligne son indépendance. Selon lui, les « allégations persistantes d’ingérence politiques dans les affaires du MPC ne reposent (…) sur aucun fondement sérieux ». Et de conclure que la Suisse respecte toutes ses obligations internationales.

Depuis qu’elle a déposé les dénonciations qui ont permis l’ouverture des instructions pénales contre Khaled Nezzar et Rifaat Al-Assad –respectivement en 2011 et 2013–, TRIAL International s’est constamment préoccupée de l’avancement de ces deux procédures. L’organisation réitère que seule une enquête prompte, indépendante et efficace sur les crimes graves reprochés à ces deux personnes est à même d’apporter un début de justice aux victimes d’atrocités commises en Algérie et en Syrie.

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