Un message de Giulia Soldan, Responsable de programme, Procédures et enquêtes internationales

 

TRIAL International lutte contre l’impunité des crimes les plus graves. Mais qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Une partie importante du travail de l’ONG consiste à rassembler des preuves de violations graves des droits humains nécessaires pour entamer des poursuites judiciaires.

Votre soutien nous permet d’aider les victimes des pires atrocités à accéder à la justice et ainsi reprendre leur vie en main. © UN/Marie Frechon

Notre travail de documentation obéit à des standards très élevés, car toutes les preuves doivent être recevables devant les tribunaux. Elles doivent aussi être suffisamment solides pour établir la culpabilité des suspects, faire reconnaître les souffrances endurées et rendre ainsi justice aux victimes.

Rien qu’au sein du programme Procédures et enquêtes internationales que je dirige, 13 affaires sont en cours et 7 nouveaux dossiers ont été sélectionnés pour des investigations approfondies. Mais pour effectuer ces enquêtes extrêmement poussées, nous avons besoin de votre soutien.

Pour chaque affaire, plusieurs missions de documentation peuvent être nécessaires. Et même une fois le dossier déposé devant les juridictions compétentes, TRIAL International continue à investiguer afin d’apporter de nouveaux éléments de preuves.

 

Des enquêtes au plus près des victimes

Nous menons nos enquêtes au plus près des victimes, établissant un contact humain pour qu’elles puissent livrer leurs récits avec dignité. En témoignant, elles nous laissent entrer dans leur vie. En partageant les atrocités qu’elles ont vécues, elles font preuve d’un courage et d’une confiance que nous sommes tenu/e/s d’honorer. C’est pourquoi, nos liens avec les victimes sont solides et durables. Nous les accompagnons aussi longtemps que nécessaire et les tenons informé/e/s de l’avancée de leur dossier, parfois pendant plus d’une décennie.

Le travail de documentation consiste aussi à rassembler des éléments pour étayer les témoignages des victimes. Par exemple, des certificats médicaux, des dépositions de plainte à l’époque des faits, ou tout autre document ou archive incriminante. En faisant un don aujourd’hui, vous rendez possible ce travail de documentation et aidez des centaines de victimes à obtenir justice !

 

Des outils technologiques à disposition

En étroite collaboration avec tout un réseau d’ONG, nous faisons également usage de données et d’applications open source. C’est par exemple grâce à l’analyse d’images satellites que des preuves du pillage de bois précieux au Sénégal ont pu être apportées dans l’affaire Westwood. Par ailleurs, les abus sont aujourd’hui de plus en plus souvent filmés au moment même des faits. En prenant soin de traiter et stocker ces données correctement, il est possible de présenter devant les juridictions des preuves audiovisuelles déterminantes. Ces éléments peuvent conduire à de belles victoires contre l’impunité !

Les victimes des pires atrocités ont besoin de vous. Pour que TRIAL International puisse continuer à enquêter sur des crimes internationaux et ainsi lutter contre l’impunité, faites un don aujourd’hui.

Au nom de toute l’équipe de TRIAL International, je vous remercie profondément pour votre soutien,

 

Giulia Soldan, Responsable de programme, Procédures et enquêtes internationales

À son Assemblée générale 2021, TRIAL International a élu à sa présidence Leslie Haskell, une avocate en droit international forte de plus de 20 ans d’expérience dans les droits humains et le droit humanitaire. Yves Daccord, ancien Directeur général du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), et Philippe Bovey, Secrétaire général de la Fondation Hirondelle, ont également été élus au Comité. 

Les membres du comité en 2020. ©Christian Lutz

Vice-présidente de TRIAL International depuis 2017, Leslie Haskell est devenue le 10 juin la première femme et la première non-Suissesse à accéder à la présidence de l’organisation. Leslie Haskell a travaillé pendant de nombreuses années au Tribunal pénal international pour le Rwanda et pour Human Rights Watch. Elle est aujourd’hui Conseillère juridique principale sur les Affaires institutionnelles et administratives à la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

« Mes expériences de la justice pénale aux niveaux communautaire, national et international m’ont donné une profonde compréhension de comment différents mécanismes judiciaires peuvent lutter contre l’impunité des crimes internationaux », déclare Leslie Haskell. « J’espère que cette perspective unique renforcera le fait que TRIAL International trouve des solutions innovantes pour porter les coupables – où qu’ils soient – devant la justice. »

Leslie Haskell souhaite également apporter une perspective féminine sur le travail de TRIAL International : « Les victimes de violences sexuelles, en particulier les femmes, font de plus en plus appel à nous pour obtenir justice. Elles méritent les réparations qui les aideront à surmonter les souffrances et à transformer leurs communautés. »

Daniel Bolomey a cédé sa place après quatre ans à la présidence de TRIAL International. L’ex-Directeur de la section suisse d’Amnesty International aura, entre autres choses, chapeauté le développement du Plan stratégique 2021-2024 de l’organisation.

Lire l’interview de Daniel Bolomey

 

Deux professionnels chevronnés rejoignent le Comité

Yves Daccord et Philippe Bovey ont été élus au Comité pour une période de deux ans. Le premier a été Directeur général du CICR de 2010 à 2020. Avant cela, il a dirigé la Division de la communication de l’organisation (1998-2002) avant de passer Directeur de la communication de 2002 à 2010.

Philippe Bovey est le Secrétaire général de la Fondation Hirondelle, une organisation qui entretient déjà des liens étroits avec TRIAL International. Basée en Suisse et opérant dans huit pays, la Fondation Hirondelle fournit de l’information à des populations confrontées à des crises, pour leur permettre d’agir dans leur vie quotidienne et citoyenne.

Thomas Unger, Maître de conférence à l’Académie de droit international humanitaire et des droits humains de Genève, a pour sa part démissionnée du Comité pour des raisons personnelles. Tous les autres membres ont été réélu.

Si vous souhaitez vous aussi participer aux élections du Comité de TRIAL International, vous pouvez devenir membre dès aujourd’hui ! Votre contribution soutiendra notre mission et vous permettra de recevoir des informations régulières sont notre travail.

Cliquez ici pour plus d’informations

 

 

 

Uttara (pseudonyme) a directement souffert des effets de la guerre civile au Népal. Enlevée par la guérilla maoïste, elle a ensuite été violée, torturée et privée de liberté par la police népalaise. Des années après ces crimes, elle a enfin brisé le silence pour chercher justice et réparations. 

Pendant la journée, elles étaient forcées de marcher d’une station de police à l’autre. Pendant la nuit, elles étaient violées par plusieurs officiers de police. ©Niranjan Shrestha/TRIAL International

Uttara n’avait que 11 ans quand, en 1998, des insurgé/e/s maoïstes l’ont enlevée à sa famille. Malgré leur promesse de la ramener chez elle aussitôt que leur « programme » serait terminé, ils/elles n’ont pas tenu parole. Ils/elles ont dit à Uttara et aux autres enfants enrôlé/e/s que maintenant qu’ils/elles avaient participé au programme de la guérilla, ils/elles étaient maintenant des maoïstes… et qu’en tant que tels, ils/elles pourraient être arrêté/e/s de retour dans leurs familles. Uttara était terrifiée et est donc restée dans la guérilla contre son gré, comme de nombreux autres enfants.

Avec son groupe, Uttara voyageait de village en village. Elle participait à des spectacles de chant et de danse glorifiant la cause maoïste. Mais quelques mois après son enrôlement, sa plus grande peur s’est matérialisée : son groupe a été trouvé par la police népalaise.

 

« Tu vas mourir dans la forêt ce soir »

En novembre 1998, alors qu’Uttara et son groupe se trouvaient dans un village (le nom du lieu est tenu confidentiel pour protéger l’anonymat de la victime), une douzaine de policiers ont fait irruption dans la maison où ils/elles se trouvaient. Ils ont emmené Uttara et une autre adolescente, Vadati (pseudonyme). Poings liés, les jeunes filles les ont suivis dans la forêt environnante, où elles ont été passées à tabac. Les policiers leur ont répété qu’elles allaient « mourir dans la forêt ce soir (là) », et les ont violées.

Le lendemain, les adolescentes et les policiers ont fait route jusqu’à un poste de police local. Faible et meurtrie, Uttara ne pouvait pas marcher mais ses bourreaux l’ont poussée et frappée pour qu’elle avance. Au poste, elle a de nouveau été violée par plusieurs policiers.

La torture des deux adolescentes a duré des jours : pendant la journée, elles étaient forcées de marcher d’une station de police à l’autre, sans recevoir d’eau et de nourriture suffisante. Pendant la nuit, elles étaient violées par plusieurs officiers de police.

 

Captives pendant trois mois

Uttara et Vadati ont finalement atteint la station de police du district. Là, elles ont été maintenues captives pendant six semaines, dans une salle sans fenêtres plongée dans le noir, et violées quotidiennement. À aucun moment, elles n’ont pu voir leur famille ou des représentant/e/s legaux/ales. Au bout de plusieurs semaines Uttara avait le sentiment qu’elle et Vadati n’étaient soupçonnées d’aucun crime, mais étaient simplement gardées en captivité pour le plaisir sexuel des policiers.

Au bout de six semaines, Uttara et Vadati ont été transférées à la prison du district – toujours sans avoir été formellement inculpées. Là, les rapports sexuels forcés ont cessé, mais les maltraitances et le harcèlement étaient continus. La menace d’être de nouveau violées générait une peur et un stress extrême chez les jeunes filles, au point de les empêcher de dormir la nuit.

Au bout de trois mois, Uttara a été liberée parce que sa famille avait payé 80’000 roupies népalaises (environ 800 USD) à la police. L’adolescente a appris plus tard que sa famille avait dû vendre ses terres pour rassembler l’argent. Elle a été séparée de Vadati mais a plus tard entendu dire que la famille de cette dernière l’avait, elle aussi, faite libérer.

 

Chercher justice malgré la stigmatisation

Au moment des crimes, Uttara ne savait pas ce qu’étaient les violations des droits humains, ni que les policiers pouvaient être punis. Mais le frein le plus important était qu’Uttara n’a pas parlé à sa famille de son viol. Cette crainte d’être mise au ban s’est intensifiée au fil des années. L’absence d’accès à une assistante juridique gratuite, et le fait que le conflit continuait de faire rage au Népal, ont davantage entravé sa quête de justice et de réparations.

En juin 2016, grâce à l’aide d’une avocate, Uttara s’est décidée à porter son cas à l’attention du Comité vérité et réconciliation du Népal. Malheureusement, cinq ans après le dépôt de sa plainte, elle n’a reçu aucune information sur son avancée.

C’est ainsi qu’en juin 2021, le Human Rights and Justice Centre et TRIAL International ont aidé Uttara à saisir la Rapporteur spécial des Nations Unies sur les violences contre les femmes. La victime et les deux organisations espèrent que cette affaire attirera l’attention sur les difficultés structurelles qui empêchent les victimes de violences sexuelles à obtenir justice au Népal.

En effet, au Népal, peu de femmes et de filles ont connaissance de leurs droits et des mécanismes d’accès à la justice. Les méthodes d’enquête des institutions gouvernementales sur les violences faites aux femmes ne tiennent pas compte de ces spécificités liées aux genres. Le Népal n’a toujours pas adopté de mesures permettant de garantir la compensation, la réhabilitation et la protection des victimes de violences sexuelles en temps de conflit.

Alors que la condamnation de Ratko Mladić à la prison à perpétuité vient d’être confirmée, les discours révisionnistes et négationnistes ont le vent en poupe en Bosnie-Herzégovine (BiH). Signe de la vigueur de ces sentiments, une fresque à la gloire de l’ancien militaire – pourtant condamné en 2017 pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité – est apparue en mars à Foča. Un réseau regroupant 217 organisations de la société civile appelle les institutions à effacer la fresque et à prendre des sanctions contre ses auteur/e/s. Un geste d’autant plus symbolique à l’heure où La Haye a confirmé en appel la condamnation du « boucher des Balkans ».

En 1995, les Serbes de Bosnie menés par Ratko Mladić ont exterminé plus de 8 000 Bosniaques dans l’enclave de Srebrenica. © Mikel-Oibar

C’est une histoire qui semble se répéter à l’infini. Une fresque gigantesque à la gloire du colonel-général de l’armée de la République Serbe de Bosnie Ratko Mladić avait fait son apparition dans la ville de Foča au printemps dernier. Un exemple de plus du révisionnisme et du négationnisme des crimes qui ont eu lieu pendant la guerre de 1992-1995 en Bosnie-Herzégovine (BiH). Des crimes pourtant reconnus par les instances internationales. Pour rappel, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie avait en effet condamné Ratko Mladić à la perpétuité pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre en 2017. Une décision qui vient d’être confirmée par le Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux le 8 juin 2021.

« Avec la confirmation de la condamnation de Ratko Mladić, personne ne peut ignorer ou nier les crimes dont il s’est rendu coupable », a déclaré Selma Korjenić, responsable du programme BiH pour TRIAL International. « Il est temps pour les autorités de notre pays d’interdire les discours négationnistes et la glorification des criminels de guerre, d’autant plus lorsque ceux-ci ont été jugés et condamnés. Mais aussi de sanctionner les responsables de ces discours qui minent le débat public en Bosnie-Herzégovine. »

Dans un communiqué de presse, le Network for Building Peace (Réseau pour la construction de la paix, qui regroupe 217 organisations et écoles en BiH), se déclarait profondément préoccupé par le nombre croissant d’actes de révisionnisme historique et de négation de faits établis par les tribunaux. Les peintures murales à l’effigie de criminels de guerre condamnés sont un exemple de la banalisation de ces thèmes dans le débat public. Elles font partie de la vie quotidienne et ne sont pas sanctionnées, ni légalement ni moralement. Qui plus est, elles ne sont pas condamnées par les autorités.

Les victimes de crimes de guerre, ainsi que la population rapatriée, sont les plus touchées par ces actes honteux, étant donné qu’elles ont été humiliées pendant 25 ans et qu’elles ont été trahies et retraumatisées à de nombreuses reprises. TRIAL International et le Network for Building Peace demandent à toutes les institutions compétentes de travailler à la prévention de tels actes et de prendre les mesures nécessaires pour supprimer ces peintures murales et autres inscriptions, et de sanctionner les responsables.

Au cours de pourparlers au sujet de l’adhésion de la BiH à l’Union européenne (UE), celle-ci avait explicitement dit qu’il n’y a pas de place dans l’UE pour les pays qui nient les crimes de guerre. Elle avait aussi indiqué que le révisionnisme et la négation des crimes sont contraires aux valeurs européennes fondamentales. TRIAL International invite donc les représentants de la communauté internationale en Bosnie-Herzégovine à prendre des mesures concrètes et décisives pour appuyer la lutte contre ce problème. « Les autorités de Bosnie-Herzégovine ont un coup décisif à jouer », analyse Selma Korjenić, « en s’engageant contre les discours haineux, elles ont l’occasion de faire un pas à la fois en faveur des victimes de la guerre, et de l’adhésion à l’UE. »

 

La réparation des survivant/e/s de crimes de guerre est possible, comme l’ont montré quatre exemples récents en Bosnie-Herzégovine (BiH). Mais seulement si les bureaux des procureur/e/s, les tribunaux et les fournisseur/e/s d’aide juridique se consacrent à cette question. L’histoire de N., une survivante de viol en temps de guerre, illustre les défis rencontrés au moment de réclamer justice.

 

Les mains d’une femme, à Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine, le 16 octobre 2018. © TRIAL International / Will Baxter

« L’indemnisation est importante au sens économique, mais elle l’est tout autant pour les générations futures, afin que ce type de crimes ne se reproduise plus. La possibilité d’une indemnisation donne aux victimes plus de confiance pour aller de l’avant et se battre pour la justice jusqu’au bout. « , a déclaré K, survivante de violences sexuelles.

TRIAL International a souligné à plusieurs reprises que la plupart des auteurs de violences sexuelles en temps de guerre ne se sont toujours pas acquittés de leur obligation de payer les réparations ordonnées dans le cadre de procédures pénales. Le paiement de ces réparations est important pour les victimes de crimes de guerre, y compris celles qui ont survécu à des violences sexuelles. L’histoire de N., une survivante de viol en temps de guerre, en est un bon exemple.

 

UNE SURVIVANTE DE VIOL ENFIN INDEMNISÉE APRÈS 20 ANS

Après avoir été violée en 1992, N. a attendu plus de 20 ans pour obtenir justice. Elle espère maintenant que son histoire encouragera d’autres personnes dans leur combat pour la justice, la vérité et la réparation.

« Après tant d’années, je ne m’attendais à rien, compte tenu de cette situation. En cherchant à obtenir justice, j’ai fait des déclarations à de nombreuses reprises. Après 20 ans, mon agresseur a été condamné à une peine de prison et au payement de réparations. Cela signifie beaucoup pour moi, qu’ils l’aient emprisonné, mais cela signifie aussi beaucoup pour moi qu’il doive payer une indemnisation. Bien qu’il s’agisse d’un montant minime, cela atténue les souffrances que nous avons ressenties. « , a déclaré N.

Pendant son combat pour la justice, N. a été soutenue principalement par sa famille, mais aussi par TRIAL International. Elle a contacté l’organisation pour la première fois en 2014, dans l’espoir de voir enfin poursuivis les responsables des crimes à son encontre en 1992. Outre le soutien de TRIAL International, la survivante a été représentée par le Bureau d’aide juridique gratuite du ministère de la Justice de Bosnie-Herzégovine, ce qui a fait de son dossier l’un des premiers sur lesquels le Bureau a travaillé et d’elle l’une des premières survivantes à bénéficier de cette aide gratuite.

En 2016, TRIAL International a introduit avec succès un amendement à la loi d’État sur l’aide juridique gratuite. Les victimes peuvent désormais recevoir une aide gratuite par le ministère de la Justice de la Bosnie-Herzégovine en ce qui concerne les demandes de réparation dans les procédures pénales. Lire l’article en entier pour en savoir plus.

Cinq ans plus tard, après plus de deux décennies d’attente pour que justice soit faite, l’auteur de l’agression a finalement été condamné à une peine de prison et à une réparation pour ses souffrances physiques et mentales.

Selon N., « leur soutien [ ndlr de TRIAL International ]a été important pour moi pendant le procès, ils ont essayé de m’informer sur tout, de me faire connaître tous mes droits. Ils m’ont donné une force supplémentaire, de sorte qu’il était clair pour moi que j’avais une forme de protection, que je pouvais exercer mes droits, que je devais être persévérante.

 

UN EFFORT COMMUN

Les bureaux des procureur/e/s, les tribunaux, les prestataires d’aide juridique et les représentant/e/s des victimes doivent utiliser toutes les mesures disponibles pour s’assurer que des indemnités sont accordées dans le cadre des procédures pénales, et qu’elles sont finalement versées par les auteurs. Pour ce faire, les procureur/e/s doivent informer les victimes de cette possibilité en temps utile. L’examen psychiatrique du préjudice causé aux victimes devrait être systématique.

En outre, dans le cadre de l’enquête, la situation financière des auteurs/accusés devrait être évaluée afin de garantir une demande, ce qui facilite le recouvrement ultérieur de la réparation accordée. Si l’auteur du crime est insolvable, l’État doit assumer la responsabilité du paiement des indemnités accordées aux survivant/e/s.

Lire l’article en entier

 

 

 

 

 

 

 

 

Malgré l’impact de la crise sanitaire, la justice internationale ne s’est pas arrêtée pour autant en 2020. En marge de la publication du rapport annuel sur la compétence universelle (UJAR), TRIAL International a organisé une conférence en ligne pour faire le point sur l’état de cet outil juridique indispensable. (Re)découvrez les affaires qui ont marqué l’année 2020 en compagnie de panélistes des organisations partenaires du UJAR 2021.

Quel est le point commun entre la Suisse, l’Allemagne, la France et le Royaume Uni ? Les quatre pays ont poursuivi leurs efforts en 2020 pour traquer les criminels de guerre internationaux sur leur sol. Le 8 juin à 18h (CET), TRIAL International organisait un webinaire, intitulé FILLING ACCOUNTABILITY GAP: HOW IS UNIVERSAL JURISDICTION PART OF THE SOLUTION?, pour passer en revue les affaires les plus marquantes de l’année écoulée en matière de compétence universelle dans ces quatre pays. Les experts de Civitas Maxima, CJA, ECCHR, FIDH et REDRESS ont rejoint TRIAL International pour un tour d’horizon comparatif de la compétence universelle en 2020.

Chaque panéliste a présenté les instances de poursuite du pays dans lequel il exerce, avant de se pencher sur une affaire qui a connu des rebondissements au cours de l’année dernière. Ont participé à la discussion Emmanuelle Marchand de l’ONG suisse Civitas Maxima, Carmen Cheung, directrice exécutive de l’ONG américaine Center for Justice & Accountability, Yaroslavna Sychenkova de l’ONG allemande ECCHR, Clémence Bectarte de l’ONG française FIDH, et Charlie Loudon de l’ONG britannique REDRESS. Philip Grant, directeur exécutif, et Valérie Paulet, consultante et directrice de la publication pour le UJAR se sont exprimés au nom de TRIAL International et ont exploré des pistes sur le futur de la compétence universelle en Europe et aux Etats-Unis.

Le webinaire a eu lieu le 8 juin 2021 à 18h (CET). Toutes les interventions étaient en anglais et ne sont pas traduites. Si vous n’avez pas pu assister au wébinaire, un enregistrement (en anglais) est accessible ci-dessous.

>>> (RE)VOIR LE WEBINAIRE <<<

 

Les membres de TRIAL International sont invité/e/s à participer cette année par écrit à l’Assemblée générale (AG) de l’organisation, en raison de la situation sanitaire.

Chaque membre a reçu par la poste l’ordre du jour de l’Assemblée générale 2021 ainsi qu’un bulletin de vote, à retourner au plus tard le 10 juin 2021 à l’adresse postale ou électronique de l’organisation.

 

Ordre du jour de l’assemblée générale

  1. Approbation du procès-verbal de l’Assemblée générale 2020

  2. Approbation du rapport d’activités 2020 et décharge au Comité

  3. Élection de la Présidente et des membres du Comité pour un mandat de 2 ans

  • Élection d’une nouvelle Présidente : Leslie Haskell
  • Réélection des membres sortants : Les membres du comité étant élu/e/s pour deux ans, l’AG n’a pas à se prononcer cette année sur le mandat de deux membres actuel/le/s (Briony Jones et Jean-René Oettli). Sont seul/e/s soumis/es à réélection cette année : Miriam Levy Turner, Sonja Maeder Morvant, Sacha Meuter
  • Élection de nouveaux membres : Yves Daccord et Philippe Bovey.
  1. Approbation des modifications statutaires

Les membres sont appelés à se prononcer autant sur l’élargissement des buts statutaires de l’organisation (article 2 des statuts) que l’adaptation des statuts au langage inclusif.

  1. Approbation des comptes et bilan 2020

Le Comité souligne en particulier que les comptes laissent apparaître un léger déficit de CHF 9’812.93. Ce montant est heureusement bien inférieur aux CHF 63’195 de déficit anticipé par le budget 2020 en raison de la situation sanitaire.

  1. Détermination du montant de la cotisation annuelle

L’article 7 al. 4 let. c des statuts de l’organisation laisse la compétence de fixer le montant des cotisations à l’AG.

Le Comité propose ainsi à l’AG de maintenir les cotisations au même montant que l’année précédente soit :

  • CHF 70 pour les membres individuels (CHF 25 pour les étudiant/e/s, les personnes de moins de 25 ans et celles au bénéfice de l’AVS/AI)
  • CHF 110 pour les couples
  • CHF 200 pour les personnes morales
  1. Nomination de l’organe de révision des comptes 2021

L’article 8 al. 4 let. a des statuts octroie à l’AG la compétence d’élire le réviseur des comptes.

Le Comité propose à celle-ci d’entériner le choix opéré l’année dernière de retenir GAS Global Audit Service SA comme réviseur des comptes pour l’année 2021.

 

Documents-cadre

Procès-verbal de l’assemblée générale 2020

Rapport d’activité 2020

Rapport de GAS Global Audit Service SA relatif aux comptes et bilan 2020

Modifications statutaires proposées

Durant des années, TRIAL International et ses partenaires au Népal ont exigé que les décisions internationales aboutissent à des changements concrets pour les victimes et leurs familles. Pour pousser en avant leurs revendications et s’assurer que les informations sont largement partagées, une base de données en ligne répertorie les affaires qui ont été portées à ce jour.

Real Rights Now est un portail numérique qui met en lumière le besoin de justice dans les cas de violations des droits de l’homme au Népal. ©TRIAL International

En 2016, TRIAL International et ses partenaires ont lancé Real Rights Now, une campagne qui demandait la mise en œuvre des décisions du Comité des droits de l’homme des Nations Unies (CDH) sur les violations des droits humains au Népal. Après plusieurs années, le but est le même mais les besoins ont changé. Le site web Real Rights Now s’est adapté et est devenu une base de données. Elle répertorie les 26 des affaires sur lesquelles le HRC s’est prononcé favorablement mais qui, à ce jour, ne se sont pas matérialisées par des changements concrets pour les victimes.

 

Le partage d’information comme moteur du changement

La base de données Real Rights Now – en népalais et en anglais – est un point de référence central où toutes les décisions du CDH concernant des violations flagrantes des droits humains au Népal sont facilement accessibles. C’est également la seule base de données fournissant des informations sur le suivi des affaires après les décisions du CDH. « Le contenu a été élaboré pour répondre aux besoins des avocats, décideurs politiques, étudiants et journalistes népalais. Notre objectif est de partager l’information aussi largement que possible pour pousser les autorités népalaises à enquêter sur les cas, à poursuivre les auteurs et à accorder des réparations aux victimes » explique Cristina Cariello, Responsable du programme Népal à TRIAL International.

Si certains contenus sont purement juridiques, la base de données Real Rights Now se veut aussi intelligible et accessible que possible. Outre les détails des affaires, elle comprend également des informations générales sur le fonctionnement du CDH, des témoignages de victimes et un aperçu général de l’état des mises en œuvre.

 

Une approche collaborative et dans la durée

Cinq ONG ont mis en commun leurs informations sur ces affaires et la mise en œuvre des décisions du CDH : TRIAL International, REDRESS, Advocacy Forum, Juri-Nepal ont lancé la campagne initiale en 2016. Elles ont été rejointes en 2018 par le Human Rights and Justice Centre (HRJC), l’organisation sœur de TRIAL International à Katmandou. La base de données est désormais gérée par le HRJC et TRIAL International, qui ont également supervisé sa refonte.

« Real Rights Now reflète notre conviction que le plaidoyer doit être un effort collectif », déclare Ranjeeta Silwal, Coordinatrice droits humains au HRJC. « Au-delà du partage d’informations visant à présenter une base de données était aussi complète que possible, tous les partenaires sont convaincus que des changements ne seront possibles qu’en parlant d’une seule voix. »

Les ONG collaborent également dans d’autres efforts pour traduire les décisions du CDH en action. Par exemple, réunir les responsables gouvernementaux pour comprendre et définir leurs responsabilités respectives, organiser des rencontres entre les victimes et les responsables gouvernementaux, sensibiliser les médias, maintenir un lien avec le CDH et publier des documents d’orientation et des rapports.

Salina Kafle, Chargée des droits humains au HRJC, conclut : « Nos objectifs sont inscrits dans la durée et nous appelons à un changement structurel. Nous sommes attristés par le manque d’action des autorités, mais nous sommes déterminés à continuer à nous battre aux côtés des victimes. »

En savoir plus sur le travail de TRIAL International au Népal

En savoir plus sur le Human Rights and Justice Centre de Katmandou (en anglais)

Irma Leticia Hidalgo Rea contre Mexique

Dans la nuit du 10 au 11 janvier 2011, un groupe d’hommes lourdement armés est entré par effraction dans la maison de Mme Hidalgo Rea. Après avoir menacé et violemment frappé les membres de sa famille, les hommes ont emmené son fils Roy (alors âgé de 18 ans). Depuis, personne ne sait ce qui lui est arrivé ni où il se trouve, et aucun coupable n’a été mis en cause ou jugé. Suite à une plainte déposée par TRIAL International et le Centro Diocesano para los derechos humanos Fray Juan de Larios  au nom de Mme Hidalgo Rea devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, l’affaire a été gagnée en mars 2021. Le Mexique est sommé d’enquêter sur la disparition et d’accorder des réparations à Mme Hidalgo Rea. 

 

L’affaire

Au matin du 11 janvier 2011, un groupe de personnes armées aux visages couverts a fait irruption dans la maison de la famille Hidalgo Rea à San Nicolás de los Garza, Nuevo León, au Mexique. Certains d’entre eux portaient des gilets pare-balles de la police municipale d’Escobedo. Mme Irma Leticia Hidalgo Rea et ses deux fils, Ricardo et Roy (alors respectivement âgés de 16 et 18 ans), étaient à la maison. Après avoir violemment battu les deux adolescents et insulté et menacé Mme Hidalgo Rea, les hommes armés ont emmené M. Roy Rivera Hidalgo avec eux. Le sort du jeune homme et l’endroit où il se trouve demeurent inconnus à ce jour. En outre, certains objets et biens, y compris deux véhicules, appartenant à la famille ont été volés.

Mme Hidalgo Rea et son fils Ricardo souffrent de graves dommages psychologiques dus à la disparition forcée de Roy. Avant que son fils ne disparaisse, Mme Hidalgo Rea travaillait comme enseignante mais depuis sa disparition, elle s’est consacrée entièrement à la recherche de Roy et n’a pas pu retourner travailler. Elle est actuellement directrice de l’organisation « Forces unies pour nos disparus à Nuevo León ». Elle est sujette à des menaces constantes.

 

En quête de justice

Mme Irma Leticia Hidalgo Rea a signalé les faits devant de nombreuses instances de justice mexicaines, y compris le bureau du procureur général, l’agence anti-enlèvement du gouvernement, la Commission nationale des droits de l’homme de Nuevo León, l’unité spécialisée dans les enquêtes sur les crimes contre la santé, le bureau du sous-procureur spécialisé dans les enquêtes contre le crime organisé et le bureau du procureur chargé de la recherche. En vain : le crime reste impuni, personne ne sait ce qui est arrivé à Roy où il se trouve, et Mme Hidalgo Rea et son fils Ricardo n’ont reçu aucune indemnisation ou de réparation pour les dommages subis.

En janvier 2018, avec le soutien de TRIAL et du Centro Diocesano para los derechos humanos Fray Juan de Larios, Mme Hidalgo Rea s’est adressée au Comité des droits de l’Homme des Nations Unies (CDH).

En octobre 2018, le CDH a enregistré l’affaire et l’a transmis aux autorités mexicaines. Celles-ci ont 6 mois pour soumettre leur réponse.

Le 25 mars 2021, le Comité des droits de l’Homme de l’Organisation des Nations unies a jugé que l’enlèvement de Roy Rivera Hidalgo à son domicile à Nuevo León devait effectivement être considéré comme une disparition forcée. Le Comité a donc sommé le Mexique d’enquêter sur sa disparition, de partager les informations sur son sort et d’accorder des réparations à sa mère.

 

Crimes présumés

Dans sa plainte, Mme Hidalgo Rea demandait au CRH de:

  • Reconnaitre que son fils Roy est victime d’une violation des arts. 6, 7, 9 et 16 (droit à la vie, interdiction de la torture, droit à la liberté personnelle et droit à la reconnaissance en tant que personne devant la loi), lu seul et en conjonction avec l’art. 2, par. 3 (droit à un recours effectif) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en raison de sa disparition forcée et de l’absence subséquente d’une enquête exhaustive et efficace, tant en ce qui concerne l’enlèvement de Roy que l’identification des coupables et leur condamnation. Les dispositions susmentionnées sont également considérées comme violées en raison de l’absence de réparation et d’indemnisation adéquates pour les dommages subis par sa famille.
  • Déclarer qu’elle-même est victime d’une violation de l’art. 7 (droit de ne pas être soumis à la torture), lu seul et en conjonction avec l’art. 2, par. 3) du Pacte, en raison de l’anxiété et des souffrances psychologiques constantes causées par la disparition forcée de son fils et l’incertitude quant à son sort, ainsi que par l’indifférence manifeste des autorités mexicaines.
  • Déclarer qu’elle est également victime d’une violation de l’art. 17, para. 1 (droit à la vie de famille), lu seul et en conjonction avec l’art. 2, par. 3 du Pacte en raison de l’effraction de son foyer et de l’absence de mesures appropriées par les autorités mexicaines. Ces dispositions sont également violées du fait que les autorités mexicaines n’ont pas pris les mesures appropriées pour garantir à Mme Hidalgo Rea le droit de connaître la vérité sur le sort de son fils, en cas de décès, de localiser son corps et lui faire parvenir sa dépouille.
  • Demander au gouvernement mexicain de mener une enquête et de retrouver M. Roy Rivera Hidalgo; enquêter, poursuivre et sanctionner les responsables de ce crime; et de veiller à ce que Mme Hidalgo Rea et son fils Ricardo reçoivent une réparation intégrale, y compris la restitution de leurs biens, leur réhabilitation, une indemnisation et des garanties de non-répétition.

Conformément à la décision du Comité de mars 2021, il appartient désormais à l’État mexicain de mener une enquête rapide, efficace, approfondie, indépendante, impartiale et transparente sur les circonstances de la disparition forcée de M. Rivera Hidalgo. La décision stipule également que M. Rivera doit être immédiatement libéré s’il est vivant ou, en cas de décès, que sa dépouille doit être rendue à sa famille. Enfin, les responsables doivent être poursuivis et sanctionnés, les résultats de l’enquête communiqués à la mère de M. Rivera. Elle doit par ailleurs obtenir une indemnisation adéquate pour le préjudice subi, ainsi qu’une assistance médicale et psychologique. Le Mexique dispose de 180 jours pour informer le Comité des mesures adoptées pour mettre en œuvre cette décision.

Contexte

La disparition forcée de M. Roy Rivera Hidalgo n’est pas un cas isolé. Le gouvernement mexicain fait face à une situation de disparitions généralisées sur l’ensemble du territoire. Fin 2017, le gouvernement a listé plus de 34 500 personnes disparues, dont beaucoup ont été victimes de disparition forcée. Une impunité quasi absolue règne sur ces crimes. L’incapacité des autorités à permettre aux victimes d’avoir accès à la justice et à dévoiler la vérité sur le sort des personnes disparues entraîne une impunité structurelle qui, à son tour, perpétue et même favorise la répétition de graves violations des droits de l’Homme.

 

Depuis mars 2021, le code de procédure pénale de la République Serbe de Bosnie interdit la présentation de preuves sur le comportement sexuel de victimes après les faits. Il s’agit là d’un pas supplémentaire pour réduire la stigmatisation des survivantes et pour museler les tentatives de certains accusés de rejeter une partie de la faute sur ces dernières en les dépeignant comme des personnes aux mœurs légères.

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Parmi les victimes de la guerre, on estime à plus de 20 000 le nombre de femmes qui ont subi des viols ou d’autre formes de violences sexuelles. ©CreativeCommons/Budzak

L’information est passée quasiment inaperçue. Pourtant, c’est un changement non négligeable que l’une des deux entités de Bosnie-Herzégovine (BiH), la République Serbe de Bosnie (RS), a introduit dans son code de procédure pénale début mars 2021 : les cours chargées d’affaires de violences sexuelles ont désormais l’interdiction de présenter des preuves sur le comportement sexuel des victimes après les faits.

Une avancée saluée par TRIAL International et ses partenaires qui militent depuis 2018 auprès de la RS pour que cette modification soit adoptée. « La stigmatisation et les stéréotypes n’ont pas de place dans les tribunaux », a affirmé Lamija Tiro, conseillère juridique pour TRIAL International. « Nous allons continuer à nous battre pour que ces modifications soient appliquées, aussi bien au niveau fédéral qu’à celui de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et au district de Brčko. »

 

Territoires autonomes, législations distinctes

Depuis la fin de la guerre et les accords de Dayton en 1995, la BiH est un état fédéral, divisée en deux entités principales, fortement polarisées autour de l’appartenance ethnique de leurs habitants. La Fédération de Bosnie-Herzégovine d’une part, et la République serbe de Bosnie de l’autre. Chaque entité a son propre parlement, ainsi que des lois qui s’appliquent à leurs territoires respectifs. Elles ont donc naturellement deux codes de procédure pénaux. Et ceux-ci ne sont pas forcément identiques en tous points. Une troisième entité, le district de Brčko, est un territoire autonome et neutre de BiH. Il fait partie à la fois de la fédération de Bosnie-Herzégovine et de la république serbe de Bosnie.

Parmi les victimes de la guerre, on estime à plus de 20 000 le nombre de femmes qui ont subi des viols ou d’autre formes de violences sexuelles. Plus de 25 ans après la fin du conflit, beaucoup de ces survivantes n’ont toujours pas obtenu justice. Les tribunaux de BiH sont encore régulièrement saisis d’affaires liées à des violences sexuelles subies lors de la guerre.

 

Des tribunaux rendus attentifs à la stigmatisation

Jusqu’à récemment, plusieurs affaires de violences sexuelles ont vu des avocats de la défense tenter de rejeter la faute sur les victimes en présentant des détails sur la vie sexuelle de ces dernières. Une pratique particulièrement stigmatisante qui a traumatisé les survivantes qui y ont été confrontées, et contraire aux standards internationaux. Signe d’un glissement progressif vers une vision un peu moins archaïque, les deux entités ont introduit au cours des dernières décennies dans leurs codes de procédure pénales l’interdiction de se référer aux pratiques sexuelles des victimes avant les faits retenus. L’amendement introduit par la RS est la suite de cette logique qui vise à éviter la stigmatisation des survivantes.

Faire évoluer les lois en BiH est particulièrement fastidieux car toutes les démarches doivent être faites auprès de chacune des entités. Dans ce cas précis, TRIAL International a commencé à prendre contact avec le Ministère de la justice de la RS dès 2018, jusqu’à la création en mars 2019 d’un groupe de travail chargé de réviser le code pénal. Une démarche pour une révision similaire du code de la Fédération de Bosnie-Herzégovine est en cours.

Nandalal Chauhan appartient à la communauté madhesi, marginalisée au Népal. Accusé à tort de nourrir des sympathies envers les maoïstes, il a disparu après avoir été arrêté durant le conflit interne. Son cas constitue non seulement un exemple de la vague de disparitions forcées infligée par les forces étatiques, mais aussi de la rancœur des proches des victimes vis-à-vis des organes de justice transitionnelle népalais.

M. Chauhan a été transféré à la prison du district de Taulihawa, d’où il a disparu dans la soirée du 7 avril 2006. © Alexandra Brutsch

Nandalal Chauhan a été arrêté en février 2006 à Joganiya Chowk (district de Rupandehi). Un matin, M. Nandalal se rendait en bus dans la ville voisine de Krishnanagar, en Inde. Il accompagnait deux de ses connaissances à Mumbai. Il prévoyait de faire ensuite des achats à Krishnanagar avant de retourner au Népal.

Or il n’est jamais parvenu à destination, puisqu’il a été arrêté à Joganiya Chowk par des membres du Pratikar Samiti (littéralement, « comité de représailles ou de défense »). Ces groupes avaient été créés initialement pour faire face aux attaques de la guérilla maoïste, mais dans certains districts – dont celui de Rupendehi – ils étaient responsables de graves violations des droits humains à l’encontre de présumés maoïstes.

Chauhan a été forcé de descendre du bus et a été battu. Deux responsables de l’armée qui buvaient du thé à proximité se sont enquis de cette agitation, mais en apprenant par le Pratikar Samiti que M. Nandalal Chauhan était prétendument maoïste, ils l’ont eux-même arrêté et emmené dans un camp militaire.

Environ 15 jours après son arrestation, M. Chauhan a été transféré à la prison du district de Taulihawa, d’où il a disparu dans la soirée du 7 avril 2006. Selon les détenus, l’armée s’est rendue à la prison ce jour-là et a emmené deux prisonniers avec eux, dont M. Chauhan. Le sort de M. Chauhan et l’endroit où il se trouve demeurent inconnus depuis lors.

 

La confiance dans les mécanismes nationaux disparait

Entre 2006 et 2016, la famille du disparu – et en particulier son frère, Mithailal Chauhan – a attendu la formation de la Commission vérité et réconciliation (CVR) au Népal. Mithailal Chauhan pensait que, ayant reçu une aide provisoire du gouvernement et une bourse pour les enfants de son frère, les autorités avaient reconnu la disparition forcée de son frère. Il avait l’espoir que, une fois établie, la CVR révélerait la vérité sur le sort de Nandalal et sur l’endroit où il se trouvait, qu’elle demanderait des comptes aux responsables et qu’elle offrirait à la famille une réparation adéquate.

Cependant, rien de concret ne s’est produit depuis le dépôt de leur plainte, en 2016. Par la suite, M. Chauhan a perdu confiance dans la CVR. Avec l’aide de TRIAL International et du Human Rights and Justice Centre  à Katmandou, il a donc porté son cas devant le Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires (GTDFI).

L’affaire a été soumise le 18 décembre 2020 au GTDFI et est actuellement en cours.

 

Contexte

Cette affaire est emblématique des disparitions forcées qui ont eu lieu pendant le conflit armé interne au Népal entre 1996 et 2006. En 2003 et 2004, le Népal a été le pays où le GTDFI a signalé le plus grand nombre de disparitions forcées dans le monde. À ce jour, plus de 1’300 personnes disparues pendant le conflit, telles que M. Nandalal Chauhan, sont toujours introuvables.

 

Cet article a été produit avec le soutien financier de l’Union européenne. Son contenu est la seule responsabilité des auteurs et ne reflète pas nécessairement les positions de l’Union européenne.

L’année 2020 restera dans les souvenirs comme une période hors du commun. La pandémie de covid-19 a bouleversé et continue de bouleverser d’innombrables vies. Les institutions publiques du monde entier, y compris les organes judiciaires, ont dû radicalement changer leur fonctionnement et leurs priorités. Dans un contexte difficile et alors que bon nombre d’activités ont dû s’arrêter brutalement, les affaires liées à la compétence universelle sont-elles également au point mort ? Fort heureusement, loin de là.

Même une crise sanitaire mondiale n’a pas mis en péril le recours à la compétence universelle à travers le monde. © Getty Image / Loic Venance

La pandémie a certes eu un impact sur les affaires de compétence universelle, mais il s’est agi davantage d’une réorganisation que d’un arrêt complet. Comme le montre le Rapport annuel de la compétence universelle 2021 (Universal Jurisdiction Annual Review en anglais, ou UJAR) de nombreuses affaires ont avancé et de nouveaux suspects ont été interpellés. Autrement dit, même une crise sanitaire mondiale n’a pas mis en péril le recours à la compétence universelle à travers le monde – preuve, s’il en fallait, de la solidité des progrès réalisés ces dernières années (voir les UJAR précédents pour plus d’information).

« Après les premières semaines du printemps où le monde entier était déboussolé, la communauté juridique s’est rapidement adaptée » résume Valérie Paulet, consultante juridique chez TRIAL International et Editrice du UJAR. « Les procureurs, les juges et les ONG ont réagi rapidement et ont développé des méthodes créatives pour mener leur travail à bien. Leur agilité et les effort supplémentaires qu’ils ont déployé méritent d’être salués. »

 

Renforcer les enquêtes à distance

Bien évidemment, les missions de terrain ont été considérablement limitées par les confinements nationaux et les restrictions de déplacement. Les enquêtes en cours qui reposaient sur la capacité des témoins, des victimes, des enquêteurs et des juges à voyager à l’étranger ont été ralenties ou interrompues. Les ONG en particulier, dont les enquêtes reposent sur la flexibilité et l’adaptabilité, ont dû trouver de nouveaux moyens d’entrer en contact avec les victimes et les témoins. « Nous nous sommes appuyés encore davantage sur nos réseaux », explique Bénédict De Moerloose, Responsable des Enquêtes et procédures internationales chez TRIAL International. « Les partenaires locaux prenaient contact avec les victimes et les témoins et initiaient un premier dialogue, puis nous les rencontrions via des appels vidéo sécurisés. Un certain niveau de confiance était ainsi déjà établi. Un des côtés positifs est que cela nous a rapprochés encore plus de nos partenaires sur le terrain. »

Ces entretiens à distance présentent d’autres avantages : les victimes et les témoins peuvent parler depuis leur domicile, réduisant les risques qu’ils soient entendus par des tiers ou suivis. Être dans un espace familier est également réconfortant pour les personnes vulnérables, qui peuvent alors partager leurs expériences dans un cadre sécure. Dans certains cas, les objets qui les entouraient chez eux ont suscité des souvenirs qui ont aidé à reconstituer les faits.

Du côté des enquêteurs, les entretiens à distance permettaient de s’entretenir en une seule journée avec des témoins établis partout dans le monde, accélérant considérablement leur travail. A une condition essentielle : redoubler d’efforts pour garantir la compréhension, le consentement et, bien sûr, la plus grande sécurité des personnes interrogées.

 

Récolter les fruits des années précédentes

Outre les enquêtes, 18 nouvelles affaires ont été ouvertes 2020, portant le nombre total de procès en cours à 30. Par exemple, le procès le plus important de ces dernières années, contre les Syriens Anwar R. et Eyad A., s’est ouvert en Allemagne. Cette affaire a fait les unes du monde entier et a été unanimement saluée comme une avancée majeure contre l’impunité des crimes d’État. Parmi les autres procès très médiatisés figurent ceux de Fabien Neretsé en Belgique, de Roger Lumbala en France et d’Alieu Kosiah en Suisse.

Lire ou télécharger le UJAR 2021

La plupart des nouvelles affaires de 2020 ont pu s’ouvrir grâce aux missions d’enquête et de collecte de preuves menées les années précédentes. La pandémie et ses conséquences ont souligné la nécessité d’enquêter rapidement et minutieusement tant que le contexte est favorable, pour que les affaires puissent progresser lorsque/si la situation évolue. Cette leçon s’applique également aux enquêtes dans des zones instables ou dangereuses, qui peuvent devenir inaccessibles en l’espace de quelques jours.

L’année 2020 a été un sombre rappel de nos limites. Les considérations sanitaires se sont désormais ajoutées aux nombreuses difficultés liées à la compétence universelle. Mais malgré tout cela, les affaires présentées dans ce UJAR prouvent que les États ont relevé le défi et que la justice continuera de prévaloir.

 

Lire ou télécharger le UJAR 2021

 

Cette publication a bénéficié du généreux soutien de la Taiwan Foundation for Democracy, de la Oak Foundation, du Foreign, Commonwealth & Development Office du Royaume-Uni et de la Ville de Genève. Il a été réalisé en collaboration avec REDRESS, le European Center for Constitutional and Human Rights, la Fédération internationale des droits de l’homme, le Center for Justice and Accountability et Civitas Maxima.

 

Quentin (nom d’emprunt) est membre d’un parti d’opposition burundais visé par les autorités. En 2014, lors d’une réunion du parti, la police burundaise a fait irruption et a ouvert le feu, blessant délibérément Quentin.

Actuellement, Quentin est toujours en prison dans des conditions inhumaines et dégradantes. © Alan Levine

Le lendemain, la victime a été arrêtée malgré son état de santé visiblement critique. Il a ensuite été passé à tabac à coups de crosses de fusils, de bottes et de matraques.

Alors qu’il était trop faible pour même se tenir débout, Quentin a été insulté et menacé de mort pendant 4 heures, avant d’être finalement amené à l’hôpital.

Son soulagement a été de courte durée. Il a été contraint d’en ressortir avant d’être rétabli, et ce pour être conduit en prison, où il est actuellement dans des conditions inhumaines et dégradantes. Comme il lui a été régulièrement nié des soins adéquats, son avant-bras s’est infecté et est maintenant quasi-paralysé.

 

Procédure

Malgré le fait que la victime ait porté plainte pour les violations subies, et que ONG et médias aient enquêté sur ce dossier, aucune investigation n’a été menée par les autorités burundaises.  Les bourreaux de Quentin n’ont jamais été sanctionnés par l’État.

En 2016, TRIAL International a saisi une instance internationale, en vue de faire reconnaître les violations subies par Quentin et de lui faire obtenir réparation. L’affaire est en cours.

 

Sakhi signifie amie en népalais, c’est le pseudonyme choisi par une jeune femme pleine de courage pour partager son histoire. Victime de violences sexuelles pendant le conflit interne qui a ravagé le Népal pendant 10 ans, elle se bat depuis de nombreuses années pour obtenir justice et réparations. En vain.    

Vingt ans après les faits, les souffrances endurées par Sakhi n’ont toujours pas été reconnues alors qu’elle en porte encore les séquelles sur son corps. © UN Photo/John Isaac

Sakhi, orpheline et appartenant au groupe ethnique défavorisé des Tharus, était âgée de 13 ans lors de son viol, en 2001. Alors qu’elle faisait paître son troupeau de buffles en dehors du village, deux soldats de l’armée royale népalaise l’ont insultée, accusée d’être une maoïste et frappée à la tête. Lorsqu’elle a repris connaissance plusieurs heures plus tard, blessée et dévêtue, la fillette n’a pas tout de suite compris ce qui lui était arrivé.

Ce n’est que plusieurs mois plus tard, dans un hôpital local, que les infirmières ont réalisé qu’elle était enceinte. Et il a donc fallu expliquer à l’enfant ce qu’étaient des rapports sexuels, en l’occurrence non-consentis, ainsi que les conséquences d’une grossesse. En plus d’autres problèmes de santé causés par l’attaque, notamment psychologiques, Sakhi a dû prendre à sa charge les frais médicaux engendrés par l’avortement.

Mais une fois l’urgence médicale passée, comment obtenir justice alors qu’un conflit interne déchire le pays ?

 

Un premier pas sur le chemin de la justice ?

Des années plus tard, une fois la guerre civile terminée et le processus de justice transitionnelle entamé, Sakhi a réclamé justice une première fois. Devant la Commission nationale vérité et réconciliation, elle a tenté d’exposer son cas et de faire reconnaître les souffrances endurées.

Ce fut peine perdue. En plus des multiples dysfonctionnements des mécanismes de justice transitionnelle au Népal, la Commission ne reconnaît pas les survivantes de violences sexuelles comme des victimes de la guerre.  Sakhi, comme des centaines d’autres victimes, n’a reçu aucune forme de réparation et son cas n’a pas fait l’objet d’investigations.

Pourtant, les violences sexuelles liées au conflit sont souvent le fait de véritables stratégies militaires. C’est le cas au le Népal, ou plusieurs rapports ont documenté l’utilisation généralisée de la violence sexuelle par les deux parties au conflit.

 

La voie sinueuse des juridictions domestiques

Avec le soutien de TRIAL International, tout est mis en œuvre pour faire avancer le dossier devant les tribunaux domestiques. « Lorsque j’ai rencontré Sakhi en 2018, sa détermination et sa résilience m’ont bouleversée. Juridictions après juridictions, nous avons déposé plaintes, requêtes et demandes pour qu’une investigation soit ouverte et que les auteurs du crime soient appréhendés, » raconte Salina Kafle, Coordinatrice des droits humains au HRJC, partenaires locaux de TRIAL International.

Mais là encore, un obstacle de taille entrave le chemin de la justice : aujourd’hui au Népal, une victime de violences sexuelles ne dispose que d’un an pour porter plainte ! Ce délai de prescription extrêmement court est un autre exemple des manquements de la législation népalaise en matière de violences sexuelles.

 

Une issue au niveau international ?

Vingt ans après les faits, les souffrances endurées par Sakhi n’ont toujours pas été reconnues alors qu’elle en porte encore les séquelles sur son corps. Face aux nombreux obstacles rencontrés au niveau national, une plainte auprès de Nations Unies a été déposée en 2020.

Aujourd’hui, TRIAL International et le HRJC continuent à fournir une assistance juridique et médicale. Ils se battent afin qu’une enquête soit ouverte et que Sakhi puisse obtenir justice et réparation.

Parallèlement, TRIAL International appelle le Népal à respecter enfin ses obligations internationales. Constatant l’inaction du pays en la matière, l’organisations propose également que le Comité des droits de l’Homme mette en place une procédure de suivi pour que ses recommandations soient enfin appliquées.

Le 9 février 2022, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les violences sexuelles (SRVAW) a adressé une communication au gouvernement népalais sur cette affaire, comme le Népal n’a pas répondu à sa première interpellation.

Nsumbu Katende, commandant de l’insurrection armée Kamuina Nsapu qui a sévi au Kasaï en 2017, a été reconnu coupable de crimes de guerre. TRIAL International salue ce verdict qui, non content d’établir la culpabilité du prévenu, octroie aussi des réparations aux victimes et reconnaît la responsabilité de l’État congolais.

Au premier plan, le prévenu pendant la lecture du verdict. © Irène Mbombo

« C’est un grand jour pour la justice au Kasaï-central » se réjouit Guy Mushiata, Coordinateur national en RDC pour TRIAL International. « La condamnation de Nsumbu Katende donne tort à ceux qui pensaient que l’impunité était une fatalité dans la région. Elle prouve aux victimes qu’elles peuvent être entendues et obtenir justice. »

En savoir plus sur Nsumbu Katende et l’insurrection de Kamunia Nsapu

Plusieurs éléments positifs sont à saluer dans ce verdict. D’une part, la qualification des meurtres, tortures et prises d’otages comme crimes de guerre. Cette reconnaissance témoigne de l’ampleur des violences et de leur caractère organisé et systématique. D’autre part, les juges ont octroyé des réparations à toutes les victimes recensées dans l’affaire – plus de 200. Un geste symboliquement fort, mais qui pourra permettre aussi aux survivants de reprendre le cours de leur vie.

Enfin, bien que Nsumbu Katende ait sévi au sein d’un groupe armé, l’État congolais a également été reconnu comme responsable des crimes commis. En effet, les juges ont considéré que tout le possible n’avait pas été fait de la part de l’État pour protéger la population civile.

 

Une première victoire qui pourrait en annoncer d’autres

« Pour la première affaire portée par TRIAL International et ses partenaires au Kasaï, nous sommes extrêmement satisfaits » dit Daniele Perissi, Responsable du programme Grands Lacs à TRIAL International. « Aujourd’hui les magistrats du tribunal militaire de Kananga se sont montrés à la hauteur de la complexité de cette affaire, ce qui nous fais espérer que d’autres victoires contre l’impunité pourraient bientôt suivre. »

Un travail de longue haleine pour lequel TRIAL International collabore étroitement avec d’autres acteurs sur place au sein d’un Cadre de concertation.

Plus d’informations sur l’affaire Nsumbu Katende

 

TRIAL International collabore au Kasaï-central avec Physicians for Human Rights, une ONG qui utilise la preuve médicale pour documenter les violations des droits humains. Leur projet conjoint au Kasaï vise à renforcer l’accès à la justice en combinant leurs expertises juridique et médical. Ce projet bénéficie du généreux soutien de l’Agence suédoise de coopération pour le développement international, Sida.

 

 

 

La session de la Commission Vérité, Réconciliation et Réparations sur le massacre de 59 migrants originaires de huit pays d’Afrique de l’Ouest s’est achevée le 11 mars 2021 en Gambie. Les témoignages qui se sont succédés ces dernières semaines ont révélé de nouveaux éléments, mais aussi confirmé des informations existantes, renforçant encore les liens entre l’ancien président Yahya Jammeh et ces meurtres. Human Rights Watch et TRIAL International soutiennent le processus visant à garantir que l’ancien président – en exil en Guinée équatoriale depuis son départ de la Gambie en janvier 2017 – soit amené à répondre de ses actes.

De nombreux témoignages mettent en cause l’ancien chef de l’État dans le massacre qui a couté la vie aux migrants ouest-africains. © Audrey Oettli / TRIAL International

Du 24 février au 11 mars, les témoins se sont succédés devant la Commission Vérité, Réconciliation et Réparations (TRRC) gambienne. Selon eux, les migrants qui se rendaient en Europe, en provenance du Congo, de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Liberia, du Nigeria, du Sénégal, de la Sierra Leone et du Togo, ainsi que leur contact gambien, ont été détenus par les hauts responsables des services de sécurité de Jammeh avant d’être pour la plupart assassinés par les « Junglers », une unité tristement célèbre, placée sous les orders directs de Jammeh.

«Des sources bien renseignées ont impliqué Yahya Jammeh dans le meurtre de citoyens de neuf pays d’Afrique de l’Ouest», a déclaré Reed Brody, conseiller à Human Rights Watch. «Tous ces pays devraient soutenir une enquête pénale et, le cas échéant, la poursuite de Jammeh et d’autres responsables du massacre des migrants et d’autres crimes graves commis par son gouvernement.»

 

LE COURS DES ÉVÉNEMENTS SE PRÉCISE

Au cours de leur enquête de 2018, TRIAL International et Human Rights Watch ont rassemblé un grand nombre d’informations sur le massacre. Ces informations n’avaient jusqu’alors jamais été exposées publiquement ou racontées « en une seule fois ».

Le nombre exact de migrants tués n’est toujours pas connu. Gibril Ngorr Secka, ancien directeur des opérations de l’Agence nationale de renseignement (NIA), a présenté à la TRRC une liste de 51 personnes établie par dans un poste de police. Outre ces noms qui forment la première liste officielle de disparus, le groupe comprenait également d’autres migrants, dont huit Nigérians qui auraient été arrêtés et tués.

 

DES ENQUÊTES AU POINT MORT

Les témoignages recueillis par la TRRC décrivent également les efforts persistants déployés pour dissimuler le crime, en particulier en amont de la mission d’enquête menée en 2008 par les Nations unies et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), lorsque le gouvernement a nommé une « task force » comprenant plusieurs ministres pour traiter avec les enquêteurs.

Voir l’infographie illustrant les tentatives d’enquête sur le massacre

Ces témoignages corroborent les conclusions d’un rapport publié en 2018 par Human Rights Watch et TRIAL International, basé sur des entretiens avec 30 anciens responsables gambiens. «Maintenant que les informations que nous avions recueillies ont été confirmées, il est d’autant plus important que Jammeh soit appelé à faire face à ses responsabilités», a déclaré Emeline Escafit, conseillère juridique pour TRIAL International. «Le temps est maintenant venu de rendre justice aux victimes et à leurs familles.»

La TRRC, qui rendra son rapport en juillet 2021, est chargée « d’identifier et de recommander des poursuites à l’encontre des personnes qui portent la plus haute responsabilité dans les violations et abus des droits humains « . Le gouvernement gambien devra ensuite décider de la suite à donner à ces recommandations.

Lire le communiqué complet

Cet article a été produit avec le soutien financier de l’Union européenne. Son contenu est la seule responsabilité des auteurs et ne reflète pas nécessairement les positions de l’Union européenne.