Commission d’enquête sur le Burundi : 4 questions pour comprendre ses conclusions

13.09.2018 ( Modifié le : 19.12.2018 )

Le 5 septembre 2018, la Commission d’enquête des Nations Unies sur le Burundi (CoI) a publié un second ensemble de conclusions – qui pourrait être le dernier. La responsable du programme Burundi Pamela Capizzi nous en explique les points saillants.

 

Quel était le ton général des conclusions de la CoI ?

Pamela Capizzi : Pour une année de plus, la Commission d’enquête a brossé un tableau sombre de la situation des droits humains au Burundi. Dès les premiers paragraphes, la Commission a souligné que les violences initiées en 2015 ont persisté tout au long de 2017 et 2018. Elle a également réitéré dès le début de son rapport le manque de coopération des autorités burundaises.

Malheureusement, ces résultats ne sont pas une surprise : le Burundi a progressivement coupé tous les liens avec la communauté internationale et il n’y a eu aucun signe d’apaisement des violences. La période qui a précédé le référendum de mai, en particulier, a été marquée par des abus et des intimidations.

 

Les conclusions mentionnent le rôle des Imbonerakure, la ligue de la jeunesse du parti au pouvoir…

Le fait que les Imbonerakure participent à la répression est une allégation récurrente depuis 2015. Ce qui est intéressant, c’est que le rapport constate qu’ils sont « en collusion avec les structures formelles et informelles de répression de l’État » et « ont été utilisés (…) comme supplétifs ou en remplacement des forces de l’ordre ». En d’autres termes, les autorités ont des liens d’organisation, voire de contrôle, sur les actes des Imbonerakure (par. 21-22). Ceci est important parce que l’État burundais pourrait alors être tenu responsable des violations commises par les Imbonerakure.

Mais les obligations de l’État burundais vont au-delà du comportement de ses agents. Il lui incombe également de protéger sa population contre toute forme de violence, qui qu’en soient les auteurs. Ne pas punir les responsables présumés constitue également une violation des obligations internationales du pays. La Commission a également noté « qu’en ne luttant pas contre l’impunité de manière active (…) l’État burundais favorise la répétition des violations des droits de l’homme et des atteintes à ceux-ci. »(par. 28).

 

La Commission aborde-t-elle les facteurs les plus profonds qui permettent la persistance de la crise des droits humains ?

L’état de déliquescence du système judiciaire est mentionné dans les conclusions, par exemple la nomination arbitraire des juges, le manque d’indépendance financière des tribunaux et l’ingérence politique régulière dans des affaires sensibles (para. 62). Sans mécanismes de responsabilisation crédibles, il n’est pas surprenant que l’impunité prolifère.

Les dysfonctionnements judiciaires perdurent depuis des années, aussi TRIAL International a-t-elle orienter ses procédures judiciaires stratégiques vers les institutions internationales. Bien entendu, le principe de subsidiarité s’applique toujours, mais notre équipe compte désormais davantage sur les organes des Nations Unies que sur les institutions burundaises pour reconnaître le préjudice causé aux victimes. Pour la même raison, nous avons intensifié nos formations aux avocats burundais sur les mécanismes internationaux.

 

Que vont maintenant devenir ces conclusions ?

La Commission a présenté ces conclusions au terme de son mandat de deux ans – qui prend fin officiellement le 20 septembre 2018. La confirmation que des violations massives des droits de l’homme sont en cours au Burundi rend absolument indispensable le renouvellement du mandat du Col.

Parallèlement, la communauté internationale doit continuer à faire pression sur le Burundi pour qu’il mette en place un système judiciaire indépendant et efficace. En outre, comme l’a recommandé la Commission, le Gouvernement burundais doit mettre en place des mécanismes ad hoc chargés d’enquêter sur les violations des droits humains et de poursuivre les auteurs de crimes internationaux. Ce n’est qu’alors que ces abus graves pourront être poursuivi et, à terme, s’arrêter.

 

Cette interview a été réalisée sur la base du rapport abrégé du CoI publié le 5 septembre 2018. Cette dernière soumettra son rapport au Conseil des droits de l’homme lors d’un dialogue interactif le lundi 17 septembre 2018.

 

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