Violences sexuelles en RDC : pourquoi l’impunité perdure-t-elle ?

12.10.2017 ( Modifié le : 22.02.2019 )

Dans un rapport accablant, TRIAL International dénonce l’impossibilité quasi-totale pour les victimes de violence sexuelles d’obtenir justice. Les données, collectées en collaboration avec l’hôpital de Panzi, révèlent les causes structurelles de cette impunité.

 

Avec près de sept ans de retard, la RDC a rendu son rapport périodique au Comité des droits de l’homme. Dans ce rapport très attendu, la question de l’impunité pour les crimes de violences sexuelles était à peine traitée. En vue de l’examen de la RDC le 16 octobre prochain, TRIAL International a soumis son propre rapport au Comité, centré sur les causes de cette impunité. Ce fléau ravage en particulier l’est du pays où le viol est systématiquement utilisé comme arme de guerre, sans que les auteurs ne soient inquiétés. Les raisons ? Des infrastructures déficientes, du personnel mal formé et une banalisation de la violence à l’égard des femmes.

 

Des tribunaux insuffisants et mal équipés

Seuls quatre tribunaux dans tout le Sud-Kivu sont compétents pour juger d’un crime de viol. Une absurdité pour un territoire plus grand que la Suisse et comptant plus de 6 millions d’habitants. Sans surprise, le manque d’accès à l’assistance juridique est l’une des principales causes citées par les victimes pour justifier l’abandon des poursuites.

Les audiences foraines, conçues pour pallier le manque de tribunaux dans les territoires enclavés, ont leurs limites. D’une part, leur coût et leur organisation reposent exclusivement sur des acteurs internationaux, avec un engagement très limité des autorités nationales. D’autre part, parce que des zones entières du pays sont trop dangereuses pour s’y rendre : le gouffre entre les victimes et le système judiciaire reste intact.

Enfin, ces tribunaux sont très mal équipés pour traiter les crimes à caractère sexuel. Les autorités congolaises (policiers, magistrats et juges) sont encore pétries d’idées préconçues à l’égard des victimes, ce qui affecte le traitement de leurs plaintes. Les victimes, souvent menacées et intimidées pour avoir osé porter plainte, n’ont pas accès à un environnement sain et rassurant où demander justice, et préfèrent s’abstenir.

 

Les ONG font le travail du gouvernement

Il faut encore souligner l’attentisme des magistrats, qui exercent rarement leur pouvoir de se saisir des affaires de violences sexuelles. Il revient donc souvent aux ONG locales de référer les affaires aux tribunaux, malgré un manque de compétences ou des ressources. C’est pour répondre à leurs besoins que TRIAL International assure des missions de documentation et de renforcement des capacités.

Mais le vrai problème demeure : face à des autorités inertes, les ONG congolaises portent le fardeau démesuré de prendre en charge des victimes extrêmement fragilisées. Soins médicaux, accompagnement psychologique, aide économique… tout est à construire, puisqu’aucun soutien holistique aux victimes n’est prévu par l’Etat congolais.

Dans son rapport au Comité des droits de l’homme TRIAL pointe de nombreux autres écueils : l’insécurité des victimes, l’absence de mise en œuvre des verdicts, ou encore le blocage de procédures pour des motifs politiques.

La conclusion qui s’en dégage est que les causes de l’impunité sont structurelles : « Les difficultés des victimes en RDC ne sont pas liées à des individus ou à des contextes précis » explique Daniele Perissi, responsable du programme RDC de TRIAL. « Les lacunes sont généralisées, inscrites dans les lois, les structures et les mentalités. C’est pour cela qu’un changement en profondeur doit s’imposer par le haut. Nous demandons au gouvernement congolais de prendre enfin ce problème à bras-le-corps, en s’appuyant sur sa société civile dynamique et les nombreux partenaires internationaux présents dans le pays. »

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