Auteur/autrice : Communication Department
Portraits de bénévoles #2
Depuis 2018, 12 bénévoles s’occupent spécifiquement de traduire les actualités du site de TRIAL International. Pour les remercier de leur engagement, la série « Portraits de bénévoles » les met à l’honneur. Dans cet épisode, rencontrez Emma Bradding, étudiante en droit au Royaume-Uni. Grâce à sa maîtrise du français, elle est traductrice bénévole pour TRIAL depuis 2017.

« Les langues vivantes et les droits humains m’ont toujours passionné. C’est pourquoi j’ai décidé il y a quelques années de mettre à profit mes compétences linguistiques pour soutenir le travail de TRIAL.
J’ai complété ma Licence en français et espagnol à l’université de Durham (Royaume-Uni) et je suis actuellement étudiante en droit à Londres. Je commence un contrat de formation dans un cabinet d’avocats en droit des affaires au second semestre 2019. »
Une ambassadrice de TRIAL
« Je suis particulièrement intéressée par le travail de TRIAL contre les violences sexuelles, notamment en Bosnie-Herzégovine, au Burundi, en RDC et au Népal. Je soutiens l’approche holistique de TRIAL dans la lutte contre l’impunité. Par exemple, en ce qui concerne les crimes de violence sexuelle, elle propose des formations sur le recueil de preuves, pour être efficace sans traumatiser davantage les victimes.
Je respecte aussi les actions de TRIAL pour pousser les Etats à l’action dans des affaires où manque la volonté politique, ou dont les procédures trainent en longueur comme c’est le cas pour Khaled Nezzar et Rifaat al-Assad en Suisse. »
La découverte de TRIAL
« Au cours de ma troisième année d’études, j’ai travaillé pour une agence de relations médias à Paris, ce qui m’a permis de développer mes compétences en traduction dans un cadre professionnel. L’année suivante, je cherchais à faire du bénévolat pour une ONG. C’était à ce moment-là qu’une amie, bénévole chez TRIAL, m’a recommandé de rejoindre l’organisation. Je suis traductrice bénévole depuis ce jour.
Cela m’a fait gagner une meilleure compréhension des interactions entre le droit national et le droit international dans le domaine des droits humains, en particulier sur la compétence universelle. Je suis aussi plus consciente des complexités de documenter des crimes longtemps après qu’ils aient été perpétrés.
De plus, traduire pour TRIAL m’a fait mesurer l’importance de communiquer de manière convaincante, claire et adaptée au public-cible. Ce sera une compétence importante lorsque je serai avocate, puisque je devrai interagir avec un large éventail de clients. »
Et enfin…
« Je recommande vivement le bénévolat pour TRIAL, car c’est à la fois intéressant et enrichissant. Le site web est une ressource très utile pour traduire des textes, et j’encourage les lecteurs à l’explorer. TRIAL produit aussi une newsletter mensuelle, qui est une très bonne manière de se tenir au courant du travail de TRIAL. »
Lire l’interview d’Aleksandra Chlon
Emmanuelle Marchand est conseillère juridique principale et enquêtrice pour l’ONG Civitas Maxima. Tout comme TRIAL International, cette dernière collecte des preuves des pires atrocités et les porte à la connaissance des autorités de poursuite. Éclairage sur un métier de terrain méconnu, qui met en évidence le rôle capital des ONG dans la lutte contre l’impunité.

« Ma première mission pour Civitas Maxima était en 2013 au Libéria. C’était aussi ma première expérience en Afrique, un vrai dépaysement ! Heureusement, comme beaucoup d’ONG dans ce domaine, Civitas Maxima était déjà dotée d’un réseau local efficace. Mes collègues libériens et ivoiriens connaissaient évidemment parfaitement le contexte et j’ai appris à le comprendre grâce à eux.
Rapidement, nous avons naturellement trouvé notre complémentarité, que nous avons toujours aujourd’hui. Eux gèrent le stade initial de l’enquête, recueillent les premières informations et prennent contact avec les victimes et les témoins. Mes collègues genevois et moi venons ensuite en complément pour, le cas échéant, interroger les victimes et définir la stratégie juridique. Il faut être réaliste et modeste : en tant qu’étrangère, je n’aurai jamais la même capacité qu’eux à tisser des liens de confiance. Et mes déplacements seront toujours moins discrets…
Débarquer dans un contexte étranger présente aussi des avantages. Forcé d’adapter son comportement, on est aussi plus attentif à celui des autres. Il faut relativiser toutes ses habitudes pour comprendre une autre façon de vivre et d’être. À la lumière de mes expériences préalables, au Cambodge notamment, je constate aussi des points communs dans de contextes très différents : la résilience des survivants, la manière dont la vie reprend le dessus. »
ONG et autorités nationales sont complémentaires
« Les ONG spécialisées sont un chainon crucial dans la collecte de preuves. Nous avons une mobilité et une flexibilité que les autorités judiciaires n’ont pas, nous sommes donc souvent plus réactifs et mieux implantés localement. À l’inverse, notre travail est inutile si des autorités nationales refusent d’initier une affaire contre un suspect. Rendre justice reste un pouvoir régalien et la société civile n’a pas vocation à s’y substituer ! Nous sommes donc complémentaires.
Malgré cela, certains procureurs ou magistrats d’autorités nationales ont parfois un comportement ambivalent vis-à-vis des ONG, même spécialisées dans les enquêtes et la collecte de preuves. D’une part, ils doivent compter sur les informations collectées par les ONG et leur accès aux sources d’information. Mais d’autre part, ils ressentent de la frustration de ne pas mener tout le processus de A à Z comme ils le feraient habituellement chez eux, et l’on ressent parfois un certain manque de confiance. Heureusement, dans la plupart des cas le rapport avec les autorités nationales est constructif et les choses se passent bien.
Dans ce sens, la multiplication des affaires de compétence universelle est une vraie opportunité. Face à la complexité des affaires, tous les acteurs doivent tirer à la même corde. Et plus nous coopérons, plus nous apprenons à nous connaître et plus la confiance s’établit. »
Au Libéria, un changement de paradigme
« À chaque fois que je retourne au Libéria, je mesure le chemin parcouru. Plusieurs hauts responsables d’atrocités ont été arrêtés ou condamnés hors du pays, ce qui a suscité un véritable changement de paradigme. Ils ne sont plus perçus comme tout-puissants et inattaquables ; la justice au Libéria est devenue une possibilité concrète.
Désormais, la lutte contre l’impunité est un sujet régulier dans les médias nationaux. Les manifestations en faveur d’un mécanisme national de poursuite se multiplient. Les libériens se sont appropriés la quête de justice et ne comptent pas en rester là ! La peur a changé de camps, ce sont désormais les anciens bourreaux qui ne sont pas tranquilles. »
En savoir plus sur la compétence universelle
En savoir plus sur l’action de Civitas Maxima
Assassinats, enlèvements, arrestations et détentions arbitraires, torture, les violations des droits fondamentaux au Burundi sont légion. Lors de la 41ème session du Conseil des droits de l’Homme qui a eu lieu mardi 2 juillet, les membres de la société civile et les représentants des États membres des Nations Unies ont eu l’occasion d’échanger avec la Commission d’enquête sur le Burundi sur leurs préoccupations concernant la situation dans ce pays.

En mai 2019, l’ACAT Burundi a recensé 24 assassinats, 6 enlèvements, 60 arrestations et détentions et 50 cas de torture. Sa faîtière, la FIACAT, avec le soutien de TRIAL International, du CCPR Centre et de l’OMCT, a fait part des préoccupations des ONG face aux violations récurrentes des droits humains commises dans le cadre de la crise politique et sécuritaire que traverse le pays depuis quatre ans.
Concrètement, les organisations demandent à l’État burundais la libération des défenseurs des droits humains placés en détention et font appel à la communauté internationale afin que des élections libres et inclusives soient tenues en 2020.
Lire le texte de la déclaration conjointe des quatre ONG
TRIAL International et la Lowenstein International Human Rights Clinic de la Yale Law School ont soumis des recommandations générales au Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition. Cosigné par 27 organisations locales, le document analyse les pratiques du Gouvernement de Bosnie-Herzégovine, qui ont empêché des milliers de femmes et d’hommes d’obtenir justice et réparation pour les crimes graves dont ils ont été victimes pendant le conflit de 1992-1995.

Ces recommandations (en anglais) portent en particulier sur l’application par les tribunaux de Bosnie-Herzégovine des délais de prescription (zastara) et l’imposition de frais de justice dans les affaires civiles. Elles font valoir que la Bosnie-Herzégovine ne respecte pas ses obligations internationales en matière de réparation des abus commis en temps de guerre.
Depuis une décision de la Cour constitutionnelle en 2013, les tribunaux de Bosnie-Herzégovine ont rejeté des milliers de demandes d’indemnisation de survivants de la guerre en imposant des délais de prescription. Certains tribunaux – principalement en Republika Srpska (RS) – ont exigé des victimes qu’elles paient des frais de justice élevés après avoir rejeté leurs demandes, aggravant ainsi la pauvreté et le traumatisme que beaucoup d’entre elles vivent déjà.
Lors de la préparation de ces recommandations, TRIAL International et la Lowenstein Clinic se sont entretenues avec un certain nombre d’hommes et de femmes, qui ont partagé leurs récits d’abus pendant la guerre et leur déception face aux obstacles à la justice qu’ils ont rencontrés depuis.
Des victimes délaissées
Un ancien détenu, par exemple, a parlé des délais de prescription : « C’était une humiliation supplémentaire pour les [victimes], parce que [nous] croyions en un peu de justice malgré tout. » Une autre victime avait vu sa demande rejetée, avant de faire l’objet de frais de justice : « Nous revivons les souffrances, les tortures et les viols qui ont eu lieu dans les camps en ayant à payer ces réclamations. » Une autre personne interrogée regrettait pour sa part : « Si j’avais su à l’époque ce que je savais maintenant, je n’aurais pas [intenté une action civile] ».
Ces recommandations établissent que l’application des délais de prescription aux réclamations en temps de guerre est contraire à la responsabilité de la Bosnie-Herzégovine de garantir l’accès des victimes aux tribunaux et à des recours effectifs, comme l’exige le droit international et régional. Puisque la Bosnie-Herzégovine n’a pas encore mis en œuvre de programme national de réparation, les victimes n’ont d’autre choix que de s’en remettre au système judiciaire.
(Presque) pas de plainte pénale possible
Même si les victimes ont théoriquement la possibilité de porter plainte contre leurs auteurs devant un tribunal pénal, cette option n’est pas envisageable pour la plupart. La difficulté d’identifier les auteurs, la fuite ou le décès des auteurs dans les décennies qui ont suivi la guerre et l’important retard accumulé par les tribunaux pénaux font que les tribunaux civils sont le seul moyen par lequel la majorité des victimes de la guerre peuvent obtenir réparation. Mais en excluant les actions civiles par la zastara, les tribunaux suppriment même cette dernière possibilité de recours. Adrijana Hanusic Becirovic, conseillère juridique principale de TRIAL International, a déclaré : « Ayant à l’esprit que la BiH n’a pas adopté un cadre législatif prévoyant une indemnisation pour toutes les victimes de la guerre, le droit des victimes à un recours effectif a été violé. »
Imposer les frais de justice aux victimes qui sont déjà marginalisées et économiquement vulnérables porte atteinte à leur droit d’accès au système judiciaire. De nombreuses victimes ont été dissuadées d’exercer ce droit par crainte d’être sanctionnées par des frais de justice.
Loin des standards internationaux
De plus, en rejetant les plaintes et en exigeant que les victimes paient des frais de justice élevés, les tribunaux de Bosnie-Herzégovine n’ont pas tenu compte de l’obligation internationale de minimiser le risque de traumatiser à nouveau les victimes de violations des droits humains. Selon Kyle Delbyck, consultante auprès de TRIAL International et ancien membre de la Lowenstein Clinic, « les pratiques consistant à imposer des frais de justice et à confisquer des biens ont créé un climat de terreur, ramenant les victimes aux souffrances de la guerre. »
Les recommandations générales demandent au Rapporteur spécial de se rendre en Bosnie-Herzégovine pour se faire une idée directe des effets de la zastara et des frais de justice ; à la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine de réexaminer sa jurisprudence sur la zastara ; et aux tribunaux de cesser d’imposer des frais judiciaires aux victimes de crimes de guerre et de renoncer aux dettes existantes des victimes qui sont en cours de procédure judiciaire.
« Aucune victime de crime de guerre ne devrait être condamnée à une amende pour s’être présentée devant le tribunal pour obtenir réparation », a déclaré Erin Islo, diplômée de la Yale Law School et membre de l’équipe de la Lowenstein Clinic. « Le Rapporteur spécial a l’occasion de faire la lumière sur les préjudices que subissent les victimes de crimes de guerre en Bosnie-Herzégovine dans leur quête de justice. Le fait d’attirer l’attention sur ces violations persistantes peut avoir un impact réel sur la vie des victimes et souligner l’engagement international en faveur de la dignité de ceux qui ont été victimes de violations. »
Yahya Jammeh aurait contraint des jeunes femmes d’avoir des relations sexuelles avec lui. Certaines d’entre elles touchaient un salaire de l’Etat et travaillaient au palais présidentiel comme «protocol girls». Elles témoignent aujourd’hui contre l’ancien président.

Trois femmes accusent l’ancien président de la Gambie, Yahya Jammeh, de viol et d’agression sexuelle alors qu’il était au pouvoir, révèlent aujourd’hui Human Rights Watch et TRIAL International. Selon les témoignages d’anciens responsables du régime gambien, il ne s’agissait pas d’une pratique isolée. Des membres de l’entourage du président faisaient régulièrement pression sur des femmes pour qu’elles rendent visite au chef de l’État ou travaillent pour lui. Ce dernier se livrait par la suite à des abus sexuels sur la plupart d’entre elles. Les trois femmes accusent l’ancien chef d’État et ses collaborateurs d’avoir recouru à la coercition, à la tromperie et la violence ainsi qu’à des représailles lorsque des femmes refusaient ses avances.
«Yahya Jammeh a piégé et terrorisé de nombreuses femmes gambiennes, les traitant comme ses choses», a déclaré Reed Brody, conseiller juridique à Human Rights Watch. «Mais le viol et l’agression sexuelle sont des crimes, et Jammeh n’est pas au-dessus des lois.»
DES TÉMOIGNAGES DE PREMIÈRE MAIN
Human Rights Watch et TRIAL International ont recueilli les témoignages de trois femmes qui accusent Jammeh de viol et d’agression sexuelle, ainsi que ceux d’une quatrième qui affirme que des collaborateurs de l’ex-président l’ont emmenée dans un hôtel, apparemment dans le but d’abuser d’elle sexuellement. Les deux ONG ont également interrogé huit anciens représentants du gouvernement gambien et plusieurs autres témoins. Parmi les anciens fonctionnaires qui disent avoir eu directement connaissance des événements, figurent deux hommes ayant travaillé pour le service du protocole à la State House (palais présidentiel), quatre agents du service de protection rapprochée de Yahya Jammeh ou de la State House, ainsi qu’un ancien haut responsable de l’agence nationale de renseignements. Ces personnes, de même que deux femmes témoins, ont souhaité garder l’anonymat. Fatou Jallow (également connue sous le nom de Toufah Jallow), qui accuse Jammeh de l’avoir violée en 2015, a au contraire demandé que son nom soit révélé, souhaitant s’exprimer publiquement.
PAYÉES EN ÉCHANGE DE RAPPORTS SEXUELS
Les personnes interrogées ont émis des accusations détaillées contre l’ex-président, affirmant qu’il forçait ou contraignait de jeunes femmes à avoir des relations sexuelles avec lui. Certaines touchaient un salaire de l’Etat et travaillaient à la State House comme «protocol girls». D’anciens responsables ont rapporté que Jammeh et ses subordonnés donnaient de l’argent et des cadeaux à ces femmes, leur promettant des bourses d’études et d’autres privilèges – de fortes incitations matérielles dans l’un des pays les plus pauvres du monde. D’après les témoins, les résidences du président ont été le théâtre de relations sexuelles tant consenties que non consenties.
UNE AFFAIRE DE FAMILLE
Les témoignages des trois femmes et de plusieurs responsables ont identifié Jimbee Jammeh, une cousine du président, comme la personne chargée de superviser les «protocol girls» et de lui amener de nouvelles femmes. Les trois femmes ont décrit un procédé similaire : elle se liait d’amitié avec elles, les appelait, puis chacune a été conduite à la State House et présentée à Jammeh. Dans les trois cas, Jimbee est restée avec les filles dans la chambre du président, avant de les laisser seuls. Jimbee Jammeh se trouve actuellement en Guinée équatoriale avec Yahya Jammeh.
UNE ACCUMULATION DE CHARGES CONTRE L’EX-PRÉSIDENT
L’exploitation sexuelle de femmes par Yahya Jammeh était connue parmi ses proches. Cinq anciens responsables ont déclaré qu’il leur avait ordonné, ainsi qu’à d’autres, d’obtenir les numéros de téléphone des femmes qu’il repérait. Ils rapportent aussi qu’ils voyaient par la suite certaines de ces femmes quitter les appartements présidentiels avec de l’argent. Des collaborateurs de Jammeh ont témoigné que ce dernier avait également des relations sexuelles avec des militaires chargées de sa protection rapprochée ainsi qu’avec d’autres fonctionnaires à son service.
La régime de Jammeh a été caractérisé par des abus généralisés, notamment des disparitions forcées, des exécutions sommaires, des violences sexuelles, des tortures et des détentions arbitraires. En tant que Président, Jammeh campait officiellement un personnage pieux, prêchant, sermonnant et prétendant pouvoir traîter le VIH et guérir les malades. En mars 2019, une commission officielle gambienne ainsi que l’Organized Crime and Corruption Reporting Project, une plateforme de journalisme d’investigation, ont accusé Jammeh d’avoir soutiré près d’un milliard de dollars US des caisses de l’État.
Yahya Jammeh se trouve actuellement en Guinée équatoriale, où il a trouvé refuge après avoir perdu l’élection présidentielle de 2016, remportée par Adama Barrow. La Commission vérité, réconciliation et réparations gambienne (Truth, Reconciliation and Reparations Commission, TRRC) est en train de constituer des dossiers sur les violations des droits humains, y compris des cas de violence sexuelle, commises au cours des 22 années du règne de Jammeh. Human Rights Watch et TRIAL International appellent la TRRC et le gouvernement gambien à veiller à ce que les accusations de violences sexuelles et de viols commis par Jammeh ainsi que d’autres anciens hauts responsables fassent l’objet d’enquêtes approfondies et que, si elles sont avérées, les auteurs soient traduits en justice.
Lenin Bista fait partie des milliers d’enfants soldats qui ont été enrôlés dans la guérilla maoïste au cours du conflit qui a déchiré le Népal entre 1996 et 2006. Entraîné au maniement des armes et aux techniques de renseignement dès ses 12 ans, il est ensuite resté cantonné pendant quatre ans à la fin du conflit. Depuis, il consacre ses efforts à faire avancer la cause de ses anciens camarades. Avec son organisation Peace Envisioners, il se bat pour que les anciens enfants soldats népalais puissent accéder à des réparations. Avec l’aide de TRIAL International, il soumet un rapport (en anglais) auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme à Genève pour attirer l’attention de l’instance onusienne sur la situation de ces anciens combattants particulièrement vulnérables.
Alors que nous célébrons aujourd’hui la Journée internationale pour l’élimination de la violence sexuelle en temps de conflit, des survivantes comme Purna Maya et Fulmati Nyaya nous rappellent combien maigres sont les progrès réalisés au Népal pour mettre fin à l’impunité des auteurs de violences sexuelles durant le conflit, et pour demander justice et réparation pour les victimes.

Plus de dix ans après la fin du conflit qui a duré une décennie au Népal, des centaines de survivantes de violences sexuelles subies pendant le conflit n’ont pas encore vu leurs souffrances dûment reconnues par les autorités et n’ont toujours pas reçu de réparation. Elles ont été, par exemple, exclues d’un programme qui indemnise les personnes dont les membres de la famille ont été tués ou ont disparu pendant le conflit.
Purna Maya (pseudonyme), aujourd’hui âgée de 49 ans, a été traînée de chez elle à la caserne par l’armée et violée par au moins quatre soldats en 2004, avant d’être jetée dans la rue. Elle a subi des blessures graves qui ont entraîné l’ablation de son utérus, et a souffert de dépression grave et d’un syndrome de stress post-traumatique. Avec sa fille, elles ont été déplacées à l’intérieur du pays après que son mari les ait abandonnées.
L’INERTIE DU NÉPAL SUR LES CAS DE VIOLENCE SEXUELLE
Bien que les autorités aient été informées du crime et qu’au moins l’un des auteurs présumés ait été identifié en 2006, aucune enquête n’a été ouverte à ce jour. En 2012, Purna Maya a porté son cas devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies (HCDH). Ce n’est qu’en 2017 que celui-ci a rendu sa décision, une première concernant une victime de violences sexuelles liées au conflit au Népal. Il a demandé à l’État népalais d’enquêter, de poursuivre et de punir les hommes qui ont violé Purna Maya, et de lui accorder une réparation intégrale, y compris le remboursement des frais médicaux engagés.
L’affaire Purna Maya, qui a été déposée avec le soutien de REDRESS et Advocacy Forum-Népal, a également exhorté le Gouvernement népalais à prendre des mesures spécifiques pour prévenir la répétition de crimes similaires et pour supprimer les obstacles qui empêchent les victimes d’accéder à la justice, notamment en leur permettant de déposer les premiers rapports sur les cas de viol survenus durant le conflit armé. Cependant, deux ans plus tard, le gouvernement du Népal continue d’ignorer carrément les recommandations du HCDH. Cette semaine, REDRESS et Advocacy Forum-Népal présenteront une nouvelle soumission à l’ONU pour souligner le manque de coopération et de conformité du gouvernement népalais.
« J’ai un besoin urgent de soutien pour mon traitement médical et mon gagne-pain. Je n’ai même pas reçu de carte d’identité me reconnaissant comme victime du conflit, alors que d’autres victimes l’ont reçue », a déclaré Purna Maya. « Combien de temps dois-je attendre que justice soit faite ? Je veux que les coupables soient punis et que me soient versées des réparations appropriées. »
En mars 2019, le Secrétaire général des Nations Unies a exhorté le Gouvernement népalais à garantir des secours provisoires et des réparations complètes aux victimes de violences sexuelles liées au conflit, y compris une assistance sanitaire et psychosociale, un soutien aux moyens de subsistance et une indemnisation adéquate.
Un mois plus tard, le Conseil de sécurité des Nations Unies adoptait la résolution 2467, qui réaffirme l’engagement de la communauté internationale à lutter contre la violence sexuelle dans les conflits et encourage les États à fournir des soins appropriés aux victimes, à lutter contre l’impunité et à faire en sorte que les victimes participent à toutes les étapes du processus de justice transitionnelle.
UNE PRATIQUE TRÈS RÉPANDUE
Bien que de nombreuses violations des droits humains aient été enregistrées par des organismes des Nations Unies et des ONG pendant le conflit au Népal (1996-2006), les données concernant les violences sexuelles sont rares. Les éléments de preuve disponibles donnent toutefois à penser qu’il y avait une forte prévalence de ces crimes. Des femmes ont été détenues, torturées, violées et tuées parce qu’elles étaient soupçonnées d’être associées aux maoïstes ou d’appartenir aux familles des membres des forces de sécurité, comme le confirme une étude réalisée par Advocacy-Forum Nepal et l’International Centre for Transitional Justice.
«Le Népal a une dette énorme envers ses victimes de violences sexuelles. Ils ont été exclus du programme de réparations post-conflit », a déclaré Alejandra Vicente, chef du service juridique de REDRESS. « Les femmes sont également confrontées à de nombreux obstacles juridiques et pratiques pour signaler les cas de violence sexuelle. Même lorsqu’ils parviennent à le signaler, il existe un délai de prescription qui empêche les enquêtes et les poursuites si l’événement a eu lieu plus d’un an avant la notification.»
Om Prakash Sen Thakuri, directeur du Advocacy Forum-Népal, qui a travaillé avec de nombreuses victimes de violences sexuelles, a ajouté : « Les victimes de violences sexuelles pendant le conflit connaissent encore de graves séquelles physiques et psychologiques. En ignorant leurs besoins et en n’adoptant pas les réformes législatives et politiques nécessaires, le Népal prolonge les souffrances des survivantes, même en temps de paix. »
Le non-respect de cette obligation par le Népal a conduit le HCDH à réitérer ses recommandations au gouvernement dans d’autres cas. Le 20 mai 2019, le même comité a rendu une autre décision importante dans l’affaire Fulmati Nyaya (nom fictif), une fille autochtone victime de viol, de torture et de travail forcé par l’armée népalaise pendant la guerre. Selon Helena Rodríguez Bronchú, responsable du programme TRIAL International-Népal, qui a apporté un soutien juridique à Fulmati, cette décision « reconnaît explicitement la stigmatisation, la marginalisation et la honte endurées par la violence sexuelle liée au conflit au Népal ». Et d’ajouter : « le gouvernement du Népal devrait profiter de la Journée internationale pour l’élimination de la violence sexuelle en temps de conflit pour reconnaître que la violence sexuelle était répandue pendant la guerre civile. C’est l’occasion de s’attaquer à l’impunité endémique qui règne dans le pays et d’offrir sans plus tarder une réparation complète aux survivants. »
En 2014, Sara (nom d’emprunt) a été gravement torturée au Burundi. Cinq ans plus tard, les faits demeurant impunis, TRIAL International a porté son affaire au niveau international.

Au cours de l’année 2014, les autorités burundaises ont mené une vague de répression à l’encontre de l’opposition politique et les membres de la société civile dans le pays. De nombreuses personnes ont fait l’objet de détentions et de tortures. Sara était l’une d’entre elles.
En mars 2014, à l’occasion d’une journée de manifestation de formations politiques à Bujumbura, des policiers sont intervenus pour réprimer les rassemblements. Au cours de cette opération, Sara, membre d’un parti de l’opposition, a été arrêtée et violemment passée à tabac.
Les policiers ont concentré leurs coups sur des parties du corps particulièrement sensibles, notamment le dos, les reins et les seins, afin de lui infliger une douleur plus aiguë. Gravement blessée, elle a été embarquée par les autorités, qui l’ont continuellement insultée et intimidée. Malgré son état de santé inquiétant, on lui a initialement refusé des soins médicaux, et ce n’est seulement qu’après de longues heures qu’elle a finalement pu être hospitalisée.
Quelques jours après, et alors qu’elle continuait de présenter des blessures profondes, Sara a été contrainte de quitter l’hôpital et a été emmenée dans un cachot, où elle a été interrogée et détenue pendant plusieurs heures. Par la suite, elle a été transférée en prison. Elle est restée en détention pendant plus d’un an dans des conditions déplorables.
Pas d’enquête pour reconnaître les faits
Sara a dénoncé les actes de torture commis à son encontre à de nombreuses reprises et à plusieurs entités nationales. Elle a même identifié les responsables. Malgré cela, aucune enquête n’a été menée par les autorités burundaises.
La torture continue d’être niée… mais reste monnaie courante
Face à l’inaction des autorités burundaises, TRIAL International a saisi une instance internationale, afin que les souffrances de Sara soient enfin reconnues, et qu’elle puisse ainsi obtenir réparation.
Mais le cas de Sara n’est pas isolé. De nombreuses personnes ont également été torturées au Burundi, simplement pour avoir montré un avis contraire au gouvernement. La Commission d’enquête des Nations Unies sur le Burundi a d’ailleurs déclaré en 2018 que ces pratiques continuaient à l’encontre des opposants politiques.
La procédure est en cours.
Les audiences se sont ouvertes en novembre 2018, et pourtant elles sont loin de se terminer. Et pour cause : le procès du seigneur de guerre Ntabo Ntaberi, dit Sheka, est l’un des plus complexes jamais tenus au Nord Kivu.
Comment juger les crimes d’une des pires milices de l’est de la République démocratique du Congo (RDC), qui a sévi pendant plus de cinq ans sur des centaines de kilomètres carrés ?
Pire encore : comment garantir la sécurité des victimes quand le principal accusé, le chef de guerre Sheka, se targue encore aujourd’hui de soutiens dans la région ? TRIAL International, au sein du Cadre de concertation du Nord Kivu*, aide les acteurs judiciaires à relever les défis de ce dossier.
Des premières audiences porteuses d’espoir
Le procès avait commencé sous de bons hospices. «Les premières victimes à être entendues, en février 2019, étaient six anciens enfants soldats recrutés par la milice de Sheka. Ils avaient passé des mois, parfois des années au sein du groupe» explique Elsa Taquet, conseillère juridique déployée à Goma pour suivre l’affaire. «Ils ont fourni des explications très détaillées sur le fonctionnement de la milice, la chaine de commandement qui remontait jusqu’à l’accusé et les techniques barbares employées pour terrifier la population.»
Garantir la sécurité des victimes
Mais la comparution des enfants soldats ne s’est pas faite sans difficulté. Un plan de protection extrêmement poussé a dû être élaboré… et sa solidité n’a pas tardé à être testée. En effet, à l’approche de leur comparution, les jeunes ont été menacés au téléphone s’ils témoignaient contre Sheka.
«Au sein du Cadre de Concertation du Nord Kivu, le groupe en charge de la protection a immédiatement organisé leur relocalisation et renforcé leur protection. Le plan de sécurité, que TRIAL International a contribué à élaborer, envisageait cette éventualité. Nous avons donc pu réagir rapidement» commente Elsa Taquet. Une prise en charge qui a permis aux six enfants soldats de témoigner devant la cour.
En revanche, la majorité des témoins d’un épisode crucial pour l’Accusation (l’attaque du village de Luvungi en juillet 2010) a renoncé à comparaitre, malgré un plan de protection stricte mis en place, par crainte de représailles. Seules deux femmes, faisant preuve d’un courage exceptionnel, ont finalement accepté de faire face à leur bourreau. Leur récit a particulièrement marqué la Cour et a permis d’exposer une autre pratique effroyable du groupe : le viol de masse comme tactique de guerre.
En savoir plus sur l’accompagnement des victimes dans l’affaire Sheka
Un retour en arrière ?
Malheureusement, après des débuts prometteurs, les audiences semblent s’enliser. Sheka et ses co-prévenus multiplient les stratégies dilatoires pour que la procédure s’éternise. De plus, le rythme des audiences a diminué, début mai, la Cour ne siégeait que trois à quatre heures par jour, deux jours par semaine.
Bien sûr, la Cour doit traiter d’autres affaires en sus de ce procès. Mais la frustration d’Elsa Taquet demeure : «Quand les crimes sont si graves, il est décevant que le dossier n’évolue pas plus vite. Et pour les victimes, chaque report de leur comparution multiplie les risques sur leur sécurité, entame leur confiance en la justice et leur détermination à témoigner… Les avocats font un vrai travail pédagogique pour leur expliquer les longueurs de la procédure afin qu’elles restent actives et investies.»
Adapter la stratégie juridique
Face à ces revers, TRIAL International a adapté sa stratégie juridique : les avocats des victimes présentent un nombre restreint de victimes et de témoins pour étayer les prochains chefs d’accusation.
Elsa Taquet justifie ce choix : «Notre but, c’est de démontrer l’ampleur des crimes de la milice de Sheka. Même si chaque témoignage de victime est unique et important, certains sont plus riches d’éléments incriminants. Nous misons donc sur ceux-là pour convaincre les juges de la culpabilité des accusés.»
Malgré ces ajustements, le procès promet de durer encore plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Un exercice de persévérance pour TRIAL International, ses partenaires et surtout les victimes de Sheka qui attendent toujours justice.
* Le travail de TRIAL International au Nord Kivu est mené au sein du Cadre de concertation, un réseau informel d’acteurs internationaux qui coopèrent afin de soutenir le travail des juridictions militaires congolaises dans l’investigation et la mise en accusation des auteurs de crimes de masse au Nord Kivu.
(Genève, Berlin, New York, le 3 juin 2019)
Trois ONG actives sur les questions de responsabilité pour les crimes atroces commis en Syrie – Syrian Archive, TRIAL International et Open Society Justice Initiative – ont déposé des plaintes pénales auprès des procureurs d’Anvers, Hambourg et Essen. Ils demandent aux autorités de poursuite de clarifier le rôle de trois entreprises européennes dans l’expédition vers la Syrie, en 2014, de composants chimiques pouvant servir aussi bien à la fabrication de produits pharmaceutiques que d’armes chimiques. Il y a deux mois, les mêmes organisations avaient informé les autorités douanières belges et allemandes, qui avaient répondu ne pas être au courant de ces exportations. Elles ont donc décidé de porter l’affaire au niveau supérieur.
Les plaintes sont basées sur des documents d’exportation et une enquête menée par les trois ONG, indiquant que les trois sociétés – BASF Antwerpen NV, Sasol Germany GmbH et Brenntag AG (ainsi que sa filiale suisse) – pourraient avoir participé à l’expédition en 2014 d’isopropanol et de diéthylamine vers la Syrie, en transitant par la Suisse.
« Il est temps que ces transactions fassent l’objet d’une enquête approfondie », déclare Montse Ferrer, coordinatrice de la responsabilité des entreprises auprès de TRIAL International. « Il y a suffisamment de preuves pour qu’une enquête puisse être ouverte. Nous espérons que les procureurs pourront clarifier comment des composants à double usage fabriqués par des entreprises européennes se sont retrouvés en Syrie. »
Ces deux produits sont utilisés dans la production de produits pharmaceutiques. Mais l’isopropanol peut également être utilisé dans la production de gaz sarin, un agent chimique mortel qui a été utilisé par le gouvernement syrien contre les civils. La diéthylamine est également utilisée dans la production de VX, un agent neurotoxique très puissant que l’on trouve dans les stocks d’armes chimiques de la Syrie.
À l’époque, les deux produits chimiques figuraient sur une liste de matières à double usage faisant l’objet de restrictions à l’exportation, en vertu de sanctions de l’Union européenne (UE). Une autorisation préalable était requise pour leur exportation directe ou indirecte vers la Syrie. Le régime de sanctions de l’UE s’applique également aux actions de ses citoyens, même en dehors du territoire de l’Union. Les trois ONG demandent donc aux procureurs de déterminer si les sociétés européennes ont contourné ces sanctions.
AU NEZ ET À LA BARBE DES AUTORITÉS DOUANIÈRES
Selon les plaintes, l’agence belge compétente en matière d’exportation a déclaré n’avoir reçu aucune demande d’autorisation pour l’exportation de diéthylamine de Belgique vers la Syrie comme destination finale. L’agence allemande de contrôle des exportations a déclaré pour sa part ne pas avoir autorisé de tels envois pendant la période en question.
En avril 2018, le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) a déclaré que l’expédition d’isopropanol en provenance de Suisse était légale au regard du droit suisse. Le SECO a ajouté que le client était « une société pharmaceutique privée syrienne » et qu’il n’y avait « aucune indication qu’il avait des liens avec le gouvernement syrien à l’époque, ni aujourd’hui ».
DES LIENS ÉTROITS AVEC LE GOUVERNEMENT SYRIEN
Par la suite, trois journaux suisses, Le Matin Dimanche, la Sonntagszeitung et la Tribune de Genève, ont révélé des détails supplémentaires sur ces ventes, notamment le nom de l’entreprise syrienne qui a acheté la cargaison, Mediterranean Pharmaceutical Industries (MPI), étroitement liée au gouvernement syrien.
MPI a obtenu une licence pour fabriquer du gel Voltaren, un anti-inflammatoire en vente libre qui utilise les deux produits chimiques, par une filiale de Novartis, la société pharmaceutique suisse. Toutes les compagnies affirment que leurs actions étaient conformes à la réglementation en vigueur en matière de sanctions. Novartis, en particulier, affirme que la diligence raisonnable qu’elle a exercée sur MPI « n’a révélé aucun signe avant-coureur ».
Pourtant, l’enquête menée par les trois ONG montre qu’en 2014, MPI était dirigée par Abdul Rahman Attar, aujourd’hui décédé, qui était un homme d’affaires de premier plan, étroitement lié à de hautes personnalités du gouvernement syrien. Au moment de l’exportation, M. Attar était soupçonné d’avoir tenté de contourner les sanctions américaines. « Attar avait d’étroites relations d’affaires avec Cham Holdings, une société qui a été sanctionnée en Suisse et dans l’UE depuis 2012, et aux Etats-Unis et au Canada depuis 2011 », a déclaré Hadi al Khatib, directeur de Syrian Archive.
DES PRODUITS INTERDITS MAIS TRÈS RÉPANDUS
L’ONU a ouvert une enquête sur l’utilisation possible d’armes chimiques en Syrie en avril 2013, après la publication des premiers rapports mentionnant l’utilisation d’armes chimiques en décembre 2012.
L’exportation de 5 000 kg d’isopropanol a eu lieu après que l’Organisation pour l’interdiction des Armes Chimiques eut annoncé en mai 2014 que la Syrie avait détruit son stock de 120 tonnes d’isopropanol.
En avril 2017, près de 100 personnes ont été tuées et plus de 200 blessées lors d’une attaque au gaz sarin, produit avec de l’isopropanol, à Khan Shaykun.
L’accès à la justice est plus que jamais essentiel pour apaiser les tensions dans les provinces du Nord et du Sud Kivu en République démocratique du Congo (RDC), déchirées depuis des décennies par des violences. Avocats Sans Frontières (ASF), RCN Justice & Démocratie (RCN) et TRIAL International y ont lancé le 21 et 23 mai 2019 un projet commun de lutte contre l’impunité. Deux ateliers organisés à Goma et Bukavu ont rassemblé plus d’une centaine d’acteurs de la poursuite contre les crimes internationaux.

Compétition pour les ressources naturelles, rivalités régionales et tensions ethniques sont la source de nombreuses violations des droits humains dans le Nord et le Sud Kivu. Si, entre 2016 et 2018, des centaines de victimes ont pu voir leurs auteurs poursuivis et sanctionnés pour crimes de masse, le chemin est encore long pour que tous les responsables soient jugés et que les victimes obtiennent réparation.
Financé par l’Union européenne pendant 3 ans, le projet « Soutenir les efforts de la lutte contre l’impunité en République démocratique du Congo » a pour objectif de renforcer l’accès à la justice des personnes et communautés victimes de crimes internationaux.
Une réponse coordonnée aux enjeux identifiés
Les ateliers de lancement du projet ont précisément été l’occasion pour les acteurs conviés de réfléchir ensemble aux enjeux et défis actuels de la lutte contre l’impunité des crimes internationaux en RDC, et de réaffirmer l’importance d’agir de concert afin d’y apporter une réponse holistique.
Joel Phalip, Chef de mission pour RCN, précise : « Cette réponse passera entre autres par le renforcement des capacités techniques des acteurs de l’offre de justice (notamment les cours et tribunaux civils et militaires). Nous souhaitons également renforcer la participation des victimes à toutes les étapes des procès, et la collaboration entre les victimes et les acteurs judiciaires. »
Une volonté commune de coopération
Les participants ont, eux aussi, insisté sur l’importance de la coordination et de la collaboration dans le secteur, comme le souligne Walid Henia, Conseiller militaire sur les enquêtes au sein de la MONUSCO et responsable de la Task Force de Bukavu : « Nous devons être ensemble, fédérer nos énergies et mener des actions en synergie, pour apporter un meilleur appui aux autorités judicaires dans la lutte contre l’impunité des crimes graves ou crimes de masses, pour les victimes ».
Deux autres participants complètent : « Nous devons absolument trouver des outils et des moyens d’harmoniser nos connaissances et nos manières d’agir ensembles. » « Pour une plus grande transparence, nous avons vraiment besoin de tous collaborer, cours et tribunaux, ONG, organisations de la société civile, partenaires techniques et financiers, médias… cela nous permettra de déconstruire de nombreux clichés et stéréotypes qui entourent la justice et la poursuite des crimes pénaux internationaux, et de recréer un lien de confiance avec les populations. »
Il y a tout juste un an, le Tribunal pénal fédéral (TPF) reconnaissait l’existence d’une guerre civile en Algérie pendant la décennie noire, entre 1992 et 2002. Un arrêt très complet, qui compile en une décision de nombreux aspects du droit international. TRIAL International propose une traduction en anglais des passages clés de l’arrêt pour en faciliter l’accès aux acteurs internationaux concernés.
« La décision du TPF est le premier arrêt au monde à reconnaitre l’existence d’un conflit armé non international en Algérie durant la décennie noire. Elle méritait donc d’être traduite et largement diffusée », déclare Philip Grant, directeur de TRIAL International. Rendue il y a tout juste un an dans l’affaire Khaled Nezzar – du nom de l’ancien Ministre de la défense algérien poursuivi pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité –, celle-ci venait contredire la décision de clôture du Ministère public de la Confédération (MPC). Le texte de la décision dépasse pourtant le cadre de l’affaire Nezzar, en s’interrogeant sur deux points fondamentaux : l’existence de crimes de guerre et la possibilité de poursuivre des crimes contre l’humanité.
Simples troubles internes ou véritable conflit ?
Or sans conflit armé, pas de crimes de guerre possibles. Pour statuer sur l’existence d’un tel conflit, le Tribunal a dû commencer par fixer un cadre d’analyse fondé sur l’examen du droit international, avant d’y appliquer le contexte algérien de la décennie noire. Sur cette base, le Tribunal a conclu que les affrontements avaient atteint un degré suffisant d’intensité, et que les groupes armés islamistes bénéficiaient d’une structure suffisamment organisée pour qualifier le conflit de guerre civile.
Ainsi, les éléments du dossier révèlent de nombreux affrontements entre le gouvernement et ses opposants. Signe de la virulence des combats et de la détermination des forces gouvernementales, une déclaration de Nezzar citée par le TPF, selon laquelle les forces de l’ordre avaient voulu « assécher ce nid de terroristes par tous les moyens ».
Quant à la seconde question, de savoir si la poursuite de crimes contre l’humanité est pertinente, l’arrêt répond par l’affirmative. Il relève que les caractéristiques de ce type de crimes ne sauraient être niées, au vu du niveau d’organisation, du nombre de victimes et de la pratique systématique de la torture – des éléments déterminants dans l’examen du TPF. C’est dans ce cadre précis que le MPC aurait dû examiner si Nezzar pouvait être accusé de torture, ce qu’il n’a manifestement pas fait. A en croire le TPF, la décision de classement était pourtant précipitée à ce stade de la procédure. Alors pourquoi une telle hâte … ?
Le 20 mai 2019, le Comité des droits de l’homme des Nations unies (CDH) a rendu une décision historique dans l’affaire Fulmati Nyaya (pseudonyme), une femme autochtone victime de viol, de torture et de travail forcé pendant le conflit armé népalais : pour la première fois, l’ONU reconnaît l’existence du travail forcé dans le contexte népalais, et propose une approche globale à la question des violences sexuelles.
« C’est la première fois que le CDH rend une décision concernant l’interdiction du travail forcé prévue à l’article 8(3) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques », a déclaré Helena Rodríguez-Bronchú Carceller, conseillère juridique et responsable du programme Népal de TRIAL International. L’organisation est venue soutenir la quête de justice de la jeune femme depuis juin 2014. « Le Comité a également reconnu que le travail forcé était utilisé comme une forme de traitement cruel contre les détenus népalais pendant le conflit armé. Cette décision peut encourager d’autres victimes de travail forcé à demander justice. » En 2002, Fulmati Nyaya, alors âgée de 14 ans, avait été arrêtée par l’Armée royale népalaise et contrainte de travailler à la construction d’un temple dans la caserne, transportant des briques et du sable et fabriquant du ciment.
Au cours de la même période, elle a également été violée à plusieurs reprises et soumise à d’autres formes de violence sexuelle, de torture et de traitements inhumains. « Les conclusions du Comité sur la violence sexuelle sont également remarquables, car celui-ci adopte une approche holistique de l’impact de la violence sexuelle sur la vie de la victime », a ajouté Mme Rodríguez-Bronchú. En effet, pour la première fois, le Comité a reconnu que la stigmatisation, la marginalisation et la honte subies par Fulmati Nyaya constituaient une violation à part entière de ses droits, car elles interféraient avec sa vie privée et son autonomie sexuelle.
Enfin, le Comité a reconnu que les violations étaient discriminatoires… femme, mineure et autochtone, Fulmati Nyaya souffrait d’une triple discrimination.
VERS UN CADRE LÉGAL PLUS PROCHE DES STANDARDS INTERNATIONAUX
Dans le même ordre d’idées, le Comité a demandé au Népal de lever tous les obstacles qui empêchent les victimes de violences sexuelles en temps de conflit d’obtenir justice et réparation. Il a en outre ajouté que les organes de justice transitionnelle ne pouvaient pas se dispenser de poursuivre au pénal les auteurs de violations graves des droits humains, comme c’est trop souvent le cas à l’heure actuelle. « Je ne sais même pas si la Commission vérité et réconciliation a examiné ma plainte pendant tout ce temps. Ils ne m’ont jamais appelée », a déclaré Fulmati Nyaya.
L’instance onusienne invite le Népal à prendre une série de mesures pour empêcher que ces crimes ne se reproduisent, notamment en étendant la prescription pour les cas de viol. « Le Népal a récemment porté de 35 jours à un an le délai de prescription pour signaler un viol. Cette décision montre que, bien que cette modification législative soit la bienvenue, elle est encore insuffisante si le Népal veut respecter les normes internationales en matière de droits humains », a ajouté Mme Rodríguez-Bronchú.
LENDEMAINS INCERTAINS
TRIAL International avait demandé au Comité de soutenir Fulmati Nyaya dans sa quête de justice. Grâce au CDH, elle a retrouvé espoir : « Je suis très heureuse que l’ONU m’ait donné raison. C’est comme si enfin quelqu’un m’avait entendue ; c’est pour cela que ça fait du bien », a dit la jeune femme. Cependant, elle est consciente des défis qui l’attendent. « Je ne sais pas quand ni comment le gouvernement népalais mettra en œuvre la décision de l’ONU, mais j’espère qu’il finira par le faire. Je veux qu’une enquête en bonne et due forme soit menée sur mon cas. Je veux à nouveau me sentir comme je l’étais avant ce qui m’est arrivé. »
CONTEXTE
En 2002, alors âgée de 14 ans, Fulmati Nyanya est arrêtée par des membres de l’armée royale népalaise ainsi que des Forces armées de la police, et conduite dans une caserne. La jeune fille issue d’une communauté autochtone y est détenue au secret pendant plus de 6 semaines durant lesquelles elle est soumise à des viols répétés et d’autres formes de violence sexuelle. Elle est également victime de tortures (passages à tabac répétés, maintien prolongé les yeux ont été bandés et les membres menottés, menaces de mort proférées à son encontre). Durant sa captivité, Fulmati Nyaya est en outre soumise au travail forcé et contrainte de signer des aveux reconnaissant son implication dans des activités terroristes. A sa libération, elle est contrainte de tenir les forces de sécurité au courant des mouvements de la rébellion maoïste.
Pour plus d’informations
Communiqué du CDH (en anglais)
Le rapport d’activité 2018 de TRIAL International est hébergé sur un site dédié.
Pour recevoir une version papier abrégée, merci de contacter le secrétariat de TRIAL.
Redécouvrez ici le rapport d’activité 2017
Le 16 mai 2019, les membres de TRIAL se sont réunis pour l’Assemblée générale de l’organisation.
A cette occasion, le Directeur exécutif Philip Grant est revenu sur les activités de 2018, notamment de nouvelles affaires, la stratégie régionale dans les Grands Lacs africains et la série de capsules vidéo Voices for Justice.
Lire le rapport d’activité 2018 complet
Le Président de TRIAL International, Daniel Bolomey a été réélu à l’unanimité. Après plus de huit ans au Comité, M. Jean-Jacques Martin a été remplacé par l’avocate genevoise Sonja Maeder Morvant.
Enfin, les comptes audités de 2018 ont été validés à l’unanimité.
Consulter le rapport de Codifa SA, réviseur des comptes, relatif aux comptes 2018 et au bilan
Consulter le projet de budget 2019
Vous souhaitez devenir membre de TRIAL et participer à la prochaine Assemblée générale ? L’adhésion est ouverte à tous.
Portraits de bénévoles #1

Depuis 2018, 12 bénévoles s’occupent spécifiquement de traduire les actualités du site de TRIAL International. Pour les remercier de leur engagement précieux, la série « Portraits de bénévoles » leur donne la parole. La première à se prêter à l’exercice est Aleksandra Chlon, traductrice freelance à Menton (France).
Quand et comment avez-vous entendu parler de TRIAL ?
J’ai entendu parler de TRIAL pour la première fois à l’université. Une professeure de traduction à Édimbourg (Écosse), où j’ai fait mon master, nous avait encouragé à y travailler pour améliorer nos compétences et gagner de l’expérience… tout en soutenant une cause formidable. Depuis octobre 2015, je suis restée fidèle au poste !
Parlez-nous un peu de vous…
Je me décrirais comme une globetrotteuse. Ma famille déménageait souvent quand j’étais plus jeune et j’ai habité dans plusieurs pays : Pologne, Finlande, Belgique, Estonie… J’ai fait mes études en Écosse et depuis un an je vis dans le sud de la France. Les langues ont donc toujours joué un rôle déterminant dans ma vie et j’ai toujours voulu devenir traductrice. Après un stage de traduction au Parlement Européen à Luxembourg et deux ans dans une agence de traduction en Écosse, je me suis lancé en freelance en janvier 2017. Àpart les langues, j’adore faire la randonnée et je fais aussi des vitraux.
Quels aspects de la mission de TRIAL vous parlent le plus ?
J’admire le travail fait par TRIAL. L’organisation offre une réelle aide aux victimes de crimes atroces, aux gens qui sont complètement négligés par leurs propres gouvernements et impuissants face aux injustices qui ont été commises envers eux. Les missions menées par TRIAL permettent de sauver des vies et je me sens honorée de pouvoir y contribuer, aussi modestement que ce soit.
Comment organisez-vous votre bénévolat dans le reste de votre emploi du temps ?
L’un des avantages d’être traductrice indépendante est que je travaille de chez moi et je reste maîtresse de mon emploi du temps. Cela veut dire que, tant que je n’ai pas de projets urgents à ce moment-là, je peux facilement prendre une demi-heure ou une heure pour effectuer une traduction pour TRIAL.
Qu’avez-vous appris depuis le début de votre bénévolat ?
Mon bénévolat m’a sensibilisée aux problèmes d’impunité et violations de droits humains dans le monde d’une manière beaucoup plus approfondie qu’en suivant simplement l’actualité. À travers les traductions, j’apprends des détails que je pense je n’aurais pas appris autrement. De plus, en faisant les recherches nécessaires pour traduire les textes, je fais souvent des digressions et je commence à lire l’histoire d’un pays africain ou un projet mené par les Nations Unies, par exemple.
Pensez-vous que votre expérience comme bénévole pourrait vous servir dans votre carrière ?
En tant que traductrice, toute expérience m’est bénéfique et améliore mes compétences professionnelles. Grâce au bénévolat chez TRIAL, j’approfondis mes connaissances et mon vocabulaire dans des thèmes avec lesquels je n’aurais pas affaire autrement : l’humanitaire, les droits humains, l’injustice et l’impunité, etc. De plus, je développe ainsi un domaine de spécialisation, ce qui est très important pour les traducteurs.
Les opposants au régime de Pierre Nkurunziza sont depuis longtemps la cible d’attaques et d’intimidations. David (nom d’emprunt), par exemple, a été lourdement torturé par les autorités burundaises en 2014. Aujourd’hui, il attend toujours que ses tortionnaires soient poursuivis.

En mars 2014, plusieurs personnes ont fait l’objet de détentions et de tortures à Bujumbura. Ces exactions s’inscrivaient dans un contexte de répression des membres de de la société civile et de l’opposition politique.
David était un haut représentant de l’opposition au Burundi. Lors d’une journée de manifestations à laquelle participaient plusieurs formations politiques, des agents de l’Etat l’ont blessé par balle et violemment frappé. Au lieu de recevoir des soins, il a ensuite été amené dans un cachot, où il a été interrogé et insulté. Toute assistance médicale lui a été niée. C’est seulement bien plus tard, suite à la pression de défenseurs des droits humains, qu’il a enfin été hospitalisé.
Un mois plus tard, dès que son état de santé l’a permis, David a été incarcéré. Il reste emprisonné depuis dans des conditions de détention affreuses.
Les responsables n’ont toujours pas été poursuivis
Cinq ans après les faits, les autorités burundaises n’ont toujours rien fait pour que les responsables soient sanctionnés. Bien que David ait dénoncé les faits commis à son encontre et identifié les responsables, aucune enquête n’a été menée par l’Etat.
Mais malgré les entraves de la justice nationale, l’affaire de David n’est pas une cause perdue : TRIAL International a saisi une instance internationale pour que les tortures commises à son encontre soient enfin reconnues.
L’Etat sera ainsi confronté à ses obligations, redonnant ainsi espoir aux nombreuses autres victimes dans la même situation de voir un jour leur cause entendue.
La procédure est en cours.
Le 5 mai est commémoré le 7e anniversaire des massacres de Lumenje et Kamananga au Sud Kivu (RDC), où une milice rebelle a assassiné 48 personnes. La route a été longue, mais la justice a fini par triompher.
Le 21 septembre 2018, une cour militaire à Bukavu a condamné à perpétuité deux hauts gradés d’un groupe rebelle pour meurtre et torture constitutifs de crimes contre l’humanité.
Ce succès est le résultat d’une coopération étroite entre les ONG WITNESS, eyeWitness to Atrocities et TRIAL International. Ensemble, elles ont assisté les avocats des victimes dans la collecte des preuves à charge, dont des vidéos et photos authentifiées.
Non seulement l’affaire a été un succès, mais c’était également la première fois que des preuves vidéo étaient versées et admises comme preuves à charge dans une affaire de crimes de masse en RDC.
Regardez la vidéo qui retrace les grandes étapes de ce projet unique :
Le travail de TRIAL International sur ce dossier a été mené dans le cadre de la Task Force Justice Pénale Internationale, un réseau informel d’acteurs internationaux qui collaborent afin de soutenir le travail des juridictions militaires congolaises dans l’enquête et la poursuite des crimes de masse en RDC.
Le travail de TRIAL International sur les dossiers de crimes internationaux en RDC ne serait pas possible sans le soutien du bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth du gouvernement britannique, du Département fédéral des affaires étrangères suisse et de la Coopération belge au développement.