Une coalition de 76 organisations non-gouvernementales a saisi le Comité des droits de l’Homme pour demander au gouvernement libérien d’engager des poursuites contre les crimes internationaux commis pendant les deux guerres civiles. La demande devrait être relayée au Libéria lors de son passage devant le Comité les 9 et 10 juillet 2018.

 

Depuis la fin du second conflit sanglant qui a déchiré le Libéria jusqu’en 2003, les seuls jugements concernant les atrocités commises pendant la guerre ont eu lieu hors du territoire libérien, que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis. Sur les 14 ans qu’ont duré les deux guerres civiles au Libéria, les exécutions sommaires, massacres, viols et autre formes de violence sexuelle, mutilations, torture ou enrôlement d’enfant soldats ont rendu le pays exsangue.

 

TRIAL international se joint à une coalition d’ONG pour demander à ce que le gouvernement se dote de l’appareil judiciaire nécessaire pour juger les auteurs de ces crimes au sein du pays dans lequel ils ont été commis. Une solution qui passe par la création d’un tribunal des crimes de guerre, habilité à poursuivre les anciens chefs de guerre et à tenir des procès équitables et crédibles.

 

Pour plus d’informations, lire la lettre cosignée par les 76 ONG.

Rémy Cingo vit dans le village de Kavumu, dans l’est de la République démocratique du Congo. Quand une milice locale a commencé à violer des fillettes et des bébés, les autorités ont fait la sourde oreille. Ce sont donc les parents de Kavumu, des citoyens ordinaires, qui se sont battus pour l’ouverture d’un procès. Rémy revient sur leur détermination et leur soif de justice, malgré les risques.

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Sur cette affaire
Sur la lutte contre les violences sexuelles
Sur les actions de TRIAL International en RDC

Quatorze ONG, dont TRIAL International, dénoncent le séjour officiel à Rome d’Ali Mamluk en février 2018. L’ancien chef de la Direction générale des renseignements syriens est soupçonné de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

 

En février 2018, le chef du Sécurité nationale syrienne, Ali Mamluk, rencontrait les hauts responsables de la sécurité en Italie, le ministre de l’Intérieur Marco Minniti ainsi que le chef des services de renseignements italiens, Alberto Manenti. Or Ali Mamluk fait l’objet de plusieurs enquêtes pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre dans différents pays, en Europe et ailleurs.

 

L’ONG European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR) a déposé une plainte contre le gouvernement italien auprès de la Commission européenne, au motif que les restrictions de voyage émises par l’UE à l’encontre de Ali Mamluk ont été clairement bafouées.

 

De façon plus générale, le Conseil de l’Europe oblige les Etats membre à empêcher que les responsables de la répression violente contre la population civile en Syrie d’entrer sur leur territoire. Comme le souligne le ECCHR, le général Ali Mamluk, vu son rang, ne peut ignorer les arrestations arbitraires, détentions forcées et actes de torture commis en Syrie depuis 2011.

 

TRIAL International rejoint d’autres acteurs de la société civile pour demander l’ouverture d’une procédure contre le gouvernement italien auprès de la Commission Européenne. Les hauts responsables du régime syrien doivent être poursuivis pour leurs crimes, et non reçus officiellement par un Etat membre de l’UE dans l’intérêt de ses services de renseignement.

Gambie : Suite au rapport publié par TRIAL International et Human Rights Watch (HRW), des familles de victimes se sont manifestées. Les noms de deux Togolais, Yawovi Agbogbo et Kossi Odeyi, sont désormais connus.

 

Deux Togolais ont récemment été identifiés parmi la cinquantaine de migrants ouest-africains massacrés en 2005 par une unité paramilitaire contrôlée par l’ancien président gambien Yahya Jammeh, ont révélé aujourd’hui Human Rights Watch et TRIAL International. Les familles de victimes ont appelé le gouvernement togolais à soutenir les efforts entrepris au Ghana pour mener des enquêtes et engager des poursuites relatives à cette affaire.

En juillet 2005, les deux ressortissants togolais – Yawovi Agbogbo et Kossi Odeyi – avaient quitté le Sénégal à bord d’un canot motorisé aux côtés de dizaines de Ghanéens ainsi que des Nigérians, des Sénégalais, des Ivoiriens et un Gambien, dans l’espoir d’atteindre l’Europe. Trois jours plus tard, Agbogbo a appelé sa famille pour signaler que l’embarcation était bloquée au large de la Gambie, mais n’a plus donné signe de vie après cet appel.

« Nous pensons que Yawovi Agbogbo et Kossi Odeyi ont été assassinés – tout comme de nombreux Ghanéens – par un escadron de la mort sous les ordres du président Yahya Jammeh », a déclaré Reed Brody, conseiller juridique à Human Rights Watch. « Le gouvernement togolais devrait soutenir les efforts du Ghana visant à traduire les meurtriers en justice. »

Un rapport publié le 16 mai 2018 par Human Rights Watch et TRIAL International, révélait que les migrants avaient été tués après avoir été détenus par des proches de l’ex-président Yahya Jammeh au sein de l’armée, de la marine et de la police. Certaines victimes ont été découpées à la machette ou à la hache, d’autres abattues. Les deux organisations ont basé leur rapport sur des entretiens menés avec 30 anciens responsables de la sécurité gambienne, dont onze officiers directement impliqués dans cet incident.

 

LES FAMILLES DE VICTIMES SORTENT DE L’OMBRE

A la suite du rapport de TRIAL International et Human Rights Watch, plusieurs familles de victimes ont donné de la voix. « Nous demandons justice pour notre frère et une réparation qui puisse permettre de soutenir l’éducation de ses deux orphelins », a déclaré Anani Aduro, le frère de Kossi Odeyi. La famille de la seconde victime togolaise, Yawovi Agbogbo, s’est pour sa part manifestée après avoir écouté des informations sur le rapport sur les ondes de RFI.

« Yawovi m’avait informé qu’il allait partir en bateau pour l’Europe. Trois jours après cette conversation, il m’a appelé, de la Gambie, pour me dire qu’on les avait arrêtés en Gambie et qu’ils étaient au commissariat, mais il n’a pas donné de nom précis. Il a utilisé le portable d’un gambien pour m’appeler », a témoigné, Nestor Womeno, un des frères de Yawovi Agbogbo. Depuis, Nestor n’a plus jamais eu de nouvelle de son frère. Il apprendra plus tard qu’il a été tué, sans en connaître les circonstances jusqu’à la publication du rapport.

 

LA COALITION S’AGRANDIT

Les deux familles togolaises ont joint leurs voix à l’appel lancé au Ghana par Martin Kyere, le seul survivant de la tuerie, des familles de victimes et plusieurs organisations de défense des droits humains. Cette coalition a demandé aux autorités ghanéennes de mener des enquêtes et de faire extrader Yahya Jammeh pour le juger au Ghana. En réponse, le ministre ghanéen de l’Information Dr Mustapha Abdul-Hamid a annoncé le 28 mai que les ministères de la Justice et des Affaires étrangères étudiaient la requête des victimes ghanéennes ainsi que les implications juridiques et diplomatiques d’une telle procédure. Les familles des deux victimes togolaises ont appelé leur gouvernement à soutenir les efforts entrepris par le Ghana pour enquêter sur ce crime.

Pour Bénédict De Moerloose, responsable du département Droit pénal et enquêtes au sein de TRIAL International, « le Togo, qui a perdu deux de ses citoyens dans le massacre, a un vrai rôle à jouer dans cette affaire. Il va pouvoir soutenir le Ghana dans sa volonté de faire la vérité sur ces crimes. Le Togo pourra ainsi participer à un effort de justice d’une importance capitale. »

 

 

Pour voir les photos de Yawovi Agbogbo and Kossi Odeyi

Pour plus d’informations sur la Campagne pour traduire Yahya Jammeh et ses complices en justice

Pour plus d’informations sur notre précédent communiqué de presse

En cette journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture, TRIAL International souhaite rendre hommage à une victime qu’elle a accompagné pendant près de 15 ans dans sa quête de justice.

Découvrez le témoignage d’Abdennacer Naït Liman, réfugié politique en Suisse, victime et survivant de 40 jours de détention et tortures par les autorités tunisiennes en 1992.

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Sur cette affaire
Sur les séquelles à vie engendrées par la torture
Sur les actions de TRIAL International dans la lutte contre la torture

 

La condamnation d’Eshetu Alemu en décembre dernier pour crimes de guerre a mis en lumière les possibilités qu’offre, aux victimes de crimes graves, la justice internationale. Mais celle-ci ne peut être efficace que si des moyens suffisants lui sont alloués. Valérie Paulet, spécialiste de la compétence universelle, examine la situation.

 

Quel message envoie la condamnation d’Eshetu Alemu, des dizaines d’années après les faits ?

 

Valérie Paulet : Premièrement, qu’il n’est jamais trop tard ! Comme nous l’ont montré les scènes de liesse lors de la condamnation d’Hissène Habré en 2017, le temps n’efface pas le traumatisme vécu par les victimes. L’affaire Eshetu Alemu est aussi la preuve qu’avec les moyens nécessaires et une vraie indépendance, les procureurs des « unités crimes de guerre » peuvent accomplir un travail formidable.

Les affaires de compétence universelle et extraterritoriales sont complexes. La recherche de preuve est rendue difficile par le temps écoulé, le fait que les crimes aient été commis à l’étranger, mais aussi à cause d’obstacles diplomatiques. C’est là tout l’intérêt des unités spécialisées. Elles sont composées de professionnels capables de surmonter ces difficultés et de faire preuve d’un acharnement étonnant.

On ne peut que regretter que le Ministère Public de la Confédération suisse (MPC) ne suive pas cet exemple dans tous les dossiers qu’il traite. La fusion en 2015 du département « entre-aide judiciaire » et de l’unité « crimes de guerre » est problématique, en termes d’allocation des ressources par exemple. Néanmoins, certaines annonces du MPC, comme celles de renvoi en procès de deux affaires libérienne et gambienne de crimes de guerre et crimes contre l’humanité, sont encourageantes.

 

En quoi les exactions commises par Eshetu Alemu relevaient-elles de la compétence universelle ?

 

V. P. : La compétence universelle est le plus souvent invoquée pour des crimes de torture, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre ou de génocide. En l’occurrence, Eshetu Alemu était accusé d’avoir participer à la « Terreur Rouge » qui a sévi en Ethiopie à partir de la fin des années 1970.

Il a été condamné pour avoir participé à des massacres, des tortures et supervisé la détention illégale, dans des conditions inhumaines et dégradantes, de plus de 300 personnes. Ces faits ont été qualifiés par le procureur néerlandais de crimes de guerre et par le procureur éthiopien de crimes contre l’humanité. En cela, les infractions commises par Eshetu Alemu relèvent en effet de la compétence universelle.

Cependant, il faut préciser qu’Eshetu Alemu a obtenu la nationalité néerlandaise dans les années 1990. Ainsi, les Pays-Bas et leurs juridictions étaient compétents pour le juger du fait de sa nationalité, et non en vertu du principe de compétence universelle.

 

Qui sont les détracteurs de la compétence universelle ?

 

V. P. : La compétence universelle est un caillou dans la chaussure des diplomates. Elle peut crisper les relations entre Etats, comme ce fut le cas entre le France et le Maroc lorsqu’un juge français a cité le chef des renseignements marocain à comparaître.

Mais en démocratie, la justice se doit d’être indépendante et ne peut donc pas être utilisée comme un instrument de négociation. La compétence universelle est un dernier recours pour des milliers de victimes qui ne peuvent obtenir justice dans leur pays. Elle permet d’empêcher un pays de devenir un refuge, ou safe haven, pour les criminels de guerre.

 

 

 

La compétence universelle vous intéresse ?

Valérie Paulet sera à Genève le 26 juin pour présenter le rapport Make Way for Justice #4, en partenariat avec la Geneva Academy. Plus d’informations sur l’événement  

 

Consciente de la nécessité d’une bonne collaboration, TRIAL International s’associe avec des actrices et acteurs de la société civile pour mettre sur pied une boîte à outils destinée à renforcer la lutte contre l’impunité des violences sexuelles.

 
 

Le 19 juin dernier, à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence sexuelle en temps de conflit, TRIAL International a réuni des représentant.e.s d’une trentaine d’organisations actives dans la lutte contre l’impunité des violences sexuelles. Cette rencontre marque le début d’un processus qui aboutira à la création d’une boîte à outils. En quoi consistera-t-elle, à qui est-elle destinée ? Eléments de réponse avec le directeur de TRIAL International, Philip Grant.

 

Quelle est l’idée derrière la création de cette boîte à outils ?

 

Philip Grant : TRIAL International s’est rendu compte dans les procès auxquels elle participe en Bosnie-Herzégovine, en République démocratique du Congo (RDC) ou ailleurs, que la société civile pouvait jouer un rôle important. Par exemple dans l’accompagnement des victimes, pour pousser les autorités à ouvrir des enquêtes, pour renforcer la capacité des avocats, parfois pour documenter les crimes et retrouver les suspects, ou encore pour intégrer la question des réparations dues dans le cadre des procès à venir.

 

Ces compétences très larges, aucune organisation ne les maitrise à elle seule. Il est donc primordial de pouvoir collaborer, échanger, mettre en place des stratégies de manière coordonnée pour renforcer l’efficacité des procédures en cours, ou en faire ouvrir de nouvelles. Il y en a déjà tellement peu que l’on ne peut pas se permettre de ne pas être efficace ou de commettre des erreurs.

 

Concrètement, que contiendra-t-elle ?

 

P. G. : Beaucoup de choses ! Il ne s’agit évidemment pas d’une boîte à outils au sens physique, mais d’une collection d’applications technologiques, de techniques ou de bonnes pratiques permettant d’augmenter l’efficacité des acteurs qui y auraient recours. Comment documenter les crimes commis et sauvegarder les preuves de manière sécurisée ? La boîte à outils répond à ce besoin. Les avocats qui défendront les victimes ont-ils besoin d’un appui, de formation ? Lesquels ? La boîte à outils y répondra.

 

A terme, peut-être pourra-t-elle répondre à des besoins comme la mise à disposition de kits d’analyse d’ADN pour confondre les coupables, d’une technique pour retrouver la trace d’un suspect identifié qui aurait trouvé refuge à l’étranger ou encore d’un annuaire permettant de trouver des médecins légistes prêt à donner bénévolement de leur temps.

 

Les violences sexuelles en conflit sont très largement répandues. Pensez-vous sincèrement que cette initiative peut avoir un impact ?

 

P. G. : Nous partons du principe que le changement ne va venir qu’une affaire, qu’un procès à la fois. En augmentant nos compétences et notre efficacité, ces procès vont devenir de plus en plus nombreux. Prenez la RDC ces douze derniers mois. Le travail de TRIAL International, en lien avec d’autres acteurs, a permis la condamnation de cinq militaires ou membres de groupes armés. Ces décisions ont un impact concret pour les victimes de violences sexuelles en RDC : parce que certaines ont obtenu justice, d’autres regagnent peu à peu espoir. Nous avons plusieurs autres procès à l’horizon. Si la boîte à outils permet à terme de répliquer ce type de succès dans un, cinq ou dix contextes différents, alors oui, cette initiative sera une grande réussite.

 

Le 12 juin 2018, le procès en appel de l’affaire Kavumu s’est ouvert à Bukavu (RDC). Ce cas de viol de plus de 40 fillettes à des fins fétichistes avait bouleversé l’opinion internationale.

En décembre 2017, le jugement de première instance avait reconnu 11 individus coupables de crimes contre l’humanité. TRIAL International avait activement participé à la documentation de ces crimes et collaboré étroitement avec les avocats des victimes.

 

Un appel au plus près des crimes

La Haute Cour militaire, qui instruira le dossier, siègera exceptionnellement à Bukavu, la capitale du Sud-Kivu. Une décision très positive pour les victimes, puisque les juges seront ainsi au plus près des lieux des crimes, des preuves et de leurs témoignages. La Cour examinera aussi trois autres affaires sur lesquelles TRIAL International a travaillé dans le sud Kivu : Musenyi, Mutarule et Marocain.

« Il est rare que la Haute cour militaire se déplace hors de Kinshasa, la capitale » précise Guy Mushiata, coordinateur droits humains pour TRIAL International. « Cela prouve que les autorités ont à cœur d’entendre les victimes. Celles-ci se sont tues pendant si longtemps, elles méritent ces mesures exceptionnelles. »

TRIAL attend que le procès en appel se tienne dans le respect des droits de toutes les parties et que justice puisse être rendue aux victimes.

En quinze ans d’existence, TRIAL International a acquis une expertise dans la réponse juridique à apporter à des affaires de violence sexuelle. Consciente de la nécessité d’une bonne collaboration, l’ONG s’associe avec d’autres acteurs de la société civile pour réunir des outils pratiques d’assistance aux victimes.

 

À l’occasion de son quinzième anniversaire, TRIAL International organise un événement emblématique sur le thème des violences sexuelles en temps de conflit. Cette rencontre réunira à Genève nombre d’actrices et acteurs de ce combat, les 18 et 19 juin prochains (Journée internationale pour l’élimination de la violence sexuelle en temps de conflit). L’accent sera mis sur les avancées qui ont été réalisées par les organisations actives dans le domaine, avec pour objectif de réunir leurs expériences et de partager des solutions pratiques.

« C’est probablement la première fois que l’on voit les ONG qui ont développé des techniques très pointues ou des applications informatiques montrer une telle volonté de collaborer. Chacune amènera une pièce du puzzle pour faire avancer, patiemment et professionnellement, la lutte contre l’impunité des crimes de violence sexuelle », se réjouit Philip Grant, directeur de TRIAL International.

 

DES SPÉCIALISTES POUR TÉMOIGNER DES AVANCÉES

La soirée publique du 18 juin proposera un tour d’horizon des avancées réalisées dans l’accès à la justice pour les victimes de violences sexuelles en temps de conflit. La Haut-Commissaire adjointe des Nations unies aux droit de l’homme, Kate Gilmore ainsi que le Représentant permanent de la Suisse auprès de l’ONU, l’ambassadeur Valentin Zellweger, prendront la parole en ouverture de cette soirée.

Celle-ci se poursuivra par une table ronde constituée d’expert-e-s dans le domaine, comme la juriste internationale Céline Bardet, qui a fondé et préside l’ONG We are not Weapons of War, l’avocate britannique Ingrid Eliott MBE, experte au sein de l’Initiative de Prévention des Violences Sexuelles, Maxine Marcus, Directrice de Transitional Justice Clinic, spécialisée dans la poursuite et les enquêtes de violences sexuelles en temps de conflit et Daniele Perissi, conseiller juridique en charge du programme République démocratique du Congo (RDC) chez TRIAL International. La modération de la table ronde sera assurée par Manon Schick, directrice de la section suisse d’Amnesty International. Des témoignages de victimes de violences sexuelles seront par ailleurs projetés, ainsi qu’une intervention du gynécologue congolais Denis Mukwege, « l’homme qui répare les femmes », et de Pramila Patten, Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies chargée de la question des violences sexuelles commises en temps de conflit.

 

DES ATELIERS POUR ABOUTIR À DES SOLUTIONS CONCRÈTES

La journée du 19 juin sera occupée par des ateliers qui réuniront une trentaine d’organisations actives dans la poursuite des auteurs de violences sexuelles. Elles viendront y présenter les outils pratiques qu’elles ont développé et qui ont prouvé leur efficacité. Ceux-ci seront dans un second temps compilés dans une boîte à outils, pensée comme un manuel des bonnes pratiques à destination des organisations de la société civile.

Pour Philip Grant, il s’agit de « soutenir les initiatives locales qui visent à lutter contre l’impunité de ces crimes, en renforçant la compétence des acteurs locaux notamment en matière de documentation, d’enquête ou de sécurité, en les appuyant dans l’élaboration de stratégies juridiques ou encore par le biais de formations. »

 

SOUTIENS ET PARTENAIRES

La manifestation est entre autres soutenue par le Département fédéral des affaires étrangères, la République et Canton de Genève, la Ville de Genève, la Cottier Donzé Foundation, la Fondation Barbour, l’Ordre des avocats de Genève et l’étude LALIVE.

TRIAL International s’est par ailleurs associée avec des acteurs de la société civile comme les ONG We Are not Weapons of War, Physicians for Human RightsRedress, eyeWitnessTransitional Justice Clinic, The Institute for International Criminal Investigation, Amnesty International, et a conclu un partenariat média avec JusticeInfo.

Le Tribunal pénal fédéral (TPF) a annulé une ordonnance de classement du Ministère public de la Confédération (MPC) dans l’affaire concernant l’ancien ministre algérien Khaled Nezzar, soupçonné de crimes de guerre. Dans une décision de cinquante pages appelée à faire date, le TPF reconnaît qu’un conflit armé existait bel et bien en Algérie au début des années 1990 et que le Général Khaled Nezzar était conscient des crimes massifs commis sous ses ordres. L’affaire est renvoyée au MPC qui devra reprendre l’instruction.

 

Y avait-il un conflit armé en Algérie avant 1994 ? C’est en répondant par la négative que le MPC avait clôt en janvier 2017 une instruction contre le Général Khaled Nezzar, ancien ministre de la Défense algérien, soupçonné de crimes de guerre alors qu’il était au pouvoir. Selon le MPC, sans conflit armé, pas de crimes de guerre ; sans crimes de guerre, pas de poursuites.

Le TPF renvoie donc sa copie au MPC. Suite à un raisonnement juridique longuement motivé, le Tribunal conclut en effet que « la condition du conflit armé non international en Algérie entre janvier 1992 et janvier 1994 est réalisée. » Il considère que les crimes commis l’ont bien été dans le cadre de ce conflit, et que l’ancien ministre pourrait donc faire face à des accusations de crimes de guerre, voire même de crimes contre l’humanité.

Pour Bénédict De Moerloose, avocat en charge des enquêtes chez TRIAL International, « cette décision historique oblige maintenant le MPC à se déterminer sur la responsabilité de Khaled Nezzar. D’autant que le TPF a affirmé qu’il ne pouvait ignorer les exactions commises par ses subordonnés. »

En effet, pour le TPF, « il ne fait aucun doute que [Khaled Nezzar] était conscient des actes commis sous ses ordres ». Exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées et actes de torture, la liste des exactions est longue. Et la description de certains de ces actes fait froid dans le dos : coups de bâtons, de fils de fer, de ceintures, arrachage des ongles, brûlures de cigarettes…. Selon le TPF, des actes d’une telle ampleur et aussi systématiques peuvent même constituer des crimes contre l’humanité.

« Les arguments du MPC ont été battus en brèche », selon Me Pierre Bayenet, l’un des avocats des parties plaignantes qui a recouru contre la décision de classement. « En cinq ans d’enquête et après avoir entendu des dizaines de témoins sans jamais poser la question du conflit armé, la décision du MPC de classer l’affaire était incompréhensible. »

« C’est un immense soulagement pour les victimes qui voient enfin leurs souffrances reconnues », déclare pour sa part Me Damien Chervaz, l’autre avocat des parties plaignantes. « Le MPC doit maintenant faire face à ses obligations, reprendre immédiatement l’instruction et statuer rapidement sur son renvoi en jugement. »

 

L’affaire Nezzar en bref

Khaled Nezzar a été ministre de la Défense et membre du Haut Comité d’Etat en Algérie entre 1992 et 1994. En octobre 2011, suite à une dénonciation pénale de TRIAL International, il a été interpellé et entendu en Suisse, suspecté d’avoir autorisé ou incité ses subordonnés à commettre des actes de torture, meurtres, exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées et autres actes constitutifs de crimes de guerre. Il a ensuite été libéré sous la promesse de se rendre aux convocations de la justice.

 

Contexte

La « décennie noire » en Algérie (1992-2000) aurait fait 200’000 morts ou disparus. Les violations des droits humains y étaient largement répandues et l’usage de la torture systématique. Khaled Nezzar était chef de l’armée et numéro 1 du régime, à la tête de troupes ayant commis un nombre incalculable d’exactions. L’impunité pour ces faits est totale. Personne n’a jamais été poursuivi en Algérie, et encore moins jugé pour ces crimes.

 

Chronologie de l’affaire

19 octobre 2011 : La présence de Khaled Nezzar est signalée sur le territoire suisse. TRIAL International dépose une dénonciation pénale auprès du Ministère public de la Confédération (MPC), qui ouvre une instruction.

20 octobre 2011 : Khaled Nezzar est interpellé et entendu par le MPC jusqu’au 21 octobre, avant d’être remis en liberté sur la promesse de se présenter durant la suite de la procédure.

Janvier 2012 : Khaled Nezzar recourt contre les poursuites dont il fait l’objet soutenant que sa fonction de ministre de la Défense à l’époque des faits le protégeait d’éventuelles poursuites pénales en Suisse.

31 juillet 2012 : Le Tribunal pénal fédéral (TPF) rend une décision historique suite au recours et déboute Khaled Nezzar, considérant qu’il est exclu d’invoquer une immunité pour des crimes internationaux (crimes de guerre, crimes contre l’humanité ou génocide).

2011 à 2016 : Cinq victimes portent plainte et seize personnes sont entendues dans le cadre de la procédure.

16 au 18 novembre 2016 : Le MPC entend Khaled Nezzar à nouveau.

4 janvier 2017 : Le MPC classe l’affaire.

16 janvier 2017 : Les parties plaignantes déposent un recours contre l’ordonnance de classement auprès du TPF.

6 juin 2018 : Le TPF rend publique la décision annulant le classement de la plainte par le MPC, lequel doit ainsi reprendre l’instruction.

Vingt ans d’emprisonnement pour le viol de deux mineures : le verdict rendu en mars 2017 par le tribunal militaire de Bukavu – à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) – à l’encontre d’un policier témoigne de la volonté de la justice congolaise de ne pas laisser les crimes sexuels impunis. Deux ans plus tôt, un soldat écope de quinze ans pour le viol de deux autres femmes dans la même région.

« Sous l’impulsion de TRIAL International et d’autres acteurs et actrices de la société civile, les violences sexuelles commencent à être poursuivies », déclare Lucie Canal, conseillère juridique chez TRIAL International.

Longtemps ignorées ou minimisées, les violences sexuelles en temps de guerre sont commises par toutes les parties au conflit. Elles restent un crime encore trop souvent invisible. La condamnation de leurs auteurs – particulièrement si leur crime a été commis dans l’exercice de leurs fonctions officielles – envoie un message fort : l’uniforme n’est pas une garantie d’impunité.

Aujourd’hui, le travail d’enquête réalisé par TRIAL International, rendu possible notamment grâce aux nouvelles technologies, a permis de porter devant les instances judiciaires de RDC pas moins de 19 affaires, qui concernent 232 victimes. Cinq d’entre elles ont abouti à une condamnation pour crimes internationaux, que ce soit pour esclavage sexuel ou viol comme crime contre l’humanité. L’organisation a aussi formé 155 avocat.e.s, procureur.e.s et défenseurs et défenseuses des droits humains à l’utilisation des techniques et outils de documentation spécifiques à la poursuite des crimes de violences sexuelles basées sur le genre.

En Bosnie Herzégovine (BiH), l’organisation a permis de condamner dix anciens soldats pour des viols commis lors de la guerre entre 1992 et 1995. Fait marquant, en 2015, la Cour d’Etat de BiH a également décidé de condamner les accusés du viol d’une jeune fille en 1992 à payer des compensations importantes à titre de réparation.

 

DES OUTILS PRATIQUES À DISPOSITION DES DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS

Malgré le développement progressif de la jurisprudence relative aux violences sexuelles dans le droit international au cours de ces dernières décennies, l’effet dissuasif demeure faible et ces crimes restent une pratique courante dans le monde. Pour TRIAL International, la société civile a un rôle important à jouer. Il est aussi nécessaire que les organisations engagées dans la lutte contre l’impunité unissent leurs efforts pour être plus efficaces.

Les 18 et 19 juin prochains, TRIAL international organise donc une rencontre avec des membres de la société civile. Ses partenaires viendront présenter les outils dont ils se servent pour réunir des preuves, assurer la traçabilité de contenus multimédias, déposer des affaires devant les instances judiciaires nationales et internationales… Ces instruments, qu’ils et elles ont développés et testés, seront ensuite réunis dans une boîte à outil destinée aux défenseurs et défenseuses des droits humains.

Cette boîte à outils contiendra notamment des stratégies juridiques innovantes, des applications mobiles servant à la collecte de preuves, des instructions pour une utilisation plus efficace des preuves médico-légales, ou pour une meilleure protection des données… Mettre en commun ces instruments performants, c’est rendre le travail plus efficace et donc améliorer l’accès des victimes à la justice.

En novembre 2017, l’équipe de TRIAL International a effectué une mission de documentation au Rwanda. Le but : identifier des cas de violences sexuelles perpétrés au Burundi durant la crise déclenchée en avril 2015.

L’équipe de TRIAL s’est entretenue avec 41 victimes dont 28 femme et 13 hommes. Trois victimes étaient mineures au moment des faits ; la plus jeune avait 11 ans et la plus vieille 53 ans.

 

Faits similaires

La majorité des crimes documentés ont été commis entre avril et décembre 2015 et présentent des similitudes en fonction du sexe de la victime :

  • Les femmes étaient pour la plupart à leur domicile lorsqu’elles ont subi des viols répétés, souvent accompagnés d’insultes, de menaces et de coups.
  • Les hommes ont généralement subi des violations suite à leur arrestation : lors d’interrogatoires ou dans un lieu de détention, officiel ou non. Tous ont subi des tortures à caractère sexuel au mode opératoire similaire.

Dans la grande majorité des cas, les victimes ont été ciblées en raison d’une opposition au régime présumée ou avéré. Ainsi elles ont été agressées du fait de leur activisme politique, leur participation aux manifestations anti-troisième mandat, l’opinion politique de leur famille, leur domiciliation dans les quartiers dit « contestataires » ou des liens présumées avec des groupes armés d’opposition.

Invariablement, les crimes ont été commis par des agents étatiques ou par des individus sous leur égide. Dans la majorité des cas, les exactions subies ont été le fruit d’une action coordonnée entre les Imbonerakure (la ligue des jeunes du parti au pouvoir) et des membres des corps de défense et de sécurité, à savoir des agents de la police, du SNR, ou encore de l’armée.

 

Des rapports pour dénoncer les violations

TRIAL International a décidé de porter la voix des survivants de violences sexuelles auprès d’acteurs clé de la communauté internationale en leur présentant les résultats de la mission de documentation.

Ainsi des rapports adaptés aux mandats des organisations contactées ont été envoyés à la Commission d’enquête sur le Burundi, la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, la Rapporteuse spéciale sur les droits des femmes en Afrique ainsi que d’autres experts en matière de violences sexuelles et basées sur le genre.

« Les violences sexuelles sont trop souvent sous-documentées et sous rapportées car un grand tabou subsiste sur le sujet. Par ces rapports, nous espérons une prise de conscience et un plus grand engagement de la communauté internationale en faveur des victimes » conclut Pamela Capizzi, reponsable du programme Burundi, « il est temps de mettre un terme aux violations et à l’impunité des responsables. »

TRIAL International avait déjà entamé sa métamorphose en 2016 lors du lancement de sa nouvelle identité. L’organisation s’attaque maintenant à un nouveau chantier interne : un développement organisationnel lui permettant d’asseoir sa croissance rapide ces dernières années.

En 2003, un an après sa naissance, TRIAL International (qui s’appelait alors TRIAL – Track Impunity Always) n’était composée que de 95 membres et d’aucun salarié. Elle compte à présent plus de 30 employés fixes dans sept pays différents et plusieurs centaines de membres.

Le besoin de se réorganiser pour mieux répondre aux enjeux présents et futurs se faisait donc sentir. Et c’est tout naturellement qu’un processus de développement interne s’est enclenché fin 2017.

« En tant qu’organisation de la société civile, nous devons tendre vers toujours plus d’efficacité et de pérennité », explique Philip Grant, directeur de TRIAL International. « Cela passe bien sûr par nos compétences juridiques, mais aussi par une optimisation de nos habitudes de travail. »

 

Une approche collective et consultative

Le développement organisationnel permettra de mieux définir les rôles de chacun et de favoriser la collaboration transversale entre les programmes. L’expertise interne, par exemple en matière de violences sexuelles ou de techniques d’enquête, sera ainsi mieux exploitée. Cette expertise sera également mise au service d’acteurs extérieurs, TRIAL souhaitant développer autour d’elle un réseau d’ONG œuvrant dans le même domaine.

Le processus puise sa légitimité dans ce qui a fait la force de TRIAL jusqu’à présent : un fort engagement de son staff, à Genève comme sur le terrain. L’ensemble des salariés sont donc acteurs de la démarche, qui se veut aussi transparente et consultative que possible. Un groupe de pilotage et des sous-groupes thématiques assurent la représentation et l’information des employés.

 

Des partenaires spécialistes du milieu associatif 

Pour l’accompagner dans cette transition, TRIAL International bénéficie du soutien de partenaires experts : la Fondation PeaceNexus d’une part, qui fournit conseils et expertise à des acteurs travaillant dans le domaine de la consolidation de la paix et qui finance cette évolution ; et Philanthropy Advisors d’autre part, un cabinet de consultance dans le domaine humanitaire.

« Ce développement organisationnel nous permettra de travailler plus efficacement, et donc de mieux servir les victimes que nous soutenons. C’est pour l’organisation un gage de maturité et de crédibilité dont nous nous réjouissons », conclut Philip Grant.