Jacqueline Fall, une consultante médicale experte pour Physicians for Human Rights (PHR), a toujours travaillé auprès des enfants et de leurs familles. Touchée par les agressions commises à Kavumu, elle a rejoint les acteurs congolais travaillant sur l’affaire pour contribuer aux soins psychologiques apportés aux jeunes victimes.

 
Mes 17 années d’expérience auprès des enfants ont été mises au service des victimes de Kavumu. Je travaille à l’hôpital de Gonesse, en région parisienne, où j’ai rencontré un médecin légiste de PHR. Après avoir assisté à mes consultations, elle m’a demandé si je serais intéressée de mettre mon expérience au profit des jeunes victimes de Kavumu. C’est ainsi que je me suis retrouvée à travailler aux côtés des acteurs locaux. 

Je n’ai pas été surprise par les spécificités de l’affaire Kavumu puisque les agressions sexuelles sur enfants font partie de mon quotidien. La particularité de cette affaire par rapport à celles que je rencontre, réside dans les enlèvements et les tortures exécutés massivement et systématiquement. Ici, les crimes semblent avoir été commis en exécution d’un plan défini. C’est cette sérialité, qu’on retrouve dans les attaques, qui contribue à donner un caractère extrêmement complexe à cette affaire.

D’origine sénégalaise et vivant en France depuis maintenant 27 ans, j’y ai suivi des études de psychologie. Mon parcours est fait d’expériences professionnelles variées. J’ai travaillé dans une association socio-éducative et thérapeutique pour enfants et adultes victimes de violence et occupé des postes en maternité, en pédopsychiatrie et dans un service d’aide aux victimes (UNAVI).

 

Tisser une relation de confiance et de sécurité

La psychologue que je suis n’a pas manqué d’être sensible à l’absence de soins pour ces petites victimes qui n’ont malheureusement pas les capacités de faire face, seules, aux déséquilibres provoqués par ces traumatismes. L’absence de soins psychiques et de justice ne fait qu’accentuer leur sentiment d’abandon. Ce qui remet aussi en cause les valeurs fondamentales d’équité et de solidarité auxquelles elles se sentaient jusque-là reliées.

Nous avons eu à lutter contre de nombreuses difficultés. Comme par exemple, le lourd dispositif de sécurité qui rappelait aux enfants qu’ils pouvaient être à nouveau menacés. La barrière de la langue était une seconde difficulté : nous avions besoin de traducteurs tout au long des auditions. Cela introduit un tiers dans la relation et il est donc plus difficile d’instaurer une relation privilégiée avec le patient. Heureusement, notre traductrice était elle-même psychologue, ce qui permettait de minimiser certains biais.

Plus le temps s’écoulait entre les faits et les témoignages, plus le réveil des faits au travers d’une mémoire traumatique n’ayant bénéficié d’aucun soin était risqué. Nous avons alors mis à contribution tout ce dont nous disposions : le regard, la voix, la position corporelle, l’expression du visage… Toutes ces capacités innées ont été utiles pour créer une bulle d’interaction que ni la barrière de la langue, ni l’environnement extérieur ne pouvait rompre.

Un article ne suffirait pas pour exprimer tout ce qui m’a touchée voire bouleversée durant mon travail aux côtés des enfants. Ne serait-ce que dans ces moments d’émotion intense où leur regard se perdait dans le lointain comme bloqué par ces souvenirs traumatiques…

 

Restaurer l’appareil psychique

Outre la reconnaissance sociale et judiciaire de leur traumatisme, il faudrait organiser au plus vite un accompagnement psychothérapeutique pour soigner leur appareil psychique des blessures subies. Dans le cas contraire, de graves souffrances psychologiques sont à craindre pour les victimes et pour leur entourage. Parmi celles-ci on pourrait citer : un impossible dialogue avec son corps, entravant la sexualité d’adulte, l’incapacité à être à l’écoute de ses émotions et de ses besoins. Mais aussi la dépression, les sentiments de solitude, d’insécurité angoissante, l’hypersensibilité à toute forme d’injustice ou d’abus…

Le traumatisme ici est infligé par un autre être humain. Cet acte détruit la confiance de la victime envers les hommes mais aussi envers les Adultes qui n’ont pas su la protéger. Je me souviens d’une victime qui avait cinq ans au moment des faits et qui ne cessait de répéter « on est venu me chercher parce que maman n’avait pas bien fermé la porte… ». En tant qu’adultes nous savons que ces actes ne relevaient pas d’une porte mal fermée, mais cette enfant ne dispose pas de la maturité et de la capacité d’analyse nécessaire pour le percevoir.

Tout ce que j’espère à présent c’est que ces enfants soient reconnus comme victimes et que leurs traumatismes soient réparés. Il en va du devoir de l’humanité de s’engager à défendre et à protéger tous ses membres. Mon premier contact avec ces jeunes victimes remonte déjà à un an et leur agression à quatre ans. Mais nous en sommes toujours à parler d’une hypothétique reconstruction psychique !

Combien de temps cela va-t-il encore durer ?

 

Jacqueline Fall

 

Un atelier organisé par le Centre des droits de l’homme et de la justice, partenaire de TRIAL International, et par la Plateforme commune des victimes du conflit a permis à des représentants de victimes d’échanger sur leurs droits fondamentaux et sur des façons d’accéder à la justice.

L’atelier, qui a duré trois jours, a abordé des sujets liés au droit local, international et humanitaire.

Des cas de violations des droits humains commis à l’étranger et portés devant des instances internationales ont été examinés, pour montrer que les cas népalais pouvaient suivre ce même schéma. Un processus qui restait jusqu’alors flou pour la majorité de la population.

« Si j’avais eu l’opportunité d’assister à cet atelier avant, j’aurais porté le cas de la disparition de mes frères devant le Comité des droits de l’homme », a déclaré Prem (pseudonyme). « Mais, à présent, je sais comment accéder à mes droits fondamentaux. »

 

Mener le combat pour la justice

Les représentants de victimes sont des membres de la société civile népalaise qui défendent les droits humains. Ils ont soit souffert directement de violations des droits humains, soit en ont subi les conséquences de manière indirecte à travers des abus causés à un membre de leur famille. Dans les deux cas, ces violations ont engendré des difficultés économiques, des traumatismes et une stigmatisation constante. Mais, malgré ces épreuves, ils ont décidé de parler.

L’atelier leur a permis d’acquérir des outils pour aider leur communauté. Chaque jour, ils doivent faire face à des cas de disparitions forcées et d’autres crimes commis pendant et après la guerre civile. Sans connaissance des droits humains et du processus judiciaire, parvenir à la justice semblait dès lors quasi impossible.

« Chaque individu devrait être conscient de ses droits, car ils sont une arme contre l’injustice », a déclaré Lucie Canal, responsable intérimaire du programme Népal de TRIAL International. « Nous espérons que cet atelier pourra contribuer à aider les représentants des victimes à acquérir des connaissances suffisantes pour construire une voie vers la justice pour tous les Népalais. »

 

Manque d’implication de la part de l’Etat

Un autre obstacle provient du fait qu’au Népal, les droits humains sont un sujet négligé au sein de la sphère politique. De plus, les organes de justice transitionnelle mis en place il y a trois ans pour indemniser les victimes de la guerre civile révèlent de nombreuses défaillances.

« L’état ne montre aucune préoccupation sur ce sujet, les victimes et les familles ne reçoivent pas d’indemnisations et les agresseurs ne sont pas punis », a déclaré Milan (pseudonyme). « Si justice est rendue aux victimes, cela aiderait à panser leurs blessures. »

Cet atelier a fourni un espace d’échange et de rencontre pour les différents acteurs locaux engagés dans la lutte contre l’impunité. Unis, conscients de leurs droits et avec les mêmes objectifs en vue, les représentants des victimes sont sortis de l’atelier plus forts et avec tout autant de détermination que quand ils y sont entrés.

Des organisations de la société civile, qui protègent les droits humains en BiH, s’unissent pour envoyer une lettre aux parties prenantes. Dans cette lettre, les défenseurs des droits humains exhortent les organismes compétents à trouver une solution en rapport aux victimes de crimes de guerre à qui des frais de justice sont imposés si leurs revendications sont rejetées.

Chers tous et toutes,

Nous nous adressons à vous en tant qu’organisations de la société civile protégeant les droits humains des citoyens de BiH afin d’aborder et de régler le problème urgent et récurant de la facturation des frais de justice aux victimes de crimes de guerre en BiH pour les procédures civiles, en cours ou closes, visant à leur accorder une réparation[1].

Récemment, les victimes de crimes de guerre en BiH se sont retrouvées en difficulté quand certaines cours ont demandé aux survivants, qui avaient initié une procédure civile dans le but de recevoir une réparation, de payer des frais judiciaires très élevés suite au rejet de leurs demandes pour cause de prescription.

Il est aussi important de mentionner que tous les tribunaux n’ont pas adopté les mêmes conclusions concernant cette question. Dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine, les tribunaux avaient initialement accordé des indemnités aux victimes ayant initié les procédures, conformément à la position officielle de la Cour suprême de la Fédération de Bosnie-Herzégovine de 2011, qui énonçait que la prescription ne pouvait pas être invoquée lorsqu’il en allait de demande en réparation. C’est seulement au cours des deux ou trois dernières années que la Cour constitutionnelle de BiH a modifié sa position quant à l’invocation de la prescription dans le cadre d’actions en justice contre les entités/états. Il s’en est suivi le rejet de nombreuses actions en justice et de requêtes en réparation devant tous les tribunaux. À la fin de l’année 2015, le code de procédure civil de la fédération de BiH a été modifié, autorisant le Bureau du procureur public à percevoir des frais sur les honoraires d’avocats[2]. Ceci a bénéficié au Bureau du procureur de la FBiH, puisqu’il a pu commencer à prélever des taxes.

Au vue de leur statut social vulnérable ainsi que de leur situation financière très souvent précaire, de nombreux survivants de violence sexuelles commises en tant de guerre, détenus et autres victimes de crimes de guerre ne peuvent pas se permettre de payer, ne serait-ce qu’une partie de ces frais, sans compromettre leur moyen de subsistance et ceux de leur famille. Il s’en suit que ces personnes sont confrontées à des procédures d’exécution forcées qui se traduisent par la confiscation de leurs biens mobiliers ou d’une part de leur salaire mensuel, dans les cas où elles en ont un. Ceci a pour effet de traumatiser à nouveau les victimes, qui très souvent sont déjà marginalisées dans la société, en les rendant, selon leurs propres dires, des victimes du système.

Suite au jugement de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Cindric et Beslic c. Croatie l’an passé, qui confrontait les recourants (également victimes de crimes de guerre) à une question similaire, plusieurs juges de BiH, se référant à cette affaire, ont commencé à rejeter les demandes visant à faire encourir aux victimes de crimes de guerres les frais de justice.

Le jugement est devenu définitif en janvier 2017 et la Cour a tranché que les victimes ne sont pas tenues de payer des frais de justice à l’Etat confrontées au rejet de leur requête en réparation. Nous estimons que l’argument présenté par la Cour européenne des droits de l’homme dans cette affaire peut s’appliquer par analogie aux requêtes en réparation devant les cours en BiH.

Malheureusement, il y a peu d’exemples d’affaires dans lesquelles le jugement Cindric et Beslic a été appliqué en BiH. Ceci explique pourquoi les victimes qui ont initié une telle procédure civile vivent avec la peur constante du résultat de la procédure intentée et des conséquences qu’il pourrait avoir sur leur famille.

Nous soulignons que les victimes de crimes de guerre ont été contraintes d’initier des procédures civiles à cause de l’absence de solutions systémiques visant à leur accorder une réparation pour les dommages encourus, à savoir, à cause du manquement des autorités à adopter un cadre législatif adéquat. Dès lors, nous estimons qu’il est moralement inacceptable, suite au rejet de leurs demandes, d’encore exiger des victimes qu’elles paient des montants énormes aux entités et états qu’elles ont actionnés en justice et qui sont responsables des grandes souffrances et dommages qu’elles ont subi durant la guerre.

Une telle façon d’agir ne se justifie en aucun cas. En particulier si l’on considère que les coûts engendrés par les entités du bureau du procureur sont pris en charge par des budgets spéciaux, et ceci, indépendamment de tous frais supplémentaires.

De plus, le Commissaire des droits de l’homme du Conseil de l’Europe a également exprimé sa grande inquiétude concernant cette question dans son rapport sur la Bosnie-Herzégovine publié en novembre 2017[3]. Il a soulevé que, d’après le rapport d’Amnesty International, dans certains cas les frais peuvent atteindre 6’000 à 10’000 BAM. Il a rappelé le jugement susmentionné de la Cour européenne des droits de l’homme qui mentionne que « l’imposition d’une charge financière considérable après la clôture de procédures, telle qu’une conjonction à payer des frais pour la représentation de l’Etat conformément à la règle qui veut que « le perdant paie » pourrait  tout à fait être considéré comme une restriction au droit d’accès à un tribunal.»

Au vu de ce qui précède, nous vous prions de faire tout ce qui est en votre pourvoir pour trouver ou aider à trouver une solution à ce problème consistant à imposer le paiement des frais judiciaires à de nombreuses victimes de crimes de guerre, y compris d’adopter des actes appropriés les libérant de cette obligation.

 

En vous remerciant par avance.

 

Meilleures Salutations,

 

Organisations de la société civile:

TRIAL International

Mreža za izgradnju mira

Vive Žene Tuzla

Fondacija lokalne demokratije

Medica Zenica

Fondacija Udružene žene Banja Luka

Udruženje „Vaša prava BiH“

Udruženje « Snaga žene » Tuzla

Udruženje građana « Budućnost » Modriča

Udruženje Centar za demokratiju i tranzicionu pravdu

Centar informativno-pravne pomoći Zvornik / CIPP Zvornik

Forum civilna mirovna služba (forum ZFD)

Women’s International League for Peace and Freedom (WILPF)

Centar ženskih prava

Helsinški parlament građana Banja Luka

Sarajevski otvoreni centar

Asocijacija za demokratske inicijative

Inicijativa mladih za ljudska prava u BiH (YIHR BiH)

Fondacija CURE

Oštra Nula

Udruženje građana « Zašto ne »

Žene Ženama

Agencija za saradnju, edukaciju i razvoj (ACED)

Uduženje žena  « MOST » Višegrad

Hope and Homes for Children

 

Associations de victimes de guerre :

Savez udruženja logoraša HNK

Hrvatska udruga logoraša Domovinskog rata u BiH

Regionalni savez udruženja logoraša regije Banja Luka i pripadajuća udruženja

Regionalno udruženje logoraša Višegrad

Savez logoraša Zeničko-dobojskog kantona

Udruženje logoraša Novi Grad Sarajevo

Udruženje / Udruga logoraša općine Travnik

Udruženje logoraša Prozor-Rama

Udruženje / Udruga logoraša općine Vitez

Udruga-Udruženje logoraša Brčko

Općinsko Udruženje logoraša Sanski Most

Udruženje ratnih zarobljenika-logoraša opštine Modriča

HULDR BiH Ogranak Vareš

Udruženje Prijedorčanki Izvor

Udruženje žrtava i svjedoka genocida
Udruženje za pomoć žrtvama i preživjelim seksualnog nasilja u ratu Naš Glas Tuzla

Udruženje za pomoć žrtvama i preživjelim seksualnog nasilja u ratu ,,Suze,,

Udruženje Istina-Kalinovik 92

Udruženje porodica nestalih općine Ilijaš

Udruženje porodica nestalih općine Vogošća

 

[1] Notes – Cette lettre a été envoyée : aux membres de l’Assemblée parlementaire de BiH, au Parlement de la FBiH, à l’Assemblée nationale de la RS et à l’Assemblée du district de Brčko ; au Conseil des ministres de BiH ; au Gouvernement de FBiH, au Gouvernement de la RS ; au Gouvernement du district de Brčko; au ministère de la Justice de BiH ; au ministère fédéral de la Justice ; au ministère de la Justice de la RS ; à la Commission judiciaire du district de Brčko, au ministère des Droits de l’Homme et des Réfugiés de BiH ; à l’Institut des droits de l’homme Ombudsman/Ombudsmen de BiH ; à la Délégation de l’Union européenne en BiH ; à la mission de l’OSCE en BiH et au Bureau du haut représentant.

[2] Les dispositions sur les dépenses s’appliqueront aux parties représentées par le bureau du procureur public. Dans de tels cas, les couts du contentieux comprendront le montant qui pourrait être accordé à la partie pour la rémunération de son avocat. (Gazette officielle de la FBiH, 98/15, au 23 décembre 2015)

[3] Rapport de Nils Muižnieks, Commissaire des droits de l’homme du Conseil de l’Europe suite à sa visite en Bosnie-Herzégovine du 12 au 16 juin 2017, CommDH(2017)28, 07 octobre 2017, point 35, disponible sur: ://rm.coe.int/report-following-the-visit-to-bosnia-and-herzegovina-from-12-to-16-jun/16807642b1

Dans les prochains mois, l’université de Yale aux Etats-Unis et TRIAL International uniront leurs forces pour porter une assistance juridique aux victimes bosniennes.

L’ONG basée à Sarajevo et la prestigieuse université américaine n’étaient pas des partenaires probables de prime abord. Mais suite à l’expérience d’un ancien élève de Yale à TRIAL International, il est devenu évident qu’une coopération serait productive.

« Rejoindre TRIAL International et contribuer au travail de l’organisation a été une merveilleuse opportunité et un véritable défi intellectuel », explique Kyle Delbyck, diplômée en droit et employée de TRIAL International depuis 2016, qui est à l’initiative du partenariat. « Après avoir mené quelques projets pour TRIAL, j’ai commencé à me dire que Yale et l’ONG pourraient toutes deux tirer bénéfice d’un partenariat. »

 

Combiner les connaissances académiques et l’expertise pratique

La Clinique internationale des droits de l’homme Allard K. Lowenstein est un module de la faculté de droit de Yale qui donne aux étudiants une expérience pratique en matière de défense des droits humains. La Clinique, qui a été nommée d’après l’activiste Allard K. Lowenstein, soutient chaque année des projets d’organisations de défense des droits humains ou d’individus eux-mêmes victimes de violations.

« TRIAL International a une approche unique des problèmes et des traumatismes auxquels sont confrontées les victimes de guerre », a déclaré Kyle Delbyck. « L’organisation travaille à plusieurs niveaux : contentieux international, plaidoyer… En plus de traiter une grande variété de questions juridiques. »

TRIAL International est active en Bosnie-Herzégovine depuis 2008. Sur place, l’organisation est reconnue pour son expertise et aide les victimes à accéder à la justice.

« Nous sommes très heureux de ce partenariat », a déclaré Selma Korjenić, responsable du programme BiH de TRIAL International. « Il sera bénéfique de partager nos expériences respectives et, ensemble, nous continuerons à travailler pour améliorer la situation des victimes en Bosnie-Herzégovine. »

 

Mettre fin au délai de prescription

Plus spécifiquement, les étudiants de la Clinique travailleront à l’abandon des délais de prescription, ou zastara, imposés en Bosnie-Herzégovine. Le partenariat prévoit que trois étudiants de Yale se rende en Bosnie-Herzégovine pour rencontrer et interviewer les victimes qui ont souffert des conséquences du zastara.

Sous la supervision de TRIAL International, les étudiants rédigeront ensuite un rapport qui sera soumis aux organes de droits humains des Nations Unies à Genève.

« Ce sera le premier document de plaidoyer soumis aux mécanismes internationaux qui se concentre spécifiquement sur les délais de prescription en Bosnie-Herzégovine », a déclaré Kyle Delbyck. « Nous espérons que l’ONU en tiendra compte dans l’examen de nos demandes. »

TRIAL International avait déjà également établi des partenariats avec l’Académie de Genève (Suisse) pour ses projets Burundi et Trial Watch.

Le jugement est tombé ce mercredi 22 novembre 2017 : Ratko Mladic, que ses détracteurs surnomment « le boucher des Balkans », est condamné pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. 

 

Un tournant pour la justice en BiH

 

Le suspect, qui a été arrêté en 2011, a été jugé par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), que Ratko Mladic a qualifié de « tribunal satanique ».

Avec plus de 500 jours d’audiences et des centaines de victimes appelées à la barre, ce procès est un des plus importants de l’histoire du tribunal.

« L’issue du procès confirme aujourd’hui ma conviction profonde que cette bataille contre l’impunité mérite la peine d’être menée, » a dit Adrijana Hanušić Bećirović, conseillère juridique au programme BiH de TRIAL International. « Cela envoie le message fort que tôt ou tard, malgré des situations complexes, justice sera faite. »

 

Meurtres ethniques et détentions

 

L’accusé commandait l’Armée serbe de Bosnie (VRS) entre 1992 et 1996. Selon l’accusation, Mladic, Radovan Karadzic et Slobodan Milosevic sont à l’origine d’une « entreprise criminelle commune » visant à créer une grande Serbie. Pour atteindre cet objectif, ils auraient orchestré un nettoyage ethnique.

Les crimes allégués dans l’acte d’accusation comprenaient, entre autres : la tuerie de musulmans Bosniens et de Bosniens croates, leurs détentions dans des conditions de vie visant à les détruire physiquement, et le massacre de plus de 7000 musulmans Bosniens, hommes et enfants, de Srebrenica.

« Ce procès est un moment historique pour la justice et les victimes du conflit, » a dit Selma Korjenic, responsable du programme de TRIAL International en BiH. « Les victimes ont dû faire face à tant de déceptions qu’il est important que la communauté internationale envoie le message fort qu’aucun crime ne doit rester impuni. »

Le TPIY a mis en accusation plus de 160 individus depuis sa création par l’Organisation des Nations Unies en 1993. Il fermera ses portes à la fin de l’année après 24 ans d’existence.

Condamné à la prison à vie par les juges, l’accusé pourra faire appel.

Des élections législatives auront lieu le 26 novembre et le 7 décembre prochain dans la petite république himalayenne. Malheureusement, pour l’instant, aucun parti politique n’a jugé bon d’aborder le thème de la justice transitionnelle dans son programme électoral.

Ces élections sont pourtant porteuses d’espoir puisque ce sont les premières législatives depuis qu’une Assemblée constituante a été créé en 2015, sept ans après l’abolition de la monarchie.

Juger les crimes du passé pour contrer les crimes futurs

Les mécanismes de justice transitionnelle népalais qui ont vu le jour après neuf années de débats houleux représentent un pas en avant, mais ont toujours une portée insuffisante.

Effectivement, des centaines de victimes de la guerre civile et leurs proches attendent toujours réparation. Plus de 3000 mineurs ont été recrutés de force durant le conflit et peinent depuis à se réinsérer.

De plus, peu de victimes sont conscientes de leurs droits et de la possibilité de porter leur plainte devant les Nations Unies si la justice locale est défaillante. Ce manque d’information contribue aussi à l’impunité quasi-totale dont bénéficient les responsables encore aujourd’hui.

Par ailleurs, les violations des droits humains telles que les tortures et les détentions arbitraires n’ont pas disparu à la fin du conflit : des cas d’abus continuent à être rapportés. Les victimes sont souvent issues de milieux défavorisés. L’histoire de Bholi Pharaka illustre de façon affligeante cette situation.

Vers une société plus juste

L’amélioration des conditions de vie de la population passe par la justice transitionnelle et le respect des droits humains en général. Ceux-ci ne doivent plus être absents des débats politiques.

« Il faut que les victimes de violations des droits humains retrouvent une place dans la société népalaise », insiste Lucie Canal, responsable intérimaire du programme Népal de TRIAL International. « Pour cela, le système judiciaire local doit se débarrasser de ses inerties et se rendre plus accessible aux victimes. »

La société civile népalaise et internationale a porté pendant plus d’une décennie la lutte contre l’impunité au Népal. Il faut maintenant que les politiciens mettent eux aussi la main à la pâte.

Sarajevo, 14 Novembre 2017. TRIAL International exhorte les autorités de BiH à adopter sans plus tarder un ensemble de dispositions juridiques qui assurerait la protection de l’identité des témoins dans les procédures civiles en BiH. Le cadre juridique actuel n’offre pas la protection nécessaire aux victimes.

Bien que l’identité des victimes soit protégée dans le cadre de procédure pénales, il n’en est rien concernant les procédures civiles. L’absence de ces dispositions est particulièrement néfaste pour les rescapés de violence sexuelle en temps de guerre, qui chaque jour se voient confrontés à des problèmes de sécurité, de stigmatisation et aux traumatismes. Par ailleurs, cette absence de protection décourage de nombreuses victimes à demander une indemnisation aux tribunaux civils, ce qui parfois représente le seul moyen d’obtenir réparation.

« L’adoption de ces amendements n’a aucune incidence financière, mais introduirait sans doute une solution systématique non seulement pour les victimes de crimes de guerre, mais également pour tous les citoyens dans une situation similaire, y compris les victimes de crime organisé et de la traite des êtres humain », a déclaré Adrijana Hanušić Bećirović, conseillère juridique principale chez TRIAL International.

Afin d’assurer les amendements nécessaires, TRIAL International a dirigé un groupe de travail d’experts qui a présenté des amendements à toutes lois pertinentes au niveau de l’État, des entités et des districts. Tous ces amendements devraient être adoptés sans plus tarder.

Adrijana Hanušić Bećirović a ajouté : « Lors de nos rencontres cette année, tous les représentants des ministères concernés ont reconnu l’importance de ces amendements. De telles attitudes sont un signe positif et il est certain qu’avec le soutien de tous les ministères, nous serons bientôt en mesure de voir ces changements se réaliser. »

En mars 2017, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a expressément demandé à la BiH de prendre toutes les mesures juridiques et pratiques nécessaires à la protection des victimes de torture et de violence sexuelle.

 

 

 

 

Le 9 novembre, les juges de la Chambre préliminaire ont annoncé qu’ils avaient autorisé la Procureur de la CPI à ouvrir une enquête sur les crimes commis au Burundi, ou par des citoyens burundais en-dehors du Burundi. La CPI conserve sa compétence sur la situation malgré le retrait du Burundi du Statut de Rome le 27 octobre 2016.

La décision a été rendue sous scellés le 25 octobre 2017, mais n’a été rendue publique que maintenant pour protéger les victimes et les témoins potentiels.

« Nous sommes ravis de cette décision » a dit Pamela Capizzi, Responsable du programme Burundi à TRIAL International. « Le courage et la détermination de la société civile ont été récompensés, et surtout les victimes et leurs familles vont enfin pouvoir faire entendre leur voix. »

La Chambre préliminaire considère qu’il y a des motifs raisonnables pour procéder à une enquête en lien avec des crimes contre l’humanité. La plupart des crimes examinés auraient été commis par les forces de sécurité étatique. Bien que l’enquête se concentrera sur la période du 26 avril 2015 au 26 octobre 2017, la Procureur pourra l’étendre à des crimes commis avant ou après ces dates, si certains critères légaux sont remplis.

En savoir plus sur les crimes commis au Burundi

 

Le retrait du Burundi n’a pas d’impact sur la compétence de la CPI

La Chambre préliminaire a conclu que la Cour était compétente sur les crimes qui auraient été commis alors que le Burundi était un Etat partie du Statut de la CPI. Le Burundi en a été membre depuis son entrée en vigueur dans le pays en 2004, jusqu’au mois dernier quand son retrait a pris effet.

En savoir plus sur le retrait du Burundi du Statut de Rome

Toujours d’après la Chambre préliminaire, la Cour a donc la possibilité d’exercer sa compétence même après le retrait du Burundi, du moment que les enquêtes et les poursuites concernent des crimes allégués commis au temps où le Burundi était un Etat membre. De plus, le Burundi a l’obligation de coopérer avec la Cour puisque l’enquête a été autorisée le 25 octobre 2017, soit avant l’entrée en vigueur du retrait du Burundi.

Enfin, les juges ont remarqué que l’insuffisance des démarches entreprises par les autorités burundaises, et ce malgré de nombreuses invitations de la communauté internationale. En conséquence, la compétence de la CPI n’entre pas en conflit avec celle du Burundi.

En savoir plus sur le critère de complémentarité

« En ouvrant une enquête au Burundi, la CPI a prouvé que l’oubli et l’impunité pour les crimes de masse n’est plus une option » conclut Pamela Capizzi. « Cela constitue un pas de plus vers une justice internationale solide et courageuse, au service des victimes à travers le monde. »

Genève, 9 novembre 2017. Après plusieurs jours d’incertitude, le procès pour les viols de Kavumu s’ouvrira aujourd’hui. Près de cinq ans après les premières attaques et suite à une mobilisation internationale, 18 suspects dont un politicien local seront sur le banc des accusés. Un tournant pour la lutte contre l’impunité en RDC.

Aujourd’hui, des observateurs internationaux auront les yeux braqués sur le village de Kavumu. Il sera en effet le siège d’un des procès les plus attendus de l’année : celui de miliciens qui ont, pendant des années, violé en toute impunité des fillettes du village. « Nous nous réjouissons que le procès se tienne le plus tôt possible » dit Daniele Perissi, responsable du programme RDC de TRIAL International. « Les victimes ont attendu pendant des années, elles méritent à présent un procès célère et exemplaire. » 

 

Un symbole de l’impunité

En quelques années, Kavumu est devenu un symbole. Celui de crimes sexuels à grande échelle qui ravagent l’est de la RDC… et de l’impunité dont ils s’accompagnent encore trop souvent. Le procès qui s’ouvre est l’un des rares de ce genre et pourrait constituer un précédent crucial.
« L’importance du procès Kavumu va bien au-delà des victimes et leurs familles » explique Philip Grant, le directeur de TRIAL International « Il ébranle toute l’omerta et l’inertie judiciaire qui entourent les violences sexuelles dans le Sud-Kivu. Que les autorités saisissent enfin ce dossier à bras-le-corps est un formidable pas en avant pour la justice congolaise. »

Le procès devait se terminer le samedi 25 novembre. Mais sur demande de la cour militaire et après consultation avec les partenaires concernés, il a été convenu que le procès se poursuivra jusqu’au jeudi 30 novembre.

Le verdict est attendu pour le lundi 4 décembre 2017.

Pour plus d’informations, un kit média complet est à votre disposition en français et en anglais

Madame A. (pseudonyme) a été violée pendant la guerre. Elle est aujourd’hui prise en étau entre une décision de compensation qui n’a pas été appliquée, et des délais de prescription restrictifs. En conséquence, elle est dans l’impossibilité d’obtenir des réparations. TRIAL international va porter cette affaire devant le Comité des Nations Unies contre la torture.

En 1993, Madame A. a été violée par un membre de l’armée de la Republika Srpska. A la suite de cela, elle est tombée enceinte et a dû subir un avortement. Malgré le traumatisme, elle a surmonté les obstacles du système judiciaire bosnien jusqu’à ce que, deux décennies plus tard, son agresseur soit reconnu coupable de crimes de guerre.

En plus de 8 ans d’emprisonnement, le tribunal lui a imposé de payer 30’000 BAM (environ $18 000) en réparation à la victime.

Cette décision constituait une victoire non seulement pour Madame A., mais aussi un important précédent en BiH : avant elle, une seule victime de guerre avait reçu des compensations au cours d’une procédure pénale.

L’argent aurait grandement amélioré le quotidien de Madame A., qui souffre de troubles de la personnalité et de stress post-traumatique chronique. Outre leur importance symbolique, les compensations auraient donc pu améliorer sa situation financière et ses conditions de santé précaires.

 

Une bataille se termine, une autre commence

Malheureusement, Madame A. n’a jamais reçu un centime et la sanction n’a jamais été exécutée. Son agresseur n’avait aucun avoir à son nom et n’a pas été en mesure de la payer.

Dans de telles situations, plusieurs Etats auraient été dans l’obligation d’intervenir et d’indemniser la victime, mais le droit bosnien reste vague sur le sujet. Par le passé, TRIAL International a avancé que la BiH était liée par des obligations similaires en vertu du droit européen et international, mais cet argument n’a pas été reconnu.

Mais les mauvaises nouvelles ne s’arrêtent pas là : même si Mme A. entamait aujourd’hui une procédure civile contre les autorités, elle ne pourrait pas obtenir réparation. En raison des délais de prescription, sa demande aurait été automatiquement rejetée. Ainsi, elle n’a aucun moyen effectif de faire valoir son droit à des réparations, notamment le droit à une réhabilitation complète.

 

Un échec de l’Etat

Pour surmonter cette impasse, TRIAL International a porté cette affaire devant le Comité des Nations Unies contre la torture. Elle soutient que la BiH ne respecte pas ses obligations en vertu de la Convention contre la torture d’assurer aux victimes des réparations complètes et effectives.

« Nos demandes sont doubles » résume Adrijana Hanušić Bećirović, conseillère juridique sénior chez TRIAL International en BiH. « Nous voulons que les autorités suppriment les délais de prescription pour les procédures civiles, et qu’elles compensent elles-mêmes les victimes lorsque des responsables ne peuvent pas le faire. Ces deux mesures sont un minimum pour que les survivants puissent prétendre à des réparations. »

 

Mise à jour : Dû à des imprévus, le procès s’ouvrira le 9 novembre 2017. 

 

Bukavu, Genève, New-York, le 2 novembre 2017 – Dans le village de Kavumu (Sud-Kivu, RDC), les familles ont vécu l’indicible : des fillettes enlevées dans la nuit, et violées. Près de cinq ans après les premières attaques et suite à une mobilisation internationale, un procès s’ouvrira le 6 novembre 2017. Sur le banc des accusés, 18 suspects, dont un politicien local. Un tournant pour la lutte contre l’impunité en RDC, dans laquelle la société civile a joué un rôle déterminant.

 

Le 6 novembre prochain, des observateurs internationaux auront les yeux braqués sur le village de Kavumu. Il sera en effet le siège d’un des procès les plus attendus de l’année : celui de miliciens qui ont, pendant des années, violé en toute impunité des fillettes du village.

En quelques années, Kavumu est devenu un symbole. Celui de crimes sexuels à grand échelle qui ravagent l’est de la RDC… et de l’impunité dont ils s’accompagnent encore trop souvent. Le procès qui s’ouvre est l’un des rares de ce genre et pourrait constituer un précédent crucial.

« L’importance du procès Kavumu va bien au-delà des victimes et leurs familles » explique un expert de l’ONG TRIAL International. « Il ébranle toute l’omerta et l’inertie judiciaire qui entourent les violences sexuelles dans le Sud-Kivu. Que les autorités saisissent enfin ce dossier à bras-le-corps est un formidable pas en avant pour la justice congolaise. »

 

Des bébés parmi les victimes

L’importance de l’affaire tient également au très jeune âge des 46 victimes – parfois âgées d’à peine 1 an. A la répétition des attaques aussi, perpétrées selon un mode opératoire bien rôdé.

« Les ravisseurs s’introduisaient dans nos maisons de nuit pour enlever nos filles », raconte une mère de famille sous couvert d’anonymat. « Ils les violaient par pure superstition, et beaucoup sont mortes ou souffriront de lésions toute leur vie. »

Poussé par une communauté internationale horrifiée, le Procureur militaire de Kavumu s’est saisi de l’affaire en 2016. Au fil de l’enquête, 18 suspects ont été inculpés de crimes contre l’humanité, tant les viols étaient nombreux et systématiques.

 

Les ONG en première ligne

Si ce procès voit aujourd’hui le jour, c’est grâce à la mobilisation de la société civile congolaise et internationale. Ensembles, elles ont combiné leurs expertises pour attirer l’attention des autorités nationales et présenter un dossier solide.

 « Nous espérons que nos efforts conjoints permettront aux survivants et à leurs familles d’accéder à la justice et de finalement vivre en paix après tant de douleur », note l’ONG Physicians for Human Rights, qui a soutenu les efforts d’enquête autour de Kavumu depuis le début des crimes. « Nous espérons que ce processus permettra de juger les responsables pour leurs crimes. Et nous espérons que cette collaboration entre les milieux médicaux et judiciaires, ainsi que les ONG internationales et nationales, engendrera un système de réponse efficace qui empêchera d’autres cas de violences sexuelles. »

Il a également fallu composer avec la vulnérabilité des victimes, toutes mineures au moment des faits.

« Les fillettes revivent leur agression à chaque fois qu’elles racontent leur histoire. Les audiences sont éprouvantes et nécessitent un accompagnement psychologique profond » explique l’hôpital de Panzi, spécialisé dans l’accueil des victimes de crimes sexuels. 

Juridiquement, la complexité consistait à prouver le caractère collectif des attaques. Pour constituer un crime contre l’humanité, celles-ci doivent émaner d’une organisation systématique, difficile à faire mettre en évidence dans un climat aussi instable qu’en RDC.

« Nous attendons ce procès depuis des années, de même que les familles des fillettes » expliquent les ONG qui ont travaillé sur l’affaire. « Nous espérons maintenant que le procès se déroulera dans de bonnes conditions et que la justice congolaise punira ces crimes avec la fermeté qu’ils méritent. »

Kavumu est un village particulièrement pauvre situé dans la province du Sud-Kivu, à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC). Non loin de la capitale provinciale Bukavu, cette zone est depuis de nombreuses années le théâtre de violences extrêmes et de combats sur les terres, les ressources et une lutte pour le pouvoir.

 

Les faits

Dans le village de Kavumu, entre 2013 et 2016, plus de quarante jeunes filles, âgées de 13 mois à 12 ans, ont été enlevées et violées pendant la nuit.

Le même mode opératoire a été constaté dans tous ces cas : après avoir été enlevée par un ou plusieurs hommes, la victime était violée, puis son sang hyménal était prélevé – parfois à l’aide d’un objet tranchant – avant que celle-ci ne soit abandonnée. La plupart de ces filles souffrent de dommages permanents à leurs organes sexuels et sont toujours traumatisées.

Initialement, ces attaques ont été considérées comme des évènements isolés et traitées ainsi par les autorités judiciaires locales. Psychologiquement ébranlées, les victimes et leurs familles ont tout de même confié l’enquête au procureur local.

Cependant, et malgré l’intervention d’une Task Force mise sur pied par l’ONG Physicians for Human Rights, aucune action n’a été entreprise. Ce n’est qu’au milieu de l’année 2015 que le gouvernement national a reconnu que les crimes étaient d’une importance cruciale pour les autorités à Kinshasa.

 

Procédure

Au début de l’année 2016, suite à l’intégration de TRIAL International au sein de la Task Force Kavumu, cette dernière a adopté une nouvelle stratégie judiciaire.

Les avocats des victimes ont demandé au procureur militaire de se saisir du cas, invoquant que les crimes étaient liés entre eux. En effet, l’existence d’une attaque généralisée ou systématique contre la population civile rendrait ces faits qualifiables de crimes contre l’humanité.

Le procureur militaire a accueilli la demande et a ouvert une enquête en envisageant les crimes comme un crime de masse.

En juin 2016, les premiers éléments de preuve recueillis par la police ont mené à l’arrestation de Frederic Batumike. Ce député provincial (membre de l’assemblée provinciale du Sud-Kivu) et soixante-dix autres individus étaient soupçonnés d’appartenir à une milice, laquelle serait responsable des viols systématiques des filles de Kavumu. La même milice pourrait également avoir orchestré d’autres attaques meurtrières contre des défenseurs des droits humains et des positions militaires.

L’âge des victimes et la manière selon laquelle les crimes ont été commis (de nuit, alors que les parents dormaient, l’absence de témoins et l’utilisation de substances permettant de garder les victimes dans un état d’inconscience), ont poussé les autorités judiciaires à collaborer avec les acteurs de la Task Force Kavumu pour mener une enquête approfondie afin d’obtenir les preuves nécessaires permettant de corroborer la thèse des autorités de poursuite.

En septembre 2017, le procureur militaire a inculpé 18 personnes pour des faits de viols constitutifs de crime contre l’humanité ainsi que d’autre infractions additionnelles parmi lesquelles les infractions de meurtre, d’organisation à un mouvement insurrectionnel, ainsi que d’attaques contre les positions militaires congolaises.

Selon l’acte d’accusation, Batumike a créé et organisé la milice et ordonné la commission de ces crimes. Les 17 autres prévenus sont accusés de participation à un mouvement insurrectionnel et d’avoir contribué à la commission des crimes mentionnés.

Le procès pénal était prévu initialement du 6 novembre au 23 novembre 2017. Dû à des imprévus, le procès a commencé le 9 novembre 2017.

Le 13 décembre 2017, le jugement de première instance a rendu justice aux fillettes de Kavumu : 11 miliciens ont été condamnés pour des violences sexuelles à l’encontre de 37 enfants, constitutives de crimes contre l’humanité.

Le 12 juin 2018, la Haute Cour militaire a instruit l’appel de l’affaire à Bukavu.

Le 26 juillet 2018, la Haute Cour militaire de la République démocratique du Congo (HCM) a confirmé la condamnation des 11 prévenus dans l’affaire Kavumu.

 

Regardez le témoignage du père d’une des fillettes

 

Aujourd’hui, le retrait du Burundi du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) prend effet. Une triste première pour la justice internationale.

Il y a exactement un an, le Burundi a annoncé son intention de quitter la CPI, le premier organe permanent apte à juger les crimes les plus graves. Cette annonce avait été suivi de déclarations similaires de la Gambie et de l’Afrique du Sud, qui ont depuis renoncé et ont choisi de rester sous la juridiction de la Cour.

« Nous regrettons que le Burundi se soit entêté dans cette voie, malgré la mobilisation de sa société civile » explique Pamela Capizzi, responsable du programme Burundi chez TRIAL International. « Tout comme avec la Commission d’enquête des Nations Unies, le gouvernement s’est enferré dans une posture de contestation. »

L’enthousiasme s’est mué en défiance

Ce divorce est d’autant plus décevant que le Burundi, au même titre que de nombreux Etats africains, s’était fortement mobilisé pour que la CPI voit le jour. Alors que les pays européens étaient sceptiques sur la réussite d’un tel projet, ils avaient mené tambours battants une campagne pro-justice internationale.

Comment expliquer ce revirement ? « Le fait est qu’une justice internationale forte dérange. Certains Etats pensaient sans doute qu’une institution de leur propre création ne pourrait pas se retourner contre eux, qu’elle se bornerait à enquêter sur leurs opposants. En ouvrant un examen préliminaire sur le Burundi au mois d’avril, lu Bureau du Procureur de la CPI a montré qu’il n’en était rien », avance Philip Grant, directeur de TRIAL International.

Le retrait du Burundi n’interrompt pas l’enquête préliminaire de la CPI en cours. Si les critères sont remplis, celle-ci pourrait toujours déboucher sur l’ouverture d’une enquête et, le cas échéant, d’un procès.

En savoir plus sur les liens entre Burundi et CPI
En savoir plus sur les critères de compétence de la CPI

(Banjul, Gambie, 21 octobre 2017). Une campagne a été lancée aujourd’hui pour traduire en justice Yahya Jammeh et ses complices. Elle réunit des victimes de l’ancien gouvernement gambien et des militants gambiens et internationaux.

Suite à sa défaite électorale contre l’actuel président Adama Barrow, Jammeh a fui la Gambie en janvier 2017 et s’est exilé en Guinée Equatoriale. Pendant 22 ans, le gouvernement autoritaire de Jammeh a recouru aux meurtres, aux disparitions, à des actes de torture, d’intimidation et de violences sexuelles ainsi qu’à des arrestations arbitraires pour faire taire toute opposition et se maintenir au pouvoir.

« Nous irons jusqu’au bout pour que la justice triomphe, peu importe le temps que cela prendra », a déclaré Fatoumatta Sandeng, la fille du leader de l’opposition Solo Sandeng (dont l’assassinat avait galvanisé l’opposition au gouvernement Jammeh en avril 2016) et porte-parole de la nouvelle ‘Campagne pour traduire Yahya Jammeh et ses complices en justice’. « Tout ce qui compte, c’est que Jammeh et ses acolytes répondent de ce qu’ils ont fait subir au peuple gambien. »

L’objectif de la Campagne est le procès équitable de Yahya Jammeh et des principaux responsables des violations commises par le gouvernement. La Campagne a également déclaré qu’elle visait à porter la voix des victimes dans le processus de transition en cours en Gambie, et à aider l’actuel gouvernement à récupérer les avoirs de Jammeh.

« Vu ce que nombre d’entre nous ont vécu et la situation dans laquelle Jammeh a précipité la Gambie, nous avons un devoir moral de veiller à ce que justice soit faite » a dit Amadou Scattred Janneh, condamné à la prison à vie sous Jammeh pour avoir confectionné des T-shirts ‘Mettons fin à la dictature’. « En traduisant Jammeh en justice, nous envoyons aussi un message aux tyrans de tout le continent : nous sommes déterminés à combattre l’impunité. »

L’imam Baba Leigh comptait aussi parmi les victimes présentes à la conférence de presse de lancement de la Campagne. Ce chef religieux a été sauvagement torturé et maintenu incommunicado pendant cinq mois en 2012-2013. Etaient également présents Baba Hydara, le fils de Dey­da Hydara, rédacteur en chef du journal The Point et président du Syndicat de la presse gambienne assassiné en 2004; Nana-Jo Ndow, dont le père était l’opposant Saul Ndow, disparu en 2013 et vraisemblablement assassiné ; et Ayeesha Jammeh, dont le père Haruna Jammeh et la soeur Marcie, cousins de Yahya Jammeh, ont disparus en 2005.

Parmi les intervenants à la conférence figuraient également Tutu Alicante, le Directeur de EG Justice, principale organisation de défense des droits humains en Guinée Equatoriale ; et Bénédict de Moerloose de l’ONG TRIAL International, qui a joué un rôle déterminant dans l’arrestation en Suisse d’Ousman Sonko, ex-ministre de l’Intérieur soupçonné de torture.

« Nous les Equato-guinéens, en tant que peuple ayant vécu quatre décennies de dictature brutale, nous sentons dans l’obligations d’aider nos frères et sœurs gambiens à obtenir la justice que l’on nous a refusé » explique Tutu Alicante, Directeur de EN Justice: l’ONG la plus importante pour les droits humains en Guinée Equatoriale. « Le succès des victimes gambiennes sera le succès de tous les Africains. »

La Campagne a annoncé qu’elle chercherait à faire extrader Jammeh vers la Gambie, mais que cela pourrait prendre plusieurs années. En effet, des considérations politiques, sécuritaires et institutionnelles doivent d’abord être résolues afin de garantir à Jammeh un procès équitable qui ferait avancer l’état de droit en Gambie.

Les participants à la Campagne sont : Le Gambia Center for Victims of Human Rights Violations, l’Institute for Human Rights and Development in Africa,  Article 19 West Africa, Coalition for Change in Gambia, TANGO, EG Justice (Guinée Equatoriale), TRIAL International (Suisse), Human Rights Watch,  Guernica 37 International Justice Chambers, Aids-Free World et La Fondation pour l’égalité des chances en Afrique.

Reed Brody, l’avocat de Human Rights Watch qui s’est illustré dans la campagne pour traduire en justice l’ex-dicateur tchadien Hissène Habré, est conseiller de la Campagne.

La Campagne est soutenue entre autres par la Fondation pour l’égalité des chances en Afrique. « Cette campagne envoie un message fort : qu’aucun leader africain soupçonné de crimes contre l’humanité ne doit se croire au-dessus de la loi et hors de la portée de ses victimes » dit le ressortissant mauritanien Mohamed Bouamatou, Président de la Fondation.

TRIAL International et le FOCODE s’unissent pour dénoncer, dans un rapport à l’intention du Groupe de travail sur les disparitions forcées des Nations unies (GTDFI), l’étendue et la récurrence de ces crimes commis en toute impunité au Burundi.

 

Une situation invivable pour les habitants

 Le climat de tension et d’insécurité qui règne au Burundi est tel que le simple fait d’habiter dans des zones actives de l’opposition et « anti-troisième mandat* », telle que certains quartiers de Bujumbura, donne lieu à des « arrestations » qui prennent souvent des allures de kidnapping.

Le glaive du parti au pouvoir semble tomber sur quiconque osera le défier : de nombreux cas de disparitions forcées concernent des activistes (réels ou présumés), des opposants politiques ou des membres des anciennes Forces armées burundaises (ex-FAB). Sans parler des journalistes et défenseurs des droits humains, systématiquement opprimés depuis 2015.

 

Des crimes contre l’humanité ?

Dans leur rapport, TRIAL International et le FOCODE démontrent que ces disparitions forcées sont commises sur l’ensemble du territoire, et suivent le même schéma. Des violations « généralisées », « systématiques » et lancées « contre toute population civile », qui pourraient donc équivaloir à des crimes contre l’humanité.

« On discerne des méthodes et des typologies de victimes communes dans les cas de disparition forcée au Burundi » relate Me Janvier Bigirimana, Secrétaire général du FOCODE. « De plus, la complaisance des autorités donne carte blanche aux auteurs de ces crimes. »

Le rapport souligne que ces exactions sont majoritairement commises par des agents de l’Etat, et par les Imbonerakure, la ligue des jeunes du parti au pouvoir**.

 

Vers une enquête de la CPI ?

 La reconnaissance par le GTDFI de l’existence d’une pratique de disparitions forcées constituant des crimes contre l’humanité pourrait l’amener à solliciter la Cour pénale internationale (CPI) à ouvrir une enquête. Le mois dernier, la Commission d’enquête sur le Burundi des Nations unies a également émis des recommandations dans ce sens.

De même, l’absence totale de poursuite satisferait le critère de complémentarité nécessaire à l’ouverture d’une enquête par la CPI.

« De plus en plus d’acteurs appellent à l’ouverture d’une enquête au Burundi. A quelques semaines du retrait du pays du Statut de Rome, nous espérons que notre rapport apportera sa pierre à l’édifice » conclut Pamela Capizzi, responsable du programme Burundi à TRIAL International. « Les victimes ont placé leurs espoirs dans la communauté internationale : nous nous devons de ne pas les décevoir. »

 

* La contestation contre l’actuel président Pierre Nkurunziza est née alors qu’il entamait un troisième mandat, interdit par la Constitution burundaise.
**Qualifiés de « milice » dans un rapport publié par l’ONU, ces jeunes se seraient imposés comme « le principal outil de répression du pouvoir ».

La Commission d’enquête des Nations Unies a estimé que des crimes contre l’humanité ont été commis au Burundi depuis 2015. Alors que la tension est à son comble entre Bujumbura et la communauté internationale, deux experts juridiques analysent les différents scénarios possibles.

 

Comment s’est déroulé la présentation de la Commission d’enquête sur le Burundi ? Quelles ont été les réactions des Etats et des ONG ?

Me Lambert Nigarura, Président de la Coalition burundaise pour la CPI : A part quatre Etats, tous les pays et les organisations de la société civile ont salué le travail de la Commission, le courage et la détermination de ses membres.

Pamela Capizzi, Responsable du programme Burundi de TRIAL International : J’étais satisfaite que certains Etats déplorent le retrait du Burundi du Statut de Rome, l’appelant à revenir sur sa décision. La plupart ont aussi adhéré à la recommandation de la Commission d’enquête concernant la saisine de la CPI.

 

Justement, que pensez-vous de cette recommandation à la CPI d’ouvrir une enquête* ?

LN : Cette recommandation est très pertinente. C’est la preuve que les membres de la Commission d’enquête sont convaincus que des crimes qui relèvent de la compétence de la CPI ont été commis, c’est-à-dire les crimes les plus graves commis à grande échelle.il appartient aujourd’hui  à la CPI qui a la compétence de qualifier les crimes commis de saisir la balle au bond.

PC : Je me réjouis moi aussi de cette recommandation, notamment car elle est le fruit d’une documentation méticuleuse ainsi que d’une analyse juridique rigoureuse de la Commission d’enquête.

 

Quels sont à présent les différents scenarios possibles ?

PC : Si la CPI ouvre une enquête avant le retrait du Burundi, le 27 octobre 2017, le gouvernement aurait l’obligation juridique de collaborer. Mais vu la défiance de Bujumbura ces derniers mois, l’écueil prévisible est qu’il n’en soit rien. L’autre scénario est que la CPI ouvre une enquête après le 27 octobre. Le Burundi n’aurait malheureusement plus l’obligation de collaborer, mais au moins une enquête serait en cours, envoyant un message fort et permettant d’établir la vérité.

LN : Si la CPI n’ouvrait pas d’enquête du tout, ce sera une grande déception pour les victimes et un dangereux précédent pour la justice internationale. Le Gouvernement du Burundi aurait réussi à défier la communauté internationale, les Nations Unies et tous les mécanismes judiciaires sans la moindre conséquence. Les Burundais, eux, se sentiraient trahis et abandonnés, alimentant le cercle vicieux de violences et de frustration qui contribue à l’instabilité politique.

PC : C’est absolument vrai : les victimes pourraient certes chercher justice par le biais d’autres mécanismes, mais le message principal resterait que les autorités du Burundi peuvent agir en toute impunité, sans avoir à répondre des crimes commis. D’autres pays pourraient alors s’immiscer dans la brèche.

 

Quelles sont les probabilités pour que la CPI ouvre une enquête à présent ?

PC : Le rapport de la Commission d’enquête est public, rigoureux et bien argumenté. Ses allégations que des crimes contre l’humanité ont été commis ne peuvent certainement pas laisser la CPI indifférente.  Par contre, je tiens à préciser que l’ouverture d’une enquête par la CPI ne sera qu’un pas vers la lutte contre l’impunité au Burundi. Cette seule action ne pourra pas éradiquer le problème. J’espère donc que l’ouverture d’une enquête par la CPI n’arrêtera pas le processus de recherche de solutions durables contre l’impunité.

 

Le gouvernement burundais a récemment appelé les Etats africains à « faire corps contre la CPI » Me Lambert, quel est selon vous le sentiment dominant en Afrique ? 

LN : Il faut comprendre que cet appel n’a pas eu d’écho. Il est vrai que les pays africains n’ont pas confiance en la CPI, mais peu envisagent réellement de se soustraire à sa juridiction. La société civile, dont je fais partie, est consciente que les Africains, qui sont les premières victimes de ces crimes, n’ont pas  souvent  accès à une justice indépendante. La CPI reste la seule juridiction au monde capable de leur garantir ce droit.

 

* La Cour pénale internationale a ouvert en 2016 un examen préliminaire qui pourrait déboucher sur une enquête. En savoir plus

Dans un rapport accablant, TRIAL International dénonce l’impossibilité quasi-totale pour les victimes de violence sexuelles d’obtenir justice. Les données, collectées en collaboration avec l’hôpital de Panzi, révèlent les causes structurelles de cette impunité.

 

Avec près de sept ans de retard, la RDC a rendu son rapport périodique au Comité des droits de l’homme. Dans ce rapport très attendu, la question de l’impunité pour les crimes de violences sexuelles était à peine traitée. En vue de l’examen de la RDC le 16 octobre prochain, TRIAL International a soumis son propre rapport au Comité, centré sur les causes de cette impunité. Ce fléau ravage en particulier l’est du pays où le viol est systématiquement utilisé comme arme de guerre, sans que les auteurs ne soient inquiétés. Les raisons ? Des infrastructures déficientes, du personnel mal formé et une banalisation de la violence à l’égard des femmes.

 

Des tribunaux insuffisants et mal équipés

Seuls quatre tribunaux dans tout le Sud-Kivu sont compétents pour juger d’un crime de viol. Une absurdité pour un territoire plus grand que la Suisse et comptant plus de 6 millions d’habitants. Sans surprise, le manque d’accès à l’assistance juridique est l’une des principales causes citées par les victimes pour justifier l’abandon des poursuites.

Les audiences foraines, conçues pour pallier le manque de tribunaux dans les territoires enclavés, ont leurs limites. D’une part, leur coût et leur organisation reposent exclusivement sur des acteurs internationaux, avec un engagement très limité des autorités nationales. D’autre part, parce que des zones entières du pays sont trop dangereuses pour s’y rendre : le gouffre entre les victimes et le système judiciaire reste intact.

Enfin, ces tribunaux sont très mal équipés pour traiter les crimes à caractère sexuel. Les autorités congolaises (policiers, magistrats et juges) sont encore pétries d’idées préconçues à l’égard des victimes, ce qui affecte le traitement de leurs plaintes. Les victimes, souvent menacées et intimidées pour avoir osé porter plainte, n’ont pas accès à un environnement sain et rassurant où demander justice, et préfèrent s’abstenir.

 

Les ONG font le travail du gouvernement

Il faut encore souligner l’attentisme des magistrats, qui exercent rarement leur pouvoir de se saisir des affaires de violences sexuelles. Il revient donc souvent aux ONG locales de référer les affaires aux tribunaux, malgré un manque de compétences ou des ressources. C’est pour répondre à leurs besoins que TRIAL International assure des missions de documentation et de renforcement des capacités.

Mais le vrai problème demeure : face à des autorités inertes, les ONG congolaises portent le fardeau démesuré de prendre en charge des victimes extrêmement fragilisées. Soins médicaux, accompagnement psychologique, aide économique… tout est à construire, puisqu’aucun soutien holistique aux victimes n’est prévu par l’Etat congolais.

Dans son rapport au Comité des droits de l’homme TRIAL pointe de nombreux autres écueils : l’insécurité des victimes, l’absence de mise en œuvre des verdicts, ou encore le blocage de procédures pour des motifs politiques.

La conclusion qui s’en dégage est que les causes de l’impunité sont structurelles : « Les difficultés des victimes en RDC ne sont pas liées à des individus ou à des contextes précis » explique Daniele Perissi, responsable du programme RDC de TRIAL. « Les lacunes sont généralisées, inscrites dans les lois, les structures et les mentalités. C’est pour cela qu’un changement en profondeur doit s’imposer par le haut. Nous demandons au gouvernement congolais de prendre enfin ce problème à bras-le-corps, en s’appuyant sur sa société civile dynamique et les nombreux partenaires internationaux présents dans le pays. »

Patient Iraguha, conseiller juridique chez TRIAL International, documente les crimes de masse dans les zones les plus reculées de la RDC. Un exercice laborieux et parfois dangereux, mais nécessaire pour que les victimes reprennent confiance en la justice.

 

Depuis trois ans, TRIAL International mène des missions de documentation directement sur les lieux où ont été commis des crimes graves. Cette action est partie du double constat que le temps entre le crime et les poursuites jouait sur la disparition des éléments de preuve, et que les auteurs de crimes de masse étaient parfois innocentés faute de preuves. Pour remédier à cela, une seule solution : se rendre sur les lieux du crime, des zones reculées et parfois dangereuses. C’est le prix à payer pour bâtir un dossier solide.

Les preuves que nous récoltons incluent les récits des victimes, des rapports et certificats médicaux, les témoignages des autorités locales, des photos ou encore des vidéos.

 

Travailler en zone de conflit

La première difficulté du travail de documentation est la situation sécuritaire instable. Il nous arrive d’intervenir dans des zones où des groupes armés sévissent encore.

C’est parfois a posteriori que l’on se rend compte des risques encourus : l’année passée, j’ai recueilli le témoignage de chefs de localités où des crimes avaient été commis. Ce n’est que bien plus tard que j’ai réalisé combien ils étaient proches du groupe politico-militaire qui commettait ces atrocités. Nous évoluons dans un contexte extrêmement versatile, où tout doit être analysé minutieusement.

L’insécurité est aussi un frein pour les victimes : la peur de représailles inhibe souvent leur discours. Leur sécurité est notre première préoccupation.

 

Soif de justice

Les victimes que nous rencontrons attendent souvent beaucoup des missions de documentation. Nous sommes parfois les premiers à écouter leurs histoires, à chercher à comprendre. Beaucoup de Congolais ont perdu foi en la justice et demandent des explications sur le silence des autorités.

A l’inverse, l’impunité des bourreaux donne à certaines victimes une soif de justice. Elles sont alors d’autant plus déterminées à parler. C’est leur courage qui me donne l’énergie de continuer mon travail.

Un jour, j’ai rencontré une femme qui a subi de graves violences. Elle avait tout perdu et vivait en exil, tandis que les auteurs courraient toujours. Alors que je lui posais des questions, elle m’a demandé : « Maître, pensez-vous vraiment que la justice existe chez nous ? »

Je lui ai répondu qu’il fallait y croire, même si le chemin pouvait sembler semé d’embûches. Cette réponse résume toute la difficulté de travailler avec des victimes. Nous sommes toujours dans un équilibre entre leur redonner confiance et courage, et rester francs car, en RDC, le temps de la justice est généralement très long. 

 

Patient Iraguha, Conseiller juridique RDC

 

Regardez le témoignage d’une victime