Le prochain défi de la compétence universelle : dépasser le « deux-poids, deux mesures »

19.07.2017 ( Modifié le : 04.08.2017 )

 

 

Un op-ed de Andras Schüller

Andreas Schüller est responsable du Programme crimes internationaux et responsabilité du ECCHR. Il est convaincu que la compétence universelle, en progressant, aide à exposer les domaines où l’impunité persiste.

2016 a vu la condamnation de l’ancien dictateur Hissène Habré au Sénégal – une victoire importante pour la compétence universelle. Cette affaire a montré que la justice est à portée de main et donné de l’espoir aux victimes. Le Sénégal a également joué un rôle essentiel pour la justice en Afrique en jugeant Hissène Habré conformément aux standards internationaux.

De plus en plus de pays sont en train de développer les infrastructures nécessaires, pour traduire en justice les crimes internationaux, par exemple des unités crimes de guerre. Les dénonciations de la société civile aux procureurs et l’indignation mondiale face aux atrocités, notamment en Syrie, ont aussi contribués à l’augmentation du nombre d’affaires.

Cependant, il reste des décalages importants entre les Etats en Europe et dans le monde, à la fois dans leur législation et dans leurs organes de poursuite. L’Allemagne a adopté un bon modèle. Il associe une unité crimes de guerre chevronnée (bien qu’insuffisamment financée) et une législation adoptant une compétence universelle « pure », c’est-à-dire que des enquêtes peuvent être ouvertes même contre des suspects résidant hors du pays.

 

Combattre les crimes des Etats puissants, des politiciens et des entreprises privées

Le principal défi reste de poursuivre les politiciens de haut niveau. Dans de nombreux Etats, aucune poursuite n’inquiète ceux qui ont mis en place les structures et les politiques qui conduisent aux crimes internationaux.

Le deux poids, deux mesures prévaut encore. Même quand les preuves sont solides, les Etats sont peu désireux de risquer la détérioration de leurs relations diplomatiques pour poursuivre des crimes graves. Par exemple, nous observons de grandes résistances dans les affaires contre d’anciens membres du gouvernement américain pour torture, ou contre les entreprises occidentales pour leur rôle dans les crimes internationaux.

 

En finir avec l’impunité en Syrie

ECCHR, en partenariat avec des victimes et des avocats syriens, a soumis une plainte en Allemagne contre les autorités syriennes pour torture. L’annonce du Procureur Fédéral d’ouvrir une enquête a été un moment très fort pour nos partenaires syriens. Pour la première fois, une autorité de poursuites reconnaissait leurs témoignages et leur expérience. C’était d’une grande importance pour eux étant donné l’impunité en Syrie, notamment pour les crimes commis par le gouvernement.

Même imparfaites, ces poursuites peuvent donner l’exemple aux autres pays, et notamment ceux où les crimes ont été commis. Ces affaires aident également à mettre en lumière des crimes peu rapportés, tels que les violences sexuelles ou le rôle des entreprises privées dans la réalisation de crimes internationaux.

Andreas Schüller, responsable du Programme crimes internationaux, ECCHR

 

Andreas Schüller est le responsable du Programme crimes internationaux du ECCHR depuis 2009. Il est diplômé de la faculté de droit de Trier (Allemagne) et détient un LL.M. en droit international public et en droit international pénal de l’Université de Leiden (Pays-Bas). Avocat inscrit au barreau de Berlin, Andreas Schüller travaille sur de affaires de torture et d’attaques de drone aux Etat-Unis, de torture en Irak, de crimes de guerre au Sri Lanka et en Syrie ainsi que d’autres affaires de crimes internationaux. Il donne des conférences et publie sur l’application du droit international pénal et des droits humains.

 

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