Burundi devant la CPI : le critère de complémentarité est-il rempli ?

15.06.2017

Dans une Communication à la Cour pénale internationale (CPI), TRIAL a avancé que le Burundi manque à son obligation d’enquêter sur les crimes graves et de punir les coupables. Elle demande l’ouverture d’une enquête de la CPI.

Le 25 avril 2016, le Bureau du Procureur (BDP) de la CPI a ouvert un examen préliminaire sur la situation au Burundi. Bien que ce dernier se soit entre-temps retiré de la Cour (la décision ne prend effet qu’un an plus tard) le BDP poursuit son examen qui devrait déterminer l’ouverture ou non d’une enquête.

 

Le principe de complémentarité

Afin de déterminer si une enquête est justifiée, le BDP doit examiner plusieurs éléments dont celui de la complémentarité. Ce principe fondamental pose que les Etats sont les premiers responsables de la poursuite de crimes internationaux. La CPI n’intervient qu’en complément de leur action.

Si les autorités d’un pays font preuve d’une inaction totale, aucune analyse n’est nécessaire : le critère de complémentarité est rempli. Mais la simple ouverture de procédures nationales ne suffit pas non plus : l’Etat doit prouver qu’il enquête réellement sur les crimes et que les coupables sont effectivement poursuivis. Si la justice reste purement formelle, le BDP peut conclure que l’Etat ne peut ou ne veut pas remplir ses obligations, et déclarer en conséquence que le principe complémentarité est satisfait. Où se situe le Burundi sur ce spectre ?

 

Le Burundi a entrepris très peu d’enquêtes…

Dans une Communication confidentielle au BDP, TRIAL International a mis en lumière l’inaction du Burundi, ou son absence de volonté de mener sérieusement l’enquête sur un échantillon d’affaires documentées par l’organisation.  Vu les crimes concernés, les affaires pourraient prima facie tomber sous la juridiction de la Cour.

Dans la plupart des affaires documentées par TRIAL, les autorités burundaises n’ont entrepris aucune action, bien qu’elles aient clairement eu connaissance des crimes.

Par exemple, M.P. (pseudonyme) était membre des Forces défense nationale quand il a été arrêté en août 2015. Il a passé plus d’un mois à être torturé avant d’être transféré en prison. Le même mois, il a dénoncé ces abus auprès d’un procureur, puis auprès de juges lors d’une audience publique. Malgré cela, 19 mois plus tard aucune enquête n’a été ouverte.

 

… et celles-ci sont restées au point mort

Il arrive parfois qu’une enquête soit ouverte, généralement au terme de pressions d’acteurs extérieurs. Mais même dans ces cas, cela n’est pas suivi d’effet.

O.S. (pseudonyme) a été arrêté par des membres de la police et des Imbonerakure et n’a plus été revu depuis. Sous la pression de média et après qu’une première plainte ait été « perdue », le Procureur a ouvert un dossier en janvier 2017. Depuis lors rien n’a bougé, en dépit de nombreuses relances et visites de l’avocat de la victime. Les faits autour de la disparition d’O.S. restent mystérieux et les responsables courent toujours.

Qu’une enquête soit ouverte ou non, l’inaction des autorités burundaises ne pourrait pas être plus évidente. Des milliers de victimes sont donc dépendantes d’un système judiciaire sclérosé qui perpétue l’impunité. Cela pourrait changer si le BDP ouvrait une enquête de la CPI, qui pourrait mener à l’ouverture d’un procès.

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