« La justice n’est jamais simple, mais la compétence universelle est vouée à perdurer »

29.06.2017

Un op-ed de Manuel Vergara

Manuel Vergara, directeur juridique de la FIBGAR et collaborateur du rapport annuel sur la compétence universelle de TRIAL, s’exprime sur la volonté des victimes, le procès Habré et les revers juridiques.

Le succès que connait la compétence universelle est incontestablement lié à la détermination des victimes d’aller rechercher la justice au-delà des frontières de leur pays. Cette volonté découle elle-même d’une meilleure connaissance du droit international pénal et de ses mécanismes, à la diffusion dans les traités de clauses telles que aut dedere aut judicare* ainsi qu’à l’action de juges et de procureurs indépendants.

La compétence universelle a connu des hauts et des bas. De nombreux observateurs et universitaires ont craint sa disparition lorsque deux des pays les plus actifs dans ce domaine, l’Espagne et la Belgique, sont revenus sur leur pouvoir de poursuivre des criminels internationaux. Pourtant, la compétence universelle a prouvé sa résilience, notamment avec la prolifération de nouvelles affaires en Afrique et en Amérique du Sud, qui représentent un signe encourageant pour l’avenir.

 

Les victimes sont le moteur de la compétence universelle

Le 30 mai 2016, j’ai assisté à la lecture publique du jugement d’Hissène Habré à Dakar (Sénégal) avec le juge Baltasar Garzón**. A la fin de la session, toutes les victimes sont restées silencieuses et ont attendu poliment que les magistrats aient quitté la salle d’audience. Mais aussitôt ces derniers partis, elles ont commencé à pleurer, rire, crier, danser. Certaines d’entre elles sont venues vers le juge Garzón pour partager leur joie et leur soulagement : « Merci. Tout a commencé avec l’affaire Pinochet, c’est d’elle que nous nous sommes inspirés ».

Cela montre le pouvoir de la compétence universelle et la façon dont elle peut aider la justice et encourager des individus ordinaires à lutter contre l’impunité. Les victimes de crimes internationaux sont inévitablement des victimes universelles.

La justice n’est jamais quelque chose de simple. Même la poursuite de crimes ordinaires est confrontée à des problèmes de corruption ou de manque d’indépendance et d’impartialité des juges. Naturellement, la compétence universelle multiplie ce genre de difficultés. Les pressions économiques, politiques ou diplomatiques peuvent décourager les états d’appliquer la compétence universelle. Toutefois, ces problèmes sont ceux du juridique en général, et présentent les mêmes solutions : des institutions solides, un Etat de droit et un engagement sincère envers la justice.

Manuel Vergara, directeur juridique de la FIBGAR

 

* Aut dedere aut judicare, ou “extrader ou poursuivre”, reflète l’obligation de l’Etat soit de punir les crimes présumés, soit de déléguer cette obligation à un autre état en extradant le criminel présumé.

** Le juge Garzón est le juge d’instruction qui a émis le mandat d’arrêt contre Augusto Pinochet en 1998, perçue comme un moment fondateur pour la compétence universelle.

 

Manuel Vergara est le directeur juridique de la Fondation Internationale Baltasar Garzón (FIBGAR). Avocat qualifié, il a travaillé comme conseiller au Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme à Phnom Penh (Cambodge) et pour l’Organisation internationale du travail à Jakarta (Indonésie). Il enseigne actuellement le droit pénal à l’IE University en Espagne. Ces trois dernières années, Manuel Vergara a été chargé de l’élaboration, la publication, la promotion et la diffusion des Principes de Madrid-Buenos Aires sur la compétence universelle.

 

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