UJAR 2021 : l’impact du coronavirus sur la compétence universelle

12.04.2021 ( Modifié le : 11.05.2022 )

L’année 2020 restera dans les souvenirs comme une période hors du commun. La pandémie de covid-19 a bouleversé et continue de bouleverser d’innombrables vies. Les institutions publiques du monde entier, y compris les organes judiciaires, ont dû radicalement changer leur fonctionnement et leurs priorités. Dans un contexte difficile et alors que bon nombre d’activités ont dû s’arrêter brutalement, les affaires liées à la compétence universelle sont-elles également au point mort ? Fort heureusement, loin de là.

Même une crise sanitaire mondiale n’a pas mis en péril le recours à la compétence universelle à travers le monde. © Getty Image / Loic Venance

La pandémie a certes eu un impact sur les affaires de compétence universelle, mais il s’est agi davantage d’une réorganisation que d’un arrêt complet. Comme le montre le Rapport annuel de la compétence universelle 2021 (Universal Jurisdiction Annual Review en anglais, ou UJAR) de nombreuses affaires ont avancé et de nouveaux suspects ont été interpellés. Autrement dit, même une crise sanitaire mondiale n’a pas mis en péril le recours à la compétence universelle à travers le monde – preuve, s’il en fallait, de la solidité des progrès réalisés ces dernières années (voir les UJAR précédents pour plus d’information).

« Après les premières semaines du printemps où le monde entier était déboussolé, la communauté juridique s’est rapidement adaptée » résume Valérie Paulet, consultante juridique chez TRIAL International et Editrice du UJAR. « Les procureurs, les juges et les ONG ont réagi rapidement et ont développé des méthodes créatives pour mener leur travail à bien. Leur agilité et les effort supplémentaires qu’ils ont déployé méritent d’être salués. »

 

Renforcer les enquêtes à distance

Bien évidemment, les missions de terrain ont été considérablement limitées par les confinements nationaux et les restrictions de déplacement. Les enquêtes en cours qui reposaient sur la capacité des témoins, des victimes, des enquêteurs et des juges à voyager à l’étranger ont été ralenties ou interrompues. Les ONG en particulier, dont les enquêtes reposent sur la flexibilité et l’adaptabilité, ont dû trouver de nouveaux moyens d’entrer en contact avec les victimes et les témoins. « Nous nous sommes appuyés encore davantage sur nos réseaux », explique Bénédict De Moerloose, Responsable des Enquêtes et procédures internationales chez TRIAL International. « Les partenaires locaux prenaient contact avec les victimes et les témoins et initiaient un premier dialogue, puis nous les rencontrions via des appels vidéo sécurisés. Un certain niveau de confiance était ainsi déjà établi. Un des côtés positifs est que cela nous a rapprochés encore plus de nos partenaires sur le terrain. »

Ces entretiens à distance présentent d’autres avantages : les victimes et les témoins peuvent parler depuis leur domicile, réduisant les risques qu’ils soient entendus par des tiers ou suivis. Être dans un espace familier est également réconfortant pour les personnes vulnérables, qui peuvent alors partager leurs expériences dans un cadre sécure. Dans certains cas, les objets qui les entouraient chez eux ont suscité des souvenirs qui ont aidé à reconstituer les faits.

Du côté des enquêteurs, les entretiens à distance permettaient de s’entretenir en une seule journée avec des témoins établis partout dans le monde, accélérant considérablement leur travail. A une condition essentielle : redoubler d’efforts pour garantir la compréhension, le consentement et, bien sûr, la plus grande sécurité des personnes interrogées.

 

Récolter les fruits des années précédentes

Outre les enquêtes, 18 nouvelles affaires ont été ouvertes 2020, portant le nombre total de procès en cours à 30. Par exemple, le procès le plus important de ces dernières années, contre les Syriens Anwar R. et Eyad A., s’est ouvert en Allemagne. Cette affaire a fait les unes du monde entier et a été unanimement saluée comme une avancée majeure contre l’impunité des crimes d’État. Parmi les autres procès très médiatisés figurent ceux de Fabien Neretsé en Belgique, de Roger Lumbala en France et d’Alieu Kosiah en Suisse.

Lire ou télécharger le UJAR 2021

La plupart des nouvelles affaires de 2020 ont pu s’ouvrir grâce aux missions d’enquête et de collecte de preuves menées les années précédentes. La pandémie et ses conséquences ont souligné la nécessité d’enquêter rapidement et minutieusement tant que le contexte est favorable, pour que les affaires puissent progresser lorsque/si la situation évolue. Cette leçon s’applique également aux enquêtes dans des zones instables ou dangereuses, qui peuvent devenir inaccessibles en l’espace de quelques jours.

L’année 2020 a été un sombre rappel de nos limites. Les considérations sanitaires se sont désormais ajoutées aux nombreuses difficultés liées à la compétence universelle. Mais malgré tout cela, les affaires présentées dans ce UJAR prouvent que les États ont relevé le défi et que la justice continuera de prévaloir.

 

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Cette publication a bénéficié du généreux soutien de la Taiwan Foundation for Democracy, de la Oak Foundation, du Foreign, Commonwealth & Development Office du Royaume-Uni et de la Ville de Genève. Il a été réalisé en collaboration avec REDRESS, le European Center for Constitutional and Human Rights, la Fédération internationale des droits de l’homme, le Center for Justice and Accountability et Civitas Maxima.

 

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