Le Comité des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies a de nouveau condamné la Libye pour les graves et multiples violations des droits humains commises à l’encontre d’Abdeladim Ali Mussa Benali, victime à deux reprises de disparition forcée. Les experts onusiens appellent les nouvelles autorités libyennes à mener une enquête approfondie afin de faire la lumière sur sa disparition forcée et sur les tortures qu’il a subies en détention, à libérer immédiatement M. Benali s’il est encore détenu ou remettre sa dépouille à sa famille s’il est décédé en détention. La Libye doit en outre punir les auteurs de ces crimes et accorder une indemnisation appropriée à la victime. TRIAL et Alkarama, qui ont représenté M. Benali, appellent la Libye à se conformer à la décision du Comité et à œuvrer à la mise en place d’un véritable Etat de droit dans le pays.

Abdeladim Ali Mussa Benali, arrêté une première fois le 9 août 1995 par des membres de l’Agence de Sécurité Intérieure libyenne (ASI), a été détenu pendant plus de sept ans, jusqu’au 15 octobre 2002. Pendant les cinq premières années de sa détention, il a été privé de tout contact avec le monde extérieur et avec sa famille.

Le 16 février 2005, M. Benali a été arrêté pour la deuxième fois par des membres de l’ASI. Ses proches n’ont reçu des nouvelles de lui qu’au début de l’année 2006, lorsqu’ils ont enfin été informés qu’il se trouvait à la prison d’Abu Slim, près de Tripoli. Ils ont été autorisés à lui rendre visite une fois par mois jusqu’en automne 2006. Les visites ont ensuite été suspendues suite à une émeute qui éclaté en octobre 2006 à l’intérieur de la prison, émeute qui a été réprimée dans le sang. Afin d’éviter un plus grand massacre, M. Benali a joué un rôle clé en se servant d’un téléphone portable pour avertir des sources de l’extérieur.

M. Benali a disparu de la prison d’Abu Slim le 23 mars 2007. Son enlèvement est sans doute une mesure de représailles des autorités en réponse au rôle qu’il a joué lors des protestations qui se sont déroulées à l’intérieur de la prison en octobre 2006. Au cours de ses deux détentions, M. Benali a été gravement torturé à plusieurs reprises, et placé en cellule d’isolement pendant près de deux ans, dans un cachot souterrain insalubre. En près de dix ans de détention, jamais la victime n’a été inculpée pour un quelconque délit, à aucun moment elle n’a été présentée devant une autorité judiciaire.

Dans une décision qui vient d’être rendue, le Comité des droits de l’homme a condamné la Libye pour de multiples violations des droits de l’homme contenus dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Comité reconnaît qu’ Abdeladim Ali Mussa Benali a été victime à deux reprises de disparition forcée, d’arrestation illégale, de torture et de traitements cruels, inhumains et dégradants. Le frère de M Benali a lui même été victime de mauvais traitements de par la détresse mentale et l’angoisse dont il a souffert tout au long de ces longues années sans aucune nouvelle de son proche.

Le Comité exige de la Libye qu’elle libère immédiatement Abdeladim Ali Mussa Benali s’il est encore détenu, ou qu’elle remette sa dépouille à sa famille s’il est décédé en détention. En outre, les autorités libyennes doivent mener une enquête approfondie sur sa disparition et les tortures subies en détention. Le Comité souligne également l’obligation de la Libye de poursuivre, juger et punir les responsables des abus commis, de fournir une indemnisation adéquate aux victimes ainsi que de veiller à la non-répétition de telles violations à l’avenir.

TRIAL et Alkarama, qui ont défendu les victimes devant le Comité des droits de l’homme, saluent la récente décision rendue par le Comité, en espérant qu’elle puisse finalement permettre d’établir la vérité sur les violations graves des droits de l’homme commises par l’ancien régime libyen et ouvrir une brèche dans le voile d’impunité qui protège encore les auteurs de ces crimes odieux.

Cette affaire est la troisième soumise par TRIAL et Alkarama qui donne lieu à une décision. En mai 2012 et encore en février 2013, le Comité des droits de l’homme avait déjà condamné la Libye pour d’autres cas de violations graves des droits de l’homme, y compris des cas de torture et disparitions forcées.

La Libye dispose d’un délai de six mois pour informer le Comité des mesures qu’elle a prises pour mettre en œuvre sa décision. Les deux organisations suivront de près la mise en œuvre de la décision afin de s’assurer que les droits des victimes et leur dignité soient finalement rétablis.

Pour plus d’information:

Le Comité des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies vient de condamner la Libye à la suite des graves et multiples violations des droits humains commises à l’encontre d’un ressortissant libyen. Les nouvelles autorités libyennes ont maintenant l’obligation de mener une enquête effective et approfondie afin de faire la lumière sur la disparition forcée d’Abdussalam Il Khwildy et les tortures qu’il a subies en détention, de punir les auteurs de ces crimes et d’accorder une indemnisation appropriée. TRIAL et Alkarama, qui ont représenté la victime, appellent la Libye à se conformer à la décision du Comité et à œuvrer à la mise en place d’un véritable Etat de droit dans le pays.

Abdussalam Il Khwildy a été arrêté une première fois en avril 1998 avec son père et ses trois frères. Après la libération du reste des membres de sa famille, Abdussalam Il Khwildy a été maintenu en détention secrète pendant des années sans que sa famille ne soit jamais informée de sa situation. Il a été maltraité et régulièrement soumis à la torture. Il a finalement été libéré en mai 2003 sans jamais avoir été traduit devant un juge ou un tribunal.

Il a de nouveau été arrêté arbitrairement le 17 octobre 2004, maintenu en détention, et, suite à un procès inéquitable mené au mépris des garanties judiciaires les plus élémentaires, a été condamné le 7 août 2006 à deux ans d’emprisonnement par un tribunal spécial. Le 19 octobre 2006, alors qu’Abdussalam devait être libéré, il a disparu dans les méandres du système carcéral libyen. Ses parents sont restés sans nouvelles de lui et ont complètement perdu sa trace. Les autorités libyennes ont démenti qu’il était encore détenu et ont refusé de transmettre toute information autre que celle qu’il avait été libéré.

En mai 2008, la victime a finalement été autorisée à appeler sa famille et à l’informer qu’il était détenu à la prison d’Abou Slim. Abdussalam Il Khwildy est resté en détention jusqu’à sa libération le 22 août 2011, suite au changement de régime intervenu en Libye.

Dans une décision qui vient d’être rendue, le Comité des droits de l’homme a condamné la Libye pour de multiples violations du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’une des plus importantes conventions des droits de l’homme des Nations unies. Le Comité reconnaît qu’Abdussalam Il Khwildy a été victime à deux reprises de disparition forcée ainsi que de torture et de traitements cruels, inhumains et dégradants. La Libye a également infligé à Khaled Il Khwildy, frère d’Abdussalam, un mauvais traitement inadmissible de par la détresse mentale et l’angoisse qu’il a subies durant de longues années à cause de l’absence totale de nouvelles concernant le destin de son frère.

Le Comité exige de la Libye une enquête effective et approfondie sur la disparition d’Abdussalam Il Khwildy et sur les tortures subies en détention. Le Comité souligne également l’obligation de la Libye de poursuivre, juger et punir les responsables des abus commis et de fournir une indemnisation adéquate aux victimes.

TRIAL et Alkarama, qui ont défendu les victimes devant le Comité des droits de l’homme, expriment leur grande satisfaction à l’issue de la procédure. Pour Philip Grant, directeur de TRIAL, « la Libye doit enfin respecter les règles de l’Etat de droit, et mettre rapidement en œuvre cette décision ». Pour Rachid Mesli, directeur juridique d’Alkarama, « il est grand temps que la Libye regarde son passé en face et mette un terme à l’impunité généralisée ».

La Libye dispose d’un délai de six mois pour informer le Comité des mesures qu’elle a prises pour mettre en œuvre sa décision. Les deux organisations suivront de près la mise en œuvre de la décision afin de s’assurer que les droits des victimes et leur dignité soient finalement rétablis.

Pour plus d’informations:

Le Comité des Nations unies a récemment condamné l’Algérie pour un nouveau cas de disparition forcée. En août 1996, M. Bouzid Mezine, un chauffeur de taxi âgé de 32 ans, a été victime de disparition forcée lors d’une opération de police dans son quartier. Il n’a pas été revu depuis. Ce cas est le sixième que TRIAL gagne contre l’Algérie.

 

Pendant plus de dix ans, les proches de M. Mezine se sont adressés à toutes les autorités compétentes pour élucider le sort du disparu mais sans succès. Un ex-détenu de la prison militaire de Blida a rapporté l’avoir vu deux mois après son arrestation. Malgré les efforts constants de la famille, les autorités algériennes n’ont réussi à fournir aucune information sur le sort de M. Mezine, aucune enquête sérieuse n’a été ouverte et personne n’a jamais été poursuivi pour sa disparition forcée.

1-Photo_mezine_bouzid_04L’arrestation et la disparition de M. Mezine a eu lieu dans le contexte général des disparitions forcées de milliers de citoyens algériens aux mains de l’armée ou des services de sécurité de l’Etat lors de la guerre civile d’Algérie entre 1992 et 2002.

Depuis la promulgation de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale en février 2006, les proches du disparu se trouvent confrontés à l’interdiction légale de recourir à toute instance judiciaire, toute affaire relative à la période de la guerre civile algérienne étant irrecevable dans le système judiciaire algérien.

Dans sa décision, le Comité des droits de l’homme observe qu’en raison de la disparition forcée de Bouzid Mezine, l’Algérie a violé plusieurs dispositions du Pacte International relatif aux droits civils et politique, en particulier, le droit à la vie et le droit à ne pas être soumis à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements. En vertu de ces violations, l’Algérie a également infligé aux membres de la famille de la personne disparue un traitement inadmissible en provoquant des souffrances psychologiques qu’il leur a fallu surmonter.

Le Comité demande maintenant à l’Algérie de « mener une enquête approfondie et rigoureuse sur la disparition de M. Bouzid Mezine ». L’Algérie doit également « fournir aux auteurs des informations détaillées quant aux résultats de son enquête », « le libérer immédiatement s’ils est toujours détenu au secret » ou « restituer sa dépouille à sa famille » en cas de décès. Le Comité insiste par ailleurs sur l’obligation qu’a l’Algérie de « poursuivre, juger et punir les responsables des violations commises ». L’Algérie doit également indemniser de manière appropriée la famille de la victime pour les violations subies.

L’Algérie doit par ailleurs garantir l’efficacité de son système judiciaire domestique, en particulier en ce qui concerne les victimes de torture, d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées, et prendre des mesures pour éviter que de telles violations se reproduisent.

TRIAL salue la récente décision du Comité, en espérant qu’elle puisse finalement permettre d’établir la vérité sur les violations graves des droits de l’homme qui ont eu lieu durant le conflit interne algérien et faire une brèche dans le voile d’impunité qui protège encore les auteurs de ces crimes odieux.

Selon Philip Grant, Directeur de l’association TRIAL, « c’est parce que l’impunité a été érigée en pierre angulaire de la politique algérienne durant la dernière décennie, que les victimes des atrocités commises durant la guerre civile n’ont pas d’autre option que de recourir aux mécanismes internationaux des droits de l’homme pour obtenir justice. Les organes onusiens condamnent systématiquement l’Algérie pour ses manquements au droit international. Il est temps maintenant que les autorités algériennes respectent l’état de droit, qu’elles initient des enquêtes efficaces sur ces violations des droits de l’Homme afin de dévoiler enfin la vérité sur ces tragédies, qu’elles jugent et condamnent les responsables des crimes et offrent une réparation équitable aux victimes. L’impunité ne peut plus être la règle en Algérie. »

Contexte

Cette affaire est la sixième soumise par TRIAL qui donne lieu à une décision. En 2011 et 2012, le Comité des droits de l’homme et le Comité contre la torture avaient déjà condamné l’Algérie, respectivement, pour quatre affaires de disparitions forcées et un cas de décès sous la torture. Treize autres cas défendus par TRIAL sont actuellement pendants contre l’Algérie devant le Comité des droits de l’homme et le Comité contre la torture.

Au total, TRIAL a soumis plus de 130 affaires devant différentes instances internationales (Cour européenne des droits de l’homme, Comité des droits de l’homme et Comité contre la torture), concernant des affaires de disparitions forcées, d’exécutions extrajudiciaires et de torture en Algérie, Bosnie-Herzégovine, Burundi, Libye et Népal.

Pour en savoir plus:

Le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies a adopté ses Observations finales concernant le second rapport périodique de la Bosnie-Herzégovine sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Bien que certains progrès aient été faits, de nombreuses mesures restent à prendre, en particulier en ce qui concerne les familles des personnes disparues, les anciens détenus de camps et les victimes de viol et d’autres formes de violences sexuelles durant le conflit.

En septembre 2012, TRIAL (Association suisse de lutte contre l’impunité), en collaboration avec six autres associations de familles de disparus,1 quatre associations engagées dans la défense des victimes de viol et d’autres formes de violences sexuelles en temps de guerre,2 sept associations et fédérations d’associations d’anciens détenus de camps,3 a soumis un rapport alternatif à propos du second rapport périodique de la Bosnie-Herzégovine, soulignant l’importance constante des violations des droits fondamentaux des catégories de personnes protégées susmentionnées.

Le 22 octobre 2012, TRIAL a participé à Genève, en présence de nombreux représentants d’ONGs internationales et bosniaques, à une réunion privée avec le HCR durant laquelle TRIAL a soulevé les problèmes que pose la défaillance continue des autorités à enquêter efficacement, à juger et à sanctionner les responsables de disparitions forcées, de torture et de viol durant la guerre; l’inapplication de la Loi sur les personnes disparues; l’absence systématique d’exécutions des décisions de la Cour Constitutionnelle de la Bosnie-Herzégovine et les restrictions à la liberté d’expression et à la liberté de rassemblement dont ont été récemment la cible des associations dans la région du Prijedor.

Les 22 et 23 octobre 2012, le Comité des Droits de l’Homme a examiné le rapport présenté par la Bosnie-Herzégovie et les réponses données par la délégation du gouvernement bosniaque à la « liste de questions » adoptée ultérieurement. Durant la session, le Comité a soulevé les problèmes rapportés par TRIAL et a cherché à obtenir des explications et des clarifications de la part de l’Etat bosniaque.

Le 2 novembre 2012, le Comité des Droits de l’Homme a publié une première version de ses observations finales exprimant ses préoccupations quand à la lenteur des poursuites des crimes de guerre, en particulier celles qui traitent de la violence sexuelle, ainsi qu’à l’absence de soutien des victimes de ces crimes et des témoins lors des procès pour crimes de guerre. L’application du code pénal de la République Fédérale Socialiste de Yougoslavie en lieu du code pénal de 2003 a été considérée problématique puisqu’elle affecte la cohérence entre la façon de condamner ceux qui ont commis des crimes pendant la guerre devant les différentes juridictions du pays, ce qui peut résulter en une discrimination indue. Le Comité s’est aussi montré préoccupé par le retard pris à l’adoption de la Stratégie sur la Justice transitionnelle et la loi sur les droits des victimes de torture, ainsi que le fait que les prestations d’invalidité reçues par les victimes civiles de la guerre sont nettement inférieures à celles reçues par les vétérans de guerre. En outre, les familles des disparus doivent déclarer leurs proches comme « morts » pour accéder et recevoir régulièrement une pension d’invalidité mensuelle, ce qui n’est pas compatible avec les standards internationaux.

A la lumière de ces constatations, le Comité des Droits de l’Homme a recommandé à la Bosnie-Herzégovine, entre autres, d’accélérer la procédure de poursuite des crimes de guerre; d’assurer une protection effective et un soutien psychologique aux témoins et aux victimes durant les procès pour crimes de guerre, et d’enquêter rapidement sur les cas d’intimidation ou de menaces; de prendre des mesures concrètes pour s’assurer que les survivants de violences sexuelles et de torture aient accès à la justice et à la réparation, ainsi que d’harmoniser le système des prestations d’invalidité entre les entités et les cantons, et entre les victimes civiles et les vétérans; d’accélérer les enquêtes sur tous les cas irrésolus touchant des personnes disparues et s’assurer que l’Institut des personnes disparues reçoive des fonds adéquats et ait la capacité de mettre pleinement en œuvre pleinement son mandat. Par ailleurs, le Comité a recommandé que les libertés d’expression et de réunion soient garanties, et il a appelé les autorités à enquêter sur la légalité de l’interdiction faite d’organiser des cérémonies de commémoration en lien avec la guerre, en particulier dans la région de Prijedor.

Le 2 novembre 2013, la Bosnie-Herzégovine aura à soumettre un rapport de suivi sur les mesures adoptées pour mettre en œuvre les recommandations du Comité des Droits de l’Homme. Les conclusions et les recommandations du Comité constituent une feuille de route complète adressée aux autorités de Bosnie-Herzégovine, qui doivent être appliqués sans délai. TRIAL s’engage à faire connaître le dispositif de ces Observations finales et suivre la mise en œuvre de ces recommandations, en plaidant auprès des autorités nationales compétentes pour leur application rapide.

Pour plus d’information

 


1Association des familles des défendeurs tués et disparus lors de la guerre civile de la municipalité de Bugojno, Association des familles de personnes disparues de la municipalité de Ilijas, Association des familles des personnes disparues de Kalinovik- Istina-Kalinovik ’92, Association des familles des personnes disparues de la région de Sarajevo-Romanija, Association des familles des personnes disparues de la municipalité de Vogosa et Association des femmes de Prijedor-Izvor.

2Association des Femmes-Victimes de guerre, Sumejja Gerc, Vive Žene Tuzia, et la Section-femmes des Survivants de la torture de camp de concentration du Canton de Sarajevo.

3Association des détenus des camps de concentration de Bosnie-Herzégovine, Association des détenus du District de Brčko, Association croate des prisonniers de la guerre civile dans le Canton de Bosnie Centrale, Association croate des détenus de camp de la guerre civile à Vareš, Prijedor 92, Association régionale des détenus de camp de concentration Višegard, et l’Union des détenus de camps de concentration de la région de Sarajevo-Romanija.

Genève, le 11 septembre 2012.

Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a à nouveau condamné l’Algérie dans une affaire de disparition forcée. En mai 1996, M. Kamel Rakik, âgé de 33 ans, a été arrêté à son domicile, à une trentaine de kilomètres d’Alger, par des policiers de la wilaya d’Alger. Il a été emmené à l’école des officiers de police de Chateauneuf, où il a été torturé. Il n’a jamais été revu depuis.

Les membres de la famille de M. Kamel Rakik ont tout entrepris pour retrouver leur proche. Les autorités judiciaires, politiques et administratives ont notamment été saisies du dossier. Cependant, aucune enquête n’a été ouverte et aucun responsable poursuivi.

Dans sa décision, le Comité des droits de l’homme retient que l’Algérie, en faisant disparaître M. Kamel Rakik, a violé de nombreux droits garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’une des conventions les plus importantes des Nations unies, notamment le droit à la vie et celui de ne pas être soumis à la torture ou à des mauvais traitements. L’Algérie a également, ce faisant, infligé à la famille du disparu un traitement inadmissible, en raison de l’angoisse et de la détresse qu’elle lui a fait subir.

Le Comité demande maintenant à l’Algérie de « mener une enquête approfondie et rigoureuse sur la disparition de Kamel Rakik ». L’Algérie doit également « fournir aux auteurs des informations détaillées quant aux résultats de son enquête », « le libérer immédiatement s’ils est toujours détenu au secret » ou « restituer sa dépouille à sa famille » en cas de décès. Le Comité insiste par ailleurs sur l’obligation qu’a l’Algérie de « poursuivre, juger et punir les responsables des violations commises ». L’Algérie doit également indemniser de manière appropriée la famille de la victime pour les violations subies.

En particulier, le Comité rappelle qu’en matière de torture, d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées, les autorités judiciaires algériennes ne devraient pas appliquer l’Ordonnance 06-01 (adoptée suite à l’acceptation de la « Charte pour la paix et la réconciliation nationale » en 2005), qui accorde une impunité complète aux auteurs des pires violations commises durant la guerre.

TRIAL exprime sa grande satisfaction suite à cette nouvelle décision du Comité condamnant l’Algérie. Pour Philip Grant, directeur de l’organisation, « il est grand temps que l’Algérie se conforme à ses obligations internationales en matière de droits de l’homme. Cette décision est la cinquième condamnation par un comité onusien que TRIAL obtient à l’encontre de l’Algérie pour des cas de torture et de disparitions forcées. Les autorités algériennes doivent sans tarder mettre en oeuvre les décisions adoptées par les Comités et ouvrir des enquêtes sur les violations des droits de l’homme qui lui sont reprochées afin que la lumière soit faite sur ces tragédies, que les responsables soient poursuivis et condamnés et que les victimes obtiennent réparation. L’impunité pour ces crimes ne peut continuer à être la règle en Algérie ».

Contexte

Cette affaire est la cinquième soumise par TRIAL à un Comité onusien qui donne lieu à une décision. En mai, juin et décembre 2011, le Comité des droits de l’homme et le Comité contre la torture avaient déjà condamné l’Algérie pour des affaires de disparitions forcées, respectivement un cas de décès sous la torture. Quatorze autres cas défendus par TRIAL sont actuellement pendants contre l’Algérie devant le Comité des droits de l’homme et le Comité contre la torture.

Au total, TRIAL est actuellement en charge de plus de 130 affaires devant différentes instances internationales (Cour européenne des droits de l’homme, Comité des droits de l’homme et Comité contre la torture), concernant des affaires de disparitions forcées, d’exécutions extrajudiciaires et de torture en Algérie, Bosnie-Herzégovine, Burundi, Libye et Népal.

Pour en savoir plus

En septembre 2012, TRIAL, en collaboration avec six autres associations de familles de disparus, quatre associations engagées dans la défense des victimes de viol et d’autres formes de violences sexuelles en temps de guerre et sept associations et fédérations d’associations d’anciens détenus de camps, a soumis un rapport alternatif soulignant l’importance constante des violations des droits fondamentaux des catégories de personnes protégées susmentionnées.

Genève, le 27 juin 2012

Le Comité des droits de l’homme des Nations unies vient de condamner la Libye suite à la disparition forcée de deux frères en 2006 et 2007 défendus par TRIAL (association suisse contre l’impunité) et Alkarama. Les nouvelles autorités libyennes ont désormais l’obligation d’enquêter sur ces faits, de punir les auteurs des disparitions forcées et de compenser les victimes. Les deux organisations appellent la Libye à se soumettre à la décision du Comité des droits de l’homme et à travailler à l’établissement d’un véritable Etat de droit.

Idriss Aboufaied, un médecin engagé dans la défense des droits humains, était réfugié politique en Suisse. Il est rentré en Libye en septembre 2006, suite à des garanties offertes par le colonel Kadhafi que les exilés pouvaient rentrer au pays sans crainte de persécutions. Peu après, il a été arbitrairement arrêté et détenu incommunicado durant 54 jours, pendant lesquels il a été torturé si grièvement qu’il a dû être hospitalisé. Remis en liberté le 29 décembre 2006, il a néanmoins poursuivi ses activités en faveur de la démocratie. Idriss Aboufaied a à nouveau été arrêté le 16 février 2007 avec 11 autres personnes qui s’apprêtaient à organiser une manifestation pacifique contre le régime, et placé au secret durant deux mois. Tous les détenus ont déclaré avoir été torturés durant les 5 premiers mois de détention. Le 20 avril 2007, Idriss Aboufaied a été inculpé de diverses infractions pénales, passibles de la peine de mort. Déjà gravement malade, Idriss Aboufaied a alors été placé dans une cellule sans lumière et sans contact avec l’extérieur durant des mois. Le 10 juin 2008, il a été condamné à 25 ans de prison. Il a finalement été remis en liberté le 8 octobre 2008 pour des motifs de santé.

Suite à l’arrestation d’Idriss Aboufaied le 16 février 2007, son frère Juma a tenté d’alerter Alkarama par téléphone. Il a immédiatement été arrêté par les services de sécurité intérieure et emmené vers une destination inconnue. Il a été remis en liberté le 27 mai 2008, après avoir passé 15 mois au secret, sans avoir été présenté à un juge.

Dans une décision qui vient d’être rendue, le Comité des droits de l’homme condamne la Libye en raison de multiples violations du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’une des conventions les plus importantes des Nations unies. Le Comité reconnaît ainsi que les deux frères Aboufaied ont notamment été victimes de disparitions forcées, de traitements cruels inhumains et dégradants et, dans le cas d’Idriss Aboufaied, de tortures. Le Comité exige de la Libye qu’elle mène une enquête approfondie et rigoureuse sur la disparition d’Idriss et Juma Aboufaied et sur les traitements qui leur ont été infligés et de fournir à ces derniers des informations détaillées quant aux résultats de son enquête. Le Comité insiste par ailleurs sur l’obligation de la Libye de poursuivre, juger et punir les responsables des violations commises et d’indemniser de manière appropriée les victimes.

TRIAL et Alkarama, qui ont défendu les victimes devant le Comité des droits de l’homme, ont exprimé leur grande satisfaction suite à cette condamnation de la Libye. Pour Philip Grant, directeur de TRIAL, «même si les crimes ont été commis par l’ancien régime, les nouvelles autorités ont l’obligation de poursuivre les auteurs de ces crimes. La construction d’un Etat fondé sur le droit implique que la vérité soit faite, que les criminels soient jugés et que justice soit rendue aux frères Aboufaied, comme à tant d’autres victimes de la dictature». Pour Rachid Mesli, directeur juridique d’Alkarama, «la Libye doit se reconstruire dans le respect du droit. Il est impératif pour éviter des violations futures que les auteurs de tels actes soient poursuivis de manière efficace, dans le respect des normes internationales».

La Libye dispose d’un délai de six mois pour informer le Comité des suites qu’elle donnera à cette condamnation. Les deux organisations examinent actuellement les suites qu’elles pourraient elles-mêmes donner à cette décision.

Pour plus d’information

Introduction

En août 2008, TRIAL a saisi le Comité des droits de l’homme des Nations Unies d’une communication individuelle pour le compte de Taous Djebbar et Saadi Chihoub, agissant au nom de leurs fils, Djamel et Mourad Chihoub. Djamel Chihoub, dans un premier temps, puis son frère Mourad, six mois plus tard, ont été arrêtés par des éléments de l’armée algérienne et sont portés disparus depuis. Ces cas s’insèrent dans le contexte plus large des disparitions de milliers de citoyens algériens aux mains de l’armée et des différentes forces de sécurité du pays entre 1992 et 1998.

Djamel et Mourad Chihoub ont été arrêtés à leur domicile par des militaires de la caserne de Baraki, respectivement le 16 mai 1996 à 8 heures du matin et le 13 novembre 1996 vers 23 heures. Les circonstances de l’arrestation de Djamel Chihoub montrent que celui-ci n’a été emmené qu’afin de faire pression sur son frère aîné Saïd, suspecté d’avoir rejoint le FIS, pour que ce dernier se livre aux autorités. L’enlèvement de Mourad Chihoub, âgé de seulement 16 ans, est intervenu après le décès de Saïd et malgré le fait que le propre officier en charge au moment de son arrestation ait reconnu n’avoir aucun indice d’une quelconque implication de la victime dans des activités illicites.

Depuis leurs arrestations, et malgré des efforts constants, les proches des disparus n’ont pas réussi à obtenir de renseignements officiels sur leurs sorts.

Les membres de la famille Chihoub, et en particulier les parents des victimes, se sont adressés à toutes les institutions compétentes pour retrouver les disparus et les placer sous la protection de la loi. Notamment, le Procureur général de la Cour d’Alger, averti par la famille des agissements délictueux subis par les deux frères, n’a diligenté aucune poursuite et n’a pas cherché à obtenir plus de renseignements sur les circonstances des deux disparitions. Le juge d’instruction d’El Harrach, quant à lui, a formellement initié une procédure qui s’est soldée par une décision de non-lieu en l’état, ceci sans avoir effectué aucune enquête raisonnablement complète et alors que la famille avait fourni l’identité des principaux responsables des disparitions.

La famille s’est également tournée vers plusieurs institutions gouvernementales et administratives, dont le Président de la République, le Médiateur de la République, le Ministre de la justice et l’Observatoire National des Droits de l’Homme (ONDH), sans résultat.

De surcroît, les proches des disparus se trouvent confrontés, depuis la promulgation de l’Ordonnance n°6/01 portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, en février 2006, à l’interdiction légale de recourir à toute instance judiciaire, au risque d’encourir une peine de prison. Par ailleurs, toute juridiction algérienne est tenue de se dessaisir face à de telles affaires.

Les auteurs de la communication demandent au Comité des droits de l’homme de reconnaître que Djamel et Mourad Chihoub ont été victimes d’une disparition forcée, un crime qui porte atteinte aux droits les plus fondamentaux, tels que garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (le Pacte). Ils demandent que soient reconnues la violation des articles 2 § 3, 6 § 1, 7, 9 §§ 1, 2, 3 et 4, 10 § 1, 16, 17 § 1 et 23 § 1 du Pacte sur la personne des deux frères Chihoub ainsi que, dans le cas de Mourad, qui était mineur au moment des faits, celle de 24 § 1 du Pacte, de même qu’une violation envers eux-mêmes des articles 2 § 3, 7 et 23 § 1 du Pacte, pour les souffrances psychologiques endurées par tant d’années d’incertitude sur le sort de leurs fils et le manquement au devoir de l’Etat de protéger la famille.

 

Le contexte général

7’000 à 20’000 personnes, selon les différentes sources ont été arrêtées ou enlevées par les services de sécurité algériens, tous corps confondus, ainsi que par les milices armées par le gouvernement entre 1992 et 1998 et sont portées disparues.

A ce jour, aucune des familles des victimes de disparitions forcées n’a reçu d’information sur le sort de leurs proches, aucune enquête n’a jamais été ouverte à la suite des plaintes et démarches qu’elles ont effectuées, et, bien que les auteurs et les commanditaires de ces crimes soient connus, aucun d’entre eux n’a jamais été poursuivi ou inquiété.

 

La décision

Au mois de décembre 2011, le Comité des droits de l’homme a communiqué sa décision (appelée « constatations » dans le jargon onusien).

Le Comité a retenu que l’Algérie avait violé les articles 6 § 1, 7, 9, 10 § 1 et 16 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, individuellement ou en lien avec l’article 2 § 3 du Pacte, à l’égard de Djamel Chihoub et Mourad Chihoub, ainsi qu’une violation additionnelle de l’article 24 vis-à-vis de Mourad Chihoub, mineur au moment des faits.

Le Comité constate par ailleurs une violation de l’article 7 du Pacte, individuellement et conjointement avec l’article 2 § 3, en ce qui concerne les parents des deux victimes.

Le Comité a notamment enjoint l’Algérie de « mener une enquête approfondie et rigoureuse sur la disparition de Djamel et Mourad Chihoub », de « fournir à la famille des informations détaillées quant aux résultats de son enquête », de les libérer immédiatement s’ils sont toujours détenus au secret ou de restituer leur dépouille à la famille en cas de décès. Le Comité insiste par ailleurs sur l’obligation qu’a l’Algérie de « poursuivre, juger et punir les responsables des violations commises ». L’Algérie doit également indemniser de manière appropriée la famille des victimes pour les violations subies.

 

Genève/Katmandou – 21 mai 2012

Après treize années de désespoir, de déni et d’attente de justice et de vérité, deux familles de victimes de disparitions forcées durant la guerre civile au Népal ont saisi les Nations unies. Les auteurs de ces crimes doivent répondre de leurs actes, indique TRIAL.

Il y a aujourd’hui treize ans, le 21 mai 1999, M. Danda Pani Neupane et M. Milan Nepali ont été arrêtés à Katmandou par la police népalaise, suspectés d’appartenir au Parti Communiste du Népal (maoïste) (PCN-M). Les deux hommes ont été vus sous la garde de la police népalaise environ un mois après leur arrestation en juin 1999, mais n’ont jamais été revus depuis, ni vivants, ni morts. La police népalaise n’a cessé de nier l’arrestation ou l’emprisonnement de M. Neupane et de M. Nepali, et cela malgré le fait que des témoins oculaires ont confirmé leur arrestation et leur détention ultérieure dans les locaux tant du quartier général de la police que du centre d’entraînement de police de Katmandou.

La probabilité que les familles de M. Neupane et de M. Nepali obtiennent un jour la vérité sur le sort de ces derniers s’amenuisent à mesure que le Gouvernement du Népal refuse d’exécuter dans leur intégralité tant les décisions de sa propre Cour suprême que les obligations auxquelles il est légalement tenu en vertu du droit international.

Pendant treize longues années, les membres de la famille des deux hommes ont attendu des nouvelles mais n’ont récolté que l’indifférence des autorités. Tout espoir que le Gouvernement népalais exécute la décision historique de la Cour suprême de juin 2007, qui ordonnait l’établissement d’une Commission d’investigation sur les disparitions, visant à enquêter sur les affaires de disparitions forcées et poursuivre les responsables, a depuis longtemps été abandonné.

Presque cinq ans après cette décision de la Cour suprême, l’Assemblée Constituante reste paralysée par des luttes de pouvoir et des disputes futiles, et les projets de loi établissant la Commission sur les disparus et la Commission de Vérité et Réconciliation (CVR) n’ont pas encore été adoptés. Une réelle crainte demeure que même si ces deux projets de lois de justice transitionnelle devaient être adoptés, ils ne respecteraient pas les standards légaux internationaux s’agissant des droits des victimes à la vérité et à réparation, ni les obligations de l’Etat du Népal d’enquêter, de poursuivre et de punir les auteurs de disparitions forcées. En outre, des amendements proposés récemment par les partis au pouvoir donneraient compétence à la CVR d’amnistier les dirigeants et les membres des forces gouvernementales et des groupes armés pour des actes qui pourraient constituer des violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

La probabilité que les familles de M. Neupane et de M. Nepali obtiennent un jour la vérité sur le sort de ces derniers s’amenuise à mesure que le Gouvernement du Népal refuse d’exécuter dans leur intégralité tant les décisions de sa propre Cour suprême que les obligations auxquelles il est légalement tenu en vertu du droit international. Les cas de M. Neupane et de M. Nepali ne sont au demeurant pas uniques: les familles de plus de mille victimes de disparitions forcées ont dû endurer de façon similaire des années d’indifférence de la part des autorités et la souffrance prolongée que cela a entraînée.

Pour le treizième anniversaire de la disparition forcée de Danda Pani Neupane et de Milan Nepali, TRIAL (Association Suisse contre l’impunité) a soumis leurs cas auComité des droits de l’homme des Nations unies. TRIAL demande au Comité de requérir du Gouvernement népalais qu’il garantisse une prompte enquête sur leur privation arbitraire de liberté et leur disparition forcée subséquente; qu’il traduise en justice les auteurs de ces crimes; qu’il fournisse aux familles une compensation satisfaisante et d’autres mesures de réparation ; et en cas de décès, qu’il localise, exhume, identifie et rende les dépouilles à leurs familles.

Contexte général

En 1996, un violent conflit armé a éclaté entre les insurgés maoïstes et le Gouvernement népalais. Près de 14’000 personnes ont perdu la vie durant les dix ans de guerre civile qui s’ensuivirent. De graves violations des droits de l’homme, telles que des arrestations arbitraires, enlèvements, viols, torture et exécutions extrajudiciaires, ont été commises par les deux parties au conflit. Le recours aux disparitions forcées a été généralisé, avec plus de 2’100 cas rapportés pendant le conflit. Malgré la signature d’un accord de paix en novembre 2006 entre les maoïstes et le gouvernement, les autorités n’ont encore entamé aucune enquête sérieuse sur les crimes commis durant le conflit et aucun responsable n’a été condamné à ce jour. Ainsi, plus de cinq années après la fin du conflit, les auteurs de crimes jouissent d’une immunité totale et les victimes voient leur droit à la vérité, à la justice et à la réparation bafoué.

Les dossiers de M. Danda Pani Neupane et de M. Milan Nepali constituent les 8ème et 9ème affaires déposées par TRIAL auprès du Comité des droits de l’homme des Nations unies. Tous les dossiers sont actuellement en cours d’examen par le Comité.

Genève, le 15 février 2012.

Le Comité des droits de l’homme des Nations unies vient de condamner l’Algérie dans deux affaires de disparitions forcées. En novembre 1994, M. Kamel Djebrouni, âgé de 31 ans, a été arrêté à son domicile à Alger par un groupe de militaire. Il n’a jamais été revu. En mai et en novembre 1996, les frères Djamel et Mourad Chihoub ont l’un après l’autre été arrêtés à leur domicile à Baraki (banlieue d’Alger). Djamel avait 19 ans, Mourad 16 ans. Ils n’ont jamais été revus.

Les familles Djebrouni et Chihoub ont tout entrepris pour retrouvé leurs proches. Les autorités judiciaires, politiques et administratives ont notamment été saisies des dossiers. Cependant, aucune enquête n’a été ouverte et aucun responsable poursuivi.

Dans deux décisions distinctes (Djebrouni c. Algérie et Chihoub c. Algérie), le Comité des droits de l’homme retient que l’Algérie, en faisant disparaître Kamel Djebrouni ainsi que Djamel et Mourad Chihoub, a violé de nombreux droits garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’une des conventions les plus importantes des Nations unies, notamment le droit à la vie et celui de ne pas être soumis à la torture ou à des mauvais traitements. L’Algérie a également, ce faisant, infligé à la famille des trois disparus un traitement inadmissible, en raison de l’angoisse et de la détresse qu’elle leur a fait subir.

Le Comité demande notamment à l’Algérie de «mener une enquête approfondie et rigoureuse sur la disparition» de Kamel Djebrouni et de Djamel et Mourad Chihoub. L’Algérie doit également «fournir à [leur] famille des informations détaillées quant aux résultats de son enquête», de les libérer immédiatement s’ils sont toujours détenus au secret ou de restituer leur dépouille à leur famille en cas de décès. Le Comité insiste par ailleurs sur l’obligation qu’a l’Algérie de «poursuivre, juger et punir les responsables des violations commises». L’Algérie doit également indemniser de manière appropriée les familles de victimes pour les violations subies.

En particulier, le Comité rappelle qu’en matière de torture, d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées, les autorités judiciaires algériennes ne devraient pas appliquer l’Ordonnance n°06-01 (adoptée suite à l’acceptation de la «Charte pour la paix et la réconciliation nationale» en 2005), qui accorde une impunité complète aux auteurs des pires violations commises durant la guerre.

TRIAL a exprimé sa grande satisfaction suite à ces nouvelles décisions du Comité condamnant l’Algérie. Pour Philip Grant, directeur de l’organisation, «En Algérie l’impunité pour les crimes commis durant la guerre civile est absolue. Aucun responsable n’a en effet jamais été poursuivi. Les Nations unies viennent sèchement lui rappeler qu’un tel système, même consacré par la loi, viole de manière inadmissible le droit international». M. Grant a ajouté que «la communauté internationale doit enfin exiger que l’Algérie respecte les conventions qu’elle a ratifiées. Les familles des trois disparus, comme celles des milliers de personnes attendant encore de connaître le sort de leurs proches, ont droit à ce que justice leur soit rendue».

Contexte

Ces deux affaires sont les troisième et quatrième traitées par TRIAL qui donnent lieu à une décision.  En mai et juin 2011, le Comité des droits de l’homme et le Comité contre la torture avaient déjà condamné l’Algérie pour une affaire de disparition forcée, respectivement un cas de décès sous la torture. Quatorze autres cas sont actuellement pendant devant le Comité des droits de l’homme et le Comité contre la torture sur l’Algérie.

Au total, TRIAL est actuellement en charge de plus de 70 affaires devant différentes instances internationales (Cour européenne des droits de l’homme, Comité des droits de l’homme et Comité contre la torture), concernant des affaires de disparitions forcées, d’exécutions extrajudiciaires et de torture en Algérie, Bosnie-Herzégovine, Burundi, Libye et Népal.

Pour en savoir plus

Genève, 10 février 2012
Des centaines d’auteurs de violations graves des droits humains vivent en toute liberté au Népal. La possibilité de les tenir responsables pour leurs crimes effrayants est inexistante, les principaux partis politiques népalais ayant convenu d’adopter une amnistie globale pour la plupart de crimes perpétrés par l’État ou par les forces Maoïstes durant le conflit armé qui a déchiré le Népal entre 1996 et 2006.  

Plus de 5 ans après la décision historique de la Cour Suprême, qui avait confirmé la disparition forcée et la torture de dizaines de personnes par la police et l’armée népalaises durant la guerre civile, l’impunité reste malheureusement la règle au Népal.

Il en va ainsi des auteurs de la disparition forcée du défenseur des droits de l’homme Rajendra Dhakal et du quincailler Padam Narayan Nakarmi. M. Dhakal a été arbitrairement arrêté par la police et a disparu le 8 janvier 1999. M. Nakarmi a été aussi arrêté illégalement et a peut après disparu en mains des membres de l’Armée Royale Népalaise le 23 septembre 2003. Leur sort reste à ce jour inconnu.

La Cour Suprême a bien confirmé l’arrestation illégale et la disparition forcée de M. Dhakal par une équipe de policiers sous le commandement de l’inspecteur K.B.R. (nom confidentiel). Elle a aussi conclu que M. Nakarmi était décédé suite aux tortures infligées par l’Armée Royale népalaise dans les tristement célèbres casernes du Bhairabnath Battalion.

Malgré les conclusions de la Cour Suprême, les nombreux témoins oculaires de leur arrestation arbitraire et les innombrables tentatives des familles de retrouver M. Dhakal et M. Nakarmi, les autorités nationales ont obstinément nié leur arrestation et ont refusé de révéler toute information supplémentaire relative à leur sort. Ce qui précède démontre clairement, et la loi d’amnistie proposée le confirme, le manqué de volonté et l’incapacité du gouvernement népalais de poursuivre les violateurs des droits humains et d’adopter des mécanismes de justice transitionnelle à la hauteur des standards internationaux.

Ces raisons ont poussé TRIAL (association suisse contre l’impunité) a soumettre les cas de M. Dhakal et M. Nakarmi au Comité des droits de l’Homme des Nations unies. TRIAL a demandé au Comité de juger que le gouvernement népalais doit mener une enquête complète et indépendante sur l’arrestation et la disparition forcée de M. Dhakal et M. Nakarmi, de poursuivre pénalement les responsables, de s’assurer que leur familles obtiennent une indemnisation et des mesures de réparation adéquates et, en cas de décès, de localiser, exhumer, identifier, respecter et rendre leur dépouille aux familles.   Les cas de M. Dhakal et M. Nakarmi ne sont malheureusement pas uniques. Les organisations de droits humains locales et internationales estiment que le nombre de disparitions forcées perpétrées par les forces de sécurité au cours du conflit armé dépasse le millier.

Ces deux dernières années TRIAL a déjà soumis au Comité des droits de l’Homme des Nations unies cinq cas népalais concernant les plus odieuses violations des droits humains, telles que détention arbitraire, torture et disparition forcée durant la guerre civile.

Ce communiqué de presse n’existe pas en français. Merci de lire la version anglaise de cette page pour en prendre connaissance.

En décembre 2011, TRIAL et 16 associations de familles de disparus, de victimes de violences sexuelles et d’anciens détenus de camps de concentration en Bosnie-Herzégovine, toutes origines confondues, ont soumis un rapport de 51 pages en écho au second rapport période de la Bosnie-Herzégovine devant le Comité des droits de l’homme.

  • Voir le communiqué de presse (en anglais) ici

Ce communiqué de presse n’existe pas en français. Merci de lire la version anglaise de cette page pour en prendre connaissance.

Pour plus d’informations sur les affaires de TRIAL concernant la Bosnie-Herzégovine, voir ici.

Au mois de juin 2012, TRIAL a soumis un rapport alternatif devant  le Comité des droits de l’homme des Nations unies.

Au mois de juillet 2011, TRIAL a soumis un rapport alternatif devant le Comité des droits de l’homme des Nations unies.

Les rapports décrivent notamment la situation prévalant dans le district du Mont Elgon, les nombreuses et massives violations des droits humains qui y ont été commises et l’état généralisé d’impunité qui y perdure. Les rapports montrent en quoi le Kenya viole de nombreuses dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Genève, le 27 mai 2011. Le Comité des droits de l’homme des Nations unies vient de condamner l’Algérie pour la disparition forcée de M. Brahim Aouabdia, un tailleur de 50 ans, marié et père de six enfants, vivant à Constantine au moment des faits. Le 30 mai 1994, M. Aouabdia a été arrêté sur son lieu de travail. De nombreuses autres personnes ont été arrêtées à Constantine les jours précédents, et le seront les jours suivants. M. Aouabdia n’est jamais réapparu.RTEmagicC_Aouabdia_18.jpg

 

Son épouse a remué ciel et terre pour obtenir de ses nouvelles. En vain.

Dans sa décision, le Comité des droits de l’hommeretient que l’Algérie, en faisant disparaître M. Aouabdia, a violé de nombreux droits garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’une des conventions les plus importantes des Nations unies, notamment le droit à la vie et celui de ne pas être soumis à la torture ou à des mauvais traitements. L’Algérie a également, ce faisant, infligé à son épouse et à ses enfants un traitement inadmissible, en raison de l’angoisse et de la détresse qu’il leur a fait subir.

Le Comité demande notamment à l’Algérie de «mener une enquête approfondie et rigoureuse sur la disparition de Brahim Aouabdia», de «fournir à sa famille des informations détaillées quant aux résultats de son enquête», de le libérer immédiatement s’il est toujours détenu au secret ou de restituer sa dépouille à sa famille en cas de décès. Le Comité insiste par ailleurs sur l’obligation qu’a l’Algérie de «poursuivre, juger et punit les responsables des violations commises». L’Algérie doit également indemniser de manière appropriée l’épouse de la victime et sa famille pour les violations subies.

TRIAL a exprimé sa grande satisfaction suite à cette décision du Comité. Pour Philip Grant, directeur de l’organisation, «17 ans après les faits, cette décision retient enfin clairement la responsabilité de l’Algérie dans la disparition d’un individu, M. Aouabdia, parmi les milliers qui ont subi un pareil sort. L’Algérie a érigé l’impunité pour les crimes commis durant la guerre civile en système, la consacrant même dans ses lois. Aucun responsable n’a en effet jamais été poursuivi. Les Nations unies viennent sèchement lui rappeler qu’un tel système viole de manière inadmissible le droit international». M. Grant a ajouté que «de tels crimes ne doivent pas tomber dans l’oubli. L’Algérie doit maintenant ouvrir rapidement une enquête et punir les auteurs. Il est impératif que la communauté internationale exige enfin que cet Etat respecte les conventions qu’il a ratifiées».

TRIAL est actuellement en charge de 63 affaires devant différentes instances internationales (Cour européenne des droits de l’homme, Comité des droits de l’homme et Comité contre la torture), concernant des affaires de disparitions forcées, d’exécutions extrajudiciaires et de torture en Algérie, Bosnie-Herzégovine, Libye et Népal. Quinze de ces dossiers concernent l’Algérie.

L’affaire Aouabdia c. Algérie est la première affaire traitée par TRIAL à donner lieu à une décision.

Contexte

7’000 à 20’000 personnes, selon les différentes sources, ont été arrêtées ou enlevées par les services de sécurité algériens, tous corps confondus, ainsi que par les milices armées par le gouvernement entre 1992 et 1998 et sont portées disparues.

A ce jour, aucune des familles des victimes de disparitions forcées n’a reçu d’information sur le sort des disparus, aucune enquête n’a jamais été ouverte à la suite des plaintes et démarches effectuées, et, bien que les auteurs et les commanditaires de ces crimes soient connus, aucun d’eux n’a jamais été poursuivi ou inquiété.

Pour en savoir plus:

TRIAL a saisi le Comité des droits de l’homme des Nations unies de deux communications individuelles au nom de Jit Man Basnet, victime de disparition forcée et de torture suite à son arrestation au Népal en février 2004 et au nom d’Ermin Kadiric victime d’une arrestation arbitraire et de mauvais traitements, puis exécuté en Bosnie-Herzégovine en juillet 1992.

Avocat et journaliste, Jit Man Basnet a été arrêté le 4 février 2004. Les forces de sécurité népalaises l’ont emmené de force dans un campement militaire connu sous le nom de «Bhairabnath Battalion barracks». Soupçonné précisément d’être en contact avec les Maoïstes, Jit Man Basnet a été torturé durant les trois premiers jours de sa détention. Plus il niait l’existence de tels contacts, plus durs étaient les sévices. Les conditions de détention étaient par ailleurs effroyables. Pendant 258 jours, Jit Man Basnet est resté les yeux bandés et les mains menottées. Ses proches se sont activés pour le faire libérer, mais l’armée a jusqu’au bout nié l’avoir arrêté et le détenir.

A partir de 2001, le recours aux disparitions forcées, aux mauvais traitements, aux exécutions sommaires et aux détentions arbitraires perpétrés par les agents de l’Etat, mais aussi par les Maoïstes, s’est généralisée. Les arrestations arbitraires à l’encontre des personnes suspectées d’être affiliées avec les maoïstes ont continué pendant des années. C’est dans ce contexte que Jit Man Basnet a été arrêté et a disparu durant plus de 8 mois.

  • Pour plus d’informations sur l’affaire Basnet, cliquer ici.

 

*   *   *

En janvier 2011, TRIAL a également soumis une communication concernant le cas d’Ermin Kadirić qui fut arrêté par des membres des forces bosno-serbes (Vojska Republike Srpske – VRS) et de groupes paramilitaires en juillet 1992. Ermin Kadirić et d’autres hommes issus du même quartier ont subi des mauvais traitements pendant plusieurs heures avant d’être exécutés par des membres de la VRS. Son fils et son épouse vivent depuis dans une situation d’incertitude extrêmement angoissante puisqu’ils n’ont jamais reçu la moindre information sur ce qu’il était advenu de la victime, dont le corps a disparu, et n’ont pas été mis au courant les résultats d’une quelconque enquête.

10 décembre 2010 – A l’occasion de la journée internationale des droits de l’homme, date d’anniversaire de l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, TRIAL continue sa lutte contre l’impunité à travers le monde et dépose trois affaires nouvelles concernant le Népal, l’Algérie et la Bosnie-Herzégovine devant le Comité des droits de l’homme des Nations unies.

Des milliers de familles de victimes de disparitions forcées demeurent privées de toute information sur le sort de leurs proches. Condamnées à vivre dans une situation d’incertitude, chaque jour déchirées entre le doute et l’espoir, ces familles sont ignorées par les autorités publiques et les auteurs de ces crimes demeurent impunis. C’est la raison pour laquelle TRIAL continue à utiliser les instruments internationaux pour dénoncer les violations des droits humains dans le monde entier, et dépose ce jour trois nouveaux dossiers devant le Comité concernant le Népal, l’Algérie et la Bosnie-Herzégovine. La question des droits de l’homme, par essence universelle, transcende les simples frontières; en déposant trois affaires au nom de victimes provenant de trois continents, TRIAL manifeste que la lutte contre l’impunité est loin d’être terminée.

En 2001, le conflit entre les forces gouvernementales népalaises et les insurgés maoïstes a pris une ampleur telle que l’Etat d’urgence a du être décrété. Dans ce contexte de tension, de nombreux civils furent la cible de disparitions forcées et d’actes de tortures, notamment de la part des forces de l’ordre. Tej Bhandari, retraité de l’enseigement, était une figure locale, connue pour son engagement et son rôle au sein du village de Sampari.

Le 31 décembre 2001, alors qu’il se rendait au bureau du chef du district où il avait été convoqué, il a été arrêté à sa descente du bus par un groupe de policiers. Il a été battu dans la rue sous les yeux des passants, puis l’un des policiers lui a attaché les mains dans le dos et lui a bandé les yeux alors qu’il était inconscient. Les policiers l’ont ensuite embarqué de force dans leur véhicule pour une destination inconnue. Depuis, la famille de Tej Bhandari n’a reçu aucune information tangible sur ce qui lui est arrivé après son arrestation et les autorités népalaises ont refusé d’enquêter sur son sort.

TRIAL a donc soumis une requête auprès du Comité des droits de l’homme des Nations unies au nom du fils de la victime, afin qu’il soit demandé au Népal de faire la lumière sur les circonstances de cette disparition et de mettre fin à l’impunité des personnes responsables.

Entre 1992 et 1998, le gouvernement algérien s’engage dans une répression massive contre toute personne soupçonnée d’avoir un lien avec le Front Islamique du Salut, un parti politique dissout le 4 mars 1992. Dans ce cadre, plusieurs milliers de personnes sont portées disparues, dont Rachid SASSENE, alors âgé de 47 ans et père de quatre enfants.

Le 18 mai 1996 à 11 heures, une vingtaine de policiers en uniforme et en civil ont fait irruption chez lui et l’ont conduit au commissariat central de Constantine, en compagnie de son épouse, Mme Bariza ZAIER. Relâchée quinze jours plus tard et condamnée avec sursis pour «soutien à un groupe terroriste», elle n’a jamais revu son mari depuis leur détention au commissariat, et ce malgré de nombreuses démarches entreprises auprès des autorités algériennes.

Empêchée sous peine d’emprisonnement de poursuivre ses démarches sur le plan national, Mme ZAIER a demandé à TRIAL de saisir le Comité des droits de l’homme des Nations unies afin que celui-ci comdamne l’Algérie à poursuivre les auteurs du crime et à informer la famille du disparu du sort qui lui a été réservé.

Durant l’été 1992, la Bosnie-Herzégovine connaît l’une des périodes les plus violentes de son histoire. Le conflit entre les membres de l’armée de la Republika Srpska et les Forces bosniennes gouvernementales engendre les pires atrocités : épuration ethnique, mise en place de camps de concentration et déplacement forcé de plus de populations entières.

C’est dans ce contexte que Fadil Ičić, âgé de 27 ans disparait. Alors qu’il travaillait dans ses champs, des membres de l’armée de la Republika Srpska l’ont arrêté et conduit au camp de concentration d’« Omarska », connu pour ses conditions de détention inhumaines et les mauvais traitements perpétrés par les gardes. C’est un autre prisonnier qui I’a aperçu pour la dernière fois en vie. Depuis lors, aucune information n’a été donnée sur ce qu’il lui est advenu. Sa mére, Mevlida Ičić, a accompli toutes les démarches possibles afin de faire établir la vérité sur l’arrestation arbitraire et la disparition forcée de son fils, mais aucune information ne lui a été communiquée.

Face à l’inaction des autorités publiques, elle a demandé à TRIAL de saisir le Comité des droits de l’homme des Nations unies afin que la Bosnie-Herzégovine mette un terme à l’impunité des responsables et qu’elle mène enfin une enquête sérieuse sur le sort de Fadil Ičić.

(Genève, 19 novembre 2010) – Les organisations de défense des droits de l’homme Alkarama, TRIAL (Track Impunity Always) et Human Rights Watch ont déclaré avoir récemment reçu des documents révélant que le chef des services de sécurité libyens a fait obstruction à l’enquête sur la mort suspecte en 2006 d’un détenu.

RTEmagicC_AL_Khazmi_Photo_14.jpgLes organisations ont récemment obtenu le rapport du Procureur sur le décès d’Ismail Al-Khazmi, ingénieur de 30 ans, prouvant que le Général Saleh Ragab, alors secrétaire d’Etat – ministre – à la sécurité publique s’était opposé à l’ouverture d’une enquête sur la responsabilité des agents des services de la sécurité publique dans le décès du détenu. Les trois organisations affirment que le cas d’Al-Khazmi illustre l’impunité des agents des services de la sécurité intérieure.

Sarah Leah Whitson, directrice de la section MENA à Human Rights Watch a déclaré: “Le refus du Général Ragab d’autoriser l’ouverture d’une enquête n’est qu’un exemple de plus de l’ingérence du ministère de l’Intérieur dans les enquêtes judiciaires sur les agissements des services de sécurité.” Et d’ajouter: “L’impunité des services de sécurité libyens est sans doute la principale cause du non-respect de l’Etat de droit en Libye.”

Des personnes de l’entourage d’Al-Khazmi, affirmant détenir des informations personnelles et concrètes sur les circonstances de son arrestation, ont confié aux trois organisations que le 17 juin 2006, des membres de l’agence libyenne de la sécurité intérieure, section du Comité général du peuple pour la sécurité publique ou du ministère de l’Intérieur, ont arrêté Al-Khazmi, ingénieur en pétrochimie, sur son lieu de travail.

Ces personnes affirment que les agents n’ont montré aucun mandat d’arrêt et n’ont donné aucune raison à son arrestation. De plus, en dépit de nombreuses tentatives, la famille n’a pu obtenir aucune information sur le lieu de détention d’Al-Khazmi ou sur son sort durant douze jours consécutifs.

Alkarama, TRIAL et Human Rights Watch ont pu obtenir une copie d’un rapport daté du 26 mars 2009 établi par Mostafa Al-Mabrook Salama, Procureur en chef de la sûreté de l’Etat et adressé au Secrétaire du ministère de la justice Mostafa Abdeljalil.

Selon les déclarations contenues dans ce rapport, le bureau du procureur a convoqué la famille d’Al-Khazmi en avril 2007 pour qu’elle récupère la dépouille de la victime. A cette occasion, la famille a reçu le rapport d’autopsie daté du 15 novembre 2006 attestant que la victime était décédée de mort naturelle: il aurait été victime d’une crise cardiaque. Selon le rapport, le père d’Al-Khazmi a refusé qu’on lui remette la dépouille de son fils et a répété au Procureur que son fils ne souffrait pas de problèmes cardiaques. Le père d’Al-Khazmi a déposé une demande formelle auprès du procureur le 3 mai pour que le médecin légiste procède à une deuxième autopsie du corps.

Les organisations ont aussi obtenu une copie du rapport de la seconde autopsie réalisée par un comité de trois médecins légistes le 11 septembre 2007, rapport soumis au Parquet le 17 septembre. Leurs conclusions sont les suivantes:

Le décès d’Ismail Ibrahim Abu Bakr Al-Khazmi a été provoqué par les blessures décrites aux points 3 et 8 résultant de coups assenés avec un objet dur et contondant. Ces coups ont provoqué des ecchymoses et des contusions sur tout le corps ainsi qu’une hémorragie sous-cutanée et une déchirure des muscles proches des parties ayant subi des blessures. Cela a provoqué des changements pathologiques dans les reins et un déficit en liquides dans le corps qui ont causé l’arrêt de la respiration et de la circulation sanguine.

Les procureurs avaient ouvert une enquête sur le cas d’Al-Khazmi. Ils ont demandé l’autorisation nécessaire au général Ragab, Secrétaire à la sécurité publique, pour convoquer les trois agents à la sécurité publique pour les interroger. Dans une lettre datant d’avril 2007 adressée au procureur général, le général Ragab a refusé la requête des procureurs qui n’ont par conséquent pas été en mesure de poursuivre l’enquête.

En avril 2009, Abdeljalil, Secrétaire à la Justice, a déclaré à Human Rights Watch que, pour des questions liées à la procédure, le pouvoir judiciaire n’a pas le pouvoir d’ordonner l’ouverture d’une enquête de l’Agence de la sécurité publique car ses agents bénéficient d’une immunité de toute poursuite judiciaire. Seul le Secrétaire aurait le pouvoir de lever ces privilèges, mais il refuse systématiquement de le faire.

Human Rights Watch a contacté le Secrétaire Abdeljalil afin qu’il intervienne en faveur d’Al-Khazmi et des autres prisonniers détenus par la sécurité publique à la prison d’Abou Slim. Tous ces détenus n’ayant pas été libérés en dépit du fait que des tribunaux ont ordonné leur libération. Le Secrétaire leur a répondu “ces prisons sont sous contrôle directe de le Sécurité publique et le ministère de la Justice n’a aucune compétence en la matière.”

Rachid Mesli, directeur juridique d’Alkarama, a déclaré: “Le cas d’Al-Khazmi est la preuve que les agents de sécurité sont toujours au-dessus de la loi en Libye”. Il a ajouté: “Le gouvernement doit mettre un terme à l’impunité des forces de sécurité en permettant au secrétaire à la Justice et aux procureurs de faire leur travail.”

Dans le cadre de ses obligations en vertu du Pacte international relatif aux droit civils et politiques, la Libye a le devoir de respecter et de garantir le droit à la vie, le droit de ne pas être soumis à la torture ou autres mauvais traitements et le droit à la liberté et la sécurité de la personne. Selon l’article 2(3), il a le devoir de fournir un recours effectif aux victimes et d’ouvrir promptement une enquête sur toutes les violations de ces droits. Le Comité des droits de l’homme des Nations unies, dans son Commentaire général 31, affirme que le fait qu’un État partie n’ordonne pas l’ouverture d’une enquête sur les allégations de violations des droits de l’homme peut constituer une violation distincte du Pacte.

De plus, en vertu des Principes relatifs à la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens d’enquêter efficacement sur ces exécutions: “Une enquête approfondie et impartiale sera promptement ouverte dans tous les cas où l’on soupçonnera des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires, y compris ceux où des plaintes déposées par la famille ou des informations dignes de foi donneront à penser qu’il s’agit d’un décès non naturel dans les circonstances données.”

Au cours de son Examen périodique universel par le Conseil des droits de l’homme de Genève le 9 novembre 2010, la Libye a accepté la recommandation suivante : “prendre les mesures nécessaires pour garantir que les forces de sécurité soient soumises à un contrôle juridique.” En tant que membre du Conseil des droits de l’homme depuis juin dernier, la Libye a d’autres obligations qui lui incombent en vertu de la résolution 60/251 de l’Assemblée générale des Nations unies. En particulier, elle se doit “d’observer les normes les plus strictes en matière de promotion et de défense des droits de l’homme et de coopérer pleinement avec le Conseil.”

Le 6 novembre 2008, Alkarama et TRIAL ont soumis conjointement une communication individuelle au Comité des droits de l’homme des Nations unies concernant Al-Khazmi. Son cas est actuellement en cours d’examen.

Le 19 novembre 2010, Alkarama et TRIAL ont soumis le rapport du procureur de 2009 et le deuxième rapport d’autopsie aux Rapporteurs spéciaux sur la torture, sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et sur l’indépendance des juges et des avocats.

“Il s’agit d’un cas rare où nous avons la preuve que non seulement un crime a été commis mais aussi que les autorités refusent de punir les responsables”, a déclaré Philip Grant, le directeur de TRIAL. “Nous demandons aux procédures spéciales de s’adresser de toute urgence au gouvernement libyen pour leur demander de respecter leurs obligations et de traduire les coupables en justice.”

Le Centre d’action juridique de TRIAL (CAJ) a soumis deux nouvelles communications au Comité des droits de l’homme des Nations Unies concernant les disparitions forcées de Mensud Rizvanović et de Mr. Husein Hamulić en juillet 1992 en Bosnie-Herzégovine (BiH).

Le 20 juillet 1992, des membres de l’armée de la Republika Srpska (Vojska Republike Srpske – VRS) ont encerclé le village de Rizvanovići (BiH) et ont procédé à l’arrestation de tous les hommes du village, y compris M. Mensud Rizvanović. L’arrestation deMensud  Rizvanović s’inscrit dans un contexte général de nettoyage éthique qui a eu lieu dans cette région. Il a ensuite été emmené au camp de concentration de Keraterm où il a été soumis à des mauvais traitements et des conditions de détention inhumaines. La dernière fois qu’il a été aperçu vivant, M. Mensud Rizvanović était entre les mains des gardes du camp. Depuis lors, aucune information n’a été donnée sur ce qu’il lui est advenu.

Le 20 juillet 1992 également, lors des opérations de nettoyage ethnique de Hambarine et de ses environs, des membres de l’armée nationale (Jugoslovenska Narodna Armija – JNA) ont pénétré dans la maison familiale des Hamulić. M. Husein Hamulić s’est rapidement dissimulé derrière la maison et a tenté de s’échapper dans les bois environnants. Lors de sa fuite, il a rejoint trois autres hommes, mais ils ont décidé de se séparer pour éviter toute suspicion. Ces trois hommes ont été les derniers à voir M. Husein Hamulić vivant. Tout porte à croire que M. Husein Hamulić a été arrêté par les membres du JNA qui contrôlait alors la région. Depuis lors, aucune information n’a été donnée sur ce qu’il lui est advenu.