Un message de Philip Grant, Directeur exécutif

Chères amies, chers amis,

Cette année 2020 aura été troublante à bien des égards et nombreux sont ceux qui se réjouissent d’en voir la fin ! Mais ne négligeons cependant pas les bons moments et les étapes importantes qui ont marqué le long chemin vers la justice.

Au nom de toute l’équipe et de tous nos bénéficiaires, je vous remercie sincèrement de votre solidarité et vous souhaite de très joyeuses fêtes de fin d’année.  © Sabrina Dangol

Evénement phare de cette fin d’année, je ne peux que revenir sur l’incroyable procès Sheka et sur le magnifique verdict qui vient récompenser des années de travail en République démocratique du Congo. Très redouté et disposant encore de beaucoup d’influence dans l’est de la RDC, le seigneur de guerre Sheka a finalement été reconnu coupable de crimes de guerre. Ce verdict qui rend justice à des centaines de courageuses victimes a des conséquences majeures sur la géopolitique de toute la région. C’est aussi une belle preuve que personne n’est au-dessus de la loi !

Sur le plan international, le principe de compétence universelle qui permet de poursuivre les auteurs de crimes internationaux quelles que soient leur nationalité ou celle de leurs victimes, gagne toujours plus de terrain. L’année 2020 a par exemple vu s’ouvrir, en Allemagne, le premier procès au monde qui vise à juger la torture d’Etat en Syrie. À TRIAL International, nous portons une demi-douzaine d’affaires de ce genre. Nous espérons que ce précédent remarquable, tout comme le procès d’un chef rebelle libérien qui s’est récemment ouvert en Suisse, donneront envie et courage à d’autres juridictions de faire usage de la compétence universelle.

Enfin, en Suisse aussi TRIAL International s’efforce de trouver de nouvelles voies vers la justice. Cette année, trois affaires concernant des acteurs économiques peu scrupuleux étaient en main du Ministère public de la Confédération. Nous espérons et attendons des développements dans ces dossiers importants l’an prochain.

Au nom de toute l’équipe et de tous nos bénéficiaires, je vous remercie sincèrement de votre solidarité et vous souhaite de très joyeuses fêtes de fin d’année. Puisse 2021 être une année plus sereine.

Avec tous mes vœux de santé,

Philip Grant, Directeur exécutif

Un message de Salina Kafle, Coordinatrice des droits humains au HRJC

 

Sakhi signifie amie en népalais, c’est le pseudonyme choisi par une jeune femme pleine de bravoure pour que je puisse ici vous raconter son histoire. 

Malgré les mécanismes de justice transitionnelle mis en place, le chemin vers la justice est semé d’embûches pour les victimes népalaises. ©TRIAL International / Helena Rodriguez 

Agée de 13 ans lors des faits, Sakhi n’a pas tout de suite compris ce qui lui était arrivé lorsqu’elle a repris connaissance après avoir été violée par deux soldats. C’est bien des années plus tard, une fois la guerre civile terminée et le processus de justice transitionnelle mis en place, qu’elle a enfin pu réclamer justice une première fois.

Mais le chemin vers la justice est encore long. Dans cette affaire, la procédure pénale officielle n’a débuté en 2019! Tout comme Sakhi, de nombreuses victimes ont besoin de vous pour entamer et continuer leurs démarches.

Rejoignez notre lutte contre l’impunité et faites un don aujourd’hui !

Lorsque j’ai rencontré Sakhi en 2018, sa détermination et sa résilience m’ont bouleversée. Juridictions après juridictions, nous avons déposé plaintes, requêtes et demandes pour qu’une investigation soit ouverte et que les auteurs du crime soient appréhendés. Face aux nombreux obstacles au niveau national – notamment un délai de prescription extrêmement court – une communication individuelle auprès de Nations Unies a été déposée.

Vous aussi, soutenez les trop nombreuses victimes de violences sexuelles en temps de guerre. Jusqu’à présent, votre mobilisation massive nous a permis de récolter 17’253 CHF lors de cette campagne ! Impressionnée par votre engagement, notre généreuse donatrice a décidé de continuer à doubler vos dons pendant tout le week-end : nous y sommes presque, chaque don compte pour atteindre les 20’000 CHF !

 

De tout cœur, merci pour votre engagement !

Salina Kafle, Coordinatrice des droits humains au HRJC

 

 

 

 

La prévalence de l’impunité pour les violations des droits humains au Burundi s’explique par des raisons profondes et structurelles. C’est forte de sa propre expérience devant les juridictions nationales que TRIAL International publie un état des lieux des dysfonctionnements du système judiciaire. Ces manquements structurels ont tous été encore aggravés depuis le début de la crise politique en 2015.

Sans les réformes nécessaires, le Burundi restera incapable d’instaurer un État de droit et d’engager un processus crédible de justice transitionnelle. ©Stringer/TRIAL International

Le but du rapport de TRIAL International n’est pas de critiquer stérilement le système judiciaire du Burundi, mais d’inciter les acteurs de la communauté régionale, et notamment la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, à peser de tout leur poids pour encourager et accompagner un processus crédible de justice transitionnelle.

Lire le rapport ici

 

Quatre droits fondamentaux systématiquement violés

La première section du rapport examine le droit à un recours effectif. Bien qu’il soit l’un des fondements de l’État de droit, les dossiers suivis par TRIAL International au Burundi montrent qu’il est presque systématiquement bafoué : le suivi des plaintes pénales n’est, au mieux, qu’une façade et ne donne pas lieu à une instruction satisfaisante. En l’absence d’enquête, les auteurs des exactions ne sont pas identifiés et les faits demeurent impunis. Le manque d’indépendance et d’impartialité des institutions judiciaires constituent également des freins.

Les facteurs de dysfonctionnement au Burundi affectent également deux autres droits fondamentaux qui sont intimement liés : le droit à la liberté de la personne et le droit à un procès équitable (traités conjointement à la section 3). Les violations qui entachent les procédures judiciaires révèlent le caractère injuste et arbitraire de l’arrestation et/ou de la détention. Pis encore, ces irrégularités semblent refléter la nature fallacieuse des accusations portées à l’encontre des victimes. La durée excessive des procédures ainsi que l’insuffisance de moyens humains, matériels et/ou logistiques du système judiciaire sont également passées en revue.

Enfin, pour prendre tout son sens, la justice doit comprendre les deux aspects : punitif et réparateur. La section 4 examine le droit d’obtenir des réparations, et pourquoi il doit exister indépendamment des poursuites pénales.

Sans les réformes nécessaires, le Burundi restera incapable d’instaurer un État de droit et d’engager un processus crédible de justice transitionnelle. Bien pire, cette situation empêchera la consolidation de la paix et stabilité dans le pays, qui demeurera en proie à des cycles récurrents de violence.

Lire le rapport ici

 

Ce rapport a été soutenu par les fonds du Ministère fédéral des Affaires étrangères allemand à travers ifa (Institut für Auslandsbeziehungen), programme de financement zivik.

Un message de Lamija Tiro, Conseillère juridique

Cette année, une survivante de violences sexuelles a enfin obtenu la reconnaissance de ses souffrances au niveau international. Violée par un soldat dans les années 90, elle s’est battue pendant 20 ans pour que la Bosnie-Herzégovine accomplisse son devoir et mène une enquête impartiale et efficace. En vain.

Une justice est possible, mais après combien de temps ? ©Will Baxter / TRIAL International

Confrontée à un véritable parcours d’obstacles, cette femme originaire d’un petit village bosnien a réussi à porter son cas devant les plus grandes instances internationales. Le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) lui a finalement donné raison.

Cette détermination et ce courage exemplaire montre que la justice est possible, mais après combien de temps ? Pour que son combat ne soit pas vain et pour encourager de nombreuses autres victimes à se battre pour leurs droits fondamentaux : donnez dès à présent !

En Bosnie-Herzégovine, mon travail permet aux victimes des pires atrocités de faire entendre leur voix. Les décisions comme celle du ici mais aussi comme celle, historique, du Comité contre la torture l’année passée ont un véritable impact : elles inspirent d’autres victimes. De plus en plus de survivants de violences sexuelles osent prendre la parole. Elles cherchent désormais à obtenir justice au niveau international.

Cette année, une généreuse donatrice double vos dons jusqu’au 18 décembre pour un montant de 20’000 CHF ! Chaque franc versé en vaut donc deux ! Engagez-vous dès maintenant et permettez à vos contributions d’aller deux fois plus loin !

 

Merci de votre confiance,

Lamija Tiro, Conseillère juridique, Programme Bosnie-Herzégovine

 

PS : Nous sommes heureux de partager avec vous les défis de l’accès à la justice en Bosnie-Herzégovine. Tout bientôt, ma collègue Salina, active au Népal vous donnera des nouvelles du terrain.

 

 

Un message d’Elsa Taquet, Conseillère juridique

 

«Tu as volé mon enfance, tu as tué mes parents, tu dois maintenant répondre de tes actes et faire face à la justice

 

C’est par ces mots que Dimitri*, enfant soldat depuis ses 9 ans, a terminé son témoignage, en soutenant le regard de son bourreau : le seigneur de guerre congolais « Sheka ». Dans une salle d’audience spécialement conçue pour éviter l’évasion de ce chef rebelle encore très influent dans la région, je me rappelle que tous, nous retenions notre souffle. Parmi la population, qui a enduré plus de 4 années de terreur et d’atrocités, personne ne pouvait croire que Sheka était bel et bien assis sur le banc des accusés.

Malgré l’incertitude qui caractérise des procédures aussi complexes que l’affaire Sheka, il faut se souvenir que, toujours, la justice est possible. © UN Photo / Tobin Jones

Sur place en République démocratique du Congo depuis le début du procès, je peux dire que le chemin vers la justice a été long et difficile : deux ans de procès, des centaines de témoignages de victimes, des aléas procéduraux et des défis sécuritaires importants. Pour les victimes, la longueur de la procédure, bien qu’elle puisse être gage de qualité, est extrêmement difficile à vivre.

Une justice de qualité peut prendre du temps et les victimes ont besoin de soutien sur la durée. C’est pourquoi que votre générosité sur le long terme est essentielle.

En tant que conseillère juridique, je soutiens et accompagne aussi bien les victimes que leurs avocats. Malgré l’incertitude qui caractérise des procédures aussi complexes, il faut se souvenir que, toujours, la justice est possible.

Ici, elle a fini par triompher : personne n’est au-dessus de la loi. Pas même Sheka. Immense victoire pour plus de 700 victimes, c’est également un signal fort pour tous les autres miliciens responsables d’atrocités. Mais le combat est loin d’être terminé. La mise en œuvre du jugement reste un défi colossal en RDC, où les réparations ordonnées ne sont quasiment jamais versées aux victimes.

Rejoignez notre combat contre l’impunité, pour que dans l’est de la RDC, tous puissent à nouveau croire en la justice : faites un don aujourd’hui !

Merci de votre confiance,

 

Elsa Taquet, Conseillère juridique, programme Grands Lacs.

PS : D’ici quelques jours, retrouvez-nous pour découvrir les défis rencontrés par notre équipe en Bosnie-Herzégovine. Restez à l’écoute !

*Prénom d’emprunt

Le 3 décembre 2020, Michael Correa, un ancien membre d’une unité paramilitaire délite gambienne, comparaissait devant un tribunal de district du Colorado en audience préliminaire. Pour rappel, il est accusé dactes de torture commis en Gambie sur les ordres de lexprésident Yahya Jammeh. Cependant, au vu de la complexité de l’affaire, de sa dimension internationale et de la situation sanitaire globale, la date du procès n’est pas encore fixée.

Le cas de Michale Correa est seulement la deuxième affaire de torture commise hors du pays à être jugée par des fonctionnaires américains. ©Nyttend

Michael Sang Correa, 41 ans, est apparu jeudi 3 décembre 2020 devant le juge par visioconférence depuis la prison où il est détenu. A cause des visites restreintes du fait de la pandémie de Covid-19, il n’a jusqu’à présent pas pu voir ses avocats en personne. Ceux-ci ont fait valoir qu’ils ne seraient peut-être pas en mesure d’assurer sa défense dans le délai de 180 jours imparti par la Cour.

Par ailleurs, l’enquête a elle aussi pris du retard : en cause notamment, des difficultés pour trouver et rencontrer des témoins en Gambie. Si l’on ajoute à cela les problèmes logistiques pour faire venir ces témoins, déjà compliqués hors pandémie, il y a fort à parier que le procès, qui aurait dû se tenir début 2021, ne s’ouvrira pas avant l’été prochain au plus tôt.

Michael Correa était un membre présumé des « Junglers », le célèbre escadron de la mort de l’ex-président gambien Yahya Jammeh. Ces troupes de choc, formées au milieu des années 1990, auraient été impliquées dans des cas de disparitions forcées, des exécutions extrajudiciaires, des violences sexuelles, des actes de torture et des détentions arbitraires. Dans son acte d’accusation, le Département de la Justice des États-Unis (DOJ) allègue que Michael Correa serait responsable de la torture d’au moins six personnes en 2006, suite à une tentative de coup d’État contre l’ancien chef d’Etat gambien.

Correa est également impliqué dans d’autres crimes du gouvernement Jammeh. En Gambie, d’anciens « Junglers » ont déclaré à la Commission vérité, réconciliation et réparations (TRRC) que Correa aurait également participé à l’exécution d’un ancien chef des services de renseignement, et de quatre de ses associés en avril 2006. Toujours selon ces témoignages, il aurait aussi été impliqué dans les meurtres de deux journalistes, ainsi que de neuf détenus en 2012 et deux binationaux Gambiens et Américains.

L’inculpation de Michael Correa est la première poursuite contre un membre des escadrons de la mort de Yahya Jammeh. Il s’agit aussi de la deuxième affaire – après le fils de l’ancien président Charles Taylor – à être jugée par des fonctionnaires américains en vertu du Code des États-Unis, depuis l’adoption en 1994 de son paragraphe sur la torture commise hors du pays.

Huit ans de prison chacun et près de 19 000 Euros à titre de compensation pour la victime. C’est la peine à laquelle la Cour de Bosnie-Herzégovine a condamné Radovan Paprica « Papro » et Slavko Ognjenović « Mačak » pour crimes contre l’humanité. Les deux hommes comparaissaient en première instance pour le viol d’une femme à Foča en 1992, alors que la guerre faisait rage en Bosnie-Herzégovine.

Ce verdict est un signe fort qu’il est possible d’obtenir justice même en temps de pandémie. ©BIRN 

« Une fois de plus, la justice aura fait reculer l’impunité, même 28 ans après les faits », a déclaré Selma Korjenić, responsable du programme de TRIAL International en Bosnie-Herzégovine (BiH). Ces dernières années, TRIAL International a accompagné la survivante dans ses démarches, et a contribué à ce que les autorités identifient et poursuivent les responsables.

La peine relativement basse – le minimum légal pour ce type d’accusation est de dix ans de réclusion – serait selon la Cour justifiée entre autres par un comportement « particulièrement correct » des accusés durant la procédure. Les accusés ont par ailleurs été exemptés des frais de justice au vu de leur situation financière. La Cour les a en revanche condamnés à payer une compensation à la survivante à hauteur de 37 000 BAM – soit près de 19 000 Euros – à titre de réparation pour les souffrances physiques et mentales qu’elle a endurées.

Ce verdict survient dans un contexte particulier, dans lequel les procédures contre les auteurs de crimes de guerre sont au ralenti à cause de la crise du Covid-19. Le début de l’année 2020 a été marqué par une grande incertitude quant aux capacités du système judiciaire à poursuivre ce type d’affaire. « Ce verdict est un signe éclatant qu’à force de persévérer, il est possible d’obtenir justice même en temps de pandémie », se réjouit Selma Korjenić.

A l’heure où s’ouvre le procès contre Alieu Kosiah à Bellinzone, de nombreuses voix se font entendre saluant l’engagement de la Suisse en faveur de la justice internationale. Mais pour une affaire qui débouche sur un procès, combien d’autres se perdent dans les couloirs des procureurs ? Philip Grant, directeur exécutif de TRIAL International, revient sur les affaires « oubliées » portées par l’organisation qu’il a fondée.

Le procès Koshia, une exception qui confirme la règle ? Tribunal Pénal Fédéral, Bellinzone, Suisse. © CC

« L’ouverture de ce procès est une excellente nouvelle. Cela fait vingt ans qu’il n’y en a pas eu de semblable en Suisse », déclare Philip Grant. Avant de tempérer : « On a récemment entendu dire : ‘Génial que la Suisse en fasse autant’. Je dirais plutôt : ‘Dommage qu’elle en ai fait si peu’ ».

 

« Les ONG attendent maintenant du prochain Procureur général de la Confédération des engagements clairs, suivis d’effets, pour que le procès qui s’annonce ne soit pas l’exception qui confirme la règle. »

 

Depuis la création de TRIAL International en 2003, ce sont en effet plus d’une vingtaine de dossiers portant sur des crimes internationaux qui ont été soumis aux différentes instances cantonales, fédérales, voire même militaires. Et ce pour des crimes qui ont prétendument été commis en Algérie, en Afghanistan, en Bosnie, en Colombie, en Gambie, au Guatemala, en Libye, en RDC, au Sri Lanka, en Syrie ou encore en Tunisie, notamment.

Parmi celles-ci, l’affaire contre l’ancien chef de la police guatémaltèque Erwin Sperisen a eu un retentissement important et donné lieu à une saga judiciaire de près de dix ans, avant d’aboutir à un verdict de culpabilité et une peine de prison de 15 ans. Une autre qui vise l’ancien ministre de l’Intérieur gambien Ousman Sonko est toujours en cours d’instruction par le Ministère public de la Confédération (MPC). Mais pour ces quelques cas qui ont été suivis d’effets, de nombreux autres ont été classés sans suites, ou ne sont traités que très lentement. Quitte à laisser penser, selon plusieurs observateurs, que certains procureurs espèrent peut-être que des suspects aujourd’hui âgés – comme c’est le cas de l’Algérien Khaled Nezzar ou du Syrien Rifaat al-Assad – ne puissent jamais se présenter à un éventuel procès.

 

Retards et classements

La Suisse avait pourtant fait office de pionnière il y a vingt ans, en étant le premier pays à juger (et à condamner) un génocidaire rwandais selon le principe de compétence universelle. Alors comment expliquer l’essoufflement apparent des procureurs helvétiques ? Le MPC, qui depuis une réforme législative en 2011 traite l’essentiel de ces dossiers, n’est bien entendu pas seul responsable de l’échec ou du rythme de sénateur de certaines procédures. « Parfois, ce sont des fuites qui permettent à un suspect de se soustraire aux poursuites », se souvient Philip Grant. Pour exemple, le cas de cet ancien ministre algérien, attendu à un événement public à Fribourg. TRIAL International avait constitué un solide dossier contre lui et avait aidé une victime de torture à déposer plainte contre lui. Mais alors que la justice fribourgeoise s’apprêtait à l’entendre à son arrivée dans le canton, l’intéressé avait tourné talon et pris la poudre d’escampette peu après son arrivée à l’aéroport de Genève, manifestement informé des poursuites contre lui.

Dans d’autres cas, le peu d’empressement des autorités de poursuite a pu se manifester par des raisonnements rocambolesques, comme dans cette affaire contre un suspect somalien, rejetée notamment parce que les ONG actives dans la défense des droits humains, « par exemple Amnesty International, […] n’ont jamais jugé pertinent de saisir le Ministère public de la Confédération ». Ou par des faux-fuyants mystérieux, comme dans l’affaire Rifaat al-Assad, où il aura fallu un recours en urgence au Tribunal pénal fédéral pour forcer le procureur en charge du dossier qui rechignait à se déplacer à Genève, à se rendre dans l’hôtel de luxe pour procéder à l’audition du prévenu. Une manière de trainer les pieds qui désole les ONG et laisse pantois de nombreux procureurs étrangers, qui ne demanderaient pas mieux que de pouvoir travailler sur des affaires d’une telle importance.

 

La société civile à la rescousse des procureurs

Le rôle des ONG dans la poursuite des auteurs de crimes internationaux est pourtant fondamental. C’est ce que s’efforce de faire TRIAL International, mais aussi Civitas Maxima, sans qui le procès qui s’ouvre en Suisse n’aurait certainement jamais eu lieu. Grâce au travail de ces organisations, les Etats, dont la Suisse, sont régulièrement rappelés à leurs obligations. En parallèle aux mécanismes de la justice internationale tels que la Cour pénale internationale, les Etats sont en effet dans l’obligation de poursuivre les auteurs de crimes internationaux selon le principe de compétence universelle. Mais les procureurs qui ont la volonté d’agir n’ont pas les moyens de surveiller les allées et venues de potentiels criminels. C’est là que les ONG interviennent, en les saisissant d’une affaire sur laquelle elles ont enquêté.

Mais le MPC, tout comme certains organismes de poursuite similaires dans d’autres pays, n’a pas des ressources illimitées. Bien au contraire, ceux-ci ont plutôt tendance à être revus à la baisse. « Il est indispensable que le MPC soit doté de moyens suffisants pour qu’il puisse mener à bien cette part de son mandat », rappelle Philip Grant.

« Or il s’agit-là d’une décision politique, et il semble que la volonté de la Suisse fasse parfois défaut de ce côté. Les ONG attendent maintenant du prochain Procureur général de la Confédération des engagements clairs, suivis d’effets, pour que le procès qui s’annonce ne soit pas l’exception qui confirme la règle. »

 

 

 

 

 

Un message d’Emeline Escafit, Conseillère juridique, Procédures et enquêtes internationales.

La Gambie, petit État d’Afrique de l’Ouest, a été dirigée d’une main de fer par Yahya Jammeh et son unité d’élite paramilitaire : les « Junglers ». Exécutions extrajudiciaires, actes de torture et disparitions forcées, la population gambienne a souffert des abus commis par le régime pendant plus de 20 ans. Aujourd’hui, elle réclame justice, mais l’obtiendra-t-elle demain ?

De l’autre côté de l’atlantique, aux Etats-Unis, une opportunité historique pour des victimes de torture gambiennes ? © Steve Wheeler

Nous avons de bonnes raisons de l’espérer ! En 2021, le procès de Michael Sang Correa, membre présumé des Junglers, doit débuter aux Etats-Unis. Ce procès est historique : c’est la première fois qu’un membre présumé de ces escadrons de la mort est poursuivi dans le monde. Grâce aux enquêtes menées en Gambie par TRIAL International et ses partenaires, les victimes pourront faire entendre leurs voix afin d’obtenir justice ! Mais la route est encore longue. Soutenez, vous aussi, les victimes du régime brutal de Yahya Jammeh : donnez dès à présent.  

Les auteurs de crimes internationaux doivent répondre de leurs actes quel que soit le pays où ils se sont enfuis. L’affaire Correa est une grande avancée pour la justice internationale. Mais il est aussi essentiel que la population en Gambie puisse suivre un tel procès et être informée des développements d’une justice qui les concerne directement. C’est pourquoi, elles ont besoin de vous. En cette journée mondiale de la générosité, faisons de la justice une réalité pour toutes et tous, dès à présent et pour longtemps !

Je profite enfin de ce courriel pour vous inviter à l’exposition photographique virtuelle de l’ONG ANEKED. En collaboration avec celle-ci, nous donnons de la visibilité aux centaines de victimes du régime de Yahya Jammeh : The duty to Remember à visiter absolument !

Un grand merci,

Emeline Escafit, Procédures et enquêtes internationales.

PS : La semaine prochaine, découvrez l’incroyable procès Sheka, une affaire emblématique en République démocratique du Congo racontée par ma collègue présente sur le terrain. Restez à l’écoute !

 

 

 

 

Les Accords de paix, qui ont officiellement mis fin à une décennie de conflits armés, fêtent leur 14e anniversaire. Pourtant, le Népal n’a pas fait de réels progrès pour garantir aux victimes de violations massives des droits humains l’accès à la justice, à la vérité et aux réparations.

Le gouvernement a montré qu’il n’envisage pas sérieusement d’accéder aux demandes de justice des victimes du conflit, malgré ses promesses. ©TRIAL International/Audrey Oettli

En janvier 2020, la Commission vérité et réconciliation et la Commission pour l’investigation des personnes disparues ont toutes deux été renouvelées pour la quatrième année consécutive. Malgré les inquiétudes de la société civile qui a alarmé à plusieurs reprises sur un processus de nomination politiquement biaisé, de nouveaux commissaires ont été désignés.

(…) En octobre 2020, au lendemain de la réélection du Népal au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, la Commission nationale des droits de l’homme a publié une liste de 286 individus, dont des hauts dirigeants du gouvernement et des forces de sécurité, qui auraient été impliqués dans des violations des droits humains. Ils n’auraient jusqu’à présent jamais été inquiétés par la justice…

Ces vingt dernières années, la Commission nationale a émis des recommandations sur 1’195 affaires de violations des droits humains, dont 940 liées au conflit armé. 87% restent à ce jour ignorées ou très partiellement mises en œuvre. Cela prouve que le gouvernement n’envisage pas sérieusement d’accéder aux demandes de justice des victimes du conflit et de leur famille, malgré ses promesses.

(…) Le Human Rights and Justice Center (l’organisation sœur de TRIAL International à Katmandou) appelle le gouvernement du Népal à respecter les engagements pris il y a 14 ans lors de la signature des accords de paix. Elle demande aussi l’amendement de lois sur la justice transitionnelle pour qu’elles soient conformes aux standards internationaux. Enfin, elle appelle à dynamiser le processus de justice transitionnelle pour qu’il garantisse justice, vérité et réparations aux victimes.

Lire la déclaration complète sur le site du Human Rights and Justice Center (en anglais)

Genève/Goma, 23 novembre 2020. Pour diffusion immédiate.

Deux ans presque jour pour jour après son ouverture, l’affaire contre le chef de guerre Sheka et son complice Lionceau est arrivée à son terme. Condamnés à perpétuité pour crimes de guerre, les deux ex-miliciens du Nduma défense du Congo (NDC) ne séviront plus au Nord Kivu. Une victoire contre l’impunité qui, il n’y a pas si longtemps, aurait été difficilement concevable.

Téléchargez le dossier média complet

Précédent historique pour la justice au Nord Kivu: l’affaire restera comme l’une des plus complexes de ces dernières années en RDC. © TRIAL International / Elsa Taquet

Cette affaire restera comme l’une des plus complexes et des plus longues de ces dernières années en République démocratique du Congo (RDC). Après près de deux ans de procès, les 337 victimes identifiées et les milliers de page de preuves auront convaincu la justice congolaise : Sheka et son complice Lionceau sont coupables de crimes de guerre par meurtre, esclavage sexuel, recrutement d’enfants et (pour Sheka) de pillages. Lionceau a aussi été condamné pour viols constitutifs de crimes contre l’humanité (voir le détail des crimes dans le dossier média). Tous deux ont reçu une peine d’emprisonnement à vie. Un autre milicien a écopé de 15 ans de prison ; le quatrième prévenu, sans grade hiérarchique, a été acquitté.

« Nous sommes très satisfaits de ce verdict » déclare Daniele Perissi, Responsable du programme Grands Lacs de TRIAL International. « Non seulement il donne enfin satisfaction aux centaines de victime du NDC-Sheka, mais il créé un précédent historique pour la justice au Nord Kivu. Les autorités ont prouvé aujourd’hui qu’elles étaient capables de mener à bout une affaire incroyablement complexe, tant juridiquement que d’un point de vue sécuritaire. »

Me Patient Iraguha, Conseiller juridique senior de TRIAL International en RDC, renchérit : « La victoire d’aujourd’hui est le fruit d’une étroite collaboration entre les autorités de poursuite et ses partenaires locaux et internationaux, dont TRIAL International et ses partenaires Avocats sans Frontières et RCN Justice et Démocratie. Vue l’emprise de Sheka dans la région, nous avions tous besoin les uns des autres. »

 

Une victoire de la justice envers et contre tout

Car le pari était loin d’être gagné quand Sheka a été arrêté en 2017. Même derrière les barreaux, son influence était telle qu’un dispositif de sécurité sans précédent a été déployé pour les victimes et les témoins (plus d’information dans le dossier média).

Autre particularité du procès : la qualité et la quantité de preuves à charge. « Nous ne sommes pas surpris que les juges aient confirmé la culpabilité de Sheka et ses complices » affirme Me Elsa Taquet,  Conseillère juridique de TRIAL International, qui a travaillé aux côtés des avocats des parties civiles. « Des preuves audiovisuelles au carnet de bord de Sheka lui-même, en passant par des certificats médicaux et des témoignages d’enfants-soldats : les preuves contre les prévenus étaient réellement accablantes. »

 

Une suite encore incertaine

Qu’adviendra-t-il à présent des coupables et de leurs victimes ? « Nous espérons que Sheka purgera sa peine hors du Nord Kivu, pour que les victimes et les témoins ne vivent pas dans la crainte de représailles » explique Me Patient Iraguha.

Surtout, TRIAL International et ses partenaires se concentreront à présent sur l’obtention de réparations pour les victimes. Une tâche ardue en tout temps, mais encore plus compliquée dans cette affaire où l’État congolais n’a pas été reconnu responsable. Me Elsa Taquet témoigne :

« Nous restons convaincus que l’État a failli à son obligation de protéger la population civile, même si cet argument n’a pas été retenu par les juges. Leur décision complique indéniablement l’accès aux réparations pour les victimes, mais cela ne nous empêchera pas de tout mettre en œuvre pour faire valoir leurs droits. »

Beaucoup de questions restent en suspens et pourraient prendre des mois avant de se résoudre. Mais pour le moment, l’heure est au soulagement : la justice a triomphé et l’un des chefs de guerre les plus redoutés est enfin puni pour ses actes.

 

  Téléchargez le dossier média complet

 

 

Le travail de TRIAL International dans cette affaire a été mené au sein du Cadre de concertation, un réseau informel d’acteurs internationaux qui coopèrent afin de soutenir le travail des juridictions militaires congolais dans l’investigation et la mise en accusation des auteurs de crimes de masse au Nord Kivu.

Il y a tout juste 25 ans, le 21 novembre 1995, les accords de Dayton mettaient fin à la guerre en Bosnie-Herzégovine. C’est aussi dès lors que tout le spectre des horreurs de la guerre éclate au grand jour. Génocide, épuration ethnique, torture : le pays est confronté aux crimes atroces qui ont émaillé le conflit. Et il doit apprendre à faire cohabiter leurs auteurs, et de nombreuses victimes. Mais cette date marque aussi le début de la division – des différentes entités qui forment l’Etat, mais aussi de la société – que connait le pays à l’heure actuelle. L’experte juridique Lejla Gačanica revient sur cet événement marquant de l’histoire bosnienne (en anglais).

L’accord de Dayton marque la fin de la guerre en Bosnie-Herzégovine, mais aussi le début de la division du pays. © U.S. Air Force/Staff Sgt. Brian Schlumbohm

Aujourd’hui, le processus de transition sociale, économique et politique initié par les accords de Dayton n’est toujours pas achevé. Et cela alors même qu’en parallèle, des entités ethniques se sont créées, polarisées et renforcées. « On dit souvent que l’accord de paix a en fait gelé le conflit », résume Lejla Gačanica, experte juridique de l’ONG ForumZFD. Les divisions qui ont servi de fondement à la guerre sont devenues des circonscriptions, des divisions institutionnelles ; elles sont présentées comme autant d’outils pour préserver « l’intérêt national vital ».

A l’heure où les discours révisionnistes fleurissent dans le débat public et où le déni des crimes du passé a le vent en poupe, il existe cependant des signes d’apaisement encourageants. Notamment les récentes décisions des organismes de l’ONU (Comité contre la torture, CEDAW), souvent en lien étroit avec le travail mené par les organisations de la société civile. Les négociations autour de l’adhésion à l’Union européenne, et les conditions fixées par cette dernière, pourraient être un moteur supplémentaire pour que la BiH accélère son processus de justice transitionnelle qu’elle peine à faire aboutir.

 

Lire l’opinion complète de Lejla Gačanica (en anglais)

Goma/Genève, 20 novembre 2020 – pour diffusion immédiate. Le verdict approche pour le chef de guerre Ntabo Ntaberi, mieux connu sous le pseudonyme Sheka, et ses trois coaccusés. Après plus d’un an et demi de procès et encore plusieurs mois de délibération, les quatre prévenus risquent la prison à vie pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Un message fort à l’heure ou l’ex-acolyte de Sheka, Guidon Shimiray, pourrait à son tour être porté devant la justice.

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Le chef de guerre Sheka à l’ouverture de son procès en 2018. © TRIAL International / Elsa Taquet

Le procès-fleuve de Ntabo Ntaberi alias Sheka, redoutable commandant de la milice Nduma Defence of Congo (NDC), arrive à son terme. En août dernier, défense et accusation ont présenté leurs plaidoiries finales. Le Procureur a requis une peine de prison à vie. Charge maintenant aux juges de se prononcer sur la culpabilité des quatre prévenus dans des crimes de masse commis au Nord Kivu entre 2010 et 2014. Le verdict est attendu le lundi 23 novembre 2020.

Lire le communiqué du 27 novembre 2018 : Le chef de guerre Ntabo « Sheka » Ntaberi fait face à la justice

Me Jules Ruhunemungu, Coordinateur de projet chez Avocats sans Frontières (ASF), rappelle que la participation et le courage des victimes ont été déterminants dans ce procès. «Leur contribution a été un élément essentiel de la plaidoirie des avocats devant la cour pour appuyer les allégations formulées à l’encontre des accusés. Il faut saluer la volonté des parties civiles de braver la peur et de briser le silence pour faire avancer la lutte contre l’impunité en RDC.»

 

Crimes d’hier, crimes d’aujourd’hui

La communauté internationale a suivi de près le procès de Sheka et il ne fait aucun doute que le verdict sera largement relayé par les médias congolais et internationaux. Une décision d’autant plus importante que l’ex-second de Sheka au sein de la milice Nduma Defence of Congo (NDC), devenu depuis l’un des chefs de guerre le plus redouté de la région, pourrait être à son tour inquiété.

Petit retour en arrière : en 2014, des rivalités entre Sheka et son adjoint Guidon Shimiray mènent à la scission du NDC. Dès lors, factions du NDC s’affrontent entre elles jusqu’à la reddition de Sheka en 2017 aux autorités, et sa mise en accusation. Guidon Shimiray et ses hommes continuent de sévir au Nord Kivu jusqu’à ce jour.

Mais le glas pourrait sonner pour M. Shimiray, officiellement destitué dans un communiqué du NDC le 8 juillet 2020. Il est d’ailleurs sous le coup d’un mandat d’arrêt depuis juin 2019. L’ancien rival de Sheka pourrait-il être le prochain sur le banc des accusés ?

«Le parallèle entre Sheka et Guidon Shimiray est évident», confirme Me Elsa Taquet,  Conseillère juridique de TRIAL International, qui a travaillé aux côtés des avocats des parties civiles : «Tous deux étaient des hommes si forts du NDC que tout le monde les croyait intouchables. Le procès qui vient de s’achever prouve que Sheka n’est pas au-dessus des lois, pas plus que M. Shimiray qui devra un jour, à son tour, répondre de ses actes.»

 

Mettre fin au cercle vicieux de la violence

Comment expliquer cette répétition de l’histoire ? De nombreuses milices armées du Nord-Kivu se constituent comme des groupes d’auto-défense, pour lutter contre d’autres milices, voire contre les Forces armées de la RDC (FARDC) dont certains hommes se sont rendus, par moment, coupables d’exactions contre les populations civiles et leurs biens. Ainsi, les populations qui sont les victimes un jour peuvent prendre les armes le lendemain… et commettre des crimes à leur tour. Le cercle vicieux de la violence se perpétue et se renforce.

Pendant le procès, Sheka s’est présenté comme le défenseur des civils de Walikale et de Masisi. Mais les méthodes de sa milice racontent une toute autre histoire : viols de masse, esclavage sexuel, enrôlement d’enfants soldats, mutilations et traitements inhumains contre les individus d’ethnies Hunde et Hutu, etc. En tout, des milliers de civils ont vécu dans la terreur pendant plus de quatre ans.

Pour Me Patient Iraguha, Conseiller juridique senior de TRIAL International en RDC, seul l’État congolais peut mettre un terme à cette escalade : «Les civils ne devraient pas avoir à se défendre eux-mêmes, c’est le rôle des autorités de garantir leur sécurité. C’est pourquoi l’État congolais est également accusé dans le procès Sheka : tous les moyens n’ont pas été mis en œuvre pour prévenir les atrocités commises par le NDC.»

«La justice congolaise est-elle à l’épreuve ?», s’interroge Me Dominique Kamuandu, Coordinateur de Programme chez ASF. «Pour les sceptiques, ce procès pourrait prouver qu’il est possible d’offrir une réponse judiciaire aux violations graves des droits humains. Nous espérons que la cour respectera jusqu’au bout les standards internationaux et rencontrera les attentes des victimes sur les principes du procès équitable.»

Le verdict sera prononcé le lundi 23 novembre à partir de 9h au palais de justice militaire de Goma (Camp Katindo).

 

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L’homme d’affaires suisse Christoph Huber s’est-il rendu coupable de pillage – un crime de guerre au regard du droit international – en s’approvisionnant en minerais en provenance d’une région de République démocratique du Congo contrôlée par un groupe armé ? C’est la question à laquelle l’enquête, ouverte en mars 2018 par le Ministère public de la Confédération, devra répondre.

En faisant des affaires dans une région en conflit, l’homme d’affaire suisse pourrait s’être rendu coupable de pillage. © MONUSCO / Sylvain Liechti

En novembre 2016, TRIAL International et l’ONG Open Society Justice Initiative ont déposé une dénonciation pénale contre Christoph Huber, un homme d’affaires suisse actif dans le commerce de minerais. Au cours de la deuxième guerre du Congo entre 1998 et 2003, celui-ci aurait été en lien direct avec le RCD-Goma, un groupe armé accusé de crimes de guerre qui occupait militairement – et administrait de facto de larges territoires dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).

Les faits remontent à 2001. Christoph Huber aurait alors permis à l’une des entreprises pour lesquelles il travaillait d’obtenir des concessions de la part du RCD-Goma, assortie de garanties de protection par les soldats du groupe armé. M. Huber est par ailleurs impliqué dans le commerce de minerais dans la région au moins depuis 1997 pour le compte d’autres entreprises, y compris suisses.

Les documents commerciaux obtenus au cours de l’enquête démontrent clairement les liens entre le RCD-Goma et l’homme d’affaires suisse. « Nous n’avons eu d’autre choix que de déposer une plainte pénale contre Christoph Huber en tant qu’individu, car la possibilité de faire de même contre une entreprise est particulièrement limitée dans le droit suisse », explique Bénédict de Moerloose, responsable du programme Procédures et enquêtes internationales au sein de TRIAL International. Dans le cas présent, cette difficulté est accentuée par le fait que les liens commerciaux de M. Huber avec les entreprises suisses en question ont entretemps été rompus. A travers cette stratégie, l’organisation espère donc obtenir une décision qui fasse jurisprudence. Reste à savoir si le Ministère public de la Confédération donnera suite.

Tout comme dans de nombreux autres pays, le cadre légal en Suisse est très peu contraignant pour les entreprises, et compte avant tout sur leur bon-vouloir. Il existe très peu de voies juridiques pour poursuivre les acteurs économiques qui se rendent complices de crimes internationaux.

Instaurer un devoir de diligence, assorti d’une responsabilité légale, devrait permettre que d’éventuelles entreprises fautives puissent être directement poursuivies, et non uniquement les personnes qui travaillent pour le compte de celles-ci.

Visiter le site de l’Initiative multinationales responsables

La commémoration est une étape indispensable du processus de justice transitionnelle. C’est dans cette optique que l’ONG ANEKED a créé « The Duty to Remember », un mémorial censé offrir un espace de deuil, de recueillement et de réflexion aux proches des victimes du régime de Yahya Jammeh en Gambie. Mais avant de l’installer de manière permanente, son contenu a fait l’objet d’une exposition temporaire à Banjul au printemps 2020, et fera escale à Genève à l’occasion de la Semaine des droits humains de l’Université de Genève, dès le 23 novembre 2020.

Deux séries de portraits pour donner un visage aux victimes de la dictature en Gambie. ©Bitz/ANEKED

L’exposition « The Duty to Remember » regroupe des photographies, des témoignages tirés de la Commission vérité, réconciliation et réparations (TRRC), ainsi que des objets ayant appartenu aux victimes de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires en Gambie. Elle devait à l’origine se tenir dans les locaux de l’Université de Genève, mais la situation sanitaire a contraint les organisateurs à la transformer en une exposition entièrement dématérialisée.

A partir du 23 novembre 2020, les visiteurs pourront donc naviguer dans un espace virtuel, entièrement modélisé en 3 dimensions. L’occasion de s’immerger dans les deux séries de portraits : « Victims and Resisters », réalisée par les photographes Jason Florio et Helen Jones-Florio, et les images produites par le photographe gambien Muhamadou Mughtarr Bittaye, ainsi que les objets collectés auprès des familles de victimes –eux aussi modélisés en 3D.

En parallèle, ANEKED (African network against extrajudicial killings and enforced disappearances) organise plusieurs évènements pendant la Semaine des droit humains. Au programme, des conférences, des visites guidées à l’attention d’élèves du secondaire, la projection du documentaire « I Cannot Bury My Father » ainsi que des ateliers pratiques.

TRIAL International est très heureuse de compter parmi les partenaires de ANEKED et de pouvoir contribuer à ce que l’exposition voie le jour, grâce notamment au soutien financier de l’Union européenne. TRIAL International interviendra lors de la première conférence (sur inscription) sur le thème de l’impunité et le rôle de la Suisse dans l’usage de la compétence universelle, le 23 novembre à 18h30.

Inscription pour suivre la conférence en direct

Ce projet est financé par l’Union Européenne 

TRIAL International espère que la Cour suprême népalaise suivra la position de l’ONU et jugera que le délai légal de prescription de six mois est une violation du droit des victimes à obtenir justice et réparation.

TRIAL International et ses partenaires ont appelé le Népal à appliquer les recommandations de l’ONU, en vain. ©Audrey Oettli / TRIAL International

Un délai de six mois est-il raisonnable pour dénoncer un crime aussi grave que la torture? En vertu de la loi népalaise, c’est le temps dont les victimes disposent pour demander justice. Passé ce laps de temps, c’est comme si le crime n’avait jamais eu lieu. Les auteurs restent impunis.

Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies (CDH) a déclaré à plusieurs reprises que ce délai était contraire aux obligations internationales du Népal. En mai 2019, dans l’affaire Fulmati Nayya contre Népal (portée par TRIAL International), le CDH a déclaré que le Népal était responsable d’une violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’organe onusien a recommandé la modification du délai légal de prescription des crimes de torture, pour que les victimes puissent demander réparation plus de six mois après le crime. Le CDH avait rendu des décisions en ce sens dans deux affaires de torture portées par TRIAL International : Prashanta Kumar Pandey contre Népal en octobre 2018 et Bholi Pharaka contre Népal en août 2019.

Les autorités népalaises ont, jusqu’à aujourd’hui, ignoré les recommandations du CDH. Mais un contentieux d’intérêt public devant la Cour suprême pourrait faire évoluer la situation. Le 26 juillet 2020, l’ONG locale Terai Human Rights Defenders ‘Alliance (THRDA) a déposé une demande de modification de l’article du Code pénal national en vigueur, qui date de 2017, afin de supprimer le délai de prescription des crimes de torture. TRIAL International et son organisation partenaire à Katmandou, le Human Rights and Justice Center, ont suivi de près le processus compte tenu de leur implication devant le CDH sur le sujet. Les audiences sont prévues en novembre 2020, mais pourraient être repoussées en raison de la situation sanitaire.

 

Qu’est-ce qu’un contentieux d’intérêt public ?

Un contentieux d’intérêt public est une procédure devant la plus haute instance judiciaire du Népal, la Cour suprême. Comme son nom l’indique, la demande doit porter sur un point d’intérêt général. THRDA, TRIAL International et le Human Rights and Justice Center ont à plusieurs reprises appelé le Népal à appliquer les recommandations de l’ONU, en vain. Ces ONG vont poursuivre leurs actions de sensibilisation et de plaidoyer afin que la Cour suprême se prononce en faveur des victimes. Si cela était le cas, le gouvernement népalais serait tenu de modifier la législation pour qu’elle soit conforme aux normes internationales.

Peintures murales à la gloire de criminels de guerre, graffitis et slogans fascistes scandés lors de matchs de football, les manifestations de déni du passé sombre de la Bosnie-Herzégovine s’invitent dans le quotidien des habitants du pays. TRIAL International et ForumZFD poursuivent leur collaboration débutée l’an dernier et publient deux policy papers en faveur d’une réglementation interdisant le négationnisme, ainsi que la banalisation ou la justification de génocides.

Ce bâtiment de Sarajevo porte encore des traces des bombardements qui ont eu lieu durant la guerre. ©Will Baxter / TRIAL International

Les plaies de la guerre sont toujours vives en Bosnie-Herzégovine (BiH). Près de 25 ans après, certaines familles n’ont toujours pas retrouvé leurs proches, d’autres attendent que les responsables de crimes de guerre se retrouvent enfin sur le banc des accusés… Plus récemment, d’autres problèmes viennent raviver le souvenir du conflit : la négation dans la sphère publique de crimes pourtant connus de tous – parfois même reconnus par des tribunaux –, ainsi que la glorification de criminels de guerre condamnés.

Pour tenter de faire face à la montée de ces manifestations et discours haineux, TRIAL International et ForumZFD ont publié deux documents stratégiques (en anglais), à l’attention des législateurs de BiH. Le premier souligne la nécessité d’adopter un cadre juridique permettant de mettre fin à la culture de l’impunité. Basé notamment sur des projets de lois antérieurs, il jette les bases d’une possible réglementation et en analyse les effets potentiels. Le second se penche sur les aspects non législatifs qui doivent venir soutenir les efforts de la BiH en matière de lutte contre l’impunité. L’éducation, l’activisme, l’art et la culture, la sensibilisation du public par le biais des médias ou des communautés religieuses doivent aller de pair avec une refonte du cadre législatif. Ce n’est qu’en combinant ces deux aspects qu’il est possible d’espérer avoir un impact sur les mentalités.

« Ces deux policy papers sont basés sur une recherche menée en 2019 et qui a abouti à la publication de ‘Calling War Atrocities by Their Right Name’ (en anglais), ainsi que sur les discussions que le rapport a suscitées », a déclaré Lejla Gačanica, une experte juridique de ForumZFD qui a cosigné le rapport. « Nous avons observé que beaucoup de gens s’accordaient sur la nécessité d’une réglementation juridique qui interdirait la négation, la minimisation, la justification ou l’apologie des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre en BiH. Et ceci pour une raison simple : si la négation ou la glorification des crimes est une chose acceptable, le système judiciaire, et les institutions démocratiques qui permettent ce type de comportement, sont par conséquent remis en question. »