L’agresseur présumé d’une victime soutenue par TRIAL International comparaitra bientôt devant la justice. La victime, qui a été violée en 1992, n’a jamais cessé de croire que ce jour arriverait.

Monsieur X (nom d’emprunt) a été accusé de crimes de guerre à Srebrenica et Bratunac (Bosnie-Herzégovine). Cet ancien soldat de l’armée serbe de Bosnie est soupçonné d’avoir tué et agressé sexuellement des civils bosniaques durant le conflit de 1992-1995. Parmi les victimes figurait K., qui était encore mineure quand M. X.  l’aurait violée ainsi que d’autres soldats.

Un modèle de résilience, K. n’a jamais cessez de se battre pour obtenir justice. En 2016, elle a expliqué à TRIAL International : « Même si 23 ans se sont écoulés, je crois vraiment qu’un jour mes agresseurs seront arrêtés et poursuivis. »

 

Un tournant dans une décennie de procédure

Le cas de K. est resté au point mort pendant des années avant qu’elle ne contacte TRIAL International en 2013. L’organisation a exercé un plaidoyer sans relâche pour que sa situation avance : envoi de courriers aux institutions concernées, rencontre avec des décideurs et saisine de la Cour constitutionnelle de BiH. K. croyait dur comme fer qu’un jour, justice serait faite. « Quand j’entends l’histoire de victimes comme moi qui ont vu leurs agresseurs traduits en justice, cela me rend plus confiante et persévérante », a-t-elle expliqué.

Sa longue attente pourrait arriver bientôt à son terme. Deux décennies après son viol, elle devait voir le suspect puni pour ses crimes. Mais la confirmation des charges contre M. X.  n’est qu’une première étape : le procès n’est pas encore formellement ouvert. L’accusé est présumé innocent jusqu’à preuve du contraire.

Lire l’histoire complète de K.
En savoir plus sur le plaidoyer de TRIAL en BiH

 

Dans deux affaires portées par TRIAL, le Comité des droits de l’homme de l’ONU a reconnu – une fois de plus – l’incapacité du Népal à rendre justice à ses propres citoyens.

Les souffrances endurées par les familles de Rajendra Dhakal et de Padam Narayan Nakarmi ont enfin été reconnues. Le Comité des droits de l’homme (CDH) a admis que les autorités népalaises avaient failli à leur devoir de rendre justice. Les deux victimes ont été victimes de disparitions forcées dans le cadre de violences systématiques contre les maoïstes présumés dans la guerre civile.

M. Rajendra Dhakal était un avocat et un fervent défenseur des droits de l’homme. Au moment de son arrestation, il défendait des victimes torturées et agressées par des représentants de l’Etat. Il avait lui-même déjà été retenu et maltraité par les forces armées à cause de son engagement passé dans des groupes communistes.

M. Padam Narayan Nakarmi a également été arrêté et victime de disparition forcé en raison de son allégeance politique. Des preuves indiquent que la torture et les mauvais traitements étaient monnaie courante dans la caserne de l’armée où M. Nakarmi a été vu en détention pour la dernière fois.

Les familles des deux victimes avaient épuisé toutes les voies de recours internes quand elles se sont tournées vers TRIAL International. L’organisation et les familles ont saisi ensemble le CDH. Le Comité a reconnu que le Népal avait manqué à ses obligations et a formulé des recommandations en faveur des victimes.

 

« C’est maintenant que le plus dur commence »

Il incombe maintenant au Népal de prononcer ces recommandations et de garantir aux victimes que vérité et justice soient rendues.

Malheureusement, les décisions du CDH n’étant pas contraignantes, leur exécution dépend du bon vouloir des Etats. L’absence de mise en œuvre d’une décision du CDH renvoie un message alarmant : les violations des droits de l’homme peuvent rester impunies.

« Dans le passé, le Népal souvent ignoré, partiellement ou totalement, les recommandations du CDH », affirme Helena Rodríguez-Bronchú Carceller, responsable du programme Népal. « Le travail de TRIAL est loin d’être fini. En vérité, c’est maintenant que le plus dur commence ».

 

En savoir plus sur la responsabilité au Népal
En savoir plus sur les procédures judiciaires stratégiques

 

L’adolescente assassinée était un symbole de l’impunité militaire. Maintenant que ses assassins ont été condamnés, elle pourrait devenir une figure d’espoir pour d’innombrables népalais.

Maina Sunuwar n’avait que 15 ans lorsqu’elle a été arrêtée à son domicile et emmenée dans des bâtiments de l’armée à Panchkhal. Elle y est morte, son corps portant des signes de torture répétée. Pendant plus d’une décennie, le crime est resté impuni.

Finalement, le 17 avril 2017, trois officiers de l’armée ont écopé de 20 ans d’emprisonnement pour le meurtre de l’adolescente. Ces condamnations ont été unanimement salué par la presse, les organisations non gouvernementales, ainsi que les Nations Unies.

Ce résultat est une étape importante dans la lutte contre l’impunité et suffisamment rare pour être signalée. En effet, c’est la première condamnation significative pour violations des droits humains pendant le conflit depuis la fin de la guerre civile. Ainsi, le cas de Maina Sunuwar a su raviver les espoirs de centaines d’individus dans un pays tristement connu pour l’impunité de son armée.

 

La ténacité l’emporte sur les insuffisances structurelles 

Il n’en demeure pas moins que les parents de Maina ont dû batailler pendant 13 ans avant d’obtenir justice. Leur parcours reflète les insuffisances structurelles du système judiciaire népalais. Il ne s’agit ni du seul, ni du pire récit de victimes du conflit.

Le cas de Maina Sunuwar prouve également l’importance des procédures pénales dans la quête de justice des victimes. Le gouvernement maintient que toutes les affaires liées au conflit doivent être traitées par des mécanismes de justice transitionnelle, ce qui n’est ni réaliste, ni souhaitable. En réalité, la justice pénale devrait compléter le travail de ces mécanismes afin d’assurer une justice transitionnelle efficace.

Espérons que ce précédent ouvrira la voie à d’autres décisions positives. Les survivants népalais ont déjà connu suffisamment de déceptions de la part des autorités.

Le journaliste a disparu en juillet 2016. Face au désarroi de sa famille et à l’inaction du gouvernement, TRIAL International a saisi les Nations Unies.

En juin 2016, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Zeid Ra’ad Al Hussein a parlé d’ « une forte augmentation des disparitions forcées » au Burundi. Celles-ci représentent « une des nouvelles tendances très préoccupantes » émergeantes au pays.

Le rapport de l’Enquête indépendante des Nations Unies sur le Burundi (EINUB) va dans le même sens. Depuis le début de la crise en 2015, des centaines de personnes auraient disparu.

 

La souffrance des proches

C’est dans ce contexte que Jean Bigirimana a disparu. Il était journaliste de l’IWACU, un de principaux médias indépendants burundais et l’un des seuls à être encore actif au Burundi. Père de deux enfants de huit et trois ans, il a été enlevé le 22 juillet 2016 par des hommes à bord d’un pick-up qui appartiendrait au Service National de Renseignement burundais. Jean Bigirimana n’a jamais été revu depuis.

Près de 9 mois se sont écoulés et son sort demeure inconnu, ainsi que les circonstances entourant sa disparition. Cette situation engendre une souffrance profonde chez sa famille, ses amis et ses collègues.

« Les disparitions forcées sont une forme de torture psychologique pour les proches de la victime. Ils oscillent entre l’espoir et le découragement, sans moyen de tourner la page » explique Pamela Capizzi, Conseillère juridique en charge du Programme Burundi. « Les proches de Jean Bigirimana ont le droit de savoir ce qui lui est arrivé. »

 

Instruction lacunaire et impunité

Les autorités burundaises ont l’obligation de mener l’enquête sur cette disparition. Pourtant, cela n’a pas été le cas. Au vu d’une instruction lacunaire et du contexte d’impunité prévalant au Burundi, la voie de la justice internationale s’est imposée d’elle-même.

En collaboration avec le Groupe de Presse IWACU, TRIAL International a porté l’affaire à l’attention du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires des Nations Unies (GTDFI) en août 2016. Cette procédure a pour but d’aider la famille à découvrir ce qui est arrivé à leur proche.

« La justice burundaise a le devoir de dire la vérité à la famille, à Iwacu, aux Burundais. Il y va de son honneur », conclut Antoine Kaburahe, Directeur du Groupe de Presse Iwacu. « La vérité permettrait aux proches de mettre fin à l’attente et de sortir de ce doute terrible. A ce jour, les deux enfants de notre confrère attendent toujours ‘Papa parti travailler’. C’est atroce »

 

 

Dans la multitude des ONG genevoises, qu’est-ce qui fait la particularité de TRIAL International ? Sibylle, donatrice régulière, explique pourquoi elle a choisi de soutenir la lutte contre l’impunité.

 

TRIAL: Depuis combien de temps suivez-vous TRIAL International ?

Sibylle: Je connais l’ONG depuis plus de 10 ans, je l’ai vue grandir et se développer. J’ai toujours eu un intérêt pour les droits humains, et donc pour leur défense. La poursuite des criminels en est un pan essentiel, c’est pourquoi la mission de TRIAL International me touche particulièrement.

 

Dans quel sens la mission de TRIAL vous touche-t-elle ? 

La mission de TRIAL est claire : elle a un mandat précis et ne se substitue pas aux autorités de poursuite. Contrairement à de plus grandes ONG, TRIAL est aussi directement aux prises avec le terrain – notamment avec ses bureaux à Bukavu et Sarajevo. Cela montre que la justice est une affaire concrète, et pas seulement l’apanage de tribunaux lointains de La Haye. D’un point de vue plus personnel, l’attitude des collaborateurs de TRIAL me semble particulièrement digne et empreinte de respect pour les victimes qu’ils défendent : mélange de professionnalisme et de modestie, de courage et d’humilité, qualités auxquelles je suis particulièrement sensible.

 

Vous connaissez TRIAL depuis longtemps. Comment l’avez-vous vue évoluer ?

TRIAL n’a pas cessé de grandir et de se professionnaliser. Elle a acquis une bonne visibilité, notamment depuis la condamnation d’Erwin Sperisen en 2016. Cet événement, en particulier,  a prouvé que la justice n’était pas un vain mot, que des actions concrètes pouvaient avoir un impact direct sur le cours des événements.

Autre exemple de résultats visible : la coopération avec l’hôpital du Dr Mukwege à Panzi (RDC). Ces personnes se battent quotidiennement sur le terrain, le soutien d’autres ONG comme TRIAL International les aide à poursuivre leur action.

 
Voyez-vous la place des ONG évoluer à l’avenir ?

Dans les médias, une histoire est aussitôt remplacée par une autre, plus fraîche. Les ONG fournissent un autre type d’information, inscrit dans la durée. Elles sont là pour rappeler au public les combats qui ne font pas la une des journaux.

A mon avis, les ONG vont être de plus en plus importantes à l’avenir. Nous assistons aujourd’hui à des atrocités, notre monde perd ses repères. Des ONG comme TRIAL sont là pour tirer la sonnette d’alarme et condamner ces exactions. S’il est trop tard pour prévenir les horreurs actuelles, je suis convaincue qu’une justice forte peut les prévenir dans le futur.

 

Vous aussi, soutenez TRIAL International

Depuis 2012, Adrijana Hanušić Bećirović travaille pour TRIAL à Sarajevo. Elle partage la fierté et les défis de travailler avec les survivants de la guerre

 

TRIAL: Vous êtes une conseillère juridique principale pour TRIAL en Bosnie-Herzégovine. Comment et quand avez-vous commencé à travailler avec des victimes de guerre ?

Adrijana Hanušić Bećirović: En 2011, j’étais avocate des droits humains en Bosnie-Herzégovine lorsque le TRIAL m’a contacté. Ils avaient besoin d’un consultant pour travailler sur une affaire : la disparition forcée de dizaines d’individus près de Prijedor pendant la guerre. Même si j’avais déjà de l’expérience dans le domaine des droits humains, j’ai été choquée par l’ampleur sans précédent des abus auxquels je faisais face.

Si dans cette première affaire je n’avais pas de contacts directs avec les victimes, documenter les histoires tragiques de chacune des victimes – 50 familles au total – s’est révélé éprouvant. Les premiers jours, cela m’a tenue éveillée la nuit.

 

Vous rappelez-vous la première fois que vous avez rencontré une victime en personne ?

J’ai rencontré des victimes de crimes de guerre durant et après la guerre, parce que, malheureusement, de nombreux citoyens de Bosnie-Herzégovine ont souffert d’une manière ou d’une autre. Toutefois, mon travail auprès des survivants a réellement commencé quand j’ai rencontré une dame victime de violences sexuelles. J’étais encore inexpérimentée, et m’inquiétais que le simple fait de parler de son expérience pourrait lui être douloureux. Il s’agit en fait d’un écueil courant lorsque l’on débute un tel travail avec des victimes : être extrêmement prudent, et supposer qu’elles sont toutes psychologiquement vulnérables.

Au fil des ans, je suis parvenue à la conclusion qu’il était impossible de faire des généralisations sur les survivants de guerre. En effet, certains sont fragiles, mais d’autres sont simplement contents ou soulagés que quelqu’un soit finalement attentif à leur histoire. Beaucoup de facteurs entrent en jeu : leurs antécédents, s’ils ont obtenu un accompagnement psychologique ou le soutien de leur famille, etc. Mais en fin de compte, on ne peut jamais deviner de quelle façon un survivant se comportera. Il faut simplement éviter de préjuger de ses réactions ou pensées. Comme avec tout le monde, vous devez passer du temps avec la personne avant de la connaître.

 

Sachant que chaque survivant réagit différemment, comment approchez-vous les victimes que vous rencontrez pour la première fois ?

La clé est de donner à la victime suffisamment d’espace. Après un premier contact par téléphone, je suggère une rencontre dans un lieu où ils se sentent à l’aise. Certains préfèrent être chez eux, dans un endroit sûr et familier. D’autres préfèreront au contraire ne pas être entourés de leur famille lorsqu’ils décrivent leurs souffrances vécues. Dans ce cas, nous nous rencontrons souvent dans un café tranquille. Au cours de la conversation, je laisse la victime prendre l’initiative. Elle peut me dire autant ou aussi peu de chose qu’elle veut, et dans l’ordre qu’elle souhaite. Selon leur réaction, je me permets de poser des questions plus pointues. Ce qui m’aide, c’est approcher mes interlocuteurs sans préconceptions, cela me permet de m’adapter au mieux à leur rythme.

Au cours de la conversation, je laisse la victime prendre l’initiative. Elle peut me dire autant ou aussi peu de chose qu’elle veut, et dans l’ordre qu’elle souhaite. Selon leur réaction, je me permets de poser des questions plus pointues. Ce qui m’aide, c’est approcher mes interlocuteurs sans préconceptions, cela me permet de m’adapter au mieux à leur rythme.

 

Adoptez-vous une approche différente avec les familles des victimes, en particulier concernant les victimes de disparations forcées ?

Les familles sont généralement reconnaissantes que nous manifestions toujours un intérêt et que nous n’abandonnions pas leur dossier. Beaucoup d’entre elles se sentent oubliées par les autorités et se débattent seules avec leur souffrance. Un lien de gratitude nous unit, même pour les petits gestes d’attention : Par exemple, lorsque nous parlons avec elles seulement 5 minutes au téléphone. Je suis sans cesse impressionnée par leur résilience et leur gentillesse, en dépit des souffrances qu’elles ont et qu’elles continuent d’endurer.

 

Pouvez-vous nous parler d’une victoire importante pour votre programme ?

Dans le cadre de procédures pénales, parallèlement à la punition de l’auteur, nous avons pendant des années sensibilisé à la nécessité d’accorder une indemnisation aux survivants. Bien que la loi prévoie cette possibilité, elle n’avait auparavant jamais été appliquée. Un verdict passé a même conclu qu’une victime de violence sexuelle, en renonçant à une indemnisation, devenait plus crédible !

En juin 2015, après des années d’efforts, un verdict a accordé pour la première fois une indemnisation aux victimes de violences sexuelles. Dès lors, cette pratique est devenue courante – dorénavant, le parquet et le tribunal travaillent sur les demandes d’indemnisation à chaque fois qu’un survivant de violence sexuelle est impliqué. Nous avons assisté à un changement total des perceptions.

C’est ce dont je suis vraiment fière dans mon travail : nous améliorons concrètement la vie des gens. Je n’étais qu’un enfant quand la guerre a éclaté en Bosnie-Herzégovine, et je me souviens m’être sentie impuissante face à toutes ces souffrances. Aujourd’hui, en tant que conseiller juridique de TRIAL, je suis capable d’aider ceux qui ne peuvent pas s’aider eux-mêmes.

 

Est-ce pour cette raison que vous avez choisi de faire ce travail ?

Oui, absolument. À la fin de mes études, j’étais partagée sur la question de savoir s’il fallait que je me consacre aux crimes de guerre ou à d’autres questions juridiques plus actuelles. Au début, j’ai décidé de me concentrer sur l’avenir de mon pays, pas sur son passé. Mais j’ai toujours fini par travailler avec des survivants de la guerre : sans justice, on ne peut pas tourner la page. Pour certains, vingt ans depuis la fin de la guerre peuvent paraitre long, mais pour les victimes, c’est encore hier. Leurs blessures sont toujours aussi profondes, et il est de notre devoir de rester à l’écoute de leurs droits et de leurs besoins.

La compétence universelle a connu un essor sans précédent en 2016. Dans leur nouveau rapport, TRIAL International et ses partenaires REDRESS, FIDH, ECCHR et FIBGAR reviennent sur son application au travers de 47 affaires.

Cinq ans de conflit, des centaines de milliers de morts. En Syrie, des crimes de guerre ont été commis à grande échelle, en toute impunité. Les efforts de poursuites internationales sont restés un vœu pieu. Pourtant, la justice a trouvé une voie : la compétence universelle.

Grâce à ce principe, les Etats peuvent poursuivre des criminels, indépendamment de leur nationalité ou du lieu de commission du crime. L’intérêt de telles procédures pour des régions de non-droit est évident.

L’année dernière, cinq Etats ont ouvert des procédures pour des crimes allégués en Syrie. Des enquêtes sont en cours dans trois autres pays. Pour les victimes, il pourrait s’agir de leur unique chance d’obtenir justice.

La compétence universelle s’est révélée un outil efficace contre l’impunité en Syrie, mais elle s’applique à de nombreux autres cas, tels que le Rwanda, le Népal, le Guatemala ou encore l’Irak.

 

47 affaires phare en 2016

Pour illustrer cette mise en œuvre, TRIAL International, REDRESS, la FIDH, ECCHR et FIBGAR publient aujourd’hui leur rapport annuel sur la compétence universelle, Make way for Justice #3.

En 2016, 13 Etats ont fait usage de ce principe dans 47 affaires – un succès sans précédent. « Nous avons constaté une augmentation de 30% par rapport à l’année 2015. Un chiffre qui souligne l’essor jusqu’ici sans précédent de la compétence universelle », explique Valérie Paulet, Consultante juridique chez TRIAL International et auteure du rapport.

Make way for Justice #3 illustre la nécessité pour les États de créer des unités spécialisées et de les doter de ressources suffisantes. « Toutes les affaires présentées dans le rapport prouvent que la justice peut être mise en oeuvre lorsque les États s’en donnent les moyens », conclut Philip Grant, Directeur de TRIAL International.

 

Découvrez le rapport

 

En savoir plus sur la compétence universelle

Qu’est-ce que la compétence universelle ?
Lire Make way for Justice #2 (2016)
Lire Make way for Justice #1 (2015)

 

En cette journée internationale pour le droit à la vérité et pour la dignité des victimes, TRIAL International donne la parole à quelques-unes des victimes courageuses qu’elle soutient.

 

Népal : de victime à militant

Depuis que son père a disparu en 2001, Ram Bhandari est devenu une figure de proue de la lutte pour les droits humains au Népal.

« Je dédie désormais ma vie à la défense des victimes de disparitions forcées. Avec le Réseau national népalais des familles des disparus, nous informons les personnes sur leurs droits. Nous faisons également un travail didactique sur les disparitions forcées. Nous espérons que, dans le futur, les familles de disparus seront moins stigmatisées et mieux comprises. Je ne veux plus voir de femmes mises au ban comme ma mère l’a été. »

Lire l’histoire complète de Ram

 

RDC : 10 ans sans pouvoir tourner la page

Déborah Kitumaini est la veuve de Pascal Kabungulu, un éminent défenseur Congolais des droits humains. En une nuit, elle a tout perdu : son mari, tous ses biens et son pays. Depuis, elle s’est réfugiée au Canada avec ses 6 enfants. Les assassins n’ont jamais été arrêtés.

« Je suis veuve. Mes enfants sont orphelins. Cela fait dix ans que nous avons dû quitter notre pays pour vivre en exil, en laissant tout derrière nous. Je rêve de retourner en RDC un jour, de revoir tous ceux et celles qui nous sont chers, de respirer l’air de Bukavu et de marcher à nouveau sur notre terre, en sécurité, la tête haute, sachant que les assassins de mon mari ne pourront plus nuire. »

Lire l’histoire complète de Déborah

 

Bosnie-Herzégovine : la dignité de continuer à se battre

La quête de justice de K. a commencé dès 1994, quand elle porte plainte pour viol contre des soldats de l’armée de Republika Srpska. Son cas est resté au point mort. Des décennies plus tard, elle n’a pas perdu une once de son désir de justice.

« Cela a beau faire 23 ans, je pense vraiment qu’un jour mes agresseurs seront arrêtés et condamnés. Quand j’entends des histoires semblables à la mienne, où des victimes ont reçu des réparations et ont fait poursuivre leurs agresseurs, cela me donne de la force et je reprends confiance. »

Lire l’histoire complète de K.

 

RDC : un voyage de trois jours pour établir la vérité

Yvette et Sylvie ont été violées dans un village isolé de l’est de la RDC. Quand leur agresseur a enfin été arrêté, il est vite devenu apparent que leur témoignage était essentiel au procès.

C’est ainsi qu’Yvette et Sylvie ont entrepris le plus long voyage de leur vie : elles ont voyagé pendant trois jours en moto, en voiture et en avion pour rejoindre Bukavu. Ni l’une ni l’autre n’avaient quitté leur village auparavant. En témoignant devant les juges, elles ont contribué à établir la vérité et à faire punir leur agresseur.

Lire l’histoire complète d’Yvette et Sylvie

 

TRIAL International soutient de nombreuses autres victimes dans leur quête de justice et vérité. Aidez-nous à faire toujours plus en faisant un don.

Beaucoup de progrès ont été réalisés ces dernières années sur les demandes de réparation. Toutefois, des écarts notables subsistent dans l’ensemble de la BiH, engendrant un traitement inégal des demandes des victimes.

Il n’existe à l’heure actuelle aucune pratique établie, dans les procédures pénales comme civiles, sur le montant de l’indemnisation des victimes de guerre. Il n’existe pas non plus de critères établis pour déterminer les indemnités adéquates pour le dommage subi.

Ce manque de ligne claire a engendré un traitement judiciaire inégal des demandes de réparation dans tout le pays. « Les victimes ont besoin de connaître préalablement ce à quoi elles peuvent s’attendre quand elles entament une demande en réparation. La réponse judiciaire à leur dommage spécifique devrait être simplifiée » explique Adrijana Hanusic Becirovic, conseillère juridique chez TRIAL International.

Pour faciliter l’harmonisation des décisions judiciaires, TRIAL International a publié un guide à l’intention des praticiens du droit. La publication rassemble des pratiques en droit pénal et civil sur les montants de l’indemnisation  et les critères pour les définir.

Destiné aux personnels judiciaires et aux avocats représentant les victimes, le guide (disponible uniquement en bosnien) devrait aider à propager bonnes pratiques et précédents.

« Nous espérons que cette compilation pourra aider les praticiens et le personnel judiciaire à apporter une réponse harmonisée et adéquate aux demandes d’indemnisation des victimes », conclut Adrijana Hanusic Becirovic.

Carlos Vielman, ancien ministre de l’intérieur du Guatemala, a été acquitté. Il avait été jugé par un tribunal madrilène en janvier et février 2017, tribunal qui devait déterminer sa responsabilité dans l’exécution de huit détenus alors qu’il occupait ses fonctions ministérielles. Son ancien bras droit et chef de la Police nationale du Guatemala, Erwin Sperisen, a quant à lui été condamné à la prison à vie pour les même accusations par un tribunal genevois. TRIAL International exprime sa préoccupation face à cet acquittement, qui envoie un signal inquiétant à la société civile guatémaltèque.

Le 15 mars 2017, à l’issue de plusieurs semaines d’audiences et de délibération, la Sala de lo penal de la Audiencia Nacional de Madrid a rendu publique sa décision et acquitté Carlos Vielman, citoyen à la double nationalité espagnole et guatémaltèque.

Cette décision fait suite à plusieurs procès de ses anciens subordonnés, en Autriche, en Suisse ou encore au Guatemala pour une série d’exécutions extrajudiciaires commises alors que Carlos Vielman était ministre sous le gouvernement d’Oscar Berger. Plusieurs ont d’ailleurs été condamnés pour ces crimes, dont Erwin Sperisen, qui purge actuellement une peine prison à vie, suite à la dénonciation aux autorités de poursuites suisses d’une coalition d’ONG. C’est également le cas de Victor Soto Dieguez, condamné à 33 ans de prison au Guatemala, ainsi que de trois autres membres des forces publiques guatémaltèques.

Ces affaires ont mis en lumière l’existence d’une structure criminelle au sein du gouvernement d’Oscar Berger, qui a également été reconnue par plusieurs instances – commission onusienne (CICIG), procureur en charge des droits humains guatémaltèque, tribunaux suisses et guatémaltèque. Dans ce contexte, l’acquittement de Carlos Vielman envoie un signal inquiétant. Au Guatemala, en particulier, où l’impunité règne en maître et où les défenseurs des droits de l’homme font état d’un retour de pratiques d’intimidation et d’assassinats.

Si l’issue du procès n’est pas celle qu’attendaient les ONG, sa tenue représente néanmoins une étape dans la lutte contre l’impunité qu’il faut souligner : « Ce procès a notamment permis de démontrer que d’anciens ministres ne sont pas à l’abri de la justice et qu’ils doivent faire face à leurs responsabilités », a rappelé Philip Grant, directeur de TRIAL International.

A l’heure de publier ce communiqué, TRIAL International n’a pas encore pu prendre connaissance du détail de la décision, ni de l’analyser. Pour l’heure, l’ONG se réserve donc de tout commentaire supplémentaire quant aux motifs de la décision.

Plus d’informations sur l’affaire Sperisen

Pierre-Claver Mbonimpa est une figure de proue de la lutte pour les droits humains au Burundi. A l’occasion de son passage à Genève, il nous livre son analyse de la situation actuelle.

 

TRIAL : Vous êtes à Genève pour le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Quelles sont vos impressions jusqu’à présent ?

Pierre-Claver Mbonimpa : Je suis satisfait de voir l’intérêt que suscite la situation au Burundi. 23 Etats ont fait des commentaires, et parmi cela pas moins de 20 ont condamné les agissements du gouvernement.

Malheureusement, j’ai déjà participé à plusieurs Conseil des droits de l’homme. Je sais que les résolutions adoptées ne seront pas suivies d’effet avant longtemps.

Je suis désolé que l’ONU semble impuissante face au tout petit pays qu’est le Burundi.

Comment expliquez-vous cela ?

Les Nations Unies rechignent à jouer un rôle actif. Elles voudraient déléguer ce rôle aux organes régionaux, tels que l’Union africaine. Mais les chefs d’Etats africains souffrent des mêmes maux que Pierre Nkurunziza : ils veulent s’éterniser au pouvoir par tous les moyens.

Ma crainte est qu’à force de tergiversations, des victimes et des réfugiés perdent patience et aient recours à la violence. Cela enflammerait une situation déjà délicate, et l’ONU aura alors beaucoup plus de mal à rétablir le calme.

En l’état actuel des choses, comment mettre un terme à la crise ?

Les représentants du gouvernement doivent absolument revenir à la table des négociations. Mon pays a connu d’autres crises dans le passé : c’est toujours à force de dialogue que nous en sommes sortis. Pierre Nkurunziza lui-même est arrivé au pouvoir grâce à des négociations, en l’occurrence les Accords d’Arusha qui ont mis fin à la guerre civile.

Nos dirigeants doivent se souvenir que la guerre ne profite à personne.

Comme beaucoup de défenseurs des droits humains, vous avez été contraint à l’exil. Restez-vous en contact avec vos compatriotes ?

Oui, tous les jours. Grâce aux réseaux sociaux, nous nous transmettons des informations, des photos ou des vidéos qui pourraient constituer des preuves.

Le Burundi est un petit pays, tout le monde se connaît et ainsi notre réseau s’étend. La diaspora burundaise a un grand rôle à jouer. Etant hors du pays, je peux témoigner devant des tribunes internationales.

Quel est votre message pour les victimes et les réfugiés burundais ?

Je leur demande de faire preuve de patience. Je peux comprendre leur frustration, mais recourir à la violence ne ferait qu’empirer les choses. Souvenons-nous des enseignements de notre histoire : seul le dialogue mettra fin à la crise.

Le Festival du film et forum international sur les droits humains (FIFDH) réunit chaque année des activistes du monde entier. TRIAL International est fier de participer à ce rendez-vous incontournable.

Le FIFDH est l’événement le plus important dédié au cinéma et aux droits humains à travers le monde. Il se tient chaque année en parallèle de la principale session du conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève, ville abritant aussi le siège de TRIAL International.

« Tous les ans, le FIFDH met en lumière des dimensions sous-documentées des droits humain. Le festival offre aux ONG une plateforme de débat et l’occasion de sensibiliser un très large public à leur travail. », se réjouit Chloé Bitton, responsable de la communication pour TRIAL International.

 

Une tribune pour dénoncer les violences sexuelles

Cette année, TRIAL International parraine la projection de The Uncondemned. Ce documentaire retrace la lutte de femmes rwandaises pour que les violences sexuelles soient enfin punies.

« L’impunité pour les violences sexuelles est au cœur du travail de TRIAL », explique Philip Grant. « La pugnacité de ces femmes fait également écho à nos convictions : la société civile a un rôle crucial à jouer dans la lutte pour la justice. »

TRIAL International aura l’honneur d’introduire le film, en compagnie des ONG Civitas Maxima et Avocats sans frontières Suisse. La projection sera suivie d’un débat, tweeté en direct par TRIAL International.

Suivez-nous sur Twitter
#fifdh17

The Uncondemned
Samedi 18 mars à 15h00, Espace Pitoëff
Billetterie et informations

 

 

Afin de mener à bien sa mission, TRIAL bénéficie du soutien de plus de 50 volontaires. Grâce à leur talent et dévouement, ils contribuent au succès de l’organisation. Nous vous présentons Lucy et Cono, qui donnent régulièrement de leur temps pour combattre l’impunité.

 

TRIAL International : Quand avez-vous commencé à travailler en tant que bénévole pour TRIAL, et pourquoi ?

Lucy : J’ai postulé en 2014 lorsque j’ai vu l’annonce sur le site de l’ONG. TRIAL fait un travail vraiment remarquable en aidant les gens qui n’ont plus d’espoir s’accéder à la justice. Je ne pouvais imaginer faire partie d’une meilleure organisation – j’en connais pourtant beaucoup.

Cono : J’ai commencé en août 2016, mais je connaissais TRIAL depuis déjà plusieurs années. Dès que ma charge de travail m’en a laissé l’occasion, j’ai cherché des opportunités de bénévolat dans le domaine du droit pénal international (un domaine dans lequel je manque d’expérience). TRIAL est apparu pour moi comme étant la solution la plus solide en Europe. Après plusieurs mois de bénévolat pour TRIAL, je suis plus convaincu que jamais de son potentiel énorme.

 

En quoi consiste votre travail ?

Lucy : Je fais partie du pôle de traducteurs, je traduis du français vers anglais. Les textes que je traduis vont de documents légaux à des articles pour le site internet ou des publications. Cela me donne un aperçu des différents programmes et publics de TRIAL : la communauté juridique, les médias, les sympathisants en ligne, etc.

Cono : En tant que bénévole pour Trial Watch, je fais des recherches sur des affaires pénales internationales. Ces affaires peuvent être tant actuelles que passées, et couvrent le monde entier. Grâce à mes recherches, de nouveaux profils sont ajoutés à la base de données Trial Watch, et des profils déjà existants sont mis à jour.

 

Avez-vous, en tant que bénévole, acquis ou développé certaines compétences ?

Lucy : J’ai appris à être très rigoureuse, parce que traduire des documents juridiques exigent un vocabulaire technique. Malgré ce qu’on peut croire, faire du bénévolat demande autant de temps et d’énergie qu’un travail payé : vous devez toujours donner le meilleur de vous-même, même lorsque vous travaillez en pyjama de chez vous !

Cono : Ma terminologie juridique s’est beaucoup améliorée en anglais, en espagnol et en français. Quand je fais des recherches sur de nouveaux profils, je dois lire des articles et des décisions légales, qui emploient des registres différents. J’essaye ensuite de réutiliser les termes qui me sont nouveaux, pour me les approprier.

 

Quel est le meilleur aspect du bénévolat chez TRIAL ?

Lucy : Je suis très fière des accomplissements de TRIAL et de la reconnaissance qu’elle reçoivent. J’ai été bénévole pour d’autres ONG mais TRIAL est exceptionnelle : non seulement son travail est incroyable, mais les collègues sont aussi extraordinaires.

Cono : L’aspect le plus intéressant est d’apprendre des faits, des nouvelles et des développements légaux dont je n’aurais pas eu connaissance autrement. Le mois dernier, je suis tombé sur un article au sujet de « l’Opération Condor », en Amérique du Sud. Je n’aurais jamais su ce que c’était si je n’avais fait des recherches dessus quelques semaines plus tôt !

 

Vous souhaitez rejoindre l’équipe bénévole de TRIAL ? Nous recherchons toujours des nouvelles recrues talentueuses et motivées !

Chaque année, la communauté internationale rappelle que les femmes ne sont pas seulement des victimes, mais qu’elles sont génératrices de changement.

Fermez les yeux et imaginez une victime de crimes de guerre. Maintenant, imaginez l’avocat qui aide cette personne à obtenir justice. Les chances sont grandes que vous pensiez à une femme dans le premier cas et à un homme dans le second.

Des veuves qui pleurent leurs maris disparus ; des femmes fuyant les conflits; des mères luttant pour protéger leurs enfants. L’imagerie de la femme vulnérable est malheureusement aujourd’hui encore tenace.

Les femmes sont certes davantage susceptibles de subir certaines formes de violence. Mais ce fait occulte une autre réalité, positive celle-ci : les femmes font aussi partie de la solution.

 

Pas seulement des victimes

Nous, les femmes de TRIAL International, sommes la preuve vivante que l’aide aux victimes de crimes internationaux n’est pas une prérogative masculine. Nous représentons 60% de la main-d’œuvre de l’ONG et 70% des gestionnaires de programmes. Certains de nos plus importants conseillers juridiques sont des femmes.

Nous rencontrons les victimes en face à face ; nous recueillons leurs récits jusque dans leurs détails les plus sordides ; nous travaillons d’arrache-pied ; nous voyageons dans des lieux isolés et parfois dangereux ; nous nous confrontons aux autorités et luttons pour défendre les droits des autres.

Sur le terrain aussi, les femmes avec qui nous travaillons défient les normes patriarcales. 37% des victimes pour lesquelles nous nous battons sont des femmes. Loin d’être simplement des « victimes », ce sont des femmes fortes, qui défendent leurs droits avec courage et dignité. Qu’elles soient activistes, médecins, expertes,  journalistes, enquêtrices ou avocates, nos partenaires féminins sont nombreuses. Leur travail et leur dévouement forcent notre admiration.

Nous espérons qu’un jour, ce modèle de femmes autonomes et talentueuses ne sera plus l’exception mais la norme, et que de plus en plus de femmes avocates, procureurs et juges s’imposeront.

Les droits des femmes sont primordiaux et l’inégalité doit être combattue sans relâche. Elle doit et sera combattue par les femmes. Par nous.

Les femmes de TRIAL International

 

Affaire Onesphore

Étudiant et membre d’opposition détenu

Onesphore (nom d’emprunt) est étudiant et opposant politique. En 2015, alors qu’il déjeunait, il a été appréhendé par des agents de police, enfermé dans un cachot, puis transféré dans une prison, où il est aujourd’hui encore détenu. Comme d’autres avant lui, il est la victime de vagues d’arrestations d’opposants politiques au Burundi, en particulier en 2015.

Onesphore a été interrogé sans son avocat, en violation des procédures applicables. C’est seulement après deux mois d’attente qu’il a pu rencontrer ce dernier, ainsi que ses proches. Si des accusations formelles, manifestement infondées, ont depuis été formulées et qu’un procès a été ouvert, il n’a toujours pas reçu de copie du document justifiant sa détention préventive, et croupit toujours en prison.

Procédure

Onesphore a tenté de se défendre en usant de tous les moyens juridiques à sa disposition. Ainsi, à maintes reprises durant son procès, son avocat a dénoncé les irrégularités de sa détention. Mais malgré la persévérance de la défense, rien n’a pu être fait pour protéger la victime. Par ailleurs, des mécanismes extra-judiciaires ont également été saisis, là-aussi en vain.

En vue de la gravité de la situation, au début de l’année 2017, TRIAL International s’est tournée vers les Nations Unies, afin de faire reconnaître les violations subies par M. Onesphore et de lui permettre d’obtenir réparation.

 

Bénédict De Moerloose, responsable de la Division enquêtes et droit pénal, nous explique comment TRIAL sélectionne, constitue et dépose ses affaires pénales.

 

TRIAL : Pouvez-vous nous expliquer comment se déroulent les enquêtes à TRIAL ?

Benedict de Moerloose : TRIAL International a créé la Division enquêtes et droit pénal en 2011, afin que les personnes et entreprises soupçonnées d’avoir commis des crimes internationaux soient poursuivies par la justice.

Selon le principe de compétence universelle, les États peuvent poursuivre des individus soupçonnés de crimes graves, quel que soit le lieu où ceux-ci ont été commis. De plus en plus d’États ont recours à ce principe, mais le chemin est encore long. Bien trop souvent, les intérêts diplomatiques l’emportent sur la justice.

Grâce à son expertise en matière de droit pénal et d’enquêtes, TRIAL fait la lumière sur des affaires des plus sérieuses. En déposant des plaintes pénales et en fournissant des preuves, l’ONG peut pousser les autorités à respecter leurs obligations internationales.

 

Les enquêtes pénales ne sont-elles pas la prérogative de ces autorités ?

Bien sûr, et nous ne marchons pas sur leurs plates-bandes. Nos rôles sont complémentaires. Souvent, nous attirons leur attention sur des affaires dont ils n’ont pas connaissance. Nous sommes aussi en mesure d’accéder à des preuves qui ne sont pas forcément à la portée des autorités. Par exemple, si nous voulons nous entretenir avec un témoin potentiel, nous n’avons pas besoin de passer par des voies diplomatiques et de demander une entraide judiciaire internationale. Mais au bout du compte, seule l’autorité judiciaire peut décider d’ouvrir une enquête officielle, d’entendre les suspects et de les condamner.

En règle générale, une fois la dénonciation déposée, TRIAL ne participe pas aux procédures. Les parties impliquées sont le procureur, l’accusé et les victimes, représentées par leur avocat. Cela n’empêche pas que TRIAL puisse continuer l’enquête et fournir des preuves complémentaires aux autorités.

 

Comment TRIAL mène-t-elle ses enquêtes ?

Nous avons développé nos capacités d’enquête au fil du temps. Nos dénonciations reposent sur de véritables argumentations juridiques, avec de solides preuves à l’appui. Plus le dossier est complet, plus on a de chances que le procureur accepte de poursuivre l’auteur présumé.

Rassembler des preuves prend du temps, c’est un travail complexe et minutieux. De plus, les personnes que nous poursuivons sont souvent haut placées au sein de gouvernements ou dans l’armée. Même quand elles ne sont plus au pouvoir, elles ont le bras long et peuvent intimider ceux qui témoignent contre elles. Il est essentiel que nos sources restent confidentielles et sécurisées tout au long de l’enquête.

 

Quelles sont ces sources ?

Nos sources se trouvent tant à l’échelle locale qu’internationale. Évidemment leur crédibilité est dûment vérifiée, tout particulièrement quand il s’agit de témoins. Il nous arrive aussi de creuser un peu plus profond et de rassembler des preuves nous-mêmes : missions sur le terrain; entrevues; recherches dans les archives; etc.

 

Comment choisissez-vous les dossiers que vous entreprenez ?

Nous ne pouvons malheureusement pas prendre toutes les affaires en charge, nous avons donc établi des critères de sélection.

Si le dossier est crédible, nous examinons d’autres facteurs. Par exemple: si la juridiction est compétente concernant les crimes présumés ; si le dossier s’inscrit dans le mandat de TRIAL ; quelles sont nos chances de succès dans l’affaire ; ses dangers potentiels, etc.

Nous devons aussi penser de manière stratégique : nous ciblons les affaires qui auront un fort impact, dans des pays où l’impunité est la règle. Se concentrer sur des personnes moins haut placées serait plus facile, mais ne ferait que renforcer la problématique d’un système judiciaire à deux vitesses.

Bien entendu, nous devons aussi prendre en compte nos propres ressources. Nous ne sommes pas nombreux dans l’équipe et nous devons préserver nos forces pour pouvoir continuer à nous battre !

 

Depuis sa création, TRIAL International a porté 17 dénonciations à la connaissance des autorités suisses – individus et entreprises. Ces plaintes ont donné lieu à 10 enquêtes pénales (dont 8 sont en cours) ainsi que 2 condamnations et 1 extradition.

En 2014, un coup de filet sur des opposants politiques laissait deviner la répression qui règne aujourd’hui dans le pays. 3 ans après, ils attendent toujours justice.

Depuis avril 2015, l’attention de la communauté internationale est tournée vers le Burundi et l’escalade de violence dont le pays a été le théâtre. De nombreuses violations des droits humains ont été commises dans un climat d’impunité totale.

Mais cette situation ne tombe pas du ciel. L’impunité au Burundi est un problème de longue date, qui trouve sa source dans les dysfonctionnements du système judiciaire. Celui-ci est soumis à de fortes ingérences du pouvoir exécutif. En conséquence, les agents de l’Etat qui commettent des crimes ne sont pas inquiétés par la perspective de devoir répondre de leurs actes. De leur côté, les victimes perdent confiance dans le système et craignent légitimement des représailles en cas de plainte.

« Les abus d’avant 2015 ont institué le climat délétère qui a conduit à la crise actuelle », explique Pamela Capizzi, Conseillère juridique en charge du projet Burundi.

 

Un épisode qui présageait la crise de 2015

Un épisode illustre bien l’absence de liberté d’opinion et les méthodes d’intimidation du gouvernement.

Il y a trois ans, le 8 mars 2014, les membres du parti d’opposition Mouvement pour la Solidarité et la Démocratie (MSD) ont été victimes d’une véritable rafle. Accusés par les autorités d’avoir organisé une « manifestation non autorisée » ou de « préparer une insurrection », plusieurs dizaines de membres ont été passés à tabac, et arrêtés illégalement. Certains sont encore en prison à ce jour, victimes d’une justice politisée à la solde du gouvernement.

Ces violations sont restées largement impunies. Même quand les victimes ont porté plainte, elles n’ont pas obtenu de réparation et les responsables n’ont pas été inquiétés.

C’est pour cela que TRIAL défend aussi bien ces victimes que celles de la crise de 2015 : « Pour être cohérente, l’action de TRIAL ne peut pas se concentrer sur les violations les plus récentes uniquement : toute victime a le droit d’accéder à la justice. », conclut Pamela Capizzi.

Les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) sont tristement connues pour les atrocités qu’elles infligent aux populations civiles dans l’est de la RDC, et pour l’impunité dont leurs membres ont jusqu’à présent trop souvent profité. Ceci est en train de changer : deux d’entre eux viennent d’être reconnus coupables du massacre de Nzovu.

 

Qui sont les FDLR ?

Milice hétérogène composée de plusieurs milliers de combattants, les FDLR se sont illustrées dans de nombreux massacres dans l’Est de la RDC. Leurs exactions incluent des violences sexuelles, le recrutement d’enfants soldats, l’extorsion d’impôts locaux et le pillage de ressources naturelles.

Du fait de leur mobilité et de leur action dans les régions les plus reculées du pays, ils jouissent d’une impunité notoire. Très peu de leurs membres ont à ce jour été traduits en justice.

 

Nombreuses exactions

La récente condamnation de deux d’entre eux pour les crimes commis à Nzovu change désormais la donne et représente une avancée significative contre l’impunité en RDC.

Ces deux membres des FLDR ont en effet participé entre décembre 2011 et janvier 2012 à plusieurs attaques contre des villages du territoire de Shabunda, dont celui de Nzovu. Ces incursions ont coûté la vie à environ quarante civils, principalement des femmes et des enfants. Une cinquantaine d’autres victimes ont été gravement blessées.

 

Condamnations pour crimes de guerre

Le 24 février 2017, Jean Bosco Sinzababanza et Victor Dufitimana ont ainsi été condamnés à la prison à vie pour crimes de guerre, notamment pour meurtre, violences sexuelles et appropriation de biens.

Ce verdict a conclu deux semaines de procès en audience foraine, dans lequel plus d’une centaine de victimes ont été représentées par un collectif d’avocats coordonné par TRIAL International.

« Nous sommes satisfaits de l’issue de ce procès » explique Daniele Perissi, responsable du programme RDC de TRIAL. « L’ampleur des crimes et la situation sécuritaire volatile ont rendu la tâche ardue, mais les victimes ont pu bénéficier des mesures de protection nécessaires et faire entendre leur voix. »

 

Les victimes seront-elles indemnisées ?

Les nombreuses victimes représentées se sont vues octroyer des réparations allant de 5’000 $ à 25’000 $, selon le préjudice encouru. La Cour a ordonné que les condamnés paient eux-mêmes les victimes.

Malheureusement, cela signifie que celles-ci ne verront peut-être jamais leurs indemnités versées. En effet, les coupables n’auront sans doute pas les moyens de verser toutes les compensations.

« L’Etat congolais aurait dû être condamné comme civilement responsable pour les crimes commis à Nzovu, car il a manqué à son obligation de protection de la population civile », poursuit Daniele Perissi. « Ainsi, il aurait été solidaire dans le paiement des indemnités et les victimes auraient pu bénéficier de leur dû. »