En cette journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture, TRIAL International souhaite rendre hommage à une victime qu’elle a accompagné pendant près de 15 ans dans sa quête de justice.
Découvrez le témoignage d’Abdennacer Naït Liman, réfugié politique en Suisse, victime et survivant de 40 jours de détention et tortures par les autorités tunisiennes en 1992.
Pour ses deux fillettes victimes de viol, Divine a surmonté ses peurs et témoigné devant les tribunaux. « On nous rabaissait en disant ‘ce qu’elle dit est faux’ mais nous avons tenu bon. J’ai senti que la peur me quittait peu à peu. »
La condamnation d’Eshetu Alemu en décembre dernier pour crimes de guerre a mis en lumière les possibilités qu’offre, aux victimes de crimes graves, la justice internationale. Mais celle-ci ne peut être efficace que si des moyens suffisants lui sont alloués. Valérie Paulet, spécialiste de la compétence universelle, examine la situation.
Quel message envoie la condamnation d’Eshetu Alemu, des dizaines d’années après les faits ?
Valérie Paulet : Premièrement, qu’il n’est jamais trop tard ! Comme nous l’ont montré les scènes de liesse lors de la condamnation d’Hissène Habré en 2017, le temps n’efface pas le traumatisme vécu par les victimes. L’affaire Eshetu Alemu est aussi la preuve qu’avec les moyens nécessaires et une vraie indépendance, les procureurs des « unités crimes de guerre » peuvent accomplir un travail formidable.
Les affaires de compétence universelle et extraterritoriales sont complexes. La recherche de preuve est rendue difficile par le temps écoulé, le fait que les crimes aient été commis à l’étranger, mais aussi à cause d’obstacles diplomatiques. C’est là tout l’intérêt des unités spécialisées. Elles sont composées de professionnels capables de surmonter ces difficultés et de faire preuve d’un acharnement étonnant.
On ne peut que regretter que le Ministère Public de la Confédération suisse (MPC) ne suive pas cet exemple dans tous les dossiers qu’il traite. La fusion en 2015 du département « entre-aide judiciaire » et de l’unité « crimes de guerre » est problématique, en termes d’allocation des ressources par exemple. Néanmoins, certaines annonces du MPC, comme celles de renvoi en procès de deux affaires libérienne et gambienne de crimes de guerre et crimes contre l’humanité, sont encourageantes.
En quoi les exactions commises par Eshetu Alemu relevaient-elles de la compétence universelle ?
V. P. : La compétence universelle est le plus souvent invoquée pour des crimes de torture, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre ou de génocide. En l’occurrence, Eshetu Alemu était accusé d’avoir participer à la « Terreur Rouge » qui a sévi en Ethiopie à partir de la fin des années 1970.
Il a été condamné pour avoir participé à des massacres, des tortures et supervisé la détention illégale, dans des conditions inhumaines et dégradantes, de plus de 300 personnes. Ces faits ont été qualifiés par le procureur néerlandais de crimes de guerre et par le procureur éthiopien de crimes contre l’humanité. En cela, les infractions commises par Eshetu Alemu relèvent en effet de la compétence universelle.
Cependant, il faut préciser qu’Eshetu Alemu a obtenu la nationalité néerlandaise dans les années 1990. Ainsi, les Pays-Bas et leurs juridictions étaient compétents pour le juger du fait de sa nationalité, et non en vertu du principe de compétence universelle.
Qui sont les détracteurs de la compétence universelle ?
V. P. : La compétence universelle est un caillou dans la chaussure des diplomates. Elle peut crisper les relations entre Etats, comme ce fut le cas entre le France et le Maroc lorsqu’un juge français a cité le chef des renseignements marocain à comparaître.
Mais en démocratie, la justice se doit d’être indépendante et ne peut donc pas être utilisée comme un instrument de négociation. La compétence universelle est un dernier recours pour des milliers de victimes qui ne peuvent obtenir justice dans leur pays. Elle permet d’empêcher un pays de devenir un refuge, ou safe haven, pour les criminels de guerre.
Consciente de la nécessité d’une bonne collaboration, TRIAL International s’associe avec des actrices et acteurs de la société civile pour mettre sur pied une boîte à outils destinée à renforcer la lutte contre l’impunité des violences sexuelles.
Le 19 juin dernier, à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence sexuelle en temps de conflit, TRIAL International a réuni des représentant.e.s d’une trentaine d’organisations actives dans la lutte contre l’impunité des violences sexuelles. Cette rencontre marque le début d’un processus qui aboutira à la création d’une boîte à outils. En quoi consistera-t-elle, à qui est-elle destinée ? Eléments de réponse avec le directeur de TRIAL International, Philip Grant.
Quelle est l’idée derrière la création de cette boîte à outils ?
Philip Grant : TRIAL International s’est rendu compte dans les procès auxquels elle participe en Bosnie-Herzégovine, en République démocratique du Congo (RDC) ou ailleurs, que la société civile pouvait jouer un rôle important. Par exemple dans l’accompagnement des victimes, pour pousser les autorités à ouvrir des enquêtes, pour renforcer la capacité des avocats, parfois pour documenter les crimes et retrouver les suspects, ou encore pour intégrer la question des réparations dues dans le cadre des procès à venir.
Ces compétences très larges, aucune organisation ne les maitrise à elle seule. Il est donc primordial de pouvoir collaborer, échanger, mettre en place des stratégies de manière coordonnée pour renforcer l’efficacité des procédures en cours, ou en faire ouvrir de nouvelles. Il y en a déjà tellement peu que l’on ne peut pas se permettre de ne pas être efficace ou de commettre des erreurs.
Concrètement, que contiendra-t-elle ?
P. G. : Beaucoup de choses ! Il ne s’agit évidemment pas d’une boîte à outils au sens physique, mais d’une collection d’applications technologiques, de techniques ou de bonnes pratiques permettant d’augmenter l’efficacité des acteurs qui y auraient recours. Comment documenter les crimes commis et sauvegarder les preuves de manière sécurisée ? La boîte à outils répond à ce besoin. Les avocats qui défendront les victimes ont-ils besoin d’un appui, de formation ? Lesquels ? La boîte à outils y répondra.
A terme, peut-être pourra-t-elle répondre à des besoins comme la mise à disposition de kits d’analyse d’ADN pour confondre les coupables, d’une technique pour retrouver la trace d’un suspect identifié qui aurait trouvé refuge à l’étranger ou encore d’un annuaire permettant de trouver des médecins légistes prêt à donner bénévolement de leur temps.
Les violences sexuelles en conflit sont très largement répandues. Pensez-vous sincèrement que cette initiative peut avoir un impact ?
P. G. : Nous partons du principe que le changement ne va venir qu’une affaire, qu’un procès à la fois. En augmentant nos compétences et notre efficacité, ces procès vont devenir de plus en plus nombreux. Prenez la RDC ces douze derniers mois. Le travail de TRIAL International, en lien avec d’autres acteurs, a permis la condamnation de cinq militaires ou membres de groupes armés. Ces décisions ont un impact concret pour les victimes de violences sexuelles en RDC : parce que certaines ont obtenu justice, d’autres regagnent peu à peu espoir. Nous avons plusieurs autres procès à l’horizon. Si la boîte à outils permet à terme de répliquer ce type de succès dans un, cinq ou dix contextes différents, alors oui, cette initiative sera une grande réussite.
Prisonnière d’un seigneur de guerre, Gloria a connu l’enfer : battue, affamée, réduite à l’esclavage sexuel. Une fois libérée, elle a fait face au jugement et au rejet de sa famille. Au procès de son bourreau, elle a enfin pu raconter son histoire.
Le 12 juin 2018, le procès en appel de l’affaire Kavumu s’est ouvert à Bukavu (RDC). Ce cas de viol de plus de 40 fillettes à des fins fétichistes avait bouleversé l’opinion internationale.
En décembre 2017, le jugement de première instance avait reconnu 11 individus coupables de crimes contre l’humanité. TRIAL International avait activement participé à la documentation de ces crimes et collaboré étroitement avec les avocats des victimes.
Un appel au plus près des crimes
La Haute Cour militaire, qui instruira le dossier, siègera exceptionnellement à Bukavu, la capitale du Sud-Kivu. Une décision très positive pour les victimes, puisque les juges seront ainsi au plus près des lieux des crimes, des preuves et de leurs témoignages. La Cour examinera aussi trois autres affaires sur lesquelles TRIAL International a travaillé dans le sud Kivu : Musenyi, Mutarule et Marocain.
« Il est rare que la Haute cour militaire se déplace hors de Kinshasa, la capitale » précise Guy Mushiata, coordinateur droits humains pour TRIAL International. « Cela prouve que les autorités ont à cœur d’entendre les victimes. Celles-ci se sont tues pendant si longtemps, elles méritent ces mesures exceptionnelles. »
TRIAL attend que le procès en appel se tienne dans le respect des droits de toutes les parties et que justice puisse être rendue aux victimes.
En quinze ans d’existence, TRIAL International a acquis une expertise dans la réponse juridique à apporter à des affaires de violence sexuelle. Consciente de la nécessité d’une bonne collaboration, l’ONG s’associe avec d’autres acteurs de la société civile pour réunir des outils pratiques d’assistance aux victimes.
À l’occasion de son quinzième anniversaire, TRIAL International organise un événement emblématique sur le thème des violences sexuelles en temps de conflit. Cette rencontre réunira à Genève nombre d’actrices et acteurs de ce combat, les 18 et 19 juin prochains (Journée internationale pour l’élimination de la violence sexuelle en temps de conflit). L’accent sera mis sur les avancées qui ont été réalisées par les organisations actives dans le domaine, avec pour objectif de réunir leurs expériences et de partager des solutions pratiques.
« C’est probablement la première fois que l’on voit les ONG qui ont développé des techniques très pointues ou des applications informatiques montrer une telle volonté de collaborer. Chacune amènera une pièce du puzzle pour faire avancer, patiemment et professionnellement, la lutte contre l’impunité des crimes de violence sexuelle », se réjouit Philip Grant, directeur de TRIAL International.
DES SPÉCIALISTES POUR TÉMOIGNER DES AVANCÉES
La soirée publique du 18 juin proposera un tour d’horizon des avancées réalisées dans l’accès à la justice pour les victimes de violences sexuelles en temps de conflit. La Haut-Commissaire adjointe des Nations unies aux droit de l’homme, Kate Gilmore ainsi que le Représentant permanent de la Suisse auprès de l’ONU, l’ambassadeur Valentin Zellweger, prendront la parole en ouverture de cette soirée.
Celle-ci se poursuivra par une table ronde constituée d’expert-e-s dans le domaine, comme la juriste internationale Céline Bardet, qui a fondé et préside l’ONG We are not Weapons of War, l’avocate britannique Ingrid Eliott MBE, experte au sein de l’Initiative de Prévention des Violences Sexuelles, Maxine Marcus, Directrice de Transitional Justice Clinic, spécialisée dans la poursuite et les enquêtes de violences sexuelles en temps de conflit et Daniele Perissi, conseiller juridique en charge du programme République démocratique du Congo (RDC) chez TRIAL International. La modération de la table ronde sera assurée par Manon Schick, directrice de la section suisse d’Amnesty International. Des témoignages de victimes de violences sexuelles seront par ailleurs projetés, ainsi qu’une intervention du gynécologue congolais Denis Mukwege, « l’homme qui répare les femmes », et de Pramila Patten, Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies chargée de la question des violences sexuelles commises en temps de conflit.
DES ATELIERS POUR ABOUTIR À DES SOLUTIONS CONCRÈTES
La journée du 19 juin sera occupée par des ateliers qui réuniront une trentaine d’organisations actives dans la poursuite des auteurs de violences sexuelles. Elles viendront y présenter les outils pratiques qu’elles ont développé et qui ont prouvé leur efficacité. Ceux-ci seront dans un second temps compilés dans une boîte à outils, pensée comme un manuel des bonnes pratiques à destination des organisations de la société civile.
Pour Philip Grant, il s’agit de « soutenir les initiatives locales qui visent à lutter contre l’impunité de ces crimes, en renforçant la compétence des acteurs locaux notamment en matière de documentation, d’enquête ou de sécurité, en les appuyant dans l’élaboration de stratégies juridiques ou encore par le biais de formations. »
SOUTIENS ET PARTENAIRES
La manifestation est entre autres soutenue par le Département fédéral des affaires étrangères, la République et Canton de Genève, la Ville de Genève, la Cottier Donzé Foundation, la Fondation Barbour, l’Ordre des avocats de Genève et l’étude LALIVE.
Le Tribunal pénal fédéral (TPF) a annulé une ordonnance de classement du Ministère public de la Confédération (MPC) dans l’affaire concernant l’ancien ministre algérien Khaled Nezzar, soupçonné de crimes de guerre. Dans une décision de cinquante pages appelée à faire date, le TPF reconnaît qu’un conflit armé existait bel et bien en Algérie au début des années 1990 et que le Général Khaled Nezzar était conscient des crimes massifs commis sous ses ordres. L’affaire est renvoyée au MPC qui devra reprendre l’instruction.
Y avait-il un conflit armé en Algérie avant 1994 ? C’est en répondant par la négative que le MPC avait clôt en janvier 2017 une instruction contre le Général Khaled Nezzar, ancien ministre de la Défense algérien, soupçonné de crimes de guerre alors qu’il était au pouvoir. Selon le MPC, sans conflit armé, pas de crimes de guerre ; sans crimes de guerre, pas de poursuites.
Le TPF renvoie donc sa copie au MPC. Suite à un raisonnement juridique longuement motivé, le Tribunal conclut en effet que « la condition du conflit armé non international en Algérie entre janvier 1992 et janvier 1994 est réalisée. » Il considère que les crimes commis l’ont bien été dans le cadre de ce conflit, et que l’ancien ministre pourrait donc faire face à des accusations de crimes de guerre, voire même de crimes contre l’humanité.
Pour Bénédict De Moerloose, avocat en charge des enquêtes chez TRIAL International, « cette décision historique oblige maintenant le MPC à se déterminer sur la responsabilité de Khaled Nezzar. D’autant que le TPF a affirmé qu’il ne pouvait ignorer les exactions commises par ses subordonnés. »
En effet, pour le TPF, « il ne fait aucun doute que [Khaled Nezzar] était conscient des actes commis sous ses ordres ». Exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées et actes de torture, la liste des exactions est longue. Et la description de certains de ces actes fait froid dans le dos : coups de bâtons, de fils de fer, de ceintures, arrachage des ongles, brûlures de cigarettes…. Selon le TPF, des actes d’une telle ampleur et aussi systématiques peuvent même constituer des crimes contre l’humanité.
« Les arguments du MPC ont été battus en brèche », selon Me Pierre Bayenet, l’un des avocats des parties plaignantes qui a recouru contre la décision de classement. « En cinq ans d’enquête et après avoir entendu des dizaines de témoins sans jamais poser la question du conflit armé, la décision du MPC de classer l’affaire était incompréhensible. »
« C’est un immense soulagement pour les victimes qui voient enfin leurs souffrances reconnues », déclare pour sa part Me Damien Chervaz, l’autre avocat des parties plaignantes. « Le MPC doit maintenant faire face à ses obligations, reprendre immédiatement l’instruction et statuer rapidement sur son renvoi en jugement. »
L’affaire Nezzar en bref
Khaled Nezzar a été ministre de la Défense et membre du Haut Comité d’Etat en Algérie entre 1992 et 1994. En octobre 2011, suite à une dénonciation pénale de TRIAL International, il a été interpellé et entendu en Suisse, suspecté d’avoir autorisé ou incité ses subordonnés à commettre des actes de torture, meurtres, exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées et autres actes constitutifs de crimes de guerre. Il a ensuite été libéré sous la promesse de se rendre aux convocations de la justice.
Contexte
La « décennie noire » en Algérie (1992-2000) aurait fait 200’000 morts ou disparus. Les violations des droits humains y étaient largement répandues et l’usage de la torture systématique. Khaled Nezzar était chef de l’armée et numéro 1 du régime, à la tête de troupes ayant commis un nombre incalculable d’exactions. L’impunité pour ces faits est totale. Personne n’a jamais été poursuivi en Algérie, et encore moins jugé pour ces crimes.
Chronologie de l’affaire
19 octobre 2011 : La présence de Khaled Nezzar est signalée sur le territoire suisse. TRIAL International dépose une dénonciation pénale auprès du Ministère public de la Confédération (MPC), qui ouvre une instruction.
20 octobre 2011 : Khaled Nezzar est interpellé et entendu par le MPC jusqu’au 21 octobre, avant d’être remis en liberté sur la promesse de se présenter durant la suite de la procédure.
Janvier 2012 : Khaled Nezzar recourt contre les poursuites dont il fait l’objet soutenant que sa fonction de ministre de la Défense à l’époque des faits le protégeait d’éventuelles poursuites pénales en Suisse.
31 juillet 2012 : Le Tribunal pénal fédéral (TPF) rend une décision historique suite au recours et déboute Khaled Nezzar, considérant qu’il est exclu d’invoquer une immunité pour des crimes internationaux (crimes de guerre, crimes contre l’humanité ou génocide).
2011 à 2016 : Cinq victimes portent plainte et seize personnes sont entendues dans le cadre de la procédure.
16 au 18 novembre 2016 : Le MPC entend Khaled Nezzar à nouveau.
4 janvier 2017 : Le MPC classe l’affaire.
16 janvier 2017 : Les parties plaignantes déposent un recours contre l’ordonnance de classement auprès du TPF.
6 juin 2018 : Le TPF rend publique la décision annulant le classement de la plainte par le MPC, lequel doit ainsi reprendre l’instruction.
Vingt ans d’emprisonnement pour le viol de deux mineures : le verdict rendu en mars 2017 par le tribunal militaire de Bukavu – à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) – à l’encontre d’un policier témoigne de la volonté de la justice congolaise de ne pas laisser les crimes sexuels impunis. Deux ans plus tôt, un soldat écope de quinze ans pour le viol de deux autres femmes dans la même région.
« Sous l’impulsion de TRIAL International et d’autres acteurs et actrices de la société civile, les violences sexuelles commencent à être poursuivies », déclare Lucie Canal, conseillère juridique chez TRIAL International.
Longtemps ignorées ou minimisées, les violences sexuelles en temps de guerre sont commises par toutes les parties au conflit. Elles restent un crime encore trop souvent invisible. La condamnation de leurs auteurs – particulièrement si leur crime a été commis dans l’exercice de leurs fonctions officielles – envoie un message fort : l’uniforme n’est pas une garantie d’impunité.
Aujourd’hui, le travail d’enquête réalisé par TRIAL International, rendu possible notamment grâce aux nouvelles technologies, a permis de porter devant les instances judiciaires de RDC pas moins de 19 affaires, qui concernent 232 victimes. Cinq d’entre elles ont abouti à une condamnation pour crimes internationaux, que ce soit pour esclavage sexuel ou viol comme crime contre l’humanité. L’organisation a aussi formé 155 avocat.e.s, procureur.e.s et défenseurs et défenseuses des droits humains à l’utilisation des techniques et outils de documentation spécifiques à la poursuite des crimes de violences sexuelles basées sur le genre.
En Bosnie Herzégovine (BiH), l’organisation a permis de condamner dix anciens soldats pour des viols commis lors de la guerre entre 1992 et 1995. Fait marquant, en 2015, la Cour d’Etat de BiH a également décidé de condamner les accusés du viol d’une jeune fille en 1992 à payer des compensations importantes à titre de réparation.
DES OUTILS PRATIQUES À DISPOSITION DES DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS
Malgré le développement progressif de la jurisprudence relative aux violences sexuelles dans le droit international au cours de ces dernières décennies, l’effet dissuasif demeure faible et ces crimes restent une pratique courante dans le monde. Pour TRIAL International, la société civile a un rôle important à jouer. Il est aussi nécessaire que les organisations engagées dans la lutte contre l’impunité unissent leurs efforts pour être plus efficaces.
Les 18 et 19 juin prochains, TRIAL international organise donc une rencontre avec des membres de la société civile. Ses partenaires viendront présenter les outils dont ils se servent pour réunir des preuves, assurer la traçabilité de contenus multimédias, déposer des affaires devant les instances judiciaires nationales et internationales… Ces instruments, qu’ils et elles ont développés et testés, seront ensuite réunis dans une boîte à outil destinée aux défenseurs et défenseuses des droits humains.
Cette boîte à outils contiendra notamment des stratégies juridiques innovantes, des applications mobiles servant à la collecte de preuves, des instructions pour une utilisation plus efficace des preuves médico-légales, ou pour une meilleure protection des données… Mettre en commun ces instruments performants, c’est rendre le travail plus efficace et donc améliorer l’accès des victimes à la justice.
En novembre 2017, l’équipe de TRIAL International a effectué une mission de documentation au Rwanda. Le but : identifier des cas de violences sexuelles perpétrés au Burundi durant la crise déclenchée en avril 2015.
L’équipe de TRIAL s’est entretenue avec 41 victimes dont 28 femme et 13 hommes. Trois victimes étaient mineures au moment des faits ; la plus jeune avait 11 ans et la plus vieille 53 ans.
Faits similaires
La majorité des crimes documentés ont été commis entre avril et décembre 2015 et présentent des similitudes en fonction du sexe de la victime :
Les femmes étaient pour la plupart à leur domicile lorsqu’elles ont subi des viols répétés, souvent accompagnés d’insultes, de menaces et de coups.
Les hommes ont généralement subi des violations suite à leur arrestation : lors d’interrogatoires ou dans un lieu de détention, officiel ou non. Tous ont subi des tortures à caractère sexuel au mode opératoire similaire.
Dans la grande majorité des cas, les victimes ont été ciblées en raison d’une opposition au régime présumée ou avéré. Ainsi elles ont été agressées du fait de leur activisme politique, leur participation aux manifestations anti-troisième mandat, l’opinion politique de leur famille, leur domiciliation dans les quartiers dit « contestataires » ou des liens présumées avec des groupes armés d’opposition.
Invariablement, les crimes ont été commis par des agents étatiques ou par des individus sous leur égide. Dans la majorité des cas, les exactions subies ont été le fruit d’une action coordonnée entre les Imbonerakure (la ligue des jeunes du parti au pouvoir) et des membres des corps de défense et de sécurité, à savoir des agents de la police, du SNR, ou encore de l’armée.
Des rapports pour dénoncer les violations
TRIAL International a décidé de porter la voix des survivants de violences sexuelles auprès d’acteurs clé de la communauté internationale en leur présentant les résultats de la mission de documentation.
Ainsi des rapports adaptés aux mandats des organisations contactées ont été envoyés à la Commission d’enquête sur le Burundi, la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, la Rapporteuse spéciale sur les droits des femmes en Afrique ainsi que d’autres experts en matière de violences sexuelles et basées sur le genre.
« Les violences sexuelles sont trop souvent sous-documentées et sous rapportées car un grand tabou subsiste sur le sujet. Par ces rapports, nous espérons une prise de conscience et un plus grand engagement de la communauté internationale en faveur des victimes » conclut Pamela Capizzi, reponsable du programme Burundi, « il est temps de mettre un terme aux violations et à l’impunité des responsables. »
Le rapport d’activité 2017 de TRIAL International est hébergé sur un site dédié.
TRIAL International avait déjà entamé sa métamorphose en 2016 lors du lancement de sa nouvelle identité. L’organisation s’attaque maintenant à un nouveau chantier interne : un développement organisationnel lui permettant d’asseoir sa croissance rapide ces dernières années.
En 2003, un an après sa naissance, TRIAL International (qui s’appelait alors TRIAL – Track Impunity Always) n’était composée que de 95 membres et d’aucun salarié. Elle compte à présent plus de 30 employés fixes dans sept pays différents et plusieurs centaines de membres.
Le besoin de se réorganiser pour mieux répondre aux enjeux présents et futurs se faisait donc sentir. Et c’est tout naturellement qu’un processus de développement interne s’est enclenché fin 2017.
« En tant qu’organisation de la société civile, nous devons tendre vers toujours plus d’efficacité et de pérennité », explique Philip Grant, directeur de TRIAL International. « Cela passe bien sûr par nos compétences juridiques, mais aussi par une optimisation de nos habitudes de travail. »
Une approche collective et consultative
Le développement organisationnel permettra de mieux définir les rôles de chacun et de favoriser la collaboration transversale entre les programmes. L’expertise interne, par exemple en matière de violences sexuelles ou de techniques d’enquête, sera ainsi mieux exploitée. Cette expertise sera également mise au service d’acteurs extérieurs, TRIAL souhaitant développer autour d’elle un réseau d’ONG œuvrant dans le même domaine.
Le processus puise sa légitimité dans ce qui a fait la force de TRIAL jusqu’à présent : un fort engagement de son staff, à Genève comme sur le terrain. L’ensemble des salariés sont donc acteurs de la démarche, qui se veut aussi transparente et consultative que possible. Un groupe de pilotage et des sous-groupes thématiques assurent la représentation et l’information des employés.
Des partenaires spécialistes du milieu associatif
Pour l’accompagner dans cette transition, TRIAL International bénéficie du soutien de partenaires experts : la Fondation PeaceNexus d’une part, qui fournit conseils et expertise à des acteurs travaillant dans le domaine de la consolidation de la paix et qui finance cette évolution ; et Philanthropy Advisors d’autre part, un cabinet de consultance dans le domaine humanitaire.
« Ce développement organisationnel nous permettra de travailler plus efficacement, et donc de mieux servir les victimes que nous soutenons. C’est pour l’organisation un gage de maturité et de crédibilité dont nous nous réjouissons », conclut Philip Grant.
Les membres de TRIAL International sont invités à participer à son Assemblée générale, contribuant ainsi à façonner le futur de l’organisation.
L’Assemblée générale 2018 se tiendra le mercredi 23 mai 2018 à partir de 18h30 à Genève.
Lieu
Maison des Associations, salle Zazi Sadou (sous-sol) 15, rue des Savoises 1205 Genève Voir le plan
Ordre du jour
18h30 Accueil du Président et présentation du rapport d’activité 2017
19h00 Plan d’actions 2018 — propositions et discussion
19h45Élection de quatre membres du Comité
20h00Comptes et bilan 2017, budget 2018, montant de la cotisation, nomination du réviseur des comptes 2018
Les violences et la répression ont été en hausse, assombrissant le résultat du référendum.
Le 17 mai 2018, les citoyens burundais ont voté en faveur d’une réforme constitutionnelle. Le président actuel, Pierre Nkurunziza, est désormais en droit de candidater pour deux nouveaux mandats de sept ans – lui permettant de rester au pouvoir jusqu’en 2034.
Le vote non surveillé donne un résultat sans surprise
Il y avait peu de doute sur le résultat du référendum. Toute voix dissidente, des défenseurs des droits humains aux médias, a été progressivement muselé et réduite au silence à l’approche du 17 mai. La répression a culminé lors de la suspension de la BBC et de Voice of america. Aucun observateur international n’a été déployé dans le pays pour surveiller le vote.
« Le Burundi s’est de plus en plus isolé ces dernières années » a dit Pamela Capizzi, responsable du programme Burundi de TRIAL International. « La répression par les autorités n’a pas été une surprise, mais il reste extrêmement inquiétant que des abus de masse puissent être perpétrés sans entraves et sans surveillance ».
Une « campagne de terreur »
Depuis l’adoption du projet de révision de la constitution burundaise, les organisations internationales et locales des droits de l’homme ont dénoncé une véritable « campagne de terreur » du gouvernement pour contraindre la population à voter en faveur de la modification constitutionnelle.
En effet, une vague de violence a pu être observée : la liste des victimes d’assassinats, de disparitions forcées, de cas de torture et d’arrestations arbitraires ne cesse de s’allonger.
Une crise qui perdure
Malgré la fin de la guerre civile en 2006 qui avait tué plus de 300’000 citoyens, de graves violations des droits de l’homme sont toujours recensées. Le Burundi avait en effet été le théâtre d’une crise durant la période électorale de 2010.
La constitution burundaise n’autorisant au président de cumuler que deux mandats, la candidature de Pierre Nkurunziza pour un troisième en 2015 avait engendré une nouvelle crise accompagnée de violences et répressions majeures. Fin 2016, le Burundi devenait le premier pays à quitter la CPI.
L’impunité comme point commun
La crise actuelle au Burundi résonne avec les crises de ses pays voisins, notamment la République démocratique du Congo (RDC). Dans les deux pays, les présidents actuels souhaitent se maintenir au pouvoir à tout prix.
« La crise politique perdure aussi en RDC, explique Daniele Perissi, responsable du programme RDC, l’impunité reste répandue et un changement en profondeur doit s’opérer à tous les niveaux pour permettre un retour au calme. »
Entre l’est de la RDC en proie à une insécurité grandissante liée au contexte électoral et la crise politique au Burundi, de chaque côté de la frontière, la population civile est la première victime des violences.
Des organisations ghanéennes demandent l’ouverture de poursuites contre l’ancien président gambien. Il pourrait être contraint de s’expliquer sur la disparition de plus de cinquante migrants ghanéens, nigérians, ivoiriens et sénégalais en 2005.
Une unité paramilitaire contrôlée par l’ancien président gambien, Yahya Jammeh, a exécuté sommairement plus de cinquante migrants originaires du Ghana, du Nigeria et d’autres pays d’Afrique de l’Ouest en juillet 2005, ont révélé aujourd’hui Human Rights Watch et TRIAL International.
Martin Kyere, l’unique survivant ghanéen connu ainsi que les familles de disparus, des parents d’un autre Ghanéen tué sous le régime de Jammeh, Saul N’dow, et des organisations ghanéennes de défense des droits humains, ont appelé le 16 mai 2018 leur gouvernement à ouvrir une enquête sur la base de nouveaux éléments de preuve. Celle-ci pourrait déboucher sur une demande d’extradition de Jammeh au Ghana afin qu’il y soit traduit en justice.
DES SOURCES AU PLUS PRÈS DES ÉVÉNEMENTS
Parmi les insiders interrogés par TRIAL International et Human Rights Watch, figurent certains des plus hauts gradés de la sécurité du régime gambien de l’époque. Plusieurs responsables présents au moment de l’arrestation, de la mise en détention et du transfert des migrants, ont été interrogés. Ces entretiens ont permis d’identifier les «Junglers», une unité tristement célèbre qui recevait ses ordres directement de l’ex-président, comme étant les auteurs de ces meurtres. Deux d’entre eux qui ont participé au camouflage du crime, ainsi qu’un autre membre des forces de sécurité qui a assisté aux assassinats, ont aussi été entendus.
Selon les renseignements donnés par les témoins, les migrants qui faisaient route vers l’Europe ont été transférés de la plage sur laquelle ils avaient été arrêtés au quartier-général de la Marine gambienne, en présence de nombreux officiels des forces de sécurité, parmi lesquels le directeur général de l’Agence nationale de renseignement (National Intelligence Agency, NIA) et le commandant de la garde nationale, tous deux en contact téléphonique avec le président. Plusieurs « Junglers » étaient en outre sur place. En l’espace d’une semaine, ceux-ci ont exécuté sommairement huit migrants près de la capitale Banjul et les autres le long de la frontière sénégalaise.
Ces nouveaux éléments de preuve réfutent les conclusions d’un rapport conjoint de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et les Nations Unies (ONU). Ce rapport, qui n’a jamais été rendu public, concluait que le gouvernement gambien n’était pas « impliqué directement ou indirectement » dans les assassinats et les disparitions et que des « éléments incontrôlés » au sein des services de sécurité gambiens, « agissant pour leur propre compte », en étaient responsables.
« Ces migrants ouest-africains n’ont pas été assassinés par des éléments incontrôlés mais par un escadron de la mort qui recevait ses ordres directement du président Jammeh », a déclaré Reed Brody, conseiller juridique à Human Rights Watch. « Les subordonnés de Jammeh ont ensuite détruit des éléments de preuve essentiels, afin d’empêcher les enquêteurs internationaux de découvrir la vérité. »
LE SURVIVANT RACONTE
Martin Kyere a été détenu dans un poste de police de Banjul, puis emmené dans une forêt à bord d’un véhicule. En février 2018, il a expliqué à Human Rights Watch et à TRIAL International comment il a réussi à s’échapper, juste avant que d’autres migrants soient apparemment assassinés.
« Nous étions à l’arrière d’un pick-up », a-t-il témoigné. « Un homme s’est plaint du fait que les fils métalliques qui nous entravaient étaient trop serrés, et un soldat lui a donné un coup de coutelas à l’épaule, lui tailladant le bras, et il s’est mis à saigner abondamment. C’est à ce moment-là que j’ai pensé : ‘Nous allons mourir.’ Mais alors que la camionnette s’enfonçait dans la forêt, j’ai réussi à délier mes mains. J’ai sauté du pick-up et j’ai couru dans la forêt. Les militaires ont tiré dans ma direction mais j’ai réussi à me cacher. Puis j’ai entendu des coups de feu provenant du pick-up et le cri, en twi [langue ghanéenne]: ‘Que Dieu nous vienne en aide!’ »
MOBILISATION DE LA SOCIÉTÉ CIVILE
En octobre 2017, des organisations de défense des droits humains gambiennes et internationales, dont Human Rights Watch et TRIAL International, ont lancé la « Coalition pour le jugement de Yahya Jammeh et ses complices » (#Jammeh2Justice), qui appelle à l’ouverture de poursuites –dans le respect des normes internationales– contre l’ancien président et ceux qui portent la responsabilité la plus lourde pour les crimes commis par son gouvernement. Les 22 années de pouvoir de Jammeh ont en effet été marquées par des abus généralisés, notamment des disparitions forcées, des exécutions extrajudiciaires et des détentions arbitraires. L’ancien président s’est exilé en Guinée équatoriale en janvier 2017, après avoir perdu l’élection présidentielle de décembre 2016 face à Adama Barrow. Le 16 mai 2018, les victimes et organisations ghanéennes ont joint leur voix à cette mobilisation.
VERS UN BRAS DE FER ?
Le président Barrow a laissé entendre qu’il solliciterait l’extradition de Jammeh auprès de la Guinée équatoriale si des poursuites à son encontre étaient recommandées par la Commission vérité, réconciliation et réparations, qui doit commencer ses travaux ces prochains mois en Gambie. Toutefois, le gouvernement, ainsi que des activistes et experts internationaux, considèrent que les conditions politiques, institutionnelles et sécuritaires nécessaires ne sont pas encore réunies en Gambie pour que puisse s’y tenir un procès équitable de Yahya Jammeh qui contribuerait à la stabilité du pays et de la région.
Le président de la Guinée équatoriale, Teodoro Obiang, se montre plus frileux. Après avoir déclaré en janvier 2018 : « S’il y a quelque demande [d’extradition], je vais l’analyser avec mes juristes », il a changé de ton une semaine plus tard, en affirmant vouloir protéger Yahya Jammeh de sorte à offrir « une garantie pour que les autres chefs d’Etat qui doivent quitter le pouvoir n’aient pas peur des harcèlements qu’ils pourraient subir après. »
LE DROIT INTERNATIONAL À LA RESCOUSSE
Des organisations ghanéennes ont rappelé que la Convention des Nations Unies contre la torture, ratifiée par la Guinée équatoriale, oblige un pays sur le territoire duquel se trouve une personne soupçonnée d’actes de torture, soit à référer cette personne à la justice pour enquête, soit à l’extrader.
« Notre enquête nous a permis de nous rapprocher de la vérité au sujet de cet horrible massacre », a déclaré Bénédict De Moerloose, responsable du département Droit pénal et enquêtes au sein de TRIAL International. « Le moment est maintenant venu de rendre justice aux victimes et à leurs familles. »
Pour un aperçu de l’affaire (crédit HRW) :
Ces dernières années, les violences sexuelles à l’encontre des hommes font régulièrement les grands titres de l’actualité (Guantánamo, Sri Lanka…). Malgré cette visibilité grandissante, beaucoup de victimes masculines gardent le silence, par peur d’être stigmatisées si elles dénoncent les faits. Kyle Delbyck, consultant juridique pour le programme Bosnie-Herzégovine de TRIAL International, analyse la situation.
Le nombre d’hommes violés pendant le conflit en BiH reste imprécis. Un récent rapport d’Amnesty International a estimé à 3000 le nombre d’hommes et de garçons victimes de violences sexuelles dans les camps de détention.
Comme le rapport le mentionne, “parce que les hommes sont moins enclins à dénoncer de tels crimes, ou à en parler publiquement, le nombre est vraisemblablement plus élevé”. En BiH, le sous signalement de ces crimes est largement dû à la stigmatisation.
Sexuellement “impénétrable”
La société bosnienne est patriarcale, les hommes étant considérés comme des êtres dominants et sexuellement impénétrables. Ainsi, le viol d’un homme transgresse les normes relatives au genre, et véhicule des connotations émasculantes et stigmatisantes.
Certaines affaires de crimes de guerre en BiH reflètent les préjugés sociétaux liés aux violences sexuelles faites aux hommes.
Eviter le mot “viol”
En droit international, le viol est défini comme tout acte de pénétration, que ce soit par un organe sexuel ou un objet, commis sur le corps d’une personne. Le sexe anal contraint, le sexe vaginal contraint et le sexe oral contraint constituent donc bien des viols, peu importe le genre des personnes impliquées.
En temps de guerre, dans les camps de détention, il n’était pas rare que des gardes et autres officiers forcent des hommes prisonniers à avoir des rapports sexuels oraux ou anaux. Ces crimes entrent clairement dans la définition légale du viol.
Pourtant, les procureurs et les tribunaux ont souvent hésité à qualifier la violence sexuelle dans les camps de détention. En effet, dans plusieurs affaires de camps de détention, les coupables ont été condamnés pour torture ou traitement inhumain.
Prenez Mladen Milanovic par exemple. L’Accusé, un garde à Vogosca, a ordonné à deux prisonniers de se déshabiller et d’avoir un rapport sexuel. Malgré le caractère clairement sexuel du crime, la Cour Suprême de la Fédération de Bosnie-Herzégovine a qualifié le crime de traitement inhumain. Des affaires comme celles de Milanovic reflètent le malaise persistant des acteurs juridiques face aux violences sexuelles faites aux hommes, alimentant ainsi la culture de la honte et du silence.
S’occuper du problème à tous les niveaux
La stigmatisation des violences sexuelles faites aux hommes en temps de guerre – que ce soit au tribunal, à la maison, ou au sein du gouvernement – est enracinée dans un préjugé plus large. Par conséquent, l’éducation combattant les normes sociétales archaïques est impérative. C’est seulement quand on admettra qu’un homme peut être violé que la stigmatisation pourra diminuer.
Les verdicts qui reconnaissent les violences sexuelles faites aux hommes pour ce qu’elles sont vraiment sont donc précieux. Les autorités de BiH devraient mettre en place des formations pour les juges et les procureurs sur la définition et qualification appropriée de ces crimes. La stigmatisation doit être combattue à tous les niveaux et les acteurs juridiques ont un rôle important à jouer.
Une campagne pour l’initiative pour des multinationales responsables est lancée. Les organisations qui la constituent, dont TRIAL International, invitent à l’affichage de drapeaux de soutien. Participez-vous aussi !
RESPONSABILISER LES MULTINATIONALES
TRIAL International lutte depuis des années contre l’impunité des entreprises en matière de droits humains. Les dénonciations, comme à l’encontre d’Argor-Heraeus SA et Caterpillar, restent malheureusement des cas isolés et ne suffisent pas à enrayer l’impunité.
En 2015, le projet d’une introduction dans la loi suisse d’un devoir de diligence des entreprises est lancé. L’initiative vise à contraindre toutes les multinationales à respecter les droits humains et l’environnement dans l’ensemble de leurs relations d’affaires.
SOUTIEN POPULAIRE ET REJET DU CONSEIL FEDERAL
L’initiative a été déposée le 10 octobre 2016 avec 120 418 signatures. En Septembre 2017, le Conseil Fédéral a reconnu le bien-fondé de son objectif mais a tout fois estimée qu’elle va trop loin : il a recommandé au parlement de la rejeter sans contre-projet.
En juin prochain, le parlement prendra enfin position sur l’initiative. Le soutien important dont elle bénéficie doit être rendu visible.
Son succès croissant est impressionnant : depuis son lancement, l’initiative est passée de 66 à 97 organisations avec plus d’un million de membres, soit 1/8 de la population suisse !
DES DRAPEAUX CONTRE L’IMPUNITE
Pour montrer la force de l’initiative, une campagne de soutien est lancée. L’objectif : 10’000 drapeaux aux balcons et fenêtres dans toute la Suisse d’ici au début de l’été.
Le Colonel « Marocain » a été reconnu coupable d’esclavage sexuel, viol, pillage et attaque contre la population civile en RDC. Une preuve de plus que la justice peut avancer en RDC, nuancée toutefois par le déboutement de plusieurs victimes.
Samedi 28 avril 2018 à Kalehe, à environ 70 km de Bukavu, la Cour Militaire du Sud-Kivu a condamné le Lieutenant-Colonel Maro Ntumwa dit « Marocain » à 20 ans de prison. Ses crimes ? Avoir orchestré ou autorisé des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité alors qu’il commandait une milice locale de 2005 à 2007. Le supérieur hiérarchique de Marocain avait déjà été condamné en 2014 par la même cour.
« Cette condamnation est un signal de plus dans le combat pour la justice dans l’est de la RDC » s’est réjoui Daniele Perissi, responsable du programme RDC chez TRIAL International. « Les autorités judiciaires congolaises ont démontré ici leur détermination à sanctionner les auteurs de crimes graves, même lorsque les faits datent de plus de dix ans. »
LES VICTIMES AU CŒUR DU PROCESSUS
Ce verdict met un terme au procès qui a eu lieu du 13 au 28 avril 2018 par la Cour Militaire du Sud-Kivu. Les audiences se sont tenues à Kalehe, au plus près des lieux du crime, pour favoriser l’accès aux victimes et aux preuves.
Un autre point positif du verdict est l’allocation de réparations à une dizaine des victimes pour un montant allant de 2 000 à 5 000 USD. Hélas, plusieurs autres victimes ont été déboutées ; elles ne seront donc pas en mesure de toucher des compensations.
Autre bémol : la responsabilité civile de l’État congolais n’a pas été retenue. Les juges ont rejeté l’argument selon lequel les autorités auraient manqué à leur devoir de prévention et de protection de la population civile vis-à-vis de la milice de « Marocain ».
Toutes ces questions feront l’objet d’une procédure en dernière instance devant la Haute Cour Militaire vu que, suite à la lecture du verdict, Marocain a interjeté immédiatement appel de la décision.
QUEL A ÉTÉ LE RÔLE DE TRIAL DANS L’AFFAIRE ?
Dans le cadre de la Task Force Justice Pénale Internationale, TRIAL International a contribué à divers aspects du dossier :
Documentation : participation aux missions de documentation, coaching des avocats en charge de la collecte de preuve, financement de tests ADN et médicaux complémentaires.
Accompagnement des victimes : recensement des victimes, information et coaching des ONG locales, assistance juridique gratuite via le biais des avocats du collectif.
Stratégie juridique : soutien et coaching continu aux avocats du collectif des victimes, expertise technique dans l’analyse des preuves, mise en place de la stratégie juridique.
TRIAL va continuer à accompagner les victimes lors de la procédure d’appel jusqu’à ce qu’elles puissent obtenir les compensations allouées.
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