L’ex-agent de police serbe bosnien Dragan Janjić a été déclaré coupable de viol et condamné à 7 ans de prison pour crimes contre l’humanité. Il avait été inculpé pour viol et abus sexuel d’une femme, ainsi que pour avoir encouragé l’emprisonnement illégal d’autres civils bosniaques. Les faits remontent à 1992, lorsque l’armée de la république serbe de Bosnie ainsi que des forces policières et paramilitaires multipliaient les assauts dans la municipalité de Foča. Dragan Janjić a enlevé la femme et sa famille et les a emmené au poste de police de Miljevina (près de Foča). Après les avoir séparé, il a menacé et emmené la femme dans une autre pièce où il l’a violé et l’a abusé sexuellement.

En plus de la peine de prison, la Cour de Bosnie-Herzégovine a condamné Janjić à verser 15,000 BAM (7,588.22 EUR) à la victime en compensation de sa souffrance physique et psychologique. TRIAL International, qui a apporté un soutien légal à la victime depuis 2014, salue cette décision.

« Nous gardons pour objectif la condamnation de chaque cas de violences sexuelles commises lors de conflits. Ce verdict nous confirme, une fois de plus que cela vaut le coup d’agir pour combattre l’impunité » dit Adrijana Hanušić Bećirović, conseillère juridique au bureau de TRIAL International à Sarajevo.

Dragan Janjić est le sixième prévenu à avoir été condamné pour abus sexuel en temps de guerre (le procès d’un autre prévenu est en cours), tout cela grâce au travail de longue haleine et à la pugnacité de l’équipe de TRIAL International dans la lutte contre l’impunité des atrocités commises pendant la guerre de 1992 à 1995 en Bosnie-Herzégovine.

La victoire d’aujourd’hui ne signifie pas la fin de la lutte contre l’impunité des crimes de guerre. « TRIAL International reste mobilisé pour faire valoir les droits des survivants de guerre, en particulier en luttant contre l’impunité  » dit Selma Korjenić, responsable du Programme Bosnie-Herzégovine de TRIAL International.

En 2016, TRIAL International a réussi à déposer un amendement à la Loi d’Etat sur la Gratuité de l’Aide Juridictionnelle. Cet amendement a permis la mise en place de dispositifs gratuits d’aide juridictionnelle sur les demandes de réparation par le Ministère de la Justice de Bosnie Herzégovine. La victime de l’affaire Janjić était la première personne à bénéficier de ce dispositif gratuit.

Que signifie être une femme en République démocratique du Congo ? A quoi ressemble le quotidien d’une défenseuse des droits humains ? Notre collègue Ghislaine Bisimwa narre son quotidien à Bukavu, la capitale du sud Kivu.

La situation dans l’est de la RDC est tendue en cette période pré-électorale. Ces tensions s’ajoutent à des difficultés structurelles : pour une grande partie de la population, l’accès à l’alimentation, à la santé, à l’éducation ou même à l’eau potable et l’électricité est difficile.

Dans les quartiers les plus reculés de Bukavu, l’insécurité bat son plein. Et les femmes et les fillettes en sont les premières victimes. Elles sont exposées au viol, par exemple quand elles vont chercher de l’eau à la tombée de la nuit.

 

Des inégalités structurelles entretenues par des stéréotypes rétrogrades

Les inégalités de genre et les discriminations envers les femmes sont partout. La femme congolaise a intégré dès son plus jeune âge qu’elle vaut moins que l’homme. Des coutumes et stéréotypes rétrogrades persistent et continuent de priver les femmes de l’accès à la santé, à la scolarité, voire à leur héritage.

Parlant des droits civils et politiques, la population a été éduquée à ne pas faire confiance à une femme. Même lorsque l’une d’elle essaye de se présenter aux élections ou à un poste important, elle est souvent découragée et par ses paires et par les hommes.

 

Les femmes s’ouvrent plus facilement face à une autre femme

Dans mon travail, être une femme a aussi des avantages. Mes relations avec les victimes sont facilitées, surtout celles qui ont subi des violences sexuelles et basées sur le genre, qui sont pour la plupart des femmes. Dans notre travail de documentation, par exemple, elles s’ouvrent plus facilement. Parfois elles utilisent même des propos qui touchent à leur intimité, qu’elles n’auraient pas utilisé en face de l’homme.

C’est la partie de mon travail qui me plait le plus : Dans la phase de préparation des procès, quand les victimes se confient à moi, je cultive l’espoir qu’elles seront bientôt rétablie dans leurs droits.

 

 

La décennie de guerre civile est toujours une plaie ouverte pour le Népal. Ceux qui désirent briser le silence imposé par les autorités sur les violations des droits humains qui ont eu lieu entre 1996 et 2006 s’exposent à des représailles. Lenin Bista, un ancien enfant soldat, en a fait les frais le mois dernier.

Appelé à prendre la parole à un congrès sur la réinsertion des jeunes ayant vécu dans des zones de conflit, on lui a refusé l’accès à l’avion, au motif qu’il était « partiellement blacklisté » depuis le matin même. « Les autorités compétentes n’ont pas donné leur permission pour qu’il participe à ce programme », lui ont répondu les douaniers lorsqu’il a cherché à en savoir plus. Or, il n’existe aucune loi demandant à un citoyen népalais d’avoir une permission officielle pour voyager à l’étranger.

Aujourd’hui âgé de 27 ans, Lenin Bista se bat, avec l’organisation qu’il a créée, pour la réinsertion des anciens enfants soldats maoïstes. Nombre d’entre eux sont restés sur le carreau dès la fin de la guerre civile, suite au refus du gouvernement d’honorer sa promesse et de les intégrer dans l’armée régulière. TRIAL International a rencontré Lenin Bista.

 

TRIAL International: Qu’est-ce qui a poussé les autorités népalaises à émettre une interdiction de voyager à votre encontre ?

Lenin Bista : Je suis un ancien combattant maoïste et un ancien enfant-soldat. Cela fait maintenant sept ou huit ans que je traite du problème des enfants-soldats au Népal. Les personnes actuellement au pouvoir voient ceci d’un très mauvais œil, car bon nombre de responsables sont d’anciens belligérants. Le gouvernement a tenté de me faire taire à plusieurs reprises, en me kidnappant et m’emprisonnant à plusieurs reprises. J’imagine qu’ils m’ont empêché de quitter le pays par peur que je soulève cette question dans un forum international, car ils ne souhaitent pas que ce problème soit discuté hors du pays.

 

Vous deviez assister à des ateliers sur la problématique des enfants-soldats aurait probablement été abordée. Pensez-vous que le gouvernement a cherché à vous faire taire ?

L’interdiction de voyager est une indication très claire que le gouvernement ne veut pas qu’on parle de cette thématique à l’étranger. Ils n’ont même pas cherché à se justifier. Cela prouve à mon avis leur détermination à faire taire les voix discordantes.

 

Une interdiction de voyager est une atteinte claire à votre liberté de voyager ainsi qu’à votre liberté d’expression. Comment décririez-vous la situation des droits humains au Népal ?

Les pressions exercées par le gouvernement ne se limitent pas à l’action de mon organisation. Le gouvernement veut donner l’impression que le processus de paix s’est achevé avec succès. Je pense qu’il cherche à faire un exemple de mon cas. Il envoie une sorte de message indirect à tous ceux qui chercheraient à rendre ces thèmes publics. Pourtant, il y a encore énormément de problèmes à régler et le gouvernement rechigne à s’en emparer. De façon générale, la situation des droits humains est très préoccupante au Népal.

En partenariat avec l’Institut Philip Kirsch et le Centre canadien pour la justice internationale.

Joseph Rikhof est rédacteur pour le Global Justice Journal de l’institut Philip Kirsch. Il a rencontré Terry Beitner, Directeur/Avocat général de la Section des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre du ministère de la Justice du Canada, au sujet du travail accompli par sa section.

JR : Qu’est-ce que l’Unité canadienne des crimes de guerre et quelles sont vos activités ?

Tout d’abord, le nom officiel est la Section des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, située à Ottawa, au ministère de la Justice du Canada. Appelons-la « l’unité ». L’unité a été créée il y a plus de trente ans.

Avec nos partenaires du Programme sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, nous enquêtons sur les allégations concernant la présence de criminels de guerre au Canada. Nos partenaires sont l’Agence des services frontaliers du Canada, le service Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et la Gendarmerie royale du Canada.

JR : Comment se déroulent les enquêtes dans les affaires de crimes de guerre ?

Qu’il s’agisse d’une allégation d’acquisition frauduleuse du statut d’immigrant entraînant la révocation de la citoyenneté ou d’une affaire pénale, le processus commence par une analyse juridique et politique/historique du conflit armé au cours duquel les événements sont censés s’être produits. Bien que la présence d’un conflit armé ne soit pas requise pour certains crimes internationaux traités par le Programme (à savoir les crimes contre l’humanité), l’histoire montre qu’un conflit armé est habituellement à l’origine de l’affaire. Par conséquent, une analyse du conflit est essentielle pour comprendre les intentions des parties impliquées dans ces crimes internationaux. L’analyse fournira également le contexte de la situation, qui permettra de déterminer si les crimes spécifiques en question peuvent être liés au conflit armé ou si ces comportements faisaient partie d’une attaque généralisée ou systématique contre des civils. L’analyse historique est donc essentielle pour établir les éléments juridiques des infractions en question. Dans le scénario idéal, une fois l’analyse contextuelle terminée, les enquêteurs élaborent un plan d’enquête pour obtenir des preuves matérielles et documentaires en plus des témoignages recueillis.

JR : Ces enquêtes doivent être coûteuses, car les événements ont eu lieu à l’extérieur du Canada. Pourquoi devrions-nous nous soucier de ce qui s’est passé si loin et, dans certains cas, il y a très longtemps ?

Le Canada, comme beaucoup d’autres pays, a une tolérance zéro sur la présence de criminels de guerre sur son territoire. Notre politique est appelée « No Safe Haven ». Le Canada ne sera un refuge sûr pour aucune personne contre qui pèsent des soupçons raisonnables d’implication dans des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre ou de génocide.

JR : Y a-t-il des dossiers intéressants dont vous pouvez discuter publiquement ?

Nous avons plusieurs dossiers actuellement devant la Cour fédérale du Canada. L’un d’eux est une affaire de longue date remontant à la Seconde Guerre mondiale, tandis que trois autres découlent de conflits plus récents. Par exemple, l’une des affaires concerne des allégations de participation à des crimes contre l’humanité au Guatemala, lors d’un événement connu sous le nom de « massacre de Las Dos Erres » commis en 1982. Les autres affaires en cours concernent des allégations de participation à des atrocités commises en Bosnie-Herzégovine pendant la guerre qui a suivi l’éclatement de l’ex-Yougoslavie.

Lire l’interview complète de Terry Beitner sur le site de l’Institut Philip Kirsch (en anglais)

 

Vendredi 21 septembre, le tribunal militaire de garnison de Bukavu (République démocratique du Congo) a reconnu deux commandants haut-placés coupables de meurtres et actes de torture constitutifs de crimes contre l’humanité. Fait unique en RDC, des vidéos ont été présentées comme preuves à charge. Les ONG TRIAL International, eyeWitness to Atrocities et WITNESS, qui ont collaboré sur ce dossier, saluent cette victoire contre l’impunité dans l’est de la RDC.

La justice a triomphé à Bukavu : deux commandants de la milice rebelle appelée Forces démocratiques de libération du Rwanda (ou FDLR) ont été condamné à perpétuité pour meurtres et actes de torture, constitutifs de crimes contre l’humanité, ainsi que pour pillage et incendie. Les 100 victimes parties à la procédure se sont toutes vues accorder des réparations allant de 5 000 USD à 25 000 USD.

En 2012, les villages de Kamananga et Lumenje (sud Kivu) ont été le théâtre d’attaques barbares des FDLR. Alléguant que les villageois soutenaient une milice locale rivale, des hommes répondant aux ordres des commandants Gilbert Ndayambaje (alias Rafiki Castro) et Evariste Nizeimana (alias Kizito) ont pillé les deux villages, torturé et tué des civils, et incendié plusieurs bâtiments.

En savoir plus sur l’affaire

« Nous sommes ravis de ce verdict » dit Daniele Perissi, responsable du programme RDC chez TRIAL International. « L’impunité en RDC est extrêmement répandue, y compris au sein du commandement des groupes armés. Cette décision envoie un message clair à quiconque commettrait des abus en pensant que leur pouvoir militaire les place au-dessus des lois. » 

Des preuves audiovisuelles utilisées pour la première fois en RDC 

Ce succès est le résultat d’une étroite collaboration entre de nombreux acteurs, dont trois ONG : TRIAL International, dont le mandat est de lutter contre l’impunité des crimes internationaux : WITNESS, qui se spécialise dans l’utilisation de vidéos pour défendre les droits humains ; et eyeWitness to Atrocities, qui a développé un outil unique pour enregistrer, archiver et authentifier les vidéos dans le cadre de procédures juridiques. Ensemble, ces organisations ont aidé les avocats des victimes à collecter les preuves à charge les plus incriminantes, dont des vidéos – une première dans toute la RDC.

Isabelle Myabe, chargée de programmes chez WITNESS, explique : « Dans le cadre du processus d’enquêtes, nous avons formé les avocats travaillant sur le dossier aux bonnes pratiques de tournage et d’archivage de preuves vidéo. Pendant une mission de documentation en juillet 2017, l’un des avocats a collecté des preuves de l’existence de fosses communes dans les villages affectés. Un extrait de cette vidéo a été projeté pendant le procès. »

Afin d’être admissibles en preuves, le matériel collecté a été soumis à une rigoureuse procédure de vérification garantissant leur authenticité.

« Pendant les missions de documentation, des informations ont été récoltées avec l’app eyeWitness pour renforcer la valeur de preuve des vidéos présentées »explique Wendy Betts, directrice de projet chez eyeWitness to Atrocities. « L’application permet d’enregistrer des photos et des vidéos avec des information qui attestent où et quand elles ont été prises, et garantir qu’elles n’ont pas été manipulées. Les protocoles de transmissions et le serveur sécurisé mis en place par eyeWitness a créé une chaîne de traçabilité qui rend ces informations utilisables en audience. »

En savoir plus sur l’usage de vidéos comme moyen de preuve

« L’atmosphère en audience a changé du tout au tout »

Sur la base des preuves collectées, TRIAL International a assisté les avocats des victimes dans l’établissement de leur stratégie juridique.

« Quand les vidéos ont été projetées, l’atmosphère dans la salle d’audience a changé du tout au tout », témoigne Guy Mushiata, coordinateur droits humains pour la RDC. « L’image est un vecteur très puissant pour rendre compte de la brutalité des crimes, et du niveau de violence dont les victimes ont souffert. »

TRIAL International, eyeWitness to Atrocities et WITNESS espèrent que cette double condamnation encouragera d’autres avocats à faire usage de preuves audiovisuelles dans des procès pénaux. Les ONG continueront de collaborer pour contribuer à essaimer cette pratique dans l’est de la RDC.

 

Le travail de TRIAL International sur ce dossier a été mené dans le cadre de la Task ForceJustice Pénale Internationale, un réseau informel d’acteurs internationaux qui collaborent afin de soutenir le travail des juridictions militaires congolaises dans l’enquête et la poursuite des crimes de masse en RDC.

Le travail de TRIAL International sur les dossiers de crimes internationaux en RDC ne serait pas possible sans le soutien du bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth du gouvernement britannique, du Département fédéral des affaires étrangères suisse et de la Coopération belge au développement.

Christian: Enlevé, porté disparu, et finalement exécuté

En décembre 2015, au Burundi, des attaques perpétrées par des personnes armées non identifiées ont eu lieu contre quatre bases militaires à Bujumbura et autour de la ville.

A l’issue de ces attaques, les forces de l’ordre ont conduit une campagne de répression d’une ampleur inégalée dans plusieurs quartiers affiliés à l’opposition. Selon certaines estimations, environ 160 personnes auraient été tuées et de nombreuses personnes auraient été victimes d’arrestations arbitraires, de tortures et de viols.

Au lendemain de ces attaques, Christian (nom d’emprunt) a été arrêté par un groupe de policiers et embarqué de force dans une camionnette du SNR (le Service national de renseignement).

Quelques jours plus tard, le corps de Christian a été retrouvé sans vie et sa dépouille présentait de nombreuses marques de sévices et plusieurs impacts de balles.

 

Procédure

Les proches de Christian, malgré la peur de représailles, ont alerté les autorités avant même que son corps ne soit retrouvé. Bien qu’aucune plainte écrite n’ait été déposée, un dossier a été ouvert par les autorités.

Pourtant, plus de deux ans après les faits, aucune enquête effective n’a été ouverte et aucun acte d’investigation n’a été entrepris.

Ainsi, malgré la mobilisation de nombreux acteurs et malgré un grand retentissement médiatique, le dossier reste bloqué et les auteurs de cette exaction continuent de bénéficier d’une impunité totale.

Il est malheureusement trop tard pour venir en aide à Christian. Mais la souffrance infligée à ses proches du fait de son exécution peut encore être atténuée si justice est faite.

Du fait des violations des droits humains perpétrées à l’encontre de Christian et de ses proches, TRIAL International a saisi une instance internationale.

Début 2018, l’affaire a été déclarée recevable. La procédure est en cours.

 

Durant l’été 2015, Pascal (nom d’emprunt) a reçu de nombreux appels alarmants l’informant qu’il était activement recherché par la police burundaise.

Depuis avril 2015, la recrudescence d’insécurité au Burundi a engendré de nombreuses violations graves des droits humains, et ce dans une situation d’impunité totale.

En effet, entre avril 2015 et fin avril 2016, les estimations de l’ONU présentaient 348 cas d’exécutions extrajudiciaires, 36 cas de disparitions forcées, 3477 arrestations arbitraires et 651 cas de torture.

Dans ce contexte, Pascal a voulu se renseigner auprès d’un agent étatique pour lever le voile sur sa situation. Ce dernier lui a assuré qu’il ne faisait l’objet d’aucune poursuite.

Pourtant, dans les jours qui ont suivis cet échange, Pascal a été arrêté par un groupe de policiers lourdement armés avant d’être embarqué de force vers une destination inconnue.

Quelques jours plus tard, le corps de Pascal a été retrouvé sans vie et sa dépouille présentait plusieurs impacts de balles.

 

Procédure

Outre la saisie de plusieurs organisations de droits humains, la famille de Pascal a porté plainte devant les autorités.

Pourtant, près de trois ans après les faits, aucune enquête effective n’a été ouverte et aucun acte d’investigation n’a été entrepris.

Ainsi, malgré l’implication de nombreux acteurs et malgré un grand retentissement médiatique, le dossier reste bloqué et les auteurs de cette exaction continuent de bénéficier d’une impunité totale.

Au vu de l’inertie de la justice nationale, TRIAL International a saisi une instance internationale.

La procédure est en cours.

 

En avril 2015 au Burundi, de nombreuses personnes sont descendues dans les rues pour manifester contre le renouvellement du mandat du président M. Pierre Nkurunziza.

Quelques mois plus tard, des attaques perpétrées par des hommes armés non-identifiés ont été menées à l’encontre de plusieurs camps militaires. Ces attaques, considérées comme un tournant dans la crise burundaise, ont déclenché une campagne de répression d’une ampleur inégalée dans plusieurs quartiers affiliés à l’opposition.

Dans ce contexte, Sam (nom d’emprunt), membre de l’opposition ayant participé aux manifestations anti-troisième mandat, a été violement arrêté par un groupe de policiers. Après avoir été passé à tabac et brusquement interrogé, Sam a été embarqué de force dans une camionnette de la police.

Sam a été aperçu une dernière fois après son enlèvement, ligoté à bord d’un véhicule de la police. Il était ensanglanté et les marques des sévices qu’il avait subi étaient encore visibles.

 

Procédure

Promptement alerté de la disparition de Sam, un de ses proches a entrepris de nombreuses démarches afin de le retrouver. Ses recherches sont malheureusement restées infructueuses.

Pire encore, le proche de Sam a commencé à recevoir de nombreuses menaces et a dû couper court aux démarches entamées.

Plus de deux ans après les faits, et tandis que les autorités ont été notifiées de la disparition de Sam, aucune enquête n’a été ouverte et aucun acte d’investigation n’a été entrepris. Ainsi, Sam est encore porté disparu et les auteurs de ces exactions demeurent impunis.

La situation de Sam, qui continu d’être soustrait à la protection de la loi, est extrêmement préoccupante car il n’y a aucun moyen de garantir sa sécurité.

Aux vues de ces circonstances, TRIAL International a saisi une instance internationale.

La procédure est en cours.

 

Un rapport de l’ONU récemment rendu public pointe la Suisse du doigt : dans deux affaires en cours, le Ministère Public de la Confédération aurait cédé à des pressions politiques. Avec pour conséquence d’énormes retards dans les procédures, au détriment des victimes soutenues par TRIAL International.

Les procureurs de la Confédération seraient-ils trop perméables aux pressions politiques ? Le reproche adressé au Département Fédéral des Affaires Etrangères (DFAE) par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture, ainsi que par le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats est cinglant : « absence de volonté politique d’instruire des crimes internationaux ».

En cause notamment, les atermoiements dans l’affaire Khaled Nezzar. Pour rappel, cet ancien ministre de la défense algérien fait l’objet d’une procédure depuis 2011 au chef de crimes de guerre, pour des faits commis entre 1992 et 1994. Mais en 2017, le Ministère public de la Confédération (MPC) classe l’affaire, au motif qu’il n’y avait pas de conflit armé en Algérie au cours de la guerre civile. La presse avait ensuite appris que pour le bien des relations bilatérales entre la Suisse et l’Algérie –notamment de certains dossiers économiques–, le DFAE avait informé les procureurs que l’enquête serait une « bombe à retardement ».

Une autre affaire en souffrance a par ailleurs attiré l’attention des deux Rapporteurs spéciaux : celle de Rifaat Al-Assad. Une instruction pénale pour crimes de guerre avait été ouverte par le MPC en 2013 contre l’oncle de l’actuel président syrien au nom des victimes du massacre du village de Hama en 1982. Depuis lors, rien. Si bien qu’un recours en déni de justice a été déposé en 2017 devant le Tribunal fédéral. Là encore, le DFAE aurait fait pression sur les procureurs afin que ceux-ci classent l’affaire.

Dans sa réponse, le DFAE nie toute implication dans les affaires du MPC et souligne son indépendance. Selon lui, les « allégations persistantes d’ingérence politiques dans les affaires du MPC ne reposent (…) sur aucun fondement sérieux ». Et de conclure que la Suisse respecte toutes ses obligations internationales.

Depuis qu’elle a déposé les dénonciations qui ont permis l’ouverture des instructions pénales contre Khaled Nezzar et Rifaat Al-Assad –respectivement en 2011 et 2013–, TRIAL International s’est constamment préoccupée de l’avancement de ces deux procédures. L’organisation réitère que seule une enquête prompte, indépendante et efficace sur les crimes graves reprochés à ces deux personnes est à même d’apporter un début de justice aux victimes d’atrocités commises en Algérie et en Syrie.

Conjointement aux ONG FIACAT, CCPR Centre, DefendDefenders, l’OMCT et Protection International, TRIAL International a sponsorisé la déclaration ci-dessous devant le Comité de droits de l’homme des Nations Unies. 

 

Monsieur le Président,
Mesdames et Monsieur les membres de la Commission d’enquête,

Je m’adresse à vous au nom d’une coalition d’ONG burundaises soutenue par le CCPR Centre, la FIACAT, l’OMCT, Protection International et TRIAL International.

Ces organisations remercient la Commission d’enquête pour le travail effectué et pour la présentation de son rapport. Il est particulièrement préoccupant de constater que la Commission conclut à la persistance de graves violations des droits humains dont certaines sont constitutives de crimes contre l’humanité.

Les ONG burundaises signataires, par leur monitoring constant, rejoignent les conclusions de la Commission. Depuis le 30 juin 2018, SOS-Torture / Burundi a ainsi documenté 35 cas d’exécutions extrajudiciaires, 2 viols et 158 arrestations arbitraires notamment contre des opposants présumés ou réels, impliquant parfois des membres Imbonerakure. La Ligue Iteka a quant à elle recensé 16 cas de violences basées sur le genre et 49 cas de torture notamment par le SNR et les Imbonerakure. Ces chiffres ne sont pas exhaustifs et ne représentent pas la totalité des cas documentés par les organisations burundaises.

Les défenseur(e)s des droits humains continuent également d’être persécutés en raison de leur travail. A ce titre, il convient de noter la condamnation à 5 ans d’emprisonnement de Nestor Nibitanga de l’APRODH le 13 août 2018 pour atteinte à la sûreté de l’Etat. D’autre part, Germain Rukuki, ancien comptable de l’ACAT Burundi, condamné à 32 ans de prison pour son travail à l’ACAT est toujours maintenu en détention.

Au vu de ces éléments et en vue des prochaines élections de 2020, il apparait primordial de maintenir un mécanisme international, indépendant et fiable pour enquêter sur les violations des droits humains au Burundi. Un tel mécanisme est d’autant plus essentiel que le Burundi n’a pas coopéré avec le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme pour mettre en œuvre la résolution 36/2, qu’il avait pourtant soutenu, et qui mandatait 3 experts à aller au Burundi et offrir une assistance technique et un renforcement des capacités au gouvernement burundais.

Les organisations signataires appellent donc le Conseil des droits de l’Homme à renouveler pour un an le mandat de la Commission d’enquête sur le Burundi conformément à sa propre recommandation et exhortent le gouvernement burundais à coopérer pleinement avec le Haut- Commissariat aux droits de l’Homme et notamment avec la Commission d’enquête sur le Burundi.

Je vous remercie Monsieur le Président.

Dans un communiqué du 15 septembre 2018, le gouvernement congolais a laissé entendre qu’il « n’excluait pas » de se retirer de la juridiction de la Cour pénale internationale (CPI). Un scénario très alarmant dont les victimes seraient les premières perdantes.

TRIAL International est vivement préoccupée par la menace des autorités congolaises de se retirer du Statut de Rome de la CPI. Alléguant que « certains gouvernements exerçaient des pressions sur les juges », le gouvernement pourrait se retirer du premier organe permanent compétent pour juger les crimes les plus graves.

 

Une collaboration qui renforçait l’image de la CPI

En avril 2004, la République démocratique du Congo (RDC) a été le premier pays à référer la situation dans son propre pays à la Cour pénale internationale. Depuis lors, plusieurs dossiers concernant des crimes commis en RDC ont fait l’objet d’enquêtes et de poursuites devant la Cour.

Cette collaboration entre la RDC et la CPI jusqu’à présent renforçait la crédibilité de la Cour et confirmait l’engagement du gouvernement congolais contre l’impunité de ses dirigeants. La récente déclaration des autorités congolaises semble aller à contre-courant de ses positions et envoie un message extrêmement inquiétant.

 

Certains crimes pourraient rester impunis

« Si les menaces de Kinshasa étaient suivies par un retrait effectif de la RDC du Statut de Rome de la CPI, le vrai perdant serait le peuple congolais, et indirectement la communauté internationale dans son ensemble. » explique Daniele Perissi, responsable du programme RDC à TRIAL International. « Cela signifierait que certains crimes, dont la RDC ne pourrait ou ne voudrait pas poursuivre les auteurs présumés, pourraient tout simplement demeurer impunis. »

L’exemple du Burundi démontre à quel point le retrait de la CPI est un pas vers l’isolement international et un rejet des principes fondamentaux de la lutte contre l’impunité. Il serait fort malheureux que la RDC emprunte la même voie dans une période aussi cruciale pour l’affirmation de sa bonne gouvernance. Le pays se prépare en effet à élire son nouveau président – une campagne sous haute tension surveillée de près par la communauté internationale.

Le 5 septembre 2018, la Commission d’enquête des Nations Unies sur le Burundi (CoI) a publié un second ensemble de conclusions – qui pourrait être le dernier. La responsable du programme Burundi Pamela Capizzi nous en explique les points saillants.

 

Quel était le ton général des conclusions de la CoI ?

Pamela Capizzi : Pour une année de plus, la Commission d’enquête a brossé un tableau sombre de la situation des droits humains au Burundi. Dès les premiers paragraphes, la Commission a souligné que les violences initiées en 2015 ont persisté tout au long de 2017 et 2018. Elle a également réitéré dès le début de son rapport le manque de coopération des autorités burundaises.

Malheureusement, ces résultats ne sont pas une surprise : le Burundi a progressivement coupé tous les liens avec la communauté internationale et il n’y a eu aucun signe d’apaisement des violences. La période qui a précédé le référendum de mai, en particulier, a été marquée par des abus et des intimidations.

 

Les conclusions mentionnent le rôle des Imbonerakure, la ligue de la jeunesse du parti au pouvoir…

Le fait que les Imbonerakure participent à la répression est une allégation récurrente depuis 2015. Ce qui est intéressant, c’est que le rapport constate qu’ils sont « en collusion avec les structures formelles et informelles de répression de l’État » et « ont été utilisés (…) comme supplétifs ou en remplacement des forces de l’ordre ». En d’autres termes, les autorités ont des liens d’organisation, voire de contrôle, sur les actes des Imbonerakure (par. 21-22). Ceci est important parce que l’État burundais pourrait alors être tenu responsable des violations commises par les Imbonerakure.

Mais les obligations de l’État burundais vont au-delà du comportement de ses agents. Il lui incombe également de protéger sa population contre toute forme de violence, qui qu’en soient les auteurs. Ne pas punir les responsables présumés constitue également une violation des obligations internationales du pays. La Commission a également noté « qu’en ne luttant pas contre l’impunité de manière active (…) l’État burundais favorise la répétition des violations des droits de l’homme et des atteintes à ceux-ci. »(par. 28).

 

La Commission aborde-t-elle les facteurs les plus profonds qui permettent la persistance de la crise des droits humains ?

L’état de déliquescence du système judiciaire est mentionné dans les conclusions, par exemple la nomination arbitraire des juges, le manque d’indépendance financière des tribunaux et l’ingérence politique régulière dans des affaires sensibles (para. 62). Sans mécanismes de responsabilisation crédibles, il n’est pas surprenant que l’impunité prolifère.

Les dysfonctionnements judiciaires perdurent depuis des années, aussi TRIAL International a-t-elle orienter ses procédures judiciaires stratégiques vers les institutions internationales. Bien entendu, le principe de subsidiarité s’applique toujours, mais notre équipe compte désormais davantage sur les organes des Nations Unies que sur les institutions burundaises pour reconnaître le préjudice causé aux victimes. Pour la même raison, nous avons intensifié nos formations aux avocats burundais sur les mécanismes internationaux.

 

Que vont maintenant devenir ces conclusions ?

La Commission a présenté ces conclusions au terme de son mandat de deux ans – qui prend fin officiellement le 20 septembre 2018. La confirmation que des violations massives des droits de l’homme sont en cours au Burundi rend absolument indispensable le renouvellement du mandat du Col.

Parallèlement, la communauté internationale doit continuer à faire pression sur le Burundi pour qu’il mette en place un système judiciaire indépendant et efficace. En outre, comme l’a recommandé la Commission, le Gouvernement burundais doit mettre en place des mécanismes ad hoc chargés d’enquêter sur les violations des droits humains et de poursuivre les auteurs de crimes internationaux. Ce n’est qu’alors que ces abus graves pourront être poursuivi et, à terme, s’arrêter.

 

Cette interview a été réalisée sur la base du rapport abrégé du CoI publié le 5 septembre 2018. Cette dernière soumettra son rapport au Conseil des droits de l’homme lors d’un dialogue interactif le lundi 17 septembre 2018.

 

Le 31 août, le président Jimmy Morales a déclaré que le mandat de la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG) ne serait pas renouvelé. A l’origine de la disgrâce de la Commission, des enquêtes visant la famille proche du président. L’annonce était accompagnée d’une démonstration de force et d’une mise en scène digne des jours sombres de la dictature –le président donnant sa conférence de presse entouré de policiers et militaires.

TRIAL International a rejoint une coalition d’acteurs de la société civile et signe une lettre commune demandant à l’Union européenne et à ses Etats membres de faire pression sur les autorités du Guatemala pour que la CICIG puisse poursuivre son travail indépendamment et en toute sécurité.

Lire la déclaration commune (en anglais)

Comment faire son deuil sans dépouille ni date de décès ? Pour de nombreuses familles, la journée internationale des personnes disparues est un anniversaire pour se souvenir des proches qu’ils ont perdu. A Vogosca (Bosnie-Herzégovine), plus de 25 ans après le conflit, la blessure est toujours à vif.

La ville de Vogosca ressemble à des centaines d’autres en Bosnie-Herzégovine. Un centre-ville entouré de collines, quelques magasins, une petite station de bus vétuste. Sur la place centrale, quelques arbres et un monument érigé aux morts de la guerre.

Mais celui-ci ne commémore que les individus dont le décès a été attesté, daté, et dont la famille a pu enterrer le corps. Si leur perte reste douloureuse, celles-ci ont au moins le réconfort de la certitude.

Car il existe à Vogosca un autre type de victimes : les disparus, enlevés du jour au lendemain sans laisser de traces. Ceux dont on ne sait pas s’ils sont vivants ou morts, même si le temps écoulé laisse peu de place au doute.

 

Une blessure toujours ouverte

Ema Cekic a vu son mari Salih pour la dernière fois en 1992, avant que l’armée serbe ne le fasse disparaitre. Elle est aujourd’hui une vieille femme, mais son souvenir est intact : « La dernière fois que nous nous sommes vus, il a posé sa main sur mon épaule. Parfois je la sens encore. »

L’incertitude quant au sort des disparus maintient leurs proches dans une souffrance particulière, empêchant le processus de deuil. C’est pourquoi les disparitions forcées constituent un crime distinct des meurtres au regard du droit international.

« Tout ce que je veux, ce sont des réponses. Je me battrai jusqu’au bout pour connaître la vérité » poursuit Ema. « Je ne veux pas que mes enfants et petits-enfants portent ce poids à leur tour. Je veux qu’ils puissent tourner la page et aller de l’avant. »

 

Des roses pour se souvenir

Le mémorial des disparus de Vogosca se trouve quelques kilomètres du centre-ville. Il faut quitter la route asphaltée et s’engager sur un petit chemin pour y accéder. Un endroit serein, proche d’une petite rivière… qui cache une histoire sinistre.

« Deux corps ont été retrouvés dans cette rivière » explique Ema. « Nous pensons que d’autres corps y ont été jetés. Le 30 août, nous jetons des roses dans l’eau. C’est un hommage aux disparus, mais aussi un message aux criminels qui vivent encore parmi nous : nous savons ce qu’ils ont fait et comment ils ont disposé des corps. »

Les roses sont devenues le symbole de la mémoire parmi les familles affectées. « Nous avons planté nous-même les rosiers autour du mémorial. Nous voulions que l’endroit soit beau, puisque c’est la seule sépulture que nous pouvons offrir nos disparus. En été, quand il fait chaud, les familles viennent ensemble arroser les rosiers. Les jeunes tondent la pelouse, puis nous restons à discuter, à prendre le café. Quand nous parlons près des rosiers, c’est un peu comme si nous parlions avec les disparus. »

Année après année, le souvenir perdure. Face à des autorités indifférentes et à une jeune génération désireuse d’oublier le conflit, Ema se sent parfois seule dans sa quête de vérité. Mais sa détermination est inébranlable : « Tous les jours, je me lève en espérant retrouver mon mari. C’est mon seul espoir dans la vie. Je ne vis que pour le jour où je le retrouverai et lui offrirai de vraies funérailles. »

Regarder le témoignage complet d’Ema Cekic