Stella avait treize ans quand elle a été violée par un juge. Elle est défendue par un avocat congolais formé par TRIAL.

Issue d’une famille de cinq enfants, Stella (pseudonyme) vivait chez ses parents. Elle était scolarisée dans la banlieue de Bukavu. Des difficultés financières ont forcé ses parents à envoyer Stella chez sa tante, dans le but d’y gagner un peu d’argent et de reprendre ensuite ses études.

C’est dans le village de sa tante qu’elle a rencontré le juge E.K., qui logeait dans une maison voisine. Celui-ci l’a invité chez lui à plusieurs reprises pour discuter et gagner la confiance de la jeune fille. Connaissant sa situation précaire, il lui a offert de l’argent.

 

Cadeau empoisonné

Progressivement, le discours amical du juge E.K. a changé, et il a commencé à parler de mariage. Malgré le refus de Stella et sachant qu’elle était mineure, il a continué ses avances avec de plus en plus d’insistance. Il disait se sentir seul, avoir besoin d’une femme dans sa vie, et répétait que Stella ne manquerait de rien si elle devenait son épouse.

Dupée et intimidée, la jeune fille a cédé aux avances du juge et a consenti à des rapports sexuels. En droit congolais, les rapports sexuels avec un mineur sont constitutifs d’une infraction de viol, que le mineur soit consentant ou non.

Quelques jours plus tard, le juge E.K. est reparti du village et n’a plus donné de nouvelles à Stella. Peu après son départ, la jeune fille a découvert qu’elle était enceinte.

De retour à Bukavu, elle a caché son état à sa famille le plus longtemps possible. A cinq mois de grossesse, Stella a finalement tout avoué à sa mère. Celle-ci, soutenue par un pasteur, a saisi la justice.

 

Procédure

TRIAL International accompagne la mère et la fille dans toutes les étapes de leur combat. Grâce à l’ONG, leur témoignage a pu être entendu par le procureur en charge du dossier, et elles sont suivies gratuitement par un avocat formé par TRIAL.

Ces efforts ont permis de renvoyer le juge E.K. devant la cour d’appel de Bukavu, où son procès a commencé le 13 octobre 2016.

Le quotidien de Stella a basculé depuis sa rencontre avec E.K. Stigmatisée comme beaucoup de victimes de viol, elle n’a pu compter que sur l’aide de sa famille. Son bébé est né prématurément et demande des soins constants, ce qui pèse sur les finances de la famille. Psychologiquement, Stella n’est plus que l’ombre d’elle-même : elle souffre de dépression et peine à se projeter dans l’avenir. Sa scolarité est dans l’impasse.

 

A ce jour, parmi les 200 plus grandes entreprises suisses, 120 n’ont aucune politique relative aux droits humains. Des dispositions contraignantes sont nécessaires pour changer cela.

L’initiative pour des multinationales responsables demande que toutes les entreprises suisses prennent leurs responsabilités en matière de droits humains et d’environnement. Une avancée qui profiterait à tous.

 

Une responsabilité bénéfique…

Pour de nombreuses entreprises suisses, le respect des droits humains et de l’environnement va de soi. Tant que cette évidence ne sera pas partagée par toutes les entreprises, des règles s’imposent. Convaincues que l’économie suisse en bénéficiera, de nombreuses personnalités des milieux économiques soutiennent l’initiative pour des multinationales responsables.

 

… à l’agenda international…

Sur le plan international, la tendance vers d’avantage de responsabilité des multinationales s’accentue. En France, un projet de loi, soutenu par le gouvernement et l’assemblée nationale, vise à obliger les grandes entreprises françaises à respecter les droits humains et l’environnement. Au Royaume-Uni, les entreprises sont tenues d’exclure le travail forcé et le travail des enfants de l’ensemble de leurs chaînes de valeur. Le Parlement européen ainsi que huit parlements de pays membres de l’UE demandent en outre que l’UE introduise un devoir de diligence raisonnable pour les multinationales européennes.

La réputation de la Suisse est tributaire du comportement des entreprises multinationales. Protégeons la qualité suisse !

 

… et réalisable

La gestion des risques est une pratique courante des entreprises.
Il s’agit d’y intégrer les risques liés aux droits humains et à l’environnement. Un tel investissement peut sauver des vies et s’avérer bénéfique pour l’entreprise.

Plusieurs multinationales se sont déjà engagées dans cette voie, en appliquant un devoir de diligence sur une base volontaire. Elles démontrent ainsi que l’initiative pour des multinationales responsables est réalisable.

Lire la brochure explicative complète

En savoir plus sur la lutte contre l’impunité des entreprises

 

L’initiative pour des multinationales responsables sera déposée aujourd’hui. Elle est portée par 80 organisations de la société civile partageant la même vision : la qualité suisse doit inclure la protection des droits humains et de l’environnement.

Prendre au sérieux la responsabilité de la Suisse et préserver sa réputation ; ce message accompagne les 120 000 signatures valides en faveur de l’initiative pour des multinationales responsables, qui seront déposées aujourd’hui à la Chancellerie fédérale. Cette initiative se base sur les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, adoptés à l’unanimité en 2011. Elle demande que les sociétés suisses assument un devoir de diligence raisonnable en matière de droits humains et d’environnement dans l’ensemble de leurs relations d’affaires. Concrètement, les entreprises suisses auraient l’obligation d’analyser les risques d’atteintes aux droits humains et à l’environnement liés à leurs activités ainsi qu’à celles de leurs filiales et sous-traitants, de prendre les mesures adéquates pour y remédier, et de rendre compte publiquement de leur analyse et des mesures adoptées. Si une multinationale ne remplissait pas son devoir de diligence, elle pourrait avoir à répondre des dommages causés par une filiale à l’étranger.

La réputation de la Suisse est un atout important pour notre économie. La qualité suisse est en effet synonyme d’exigences élevées, de travail soigné et de relations d’affaires loyales. Les sociétés bénéficiant à l’étranger de cette réputation doivent respecter les standards internationaux. Malheureusement, cela ne va pas encore de soi aujourd’hui. Certaines sociétés domiciliées en Suisse ne sont toujours pas prêtes à tenir compte des risques pour les droits humains et l’environnement découlant de leurs activités, ni à les prévenir ou minimiser. L’initiative pour des multinationales responsables entend donc combler une lacune importante, en garantissant que la protection des droits humains et de l’environnement fasse à l’avenir partie intégrante de la qualité suisse.

Cette initiative s’inscrit dans une tendance internationale vers des exigences contraignantes pour les multinationales. Au cours des derniers mois, le Conseil de l’Europe, le Parlement européen tout comme huit parlements nationaux d’Etats européens se sont prononcés en faveur d’une obligation de diligence raisonnable en matière de droits humains.

L’association de l’initiative pour des multinationales responsables réunit à ce jour 80 organisations de la société civile, lesquelles travaillent dès à présent à la préparation de la campagne de votation. L’association a récemment fait conduire un sondage d’opinion représentatif auprès de la population suisse. Les résultats révélaient que 89 % des sondé-e-s veulent que les multinationales suisses soient tenues de respecter les droits humains et l’environnement aussi à l’étranger. 92% estiment par ailleurs que les multinationales devraient veiller à ce que leurs filiales et sous-traitants fassent de même. Si les autorités suisses refusent d’agir, la population suisse, elle, se préoccupe sérieusement de la responsabilité des entreprises.

Lire le dossier de presse
Pourquoi TRIAL International soutient l’initiative
En savoir plus : Comment TRIAL International agit pour la responsabilité des entreprises

Genève, le 6 octobre 2016  – L’une des représentante de TRIAL International s’est vu priée ce jour par les autorités du Burundi de quitter le pays suite à l’annulation de son visa.

Madame Pamela Capizzi a rejoint TRIAL International en septembre 2014. Elle est conseillère juridique et responsable du programme Burundi. Avant cela, Pamela Capizzi a entre autre collaboré avec le Comité international de la Croix-Rouge, la Cour européenne des droits de l’homme et le Ministère italien des affaires étrangères. Elle était en mission professionnelle à Bujumbura lorsque son visa a été révoqué :

« Les autorités burundaises m’ont octroyé un visa sachant que je me rendait au Burundi pour y dispenser une formation juridique. Les raisons pour la révocation de mon visa durant mon séjour dans le pays ne m’ont pas été communiquées. J’ai toutefois pu quitter le Burundi dans de bonnes conditions », a déclaré Pamela Capizzi.

La mission de TRIAL International au Burundi est de contribuer à une amélioration durable du système judiciaire et de favoriser l’accès à la justice des victimes de crimes internationaux.

Pamela Capizzi est une juriste exemplaire, dont l’engagement est sans faille et l’éthique de travail irréprochable. Elle a dispensé une formation avec la rigueur et le professionnalisme qui caractérisent son travail et la méthodologie de notre organisation. Elle bénéficie de notre soutien et confiance la plus totale”, a déclaré Philip Grant, Directeur général de TRIAL International.

(mis à jour le 7 octobre à 9h UTC+2)

 

 

Des milliers de victimes de guerre bosniennes attendent encore justice. Pour certaines, le coût des procédures est tout simplement trop élevé.

L’Etat bosnien ne prévoit pas d’accompagnement juridique gratuit pour toutes les victimes, réduisant de fait l’accès à la justice à ceux qui en ont les moyens.

« L’absence d’un programme national d’accompagnement juridique gratuit fait peser sur les victimes un poids économique et logistique intenable », explique Selma Korjenic, directrice du programme BiH de TRIAL.

Depuis un an, TRIAL International plaide pour qu’une aide juridique gratuite soit garantie à toutes les victimes dans les procédures pénales. En août, l’organisation a proposé un amendement à la loi Bosnienne dans ce sens. La réponse des autorités est toujours en attente.

« Montrer que la justice est accessible »

En attendant que l’Etat remplisse ses obligations, seules les ONG et certaines institutions cantonales accompagnent gratuitement les victimes dans des procédures nationales. Malheureusement, peu d’entre elles sont formés à introduire des demandes de compensations dans les procédures pénales. En conséquence, très peu de victimes accèdent à des réparations.

C’est pour cette raison que TRIAL International a organisé un atelier pour les représentants des victimes sur comment introduire des demandes de compensations devant les cours pénales. Cela fait partie d’une stratégie plus large de diffusion de l’expertise de TRIAL sur le droit aux réparations.

Certes, les compensations perçues par les victimes peuvent servir à couvrir leurs frais légaux ou à reconstruire leur quotidien, mais le seul fait de recevoir cet argent est souvent la reconnaissance la plus précieuse. « Cela montre aux victimes que la justice est accessible », explique Miroljub Radomirović, conseiller juridique junior et participant à l’atelier.

 

 

Un Op-Ed de Valérie Paulet

Malgré son acquittement, le procès du colonel Kumar Lama au Royaume-Uni démontre la pertinence de la compétence universelle.

En 1961, Adolf Eichman est arrêté en Argentine puis détenu à Jérusalem. Pour beaucoup, c’est la première affaire de compétence universelle, c’est-à-dire la poursuite de criminels internationaux indépendamment du lieu du crime, de leur nationalité ou de celle de leurs victimes. D’autres affaires ont suivi ce jugement historique, notamment l’arrestation d’Augusto Pinochet ou la condamnation de Pascal Simbikangwa et Hissène Habré.

En septembre 2016, le Royaume-Uni a clôt sa deuxième affaire de compétence universelle : celle de Kumar Lama. Le colonel népalais a été arrêté en 2013 lors d’une visite personnelle dans le pays, accusé de torture sur deux détenus pendant la guerre civile au Népal.

Le procès de Mr Lama a commencé le 24 février 2015 à la Cour pénale de Londres. Après un procès complexe, il a été acquitté de toutes les charges pour cause de preuves insuffisantes.

Cette décision représente-t-elle un recul pour la justice internationale ? Non, et ce pour trois raisons.

 

Le Royaume-Uni a joint le geste à la parole

Premièrement, l’affaire de M. Lama montre que le Royaume-Uni prend très au sérieux ses obligations d’enquêter sur des allégations de torture et de poursuivre les bourreaux. La police londonienne, soutenue par des ONG locales, a rassemblé des preuves avec une détermination que le Népal n’a pas encore démontré.

Des moyens financiers adéquats ont également été attribués à l’enquête, en dépit de critiques de certains partis britanniques. Le Royaume-Uni s’était déjà posé en promoteur de la compétence universelle avec l’affaire Faryadi Sarwar Zardad (2005), prouvant sa disposition à investir des ressources financières et humaines pour porter ces affaires devant la justice.

 

Prise de risques diplomatiques

Deuxièmement, le Royaume-Uni a pris un risque diplomatique en arrêtant M. Lama, fait suffisamment pour être salué. En effet, le colonel ne servait pas seulement dans l’armée nationale, mais il s’était également engagé avec les Casques bleus des Nations Unies au Sud-Soudan.

Trop souvent, des États renoncent à poursuivre des personnes haut placées pour préserver leurs relations diplomatiques. L’Espagne a par exemple abandonné son affaire sur le génocide tibétain en 2015 suite aux pressions du gouvernement chinois. Le gouvernement espagnol a été jusqu’à restreindre sa législation pour éviter tout risque politique dans le futur. En 2014, la France a pris la même direction en permettant au directeur des services secrets marocains de quitter le pays, malgré sa mise en examen pour des faits de torture.

 

Une voie vers la justice

Troisièmement, l’affaire de M. Lama a montré à de nombreuses victimes ce que la compétence universelle était vraiment : une voie vers la justice. Dix ans après les accords de paix, aucun procès n’a à ce jour été ouvert au Népal pour les innombrables plaintes pour tortures déposées devant ses tribunaux.

Ce procès envoie donc un message très clair au Népal et aux autres pays post-conflits, où une réconciliation nationale hâtive (et superficielle) prend le pas sur la justice. L’affaire de M. Lama prouve aux victimes en Colombie, au Salvador, au Tchad et partout ailleurs, que les refuges pour criminels de guerre sont de moins en moins nombreux. Ce qui est exactement le rôle de la compétence universelle.

Valérie Paulet, coordinatrice Trial Watch

 

#Inimulti

Les violations des droits humains commises par des multinationales domiciliées en Suisse font régulièrement les gros titres des médias. Conditions de travail inhumaines, travail des enfants, pollutions causées par l’exploitation minière : une initiative veut mettre un terme à ces pratiques inacceptables.

Les scandales qui ont défrayé la chronique ces dernières années montrent que les mesures volontaires ne suffisent pas. Siège de nombreuses multinationales, la Suisse a la responsabilité et la possibilité de montrer l’exemple.

TRIAL International lutte depuis des années contre l’impunité des entreprises en matière de droits humains. Elle a notamment dénoncé les exactions d’Argor-Heraeus SA  et Caterpillar.

 

Les mesures volontaires ne suffisent pas

C’est pour responsabiliser davantage les multinationales qu’une initiative, portée par une coalition d’ONG dont TRIAL, prévoit l’introduction dans la loi suisse d’un devoir de diligence des entreprises.

Celui-ci obligerait les sociétés à vérifier si leurs activités à l’étranger conduisent à des violations des droits humains ou des standards environnementaux, à prendre des mesures pour y remédier et à rendre des comptes.

Si les sociétés enfreignent leur devoir de diligence, elles pourront être amenées à répondre de leurs manquements devant les tribunaux suisses. Les coûts financiers et les dégâts d’image qui pourraient en résulter suffiront à convaincre la plupart des entreprises de prendre les mesures adéquates et d’assumer leur responsabilité pour l’ensemble de leurs activités.

 

Entretien avec Guy Mushiata, expert des droits humains en RDC

 

TRIAL : La RDC fait une fois de plus la une de la presse internationale. Quelle est votre lecture de la situation ?

Guy Mushiata : Le contexte est très tendu depuis que l’incertitude règne quant aux délais de  l’élection présidentielle.  La situation politique est dans une impasse et celle des droits humains n’est pas toujours reluisante. Au cours des derniers mois, quatre chercheurs internationaux qui enquêtaient sur les droits humains ont été expulsés. Les risques de violences sont réels. Il faut espérer que le dialogue national en cours, bien que non inclusif, trouvera rapidement une issue à la crise pour apaiser les esprits et garantir un meilleur respect des droits de chacun.

 

A quelles difficultés faites-vous face dans votre travail quotidien ?

On parle souvent du manque de volonté politique, ce qui est vrai. Mais nous sommes aussi confrontés à une multitude de problèmes structurels, mais aussi simplement logistiques. La province du Sud-Kivu, où opère TRIAL, est plus grande que la Suisse. Les villages où les exactions sont commises sont extrêmement reculés ; se rendre sur place pour documenter des cas peut prendre des jours et présenter des défis sécuritaires.

Le travail avec les victimes exige également d’être patient. Elles sont souvent traumatisées et craignent des représailles. Il faut les approcher en douceur et laisser un lien se tisser. Le réseau que nous avons sur place est essentiel pour instaurer une relation de confiance.

 

Comment réagissent les victimes quand vous leur parlez de justice ?

Elles sont souvent sceptiques au début. L’impunité est tellement répandue qu’elles ne pensent pas obtenir justice face à leurs bourreaux, surtout lorsque ceux-ci sont dans les forces armées régulières ou dans des groupes armés. Pourtant, notre expérience prouve que leur rôle est crucial dans les procédures. Dans l’affaire Bolingo, par exemple, la Cour aurait sans doute rendu un non-lieu si les victimes n’avaient pas témoigné. Il est important qu’elles puissent être actrices dans le procès et raconter leur histoire avec leurs propres mots. Cela donne aussi du courage aux autres victimes qui se taisent encore.

 

Près de deux ans après l’ouverture des bureaux de TRIAL à Bukavu, comment a évolué votre mission ?

Dès notre arrivée, nous avons tissé des liens avec les acteurs internationaux et locaux sur place : MONUSCO, PNUD, associations de victimes, réseaux d’avocats, etc. Cela nous permet de travailler de manière complémentaire sans nous substituer au travail des autres, et de valoriser l’expertise juridique unique de TRIAL International. Nous sommes de plus en plus sollicités, il faut donc faire des choix dans les dossiers que nous défendons.

 

Quelles sont les priorités du programme aujourd’hui ?

Nous voulons continuer d’œuvrer au niveau national. Bien sûr, nous continuerons de porter les affaires devant la Commission africaine ou les Nations Unies si nécessaire, mais c’est de la RDC que le changement doit émaner : les juges, les avocats, la société civile et les autres acteurs locaux ont un rôle à jouer. Par exemple, les avocats que nous avons formés sont à présent capables d’assister eux-mêmes les victimes de violations des droits humains. C’est une grande satisfaction de voir ces bonnes pratiques se disséminer.

 

* Le dialogue national réunit des représentants de la majorité, d’une partie de l’opposition politique et de la société civile pour trouver une solution à la crise politique liée au report des élections présidentielles, initialement prévues pour fin novembre.

Une décision récente du Comité contre la torture confirme que les Etats doivent faire bien mieux que de vagues promesses pour honorer leurs obligations.

Lorsqu’une victime porte plainte devant une institution internationale, l’Etat se défend généralement en évoquant le non-épuisement des recours internes. En d’autres termes, la victime n’aurait pas usé de tous les moyens juridiques existants au niveau national, rendant sa plainte inadmissible. L’Etat prétend souvent qu’une enquête est en cours et que si la victime avait été un peu plus patiente, elle aurait obtenu justice.

D’autres arguments procéduriers sont également invoqués, par exemple que seul une plainte formelle de la victime peut donner lieu à une enquête. Mais de nombreuses raisons peuvent empêcher la victime de porter plainte, d’obstacles matériels à la peur de représailles. Parfois, une victime dénonce les abus subis mais se voit refuser l’enregistrement de sa plainte. D’autres fois, les autorités entendent la victime mais ne tamponnent pas les documents, leur permettant ensuite de nier qu’une plainte a été déposée.

Ces arguments sont si souvent invoqués que si le Comité contre la torture (CAT) les acceptait, il n’examinerait plus aucun cas et les victimes n’obtiendraient jamais justice.

Dans une affaire portée par TRIAL International et une ONG partenaire, le Maroc a usé de ces arguments éculés. Dans sa réponse*, le Comité a explicitement rappelé que c’était les actes, et non les paroles, qui faisaient reculer la torture.

 

Une plainte formelle n’est pas obligatoire

Premièrement, le CAT a clarifié que l’absence de plaint de la victime, Omar N’Dour, n’était pas nécessaire à l’ouverture d’une enquête. Dès lors que des soupçons raisonnables de torture existait (en l’occurrence, M. N’Dour avait montré à un juge et à un procureur les marques sur son corps), le Maroc aurait dû faire la lumière sur ces allégations, indifféremment de considérations procédurières.

De plus, la victime ayant été torturée en détention, les faits étaient connus exclusivement des autorités, ou presque. Le Comité a rappelé que dans de tels cas, la charge de preuve ne reposait pas uniquement sur la victime. Les autorités doivent fournir une explication satisfaisante et convaincante, et non se contenter de nier les faits.

 

Droit de la victime au recours effectif

Enfin, si des voies de recours nationales existent au Maroc, elles ont été jugées inefficaces par le CAT : plus de six ans après le crime, aucune enquête n’a mené à l’identification des bourreaux. Le Comité a conclu qu’un délai raisonnable s’était écoulé pour que la victime cherche justice et réparations au niveau international.

Cette décision est la seconde de ce type visant le Maroc. Elle rappelle à tous les Etats qu’il est grand temps de tenir leurs promesses : des enquêtes rapides, indépendantes, impartiales, approfondies et efficaces doivent être menés, et responsables jugés et punis. La procrastination et les excuses n’empêcheront pas le CAT de tenir les Etats responsables.

*Cette décision concerne uniquement l’admissibilité de la plainte. Dans les prochaines mois, les parties soumettront leurs arguments sur le fond de l’affaire et le CAT se prononcera alors sur les violations elles-mêmes.

 

Imaginez devoir renoncer à votre sécurité pour obtenir ce qui vous revient de droit. Cest le sort de nombreuses victimes en BosnieHerzégovine, qui doivent choisir entre obtenir des réparations et protéger leur identité.

Dans beaucoup d’affaires, les victimes de guerre sont renvoyées devant une cour civile à l’issue du procès pénal pour obtenir des compensations – à quelques exceptions notables. En d’autres termes, non seulement l’accusé doit être reconnu coupable, mais dans la plupart des cas, une autre procédure – civile cette fois – doit fixer le montant et les modalités de dédommagement des victimes.

Ce passage d’une procédure pénale à civile est tout sauf anecdotique : la pression financière et psychologique d’entamer une nouvelle bataille juridique est considérable pour les victimes.

De plus, alors que les victimes peuvent préserver leur anonymat au cour du procès pénal, la procédure civile ne propose pas cette protection. Il en résulte que les survivants de viol et autres crimes de guerre doivent voir leur nom révélé et vivre dans la peur de représailles et de stigmatisation. En conséquence, un grand nombre de victimes sont découragées et préfèrent renoncer à leur droit à des réparations.

Plaider pour le changement

Pour remédier à cette lacune, des experts nationaux se sont réunis le 9 septembre pour rédiger une série d’amendements à la loi sur la procédure civile et à la loi sur les procédures d’exécution.

Ces amendements exigent un maintien de la protection de l’identité des victimes au cours de la procédure civile et d’exécution à l’issue du procès pénal.

 

Présidé par TRIAL International, le groupe de travail est composé de :

Adrijana Hanušić Bećirović (conseillère juridique)

Antonović Zvjezdana (juge à la Cour de Bosnie-Herzégovine)

Džumhur Jasminka (Ombudsman pour les droits humains)

Kapetanović Maja (expert juridique)

Šehić Nedžla (avocate spécialisée dans la representation des victims de guerre)

Une représentate du Centre d’assistance juridique pour les femmes à Zenica

 

En savoir plus sur les actions de TRIAL International en Bosnie-Herzégovine

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Le colonel népalais Kuma Lama, accusé au Royaume-Uni d’actes de torture, a été acquitté.

Le 6 septembre 2016, après 3 ans de bataille juridique, le service du procureur de la Couronne (Crown Prosecution Service) a décidé de mettre fin aux poursuites contre M. Kumar Lama, après l’échec du jury de parvenir à un verdict en août dernier. L’ancien colonel de l’armée népalaise a donc été acquitté de toutes les charges qui pesaient à son encontre.

Cette décision est une déception pour la victime ayant apporté des éléments de preuves des actes de tortures subies, mais aussi pour d’innombrables victimes de torture au Népal qui attendent encore que justice soit faite, et pour les ONG qui les défendent.

Kumar Lama a été le premier membre des forces de l’ordre encore en service à être arrêté et jugé hors du Népal pour des crimes commis lors du conflit civil de 1996 à 2006. Cette procédure a été rendue possible grâce au principe de compétence universelle.

Un pas en avant malgré tout

Malgré l’issue de ce procès, le fait qu’un haut gradé de l’armée ait été arrêté et poursuivi dans un pays tiers est une avancée significative. TRIAL International salue la détermination du Royaume-Uni à honorer ses obligations internationales, et espère que ce précédent sera bientôt suivi d’autres affaires de compétence universelle – au Népal et ailleurs.

Cet épisode fait également ressortir l’importance de mettre fin à l’impunité au Népal pour les suspects de crimes internationaux. Il est grand temps que l’Etat respecte ses engagements et enquête sur les affaires de torture et de disparitions forcées.

Lire le rapport annuel de TRIAL International sur la compétence universelle (en anglais)

En savoir plus sur les actions de TRIAL International au Népal

 

 

Un op-ed de Helena Rodríguez-Bronchú Carceller

« Il est défendu de tuer ; tout meurtrier sera puni, à moins qu’il n’ait tué en grand nombre et au son des trompettes. » – Voltaire

Au cours du conflit armé au Népal, comme dans toute autre guerre civile, des gens ont tué, torturé, violé et fait disparaitre nombre de leurs concitoyens. L’affrontement entre les forces de l’ordre et les rebelles maoïstes a duré dix ans (de 1996 à 2006).

Les dix années qui ont suivi le conflit ont été synonymes d’une paix fragile, et de discussions sans fin quant au développement d’un système de justice transitionnelle. Aujourd’hui encore, les désaccords perdurent et prévalent sur les sujets réglés.  Les opinions divergent entre victimes, partis politiques, communauté internationale et société civile, mais aussi au sein de ces groupes eux-mêmes.

L’un des sujets de désaccord est la lutte contre l’impunité croissante. Tandis que la plupart des victimes et des acteurs internationaux exigent davantage de fermeté, les partis politiques, parfois impliqués dans le conflit, cherchent à y déroger.

La Cour suprême a annulé les mesures d’amnistie de la loi « Commission de vérité et réconciliation » de 2014. L’ONU a conditionné son soutien au processus de justice transitionnelle à l’interdiction de toute amnistie. Rien n’y a fait : la question de l’amnistie suscite encore un débat animé au Népal, alimentée par les déclarations d’acteurs politiques.

Assimiler l’impunité à l’amnistie est une simplification excessive et dangereuse. La première désigne une situation où un criminel n’est pas tenu responsable ou puni pour ses actes, tandis que la seconde est un outil juridique pour exempter une personne de toute responsabilité pénale. Bien sûr, l’impunité se nourrit de l’amnistie, mais elle peut également émaner d’autres mesures. Les partis politiques népalais en sont bien conscients : ils se targuent de ne pas demander l’amnistie et passent sous silence leurs autres stratagèmes pour échapper à la justice.

Le refus de modifier la législation est le premier subterfuge. Les actes de torture, les disparitions forcées, et l’utilisation d’enfants soldats resteront impunis tant qu’ils ne seront pas reconnus comme des actes criminels par la législation nationale, et tant que la loi ne pourra pas être appliquée rétroactivement. Des dispositions juridiques sont également nécessaires pour modifier la loi de prescription : la prescription tristement célèbre sur les viols, qui oblige que les plaintes soient déposées sous les 35 jours suivants les faits, et la prescription de 20 ans pour les affaires de meurtres, qui empêche la poursuite de crimes commis au début du conflit. Par ailleurs, seul l’inclusion des qualifications juridiques de « crimes de guerre » et de « crimes contre l’humanité » dans la législation népalaise pourra refléter l’ampleur de ces crimes.

Des procédures déficientes de justice transitionnelle encouragent également l’impunité. Les inquiétudes causées par la création de deux Commissions de justice transitionnelle en 2015 sont trop nombreuses pour être listées ici. De multiples incidents ont été rapportés lors du recueil des plaintes : menaces à la sécurité ; intrusions de partis politiques ou des forces de l’ordre ; problèmes d’accessibilité pour les habitants de régions isolées, les personnes handicapées, les personnes âgées et les personnes ne parlant pas le népalais ; manque d’information et de sensibilisation aux procédures et au mandat de la Commission ; absence de confidentialité lors du recueil de plaintes ; etc.

Les victimes ont donc commencé à être méfiantes, mais de plus, certaines d’entre elles n’ont tout simplement pas pu déposer leurs plaintes. D’autres n’étaient pas en mesure de fournir des faits détaillés, engendrant la rétractation de la Commission pour « preuves insuffisantes » et l’impossibilité d’examiner ces plaintes à nouveau dans le futur. Par ailleurs, le mandat de la Commission expirera dans seulement six mois. Il est difficile d’imaginer comment celle-ci pourrait à donner une réponse satisfaisante aux 60 000 victimes qui ont déposé plainte, étant donnés son rythme de travail et ses faibles ressources. Vouloir régler toutes les affaires liées au conflit par le seul biais de deux Commissions dysfonctionnelles peut également être perçu comme une stratégie en faveur de l’impunité.

Une Cour extraordinaire doit encore être créée. Mais quels serait son rôle et ses mécanismes de régulation ? Les règles de responsabilité pénale des supérieurs seraient-elles appliquées ? Les juridictions militaires joueraient-elles un rôle ? Ces questions cruciales à la lutte contre l’impunité restent sans réponse, mais elles sont surtout trop peu souvent abordées par les principaux acteurs de ce débat. Le chemin de la justice transitionnelle au Népal reste semé d’embûches.

Helena Rodriguez-Bronchú Carceller, directrice du programme Népal
@Helena_RBC

 

Un OP-Ed de Gabriella Citroni

Quarante ans de lutte contre les disparitions forcées ont produit des avancées significatives, mais le phénomène reste en augmentation constante.  

A la fin des années 1970, les proches de victimes de disparitions forcées en Amérique Latine se sont mobilisés pour mettre un terme à ce crime. La Commission nationale argentine pour les personnes disparues leur a donné raison en 1984 en publiant son rapport final intitulé « Plus jamais ça ! ». Le rapport soulignait l’importance de prévenir la répétition d’une tragédie nationale qui a fait des milliers de disparus. Depuis lors, plusieurs commissions de vérité et réconciliation dans le monde ont repris ce titre dans leurs rapports finaux et « plus jamais ça » est devenu le cri de ralliement de la société civile contre les disparitions forcées.

Tous les ans, la Journée internationale des victimes de disparitions forcées est l’occasion de nous demander : quel chemin avons-nous parcouru et que reste-t-il à faire ?

 

Des signes encourageants aux niveaux national et international

Des progrès indéniables été constatés récemment, notamment le choix de certains Etats de renforcer leur législation nationale : le Pérou a fait promulguer une loi sur la recherche des personnes disparues, pour enfin faire la lumière sur le sort des milliers de disparus du conflit de 1980 à 2000. Des efforts pour adopter une législation complète sur ce crime sont également en cours en Tunisie et au Mexique.

Après des années de lobbying de la société civile, la Cour suprême du Salvador a déclaré inconstitutionnelle la loi d’amnistie de 1993, qui jetait un voile d’impunité sur les violations des droits humains commises de 1980 à 1992. Cette décision historique ouvre la voie à la reddition et ravive l’espoir des familles des disparus.

D’autres Etats ont intégré à leurs institutions des mécanismes de soutien pour les proches des disparus. Au Népal, une Commission d’enquête sur les victimes de disparitions forcées a enfin été établie. Elle devrait donner les moyens aux victimes et à leur famille de faire valoir leur droit à la vérité, à la justice et aux réparations, restés lettre morte depuis la fin du conflit en 2006. Au Mexique, une Unité spécialisée d’investigation des crimes contre les migrants ainsi qu’un Mécanisme transnational de rechercher des migrants disparus s’attèleront pour la première fois aux abus subis par les migrants, y compris les disparitions forcées.

Les organes internationaux sèment eux aussi des jalons encourageants. En mars, le Comité des Nations Unies contre les disparitions forcées (CED) a profit de sa toute première décision pour se prononcer sur des questions encore inexplorées, telles que les obligations des Etats quand un prisonnier est transféré d’un lieu de détention à un autre, et les droits des proches à être informé de ces déplacements et de l’avancée de l’enquête.

 

Des efforts trop timides et toujours trop tard

Tous ces exemples sont d’importantes victoires qu’il convient de saluer. Mais aucun d’entre eux ne s’attaque aux causes du mal : la commission elle-même de ces disparitions forcées. Malgré tous nos efforts, ce crime est de plus en plus répandu. Au cours des trois dernières années, le nombre d’actions urgentes enregistrées par le CED ont bondi de 4 à 294. Le Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires est submergé quotidiennement de nouvelles affaires.

Il est grand temps que les Etats et la communauté internationale adoptent et mettent en œuvre de nouvelles stratégies pour ne pas simplement compenser a posteriori, mais aussi prévenir ces abus. Si les Etats ne se montrent pas à la hauteur de leurs responsabilités et ne font pas de ce problème une priorité, « Plus jamais ça » restera une expression vide de sens et il n’y aura rien à célébrer pour la Journée internationale des victimes de disparitions forcées.

 

Gabriella Citroni, conseillère juridique principale

 

Le procès qui s’est ouvert le 12 août 2016 pour le massacre de Mutarule a été le théâtre de tensions qui ont retardé le déroulement des audiences foraines.

92 victimes se sont constituées parties civiles à ce procès titanesque. Sur le banc des accusés, deux commandants FARDC et un leader Barundi, soupçonnés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Leur responsabilité pénale est engagée pour leurs propres exactions ou en tant que supérieur hiérarchique. Sur les quatre autres individus initialement inculpés, deux sont morts et deux seront finalement jugés dans une procédure distincte.

 

Des audiences sous haute tension

Dès le premier jour, le collectif d’avocats des victimes supervisé par TRIAL s’est vu confronté à une épreuve : le Commandant du Régiment des FARDC impliqué dans les attaques sur Mutarule a été rayé de la liste des accusés par le Ministère public et présenté comme simple témoin. Juste après que la Cour l’ait remis sur la liste des accusés, au terme de 3 jours d’intenses débats, le Commandant a été retrouvé

 

Des questions encore en suspens

Les attaques ont eu lieu sur fond d’un conflit inter-ethnique de longue date dans la Plaine de Ruzizi. La question du génocide a donc été soulevée par la Cour et par les parties lors des audiences : reste à savoir si les charges de génocide seront retenues à l’encontre des prévenus. Le fardeau de preuve pour prouver la commission d’un génocide est extrêmement lourd, il est donc rare que les cours congolaises retiennent cette charge. Dans ce sens, une telle décision pourrait constituer un précédent important.

Une autre question restée en suspens est la caractérisation du conflit comme conflit armé non international. Il sera intéressant de voir la réponse que la Cour y apportera dans son jugement : sans cette reconnaissance, les charges de crimes de guerre ne pourraient pas s’appliquer.

En dépit des difficultés, le procès de Mutarule promet de marquer un pas de plus dans la lutte contre l’impunité pour les crimes de masse commis à l’Est de la RDC.

Cet article du 25 août 2016 a été mis à jour le 7 septembre 2016.

 

Le Burundi doit mettre un terme aux violences ethniques et à l’usage de la force contre les manifestants, a conclu le Comité des Nations Unies contre la torture (CAT) au terme de son examen sur les violences politiques et ethniques dans le pays. Le gouvernement burundais devra également renvoyer un rapport au CAT en octobre prochain.

Dans ses Observations finales, le Comité a appelé le Burundi à protéger ses citoyens « issus d’une minorité ethnique » en s’abstenant de tout discours susceptible d’exacerber les tensions ethniques ou d’inciter à la haine. Il a également appelé le gouvernement à employer des méthodes non-violentes pour contenir les manifestants et à abandonner toutes représailles contre la société civile.

Le CAT a également enjoint le Burundi à enquêter sur les allégations de meurtre, de disparitions forcées et de violences sexuelles pesant sur les forces de l’ordre et la milice Imbonerakure. Il a enfin demandé des enquêtes sur des sites présumés de fosses communes et que tout corps trouvé sur place soit exhumé, analysé et identifié.

« Le CAT a fait savoir au gouvernement que le monde entier l’observait », a dit Dieudonné Bashirahishize, Vice-Président de la East Africa Law Society et Président du Collectif des Avocats des Victimes des crimes de droit international commis au Burundi (CAVIB). « Les autorités burundaises doivent cesser de violer les droits humains et commencer à coopérer avec la société civile et les experts internationaux. »

Des représailles au lieu de réponses

Peu après l’examen du CAT, quatre éminents avocats ayant dénoncé les exactions du gouvernement ont été menacés de radiation du Barreau : Vital Nshimirimana, Président du Forum pour la Conscience et le Renforcement de la Société Civile (FORSC) et de la campagne “Halte au troisième mandat”, Armel Niyongere, Dieudonné Bashirahishize and Lambert Nigarura.

Le CAT a explicitement fait mention de cet épisode dans ses Observations et a enjoint les autorités à rétracter leur demande.

La répression surveillée de très près

Suite au refus de sa délégation, au milieu de la session, de se présenter devant les experts, le gouvernement a été invité à remettre un nouveau rapport en octobre. Faisant allusion au manque de coopération ayant entaché l’examen, l’Etat devra d’ici, octobre 2016, présenter au Comité toutes les informations nécessaires pour évaluer le respect – ou non – de la Convention contre la Torture dans le pays. Dans ses Observations, le CAT a fait état d’un « dialogue interrompu » et du caractère « exceptionnel et urgent » de l’examen.

Les recommandations du Comité interviennent au cœur d’une crise des droits humains au Burundi, qui a commencé avec la réélection controversée du président Pierre Nkurunziza pour un troisième mandat en avril 2015. Après un coup d’Etat avorté, des manifestations ont été réprimées dans la violence, incitant le CAT à demander au gouvernement un rapport spécial sur la lutte contre la torture et les mauvais traitements au Burundi.

Le Burundi est le troisième pays, après Israël et la Syrie, auquel l’organe de contrôle onusien a demandé un rapport spécial en sus de son examen périodique tous les quatre ans, conformément à l’article 19, paragraphe 1 de la Convention.

En savoir plus sur l’absence de présentation du Burundi au CAT

En savoir plus sur le rapport alternatif soumis par les ONG

 

Un op-ed de Pamela Capizzi

Le Burundi a quitté à mi-chemin son examen devant le Comité des Nations Unies contre la Torture (CAT). Nous ne pouvons que regretter cette occasion manquée d’avoir un dialogue ouvert et honnête.

La 58ème session du CAT a été remarquable pour plusieurs raisons. Premièrement, les experts ont décidé de mener un examen spécial de la situation au Burundi – cette procédure exceptionnelle n’a été utilisée qu’à deux reprises par le passé, pour Israël et pour la Syrie. Deuxièmement, en raison du coup de théâtre sans précèdent de la délégation burundaise.

Le 28 juillet, la session du CAT a débuté avec la déclaration traditionnelle de l’Etat, suivie des questions des experts. Celles-ci étaient nombreuses, détaillées et clairement tirées, entre autres, du rapport soumis cet été par la société civile. Ce rapport, auquel TRIAL International a participé, fait état de violations graves et continues des droits humains dans le pays.

En effet, depuis le mois d’avril 2015, le Burundi a été le théâtre de violences généralisées contre les opposants politiques et la société civile. La candidature du président actuel à un troisième mandat a déclenché une vague de protestations qui a été violemment réprimée. La situation s’est rapidement détériorée et a évolué en une véritable crise causant des milliers de mort et plus de 270’000 déplacés (sources ONU).

Le Burundi s’éloigne du dialogue 

Lors du deuxième jour de l’examen, les réponses du Burundi aux questions des experts étaient très attendues. Mais la délégation ne s’est pas présentée.

Certains Etats avaient déjà refusé par le passé de participer aux examens du Comité. Mais c’est la première fois, selon nos sources, qu’une délégation quitte la procédure en cours de route.

Une note adressée au Président du Comité a exprimé la surprise du Burundi face aux questions basées sur le rapport des ONG. Les délégués gouvernementaux s’étaient préparés à ce que la discussion tourne autour d’un nombre plus limité de sujets. Ils ont donc demandé « suffisamment de temps pour vérifier les dénonciations portées contre le Burundi et délibérer sur les mesures à adopter ».

Le fait que le Burundi ait refusé de coopérer avec la communauté internationale est extrêmement regrettable. Les examens des Nations Unies sont une occasion pour les Etats de s’exprimer sur leurs difficultés et recevoir des recommandations, en collaboration avec – et pas contre – la société civile et des experts qualifiés.

Les ONG jouent un rôle crucial dans la dénonciation d’abus, et l’usage minutieux de leur rapport par le CAT démontre leur légitimité. Il est vraiment dommage que les représentants burundais aient interprétés ce geste comme un affront, plutôt que comme l’opportunité de dialogue que c’était en réalité.

Le comportement du Burundi devant le CAT, ainsi que son refus récent d’autoriser le déploiement d’une force de police sur son territoire, constituent une menace à une coopération future. Nous espérons que le gouvernement reconsidérera sa position et s’engagera davantage dans un dialogue constructif avec (sa) société civile et la communauté internationale. Autrement, c’est sa population civile qui en paiera le prix.

Pamela Capizzi, Conseillère juridique
@PamelaCap1

 

Un tribunal militaire de Bukavu a condamné le soldat Bolingo Katusi à 15 ans d’emprisonnement pour le viol de deux femmes dans le village de Mukoloka, dans l’est de la République démocratique du Congo.

Alors que la nuit tombe le 14 septembre 2013, Mmes Sylvie et Yvette (pseudonymes) se préparent à aller se coucher dans leur maison commune. Yvette s’occupe de son bébé.

Profitant de l’absence des hommes, le soldat Bolingo Katusi fait irruption chez elles et les menace avec son fusil. Il prend de force Sylvie et Yvette, mais cette dernière résiste. Dans la bagarre, son bébé tombe par terre. Il succombera à ses blessures quelques jours plus tard.

Bolingo Katusi est un soldat de l’armée congolaise, déployé à Mukoloka depuis quelques mois pour libérer la zone du Raiya Mutomboki, un groupe armé qui lui aussi sème la terreur parmi les civils. Les récits de violences envers les citoyens aux mains mêmes de ceux censés les protéger sont malheureusement nombreux dans la région.

 

Trois jours de voyage pour témoigner

Bolingo est arrêté par son supérieur le lendemain de son crime, mais s’évade rapidement de prison. Il a de nouveau été interpellé en 2015 et emprisonné.

L’accusé a été jugé par un tribunal militaire de Bukavu. Une ONG locale formée par TRIAL International** s’est chargée de récolter des preuves – un travail de fourmi dans ce village isolé, près de 2 ans après les faits. Toutefois, il est rapidement apparu que le témoignage des victimes devant la cour étaient nécessaires aux audiences.

C’est ainsi qu’Yvette et Sylvie ont entrepris le plus long voyage de leur vie : avec le soutien de TRIAL International, elles ont voyagé pendant 3 jours en moto, en voiture et en avion pour rejoindre Bukavu. Ni l’une ni l’autre n’avait quitté leur village auparavant.

Pendant les audiences, les deux femmes ont courageusement relaté la nuit où Bolingo Katusi les a violentées. Elles ont été assistées tout au long de la procédure par un avocat local épaulé par TRIAL International.

 

Une victoire pour toutes les victimes de viol

Enfin, fin juillet 2016, M. Bolingo a été reconnu coupable du double viol de Sylvie et Yvette et a écopé de 15 ans de prison. Les juges ont également ordonné le versement à chacune de 20 000 USD pour les dommages subis.

Le viol est un fléau qui affecte des milliers de femmes dans l’est de la RDC, et chaque condamnation est une victoire pour l’ensemble d’entre elles. Le fait que l’accusé soit un membre de l’armée pourrait également décourager certains hommes en uniformes trop habitués à ce que leurs crimes restent impunis.

Sylvie et Yvette ont fait preuve d’un incroyable courage en acceptant de témoigner, au risque d’être stigmatisées comme tant d’autres victimes de violences sexuelles. TRIAL salue également l’excellent travail de documentation et de plaidoyer des avocats et défenseurs locaux des droits humains.

Une nouvelle bataille juridique attend désormais TRIAL et ses partenaires : faire acter les mesures de compensation ordonnées par les juges. Malgré des centaines de condamnations similaires, aucune victime de violences sexuelles n’a encore reçu de réparations en RDC.

** Nous remercions le UK Foreign and Commonwealth Office qui a rendu possible les formations délivrées par TRIAL International aux ONG locales sur la documentation des violences sexuelles, sur la base du Protocole international sur la documentation et l’investigation des violences sexuelles en temps de conflit.

 

Genève, le 26 juillet 2016 – Une coalition d’ONG burundaises[1], avec le soutien de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), la Fédération internationale de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (FIACAT), TRIAL International, le Centre pour les droits civils et politiques (CCPR) et DefendDefenders (East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project), a soumis un rapport dénonçant la recrudescence des exécutions extrajudiciaires, des disparition forcées, des arrestations arbitraires et des cas de torture.

 Lors de la 58ème session du Comité des Nations Unies contre la Torture (CCT) du 25 juillet au 12 août prochains, le Burundi sera exceptionnellement examiné par les experts du CCT suite à une détérioration de la situation des droits de l’homme due à une profonde crise politique qui affecte le pays depuis 2015.

La société civile remet aux experts un rapport alternatif décrivant la situation alarmante dans le pays depuis sa dernière revue par le CCT en 2014, et tout particulièrement l’aggravation de la crise politique en 2015. Le rapport documente de nombreuses violations de la Convention, notamment l’utilisation accrue de la torture, les mauvais traitements infligés lors d’arrestations et de détentions arbitraires et l’augmentation significative des exécutions extrajudiciaires et des disparitions forcées.

Les organisations signataires sont également profondément préoccupées par l’absence d’investigation sur ces violations et par la culture d’impunité qui règne dans le pays.

Les recommandations émises dans le rapport appellent le gouvernement burundais à faire cesser ces violations, à poursuivre les responsables et à garantir des réparations aux victimes.

Le rapport est disponible en français et en anglais.

L’examen du Burundi peut être suivie en direct sur www.treatybodywebcast.org (10:00 CET le 28 juillet ; 15:00 CET le 29 juillet).

 

[1]La coalition est composée des ONG Burundaises suivantes : l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture au Burundi (ACAT Burundi), l’Association Burundaise pour la Protection des Droits Humains et des Personnes Détenues (APRODH), la campagne SOS-Torture / Burundi, le Collectif des Avocats des Victimes de Crimes de Droit International (CAVIB), la Coalition Burundaise pour la Cour Pénale Internationale (CB-CPI), le Forum de la Société civile pour le Monitoring des Elections (COSOME), le Collectif pour la Promotion des Associations des Jeunes (CPAJ), le Forum pour la Conscience et le Développement (FOCODE), le Forum pour la Conscience et le Renforcement de la Société Civile (FORSC), la Ligue Burundaise des Droits de l’Homme (Ligue ITEKA) et le Réseau des Citoyens Probes)