Dans un arrêt du 27 avril 2018, la Cour de justice de Genève a reconnu Erwin Sperisen coupable de complicité d’assassinat commis sur sept prisonniers à la prison de Pavon en 2006. L’ancien chef de la police du Guatemala se voit condamné à une peine de 15 ans de prison. TRIAL International salue ce verdict qui représente une étape importante dans la lutte contre l’impunité des crimes d’Etat.

La Cour de justice genevoise a déclaré le binational hélvetico-guatemaltèque Erwin Sperisen coupable d’avoir participé à des exécutions extrajudiciaires au Guatemala en 2006, qualifiées par la Cour d’assassinats. Le prévenu avait été condamné en première instance en juin 2014 à la prison à vie pour les sept assassinats perpétrés à la prison de Pavon puis en deuxième instance pour dix assassinats, soit trois supplémentaires commis à la prison d’Infiernito en 2005. En juin 2017, le Tribunal fédéral avait annulé cet arrêt et ordonné la tenue d’un nouveau procès, confirmant toutefois de nombreux éléments de preuve établis par la Cour.

Dans son arrêt du 27 avril 2018, la Cour de justice genevoise s’est prononcée sur la responsabilité pénale d’Erwin Sperisen dans l’opération organisée en 2006 pour reprendre le contrôle de la prison de Pavon au cours de laquelle sept détenus ont été exécutés. La Cour a constaté qu’au regard des éléments du dossier, Erwin Sperisen avait contribué à l’assassinat de ces sept détenus, écartant « non sans hésitation » la co-activité en raison de certaines zones d’ombre persistantes. La Cour a cependant estimé qu’il était impossible d’établir la responsabilité d’Erwin Sperisen pour les exécutions commises à la prison d’Infiernito en 2005, l’acquittant donc pour ces faits.

La Cour a ainsi reconnu le prévenu coupable de complicité d’assassinat de sept détenus placés sous la protection de l’Etat, le condamnant à 15 ans de prison. La partie civile, la mère de l’un des prisonniers exécutés, s’est quant à elle vue reconnaître des dommages et intérêts à hauteur de CHF 30 000.

Philip Grant, directeur de TRIAL International, a réagi au jugement : « En plus de témoigner du bon fonctionnement de notre Etat de droit, cette condamnation représente un espoir autant pour les victimes que pour les individus et organisations qui luttent contre l’impunité de tels crimes au Guatemala. »

TRIAL International se félicite de ce que les autorités genevoises aient conduit ce procès à son terme, assumant pleinement leur rôle de rendre justice aux victimes des atteintes aux droits humains les plus graves qui soient.

 

L’AFFAIRE SPERISEN EN BREF

ERWIN SPERISEN
Né le 27 juin 1970, Erwin Sperisen dispose de la nationalité suisse et guatémaltèque. Chef de la police civile nationale du Guatemala (PCN) d’août 2004 à mars 2007, il est chargé de diriger et d’assurer le fonctionnement des différents corps de police du pays. En 2007, il démissionne et part s’installer à Genève.

CONTEXTE
En 2006, une opération est organisée afin de reprendre le contrôle de la prison Pavon, située proche de la ville de Guatemala. Plus de 3 000 agents de la PNC, de l’armée et des autorités pénitentiaires sont mobilisés. Durant cette opération, sept détenus sont localisés, arrêtés puis exécutés. La scène de crime a été maquillée pour donner l’impression que ces décès résultaient d’un affrontement armé.

CHRONOLOGIE DE L’AFFAIRE
Début 2008: Après avoir été informées de sa présence sur le territoire, des ONG suisses déposent une dénonciation pénale contre M. Sperisen auprès du Ministère public du canton de Genève.

2009: TRIAL International et l’OMCT déposent une seconde dénonciation pénale contre Erwin Sperisen auprès du Ministère public genevois.

Août 2010: Le Guatemala émet un mandat d’arrêt international contre Erwin Sperisen.

Août 2012: M. Sperisen est arrêté sur ordre du Ministère public genevois et détenu à la prison de Champ-Dollon.

Juin 2014: Le Tribunal criminel genevois reconnaît M. Sperisen coupable en tant que co-auteur de six assassinats et en tant qu’auteur direct d’un autre lors des évènements à la prison de Pavón. Il le condamne à la prison à vie. Erwin Sperisen fait appel de ce jugement.

Juillet 2015: La Chambre d’appel confirme la peine de prison à perpétuité et condamne M. Sperisen pour les sept assassinats perpétrés dans la prison de Pavón. Elle le déclare en outre coupable du meurtre de trois fugitifs du pénitencier Infiernito. Erwin Sperisen fait recours contre cette décision auprès du Tribunal fédéral.

Juin 2017: Le Tribunal fédéral annule le jugement de la Cour d’appel de Genève et ordonne un nouveau procès. Il reconnaît toutefois que des exécutions extrajudiciaires ont été commises par les forces de police.

Avril 2018: La Cour de Justice genevoise condamne M. Sperisen à 15 ans de prison.

Le tribunal militaire de Bukavu a condamné un policier congolais à 20 ans de prison pour le viol de deux mineures. Ces dernières ont subi l’agression alors qu’elles se trouvaient détenues au poste de police.

Le 24 mars 2017, Désirée, Victoire et Renée (noms d’emprunt), toutes trois âgées de 12 à 14 ans, se sont faites arrêter et ont été détenues au poste de Bidagwa. La première était accusée du vol d’un chargeur de téléphone, les deux autres pour soupçon de complicité.

Deux policiers se trouvaient au poste, dont M. Mulumeoderwa Bahimba Muhiganya alias « Kadogo ». Durant la nuit, alors que son collègue était assoupi, Kadogo est allé retrouver les détenues. Prétextant la venue de ses parents, il a sorti Désirée de la cellule et l’a violée. Il a ensuite procédé de la même manière pour Victoire. Renée a réussi à lui échapper en criant. Alors que le policer s’en prenait une nouvelle fois à Désirée, son collègue s’est réveillé et a constaté que le policier se trouvait avec l’enfant.

 

Le courage sans faille des victimes

Le lendemain, le chef de poste a été informé des évènements et a conduit les trois mineures au centre médical de Katana pour qu’elles y soient examinées. Kadogo a été arrêté le même jour, placé en détention puis transféré à la prison centrale de Bukavu. Il a réussi à s’en échapper le 28 juillet 2017, peu avant le début du procès.

La fonction du prévenu, représentant de l’autorité publique, aurait pu dissuader les jeunes filles et leurs familles d’obtenir justice. Mais faisant preuve d’un courage sans faille, elles ont accepté de surmonter tous les obstacles dont celui de la stigmatisation.

TRIAL International a accompagné les victimes dans leur quête de justice dès le mois d’avril 2017. L’organisation a participé à la récolte de preuves, notamment sur l’âge des victimes et leurs déplacements, et a recueilli des témoignages. Ceux-ci, lus à l’audience, ont été essentiels pour éviter aux jeunes filles de subir un nouvel interrogatoire, hautement traumatisant pour des victimes déjà fragiles.

 

Une victoire et une nouvelle bataille

Le 10 avril 2018 et malgré l’absence de Kadogo, le tribunal militaire de garnison a reconnu sa culpabilité pour viol sur mineures. Le tribunal l’a condamné à vingt ans de prison et a ordonné son arrestation immédiate. La République démocratique du Congo a été condamnée solidairement au paiement de 5’000 dollars au profit de chaque partie civile, à titre de dommages et intérêts.

Ce verdict est une victoire pour les victimes, mais d’autres difficultés se profilent déjà. En effet, l’Etat congolais n’a jusqu’en date jamais versé les réparations promises aux victimes de violences sexuelles.

Pour Patient Iragua, conseiller juridique RDC au bureau de Bukavu, une nouvelle bataille juridique attend désormais TRIAL et ses partenaires : « Nous devons obtenir le versement réel des réparations ainsi que l’arrestation du condamné pour que le verdict ne reste pas lettre morte. L’impunité doit être combattue et enrayée par des mesures concrètes. »

 

Le troisième procès d’Erwin Sperisen s’ouvrira le lundi 16 avril 2018 à Genève. TRIAL International est confiante qu’il fera la lumière sur le rôle de l’ancien chef de la police du Guatemala, accusé de 10 cas d’exécutions extrajudiciaires.

Ce nouvel épisode judiciaire fait suite à l’annulation du verdict de la Cour de Justice genevoise par le Tribunal fédéral en juillet 2017. Cette décision n’avait en aucun cas blanchi l’accusé, et avait même confirmé nombre de faits graves à son encontre, en particulier que :

  • Le meurtre des sept détenus de la prison de Pavon était planifié. Il ne résultait aucunement d’un affrontement armé.
  • La scène du crime a été maquillée pour faire croire à un affrontement, dans une tentative de couvrir ces crimes.
  • Aucune enquête n’a ensuite été ouverte sur la mort des détenus.
  • La mère de l’un des hommes abattus est pleinement confirmée comme partie plaignante dans la procédure.

TRIAL International regrette que ces faits établis soient à nouveau remis en cause dans le cadre d’une campagne publique visant à déligitimer le rôle de la justice.

TRIAL International espère que les audiences qui débuteront le 16 avril se dérouleront sereinement, dans le respect des droits de toutes les parties, et permettront d’établir si la responsabilité pénale de M. Erwin Sperisen est engagée.

En savoir plus sur la première condamnation d’Erwin Sperisen
L’affaire en bref

Dans une lettre ouverte publiée le 6 Avril, 15 organisations non gouvernementales demandent à l’UE et à l’ONU d’assurer que la responsabilité et la justice pour les victimes seront au premier rang de toute discussion autour du « futur de la Syrie » à la Conférence de Bruxelles II.

 

Cher Secrétaire Général des Nations Unies,
Cher Haut Représentant de l’Union Européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité,
Cher Commissaire européen chargé de l’aide humanitaire et de la gestion des crises,
Cher Commissaire européen chargé de l’élargissement et de la politique européenne de voisinage,
Cher Commissaire européen chargé de la coopération internationale et du développement,
Chers Ambassadeurs du Comité politique et de sécurité,

 

En vue de la « Conférence Bruxelles II » des 24 et 25 avril, les organisations non-gouvernementales internationales et syriennes soussignées appellent l’Union européenne et les Nations Unies à veiller à ce que les sujets touchant à la responsabilité et l’accès à la justice pour les victimes des atrocités commises en Syrie soient intégrées aux discussions sur « l’avenir de la Syrie ».

Sept ans après le début du conflit, l’absence quasi totale en matière de responsabilité pour les violations graves portées aux droits humains et au droit humanitaire, et de réparation pour les victimes, ont renforcé la culture d’impunité présente au cours des décennies de répression en Syrie. Cette impunité est l’une des causes profondes du conflit. Toute conférence touchant à l’avenir du pays ne doit pas écarter la question de la responsabilité pour les crimes commis en Syrie.

L’impunité affecte toute la population syrienne à l’intérieur et à l’extérieur de la Syrie et aura de graves conséquences à long terme si elle n’est pas traitée urgemment. L’impunité pour les crimes passés et présents donne un chèque en blanc à tous les auteurs et responsables, leur permettant de perpétuer des violations graves aux droits humains et au droit international humanitaire. Elle menace de fragiliser la confiance populaire en tout nouveau système judiciaire fondé sur d’anciennes bases répressives. Le sentiment d’injustice, mêlé à l’absence de réparation, conduit à la frustration et à un sol fertile à l’extrémisme ; ce sentiment empêchera la réhabilitation des victimes et le rétablissement de la confiance dans les nouvelles institutions de l’État et dans la restauration de l’état de droit. En outre, le sentiment d’injustice persistant qui accompagne celui d’impunité totale empêchera tout retour volontaire des Syriens qui ont fui leur pays.

La création par l’Assemblée Générale des Nations Unies du Mécanisme International, Impartial et Indépendant pour la Syrie, mandaté pour recueillir et analyser les preuves nécessaires à la poursuite des responsables des crimes les plus graves, est un pas important vers la lutte contre l’impunité des violations au droit international et vers l’établissement de responsabilité. De même, les enquêtes en cours et les procédures devant les systèmes judiciaires nationaux dans certains États membres de l’Union européenne, notamment ceux basés sur la compétence universelle, ont fourni une source d’espoir plus que nécessaire quant à l’établissement de responsabilité et de justice en l’absence de solutions plus directes.

Il reste beaucoup à faire pour surmonter l’impunité et rendre justice aux victimes au regard de l’ampleur des atrocités commises au cours des sept dernières années. La responsabilité pénale et d’autres mesures de justice transitionnelle doivent faire partie intégrante des discussions de paix. Davantage doit être fait pour protéger et soutenir les victimes, dont la voix et les intérêts devraient être au cœur de la justice et des efforts de responsabilité. Davantage doit être fait pour soutenir les organisations de la société civile syrienne engagées dans la documentation des crimes, la coopération avec les communautés de victimes, la participation aux négociations de paix et impliquées dans la construction d’une Syrie pacifique basée sur une justice effective.

Alors que le processus politique dirigé par l’ONU a un rôle majeur à jouer dans ce domaine, la question des financements abordée lors de la Conférence de Bruxelles II devrait également intégrer ces objectifs. En plus des domaines essentiels tels que le développement économique, l’intégration sociale et le soutien à la jeunesse et à l’éducation, toute discussion sur l’avenir de la Syrie doit impérativement accorder une place centrale à la justice et la préservation des droits des victimes.

 

Concrètement, nos organisations appellent l’Union européenne et les Nations Unies à veiller à ce que :

  • La Conférence de Bruxelles II inclue une discussion significative sur les questions liées à la responsabilité et à la justice, tant dans les discussions thématiques du 24 avril que dans la réunion ministérielle du 25 avril ;
  • Les discussions thématiques du 24 avril se tiennent en présence de toutes les parties prenantes concernées, y compris les ministres et les représentants des Nations Unies ;
  • Un processus clair soit mis en place, transmettant les résultats de ces discussions thématiques et des possibles événements parallèles sur la responsabilité dans les discussions ministérielles du 25 avril ; et que
  • Les conclusions finales de la Conférence de Bruxelles II intègrent les recommandations qui seront faites en matière de responsabilité et de réparation pour les victimes, et qu’une action immédiate soit adoptée afin de traduire ces dernières en démarches concrètes durant la phase de mise en œuvre des promesses.

 

Dans l’attente de votre réponse, nous restons à votre disposition pour plus d’informations.

Liste des signataires :

EuroMed Droits
European Centre for Constitutional and Human Rights (ECCHR)
Impunity Watch International Center for Transitional Justice (ICTJ)
Fédération Internationale des Droits Humains (FIDH)
No Peace Without Justice (NPWJ)
Open Society Justice Initiative (OSJI)
PAX
REDRESS
Syrian Center for Media and Freedom of Expression (SCM)
Syrian Network for Human Rights (SNHR)
Syrians for Truth and Justice (STJ)
TRIAL International
Violations Documentation Center in Syria (VDC)
World Federalist Movement-Institute for Global Policy

Un collectif lance son projet d’institution civile : sur le modèle d’un tribunal, créer un espace de parole pour dénoncer les crimes de masse.

Après la guerre civile en République Démocratique du Congo (RDC), l’accès à la justice pour les victimes des crimes de masse est resté problématique.

Pour y remédier, en 2015, Milau Rau a créé et filmé un tribunal populaire inédit : un espace public protégé, où victimes, auteurs et parties prenantes ont dialogué.

Inspirés par cette réussite, un groupe d’avocats européens et congolais, d’activistes des droits humains et de journalistes lancent une campagne de récole de fond. Leur projet : mettre en place de nouveaux tribunaux populaires, documenter leurs déroulements et faire avancer la lutte contre l’impunité en RDC.

 

Instaurer une paix durable

TRIAL International soutient cette campagne, qui fait échos à ses activités en RDC : renforcer les capacités locales et porter des affaires de crimes de masse devant les instances nationales et internationales.

Pour Daniele Perissi, responsable du programme RDC : « le dialogue est essentiel pour la justice transitionnelle. Donner une voix aux victimes est un premier pas vers la justice et un prérequis pour une paix durable. »

 

Lire le communiqué de presse (en anglais)
Le site internet de la campagne (en anglais)

Sarajevo, 3 avril, 2018 – La Cour constitutionnelle de Bosnie Herzégovine a pris une décision importante en matière de violation du droit de propriété et de droit à un jugement équitable pour les victimes de crimes de guerre. Ces dernières n’auront plus à payer les coûts de procédures pour demande d’indemnisation. L’organisation non gouvernementale TRIAL International a salué la nouvelle.

Lors de sa session du 22 mars 2018, la Cour constitutionnelle de Bosnie Herzégovine a annulé les jugements de la Cour suprême de la République serbe de Bosnie et du Tribunal de la ville de Banja Luka à l’encontre de S.A. en ce qui concerne les frais de justice. La Cour constitutionnelle a estimé qu’attribuer à la victime de viol en temps de guerre les coûts des procès entamés par le procureur de la République serbe, et visant à obtenir réparation pour le préjudice subi, représentait un fardeau trop lourd à porter pour la requérante. Cette affaire a été considérée comme une violation au droit de propriété et au droit à un procès juste et équitable, comme établi dans la Constitution de la Bosnie Herzégovine et la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

S.A. a été violée à plusieurs reprises par un membre de l’Armée de la République serbe de Bosnie en juillet 1992. Lors des huit dernières années, TRIAL International lui a fourni une assistance juridique gratuite, qui a abouti à la condamnation, en 2013, du coupable par le Tribunal de la ville de Doboj. Après que sa demande de réparation ait été rejetée par le tribunal civil de Banja Luka à cause du délai de prescription et qu’elle ait été sommée de payer 3000 BAM en frais de procès, TRIAL International a fait appel à l’avocate Nedžla Šehić pour la représenter dans ce qui a été un tournant dans la protection des droits des victimes de crimes de guerre. En mars 2017, la plaignante a déposé un recours à la Cour constitutionnelle de Bosnie Herzégovine dont l’issue a été susmentionnée.

« Cela a été une étape très significative pour l’appelante, une victime de viol en tant de guerre, qui, à l’instar d’autres personnes en situation similaire, est directement concernée par le verdict. A présent, il incombe aux tribunaux de Bosnie Herzégovine d’appliquer la jurisprudence afin d’enlever un poids aux victimes de violences sexuelles, aux anciens détenus de camp et aux familles des personnes disparues », a déclaré Adrijana Hanušić Bećirović, conseillère juridique de TRIAL International à Sarajevo.

Par ailleurs, elle a fait remarquer que, longtemps, les victimes de crimes de guerre en Bosnie Herzégovine ont dû faire face à des frais de procédures couteux imposés par les tribunaux locaux, engendrés par des demandes de compensation au civil ayant été rejetées car il y avait prescription. Malheureusement, cela contribue à re-traumatiser les victimes de guerre, qui souvent sont marginalisées et profondément traumatisées par la guerre. Elles vivent dans une peur constante de devoir payer les frais de justice, ce qui peut amener parfois à des pensées suicidaires.

Longtemps, TRIAL International a mené une série d’activités stratégiques afin de s’attaquer au problème systémique auquel les victimes de guerre sont confrontées. Par exemple, l’ONG a publié une analyse juridique des implications du jugement de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Cindrić and Bešlić v. Croatie sur l’imposition de frais de procès en Bosnie Herzégovine. TRIAL International, avec 40 organisations de la société civile et associations de victimes, a envoyé une lettre collective aux institutions compétentes de Bosnie Herzégovine et aux institutions européennes et internationales pour les informer sur le besoin de régler la situation.

AFFAIRE ANIL CHAUDARY C. NEPAL

Anil Chaudhary avait 15 ans lorsqu’il a été abattu par des agents de sécurité. Depuis lors, ses parents ont inlassablement cherché justice. Le 28 mars, 14 ans après la mort d’Anil Chaudhary, TRIAL International porte l’affaire devant le Comité des droits de l’homme des Nations unies (CDH).

 

L’AFFAIRE

Anil Chaudhary est né dans le district de Bardiya et appartenait au groupe ethnique autochtone Tharus.

Le 15 mars 2004, Anil Chaudhary faisait du vélo avec son voisin Ram Prasad Chaudhary vers le village de Fattepur, où il vivait à cette époque. Sur leur chemin, les garçons ont été interceptés par un groupe d’environ 200 agents de sécurité.

Certains d’entre eux ont attaché les mains des garçons dans leur dos et les ont interrogés sur des liens potentiels avec la guérilla maoïste. Ils ont soumis les deux mineurs à des agressions verbales et physiques. Ils les ont ensuite entraînés vers un canal non loin, où ils ont continué de les rouer de coups. Un officier a alors tiré une balle mortelle sur Ram Prasad Chaudhary. Anil Chaudhary a été témoin de l’exécution extrajudiciaire. Il a par la suite été interrogé et maltraité pendant une demi-heure, avant d’être tué par trois balles dans la tête.

 

LA QUÊTE DE JUSTICE

Au cours des 18 dernières années, les parents d’Anil Chaudhary ont tenté d’obtenir justice et réparation.

Ils ont à plusieurs reprises déposé des plaintes auprès de différentes autorités népalaises, sans succès. Après de nombreuses tentatives, la police aurait enregistré une plainte pénale (« premier rapport d’information »), sans vouloir leur fournir des informations.

À ce jour, personne n’a été tenu responsable de la mort d’Anil Chaudhary, et sa famille n’a pas reçu d’indemnisation adéquate pour les dommages subis.

Ayant épuisé tous les recours internes et avec l’aide de TRIAL International, les parents d’Anil Chaudhary se sont adressés au CDH le 28 mars 2018.

L’affaire est actuellement en cours.

 

VIOLATIONS ALLEGUEES

Il est allégué qu’Anil Chaudhary est une victime d’arrestation arbitraire, de tortures et d’exécution extrajudiciaire commises par des agents de sécurité népalais, en violation des articles 6, 7 et 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Ces violations avaient un motif présumé discriminatoire fondé sur son appartenance ethnique et ont été aggravées par le fait qu’il était mineur au moment des faits.

TRIAL International demande au CDH d’établir que le Népal a violé les droits d’Anil Chaudhary et est tenu obligé, entre autres, d’enquêter sur sa mort, de tenir les auteurs pour responsables de leurs actes, et d’indemniser convenablement ses parents.

 

Les Nations unies reconnaissent la responsabilité du Népal dans la torture et l’exécution extrajudiciaire d’Anil par une décision le 20 mai 2022

Le Comité des droits de l’homme a constaté qu’Anil a été soumis à une privation arbitraire de liberté et à une exécution extrajudiciaire et qu’il a été pris pour cible en tant que jeune garçon, membre de la communauté indigène Tharu. Le Népal n’a pas respecté ses obligations et les enquêtes menées n’ont pas été adéquates et n’ont fait que favoriser l’impunité. Cette situation a été facilitée par une législation déficiente, notamment en ce qui concerne le délai de prescription applicable en matière de torture.
Les parents d’Anil ont également été considérés comme des victimes de violations par l’État, d’une part en raison de la peur et de l’angoisse ressenties et entretenues par l’absence de réponses adéquates sur la mort de leur fils et, d’autre part, parce qu’ils ont fait l’objet de menaces et de harcèlement et que la réputation de leur fils a été affectée puisqu’il a été étiqueté comme terroriste.
Tout ce qui précède, se traduit par la reconnaissance que le Népal a violé les arts. 6 (droit à la vie), 7 (interdiction de la torture) et 9 (droit à la liberté individuelle) lus seuls et en conjonction avec les arts. 2.3 (droit à un recours effectif), 24.1 (droits de l’enfant) et 26 (interdiction de la discrimination) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques à l’égard d’Anil.
Le Népal a également violé les art. 7 (interdiction de la torture), lu seul et en conjonction avec l’art. 2.3 (droit à un recours effectif) et l’art. 17 (droit à la vie privée et à la vie familiale) des parents d’Anil.

Le HRC a indiqué que le Népal doit:- enquêter sur les événements, identifier les responsables, les poursuivre et les sanctionner. Les résultats de l’enquête doivent être rendus publics.
– fournir aux parents d’Anil une réhabilitation psychologique et un traitement médical gratuits.
– fournir une compensation adéquate aux parents d’Anil.
– présenter des excuses officielles aux parents d’Anil et construire un mémorial au nom d’Anil, afin de restaurer son nom et celui de sa famille.
– modifier la législation nationale, notamment en ce qui concerne les délais de prescription applicables à la torture.

LE CONTEXTE GÉNÉRAL

Cette affaire doit être lue dans le contexte du conflit armé interne de dix ans qui a opposé le gouvernement népalais et le parti communiste népalais-maoïste. Au cours de ces années, les arrestations arbitraires, les tortures et les exécutions extrajudiciaires ont été pratiquées de façon systématique. Les événements se sont déroulés dans le district de Bardiya, particulièrement touché par le conflit. Les indigènes Tharus, y compris les femmes et les enfants, étaient souvent associés à la guérilla maoïste et ciblés par les forces de sécurité.

 

Lire plus sur l’impunité au Népal
Lire un autre cas d’exécution extrajudiciaire d’un mineur au Népal (en anglais)

Lire le communiqué de presse sur la décision du CDH

 

Au-delà de la formation des avocats, il est vite devenu évident que, pour garantir un changement durable, le renforcement des capacités devait s’étendre aux juges, aux procureurs, ainsi qu’aux législateurs.

TRIAL International s’est toujours engagée à collaborer avec des experts et acteurs locaux. En 2011, l’organisation a ajouté une corde à son arc en initiant des programmes de renforcement de capacités destinés aux avocats et défenseurs des droits humains en BiH, au Burundi, Kenya et Népal.

Allant d’ateliers d’une journée à du coaching individuel étendu sur une année, l’ensemble des sessions a été conçu pour créer un effet domino, permettant à davantage d’acteurs de pouvoir accompagner les victimes dans leur quête de justice.

 

Des changements insuffisants

Il est vite devenu clair, cependant, que le renforcement d’une seule des branches du système judiciaire était insuffisant. « Les avocats que nous avions formés formulaient des arguments très novateurs au tribunal, mais ceux-ci étaient parfois rejetés car les juges n’y étaient pas familiers », a expliqué Philip Grant, Directeur de TRIAL International. « De même, il n’y avait parfois pas assez de preuves pour appuyer les déclarations des victimes, ce qui empêchait les accusés d’être déclarés coupable. »

Afin de résoudre ce problème, TRIAL International a progressivement développé des formations pour plusieurs acteurs du système judiciaire. De la collecte de preuves à la mise en place de stratégies légales, des interviews de victimes à la mobilisation de jurisprudence internationale. L’organisation adopte une approche holistique dans sa démarche d’amélioration des procédures légales pour les victimes.

 

Rendre le système plus favorable aux victimes

En Bosnie-Herzégovine, les stigmas liés à la guerre sont toujours omniprésents pour les survivants, y compris dans les tribunaux. TRIAL International a déployé des formations et publié des manuels pour sensibiliser les juges, les procureurs et les avocats aux barrières invisibles qui empêchent les victimes d’accéder à la justice.

Beaucoup de victimes passent entre les filets de ce système légal bosnien complexe. En ayant recours à une combinaison de plaidoyer et de contentieux, TRIAL International a obtenu des victoires significatives assurant aux victimes un accès facilité à leur droit à la justice et à réparation.

 

Rassembler des preuves solides

Réunir des preuves dans des endroits isolés et potentiellement dangereux est le défi régulièrement relevé par les autorités judiciaires congolaises. Avec un territoire s’étendant sur deux millions de mètres carrés et des moyens limités, accéder à la scène de crime n’est pas chose facile. Les équipes de TRIAL International en RDC ont apporté leur aide en enquêtant sur les affaires de crimes de masse. Dans l’emblématique affaire Kavumu, des ONG et des experts se sont accordés à dire que les solides preuves médico-légales avaient été déterminantes dans la condamnation des accusés.

Pour continuer à mener des enquêtes efficaces, TRIAL International a également lancé un programme innovant utilisant la vidéo en tant que preuve. « Filmer anonymement les témoignages de victimes et dans des contextes familiers peut s’avérer moins traumatisant, et probablement apporter des résultats plus probants. Des images des scènes de crime, des environs, etc. remettent également l’histoire dans son contexte tout en ajoutant un niveau de détails percutant », explique Daniele Perissi, Responsable du programme de la RDC. Lancé en 2017, le projet a maintenant été déployé pour former des procureurs ainsi que des avocats.

 

Responsabiliser la société civile

D’autres acteurs périphériques ont un rôle important à jouer dans les affaires liées aux droits humains : les ONG, les groupes de victimes et même les médias peuvent avoir une influence considérable – ou causer des dégâts considérables. Au Népal, des formations et des ateliers ont régulièrement été dispensés à des membres de la société civile, dont des journalistes, des ONG locales et même des victimes elles-mêmes devenues défenseurs des droits humains.

« Chacun devrait connaître ses droits, car ils sont une arme contre l’injustice », a conclu Lucie Canal, responsable intérimaire du programme Népal de TRIAL International. « Nous espérons que nos ateliers aident les porte-paroles des victimes à acquérir des connaissances ouvrant la voie à la justice pour tous les népalais. »

 

 

La Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rejeté ce matin la requête d’une victime de torture souhaitant que les tribunaux de son pays d’accueil puissent entendre une demande de réparation contre son tortionnaire. Elle laisse cependant la porte ouverte à de futurs développements. TRIAL International, qui a accompagné Monsieur Naït-Liman dans sa quête de justice depuis près de 15 ans, regrette une occasion manquée de renforcer les droits des victimes dans la lutte contre la torture.

La Grande Chambre de la CEDH a rendu un arrêt final dans l’affaire Naït-Liman. M. Naït-Liman se plaignait d’une violation par la Suisse de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, lequel garantit le droit d’accéder à un tribunal pour y faire valoir ses droits. Les faits remontent à avril 1992 : Monsieur Naït-Liman, ressortissant tunisien ayant depuis obtenu la nationalité suisse, avait été arbitrairement détenu et torturé durant quarante jours par les autorités tunisiennes. Réfugié en Suisse et ne pouvant obtenir justice dans son pays d’origine, Monsieur Naït-Liman avait introduit en 2003, avec l’aide de TRIAL International, une action civile devant les tribunaux suisses visant à ce que son tortionnaire, l’ancien ministre de l’intérieur tunisien Abdallah Kallel, soit condamné à réparer le dommage matériel et moral subi. Le cas avait été porté jusqu’au Tribunal fédéral avant d’être soumis à la CEDH.

La requête avait une première fois été rejetée par la Cour avant d’être renvoyée en dernière instance à la Grande Chambre. Ce matin, celle-ci a laissé à la Suisse une très large marge de manœuvre pour réglementer l’accès à ses tribunaux. Elle a toutefois salué « les efforts des Etats tendant à rendre le plus effectif possible l’accès à un tribunal en vue d’obtenir réparation pour des actes de torture. » Elle garde par ailleurs la porte ouverte à des développements nouveaux dans ce domaine juridique en plein essor, invitant les 44 Etats du Conseil de l’Europe « à tenir compte dans leur ordre juridique de toute évolution favorisant la mise en œuvre effective du droit à réparation » des victimes de torture.

Il s’agissait de la première fois que la Cour se penchait sur une telle question. Avocat de M. Naït-Liman, Me François Membrez insiste sur le contexte de la décision : « Le fait que la requête de Monsieur Naït-Liman ait été examinée par la Grande Chambre de la Cour constitue une avancée incontestable. Il faudra à présent compter sur le courage d’autres victimes pour faire remonter leur cas à Strasbourg et participer à l’évolution de la jurisprudence. »

TRIAL International constate que malgré l’engagement des nombreux Etats européens à lutter contre la torture, les barrières aux droits des victimes persistent. « Devant l’impossibilité de requérir justice dans le pays où les tortures ont été commises, les autorités judiciaires du pays de domicile doivent s’avérer compétentes pour se prononcer sur des demandes de réparation. Les Etats européens doivent impérativement faire en sorte que la protection qu’ils offrent aux réfugiés victimes de torture s’étende à l’accès aux remèdes juridiques » ajoute Philip Grant, directeur de TRIAL International et avocat du requérant devant la Cour. Monsieur Naït-Liman commente lui aussi le verdict : « Mon combat appartient à toutes les victimes de torture qui ne savent plus où se tourner pour obtenir vérité et réparation. L’Europe a un rôle à jouer pour briser le cycle de l’impunité et de la victimisation. »

 

Chronologie de l’affaire 

Avril 1992 : M. Naït-Liman est arrêté en Italie et remis aux autorités tunisiennes qui le soumettent à diverses tortures durant quarante jours.
1995 : Naït-Liman obtient l’asile en Suisse.
Juillet 2004 : Soutenu par TRIAL International, M. Naït-Liman introduit à Genève une action en justice visant à obtenir de la Tunisie la réparation du dommage subi en raison des tortures infligées.
Septembre 2005 : Le Tribunal de première instance du canton de Genève déclare la demande irrecevable.
Septembre 2006 : La Cour de justice du canton de Genève rejette l’appel de M. Nait-Liman.
Octobre 2006 : M. Naït-Liman saisit le Tribunal fédéral d’un recours visant à faire reconnaître qu’il existe un «for de nécessité» à Genève, tel que prévu par la loi fédérale sur le droit international privé.
Mai 2007 : Le Tribunal fédéral rejette le recours.
Novembre 2007 : Naït-Liman saisit la CEDH d’une requête visant à reconnaître qu’il avait subi une violation de la Convention européenne des droits de l’homme.
Juin 2016 : Par 4 voix contre 3, la CEDH rejette la requête. La Cour reconnaît que la Suisse avait le droit de limiter son droit de saisir les tribunaux pour faire valoir ses prétentions civiles.
Novembre 2016 : Un panel de 5 juges accepte la demande formulée par M. Naït-Liman et TRIAL International que l’affaire soit renvoyée devant la Grande Chambre de la Cour.
Juin 2017 : La Grande Chambre de la Cour tient une audience publique.
Mars 2018 :  La Grande Chambre de la Cour rend son arrêt rejetant définitivement la requête de M. Naït-Liman.

Une déclaration orale au Conseil des droits de l’homme (CDH) le 13 mars dresse un constat alarmant des violations des droits humains au Burundi. En effet, celles-ci continuent à être perpétrées au Burundi en toute impunité.

Suite à l’adoption d’un projet de révision de la Constitution burundaise, une véritable campagne de terreur a été initiée pour contraindre la population à voter oui. Ce projet de révision permettrait notamment à Pierre Nkurunziza de briguer deux nouveaux mandats de sept ans.

Face à cette situation, l’ACAT-Burundi et SOS-Torture/Burundi soutenus par le Centre CCPR, la FIACAT, l’OMCT et TRIAL International invitent les organes concernés à œuvrer pour trouver des solutions de sortie de crise.

 

Déclaration orale lue à la 37ème session du Conseil des droits de l’homme

Merci Monsieur le Président,

Je m’adresse à vous au nom de l’ACAT-Burundi et SOS-Torture/Burundi soutenus par le Centre CCPR, la FIACAT, l’OMCT et Trial International.

Les violations graves des droits de l’homme continuent de se perpétrer au Burundi. En février 2018, l’ACAT Burundi a ainsi documenté 23 assassinats et disparitions forcées, 95 arrestations arbitraires et détentions illégales et 28 cas d’atteintes à l’intégrité physique. Ces violations des droits de l’homme restent largement commises par et sous le contrôle du parti au pouvoir, le CNDD- FDD, et les miliciens Imbonerakure en complicité avec certains éléments des forces de l’ordre.

Suite à l’adoption en Conseil des ministres le 24 octobre 2017 d’un projet de révision de la Constitution, qui permettrait notamment à Pierre Nkurunziza de briguer deux nouveaux mandats de 7 ans, une véritable campagne de terreur a été initiée pour contraindre la population à voter oui au référendum de mai 2018 visant l’adoption de ce projet. Les militants de l’opposition politique, présumés opposés au référendum, sont les plus ciblés par cette campagne. Ils sont constamment malmenés, harcelés, arrêtés arbitrairement ou enlevés. Mais cette campagne vise aussi la population plus largement. Des Imbonerakure ont arrêté des personnes au motif qu’elles n’allaient pas s’enrôler ou qu’elles en empêchaient d’autres de le faire. De plus, l’imposition d’une taxe obligatoire a été instaurée pour financer ce référendum et les prochaines élections mais nul ne connait les modalités de gestion de ces fonds.

Enfin, la situation des défenseurs des droits de l’homme au Burundi reste très préoccupante comme l’illustrent les arrestations de Germain Rukuki et Nestor Nibitanga respectivement ancien comptable de l’ACAT Burundi et ancien membre de l’APRODH, deux associations radiées par le gouvernement et celle de trois employés de PARCEM.

Face à cela, nous saluons la décision de rétrograder au statut B la Commission nationale indépendante des droits de l’homme du Burundi qui s’est montrée incapable de traiter de façon indépendante ces violations des droits de l’homme.

Nous appelons le Burundi à mettre un terme à ces violations et à l’impunité et à coopérer pleinement avec la Cour pénale internationale.

Nous invitons l’Union Africaine et les Nations Unies à s’impliquer davantage aux côtés de la communauté est-africaine dans la recherche de solutions de sortie de crise et appelons la communauté internationale à rester saisie de la question.

Je vous remercie Monsieur le Président.

La compétence universelle gagne du terrain. Dans leur rapport Make way for justice #4, TRIAL International et ses partenaires FIDH, ECCHR, REDRESS et FIBGAR illustrent cet élan international au travers de 58 affaires impliquant 126 suspects.

 

126 INDIVIDUS POURSUIVIS POUR LES CRIMES LES PLUS GRAVES

La lutte contre l’impunité a rarement connu un tel dynamisme. En 2017, des pays d’Afrique, d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Amérique latine ont resserré l’étau sur les criminels de guerre en recourant à la compétence universelle.

Ce principe permet aux Etats de poursuivre les suspects de crimes internationaux, tels que génocide, crimes de guerre ou crimes contre l’humanité, indépendamment de leur nationalité ou du lieu où le crime a été commis.

Pour faire face aux défis propres à la compétence universelle, de nombreux Etats ont mis en place des unités de crimes de guerre. Pas plus tard que l’année dernière, ces unités spécialisées auraient enquêté, poursuivi ou traduit en justice 126 suspects des crimes les plus graves.

Bien d’autres dossiers sont en cours d’instruction. « Les Etats qui octroient suffisamment de ressources aux unités spécialisées sont à la pointe du combat contre l’impunité, transformant la justice en action concrète. » commente Valérie Paulet, coordinatrice de Trial Watch et auteure du rapport.

 

RENFORCEMENT DE LA LUTTE CONTRE L’IMPUNITÉ

Le rapport Make way for Justice #4 identifie également les prérequis de tels succès. Les unités spécialisées efficaces ont en commun de disposer de suffisamment de ressources, de personnel, et de bénéficier d’un niveau supérieur d’autonomie. Elles peuvent en outre compter sur l’expertise de différents départements, tels que ceux de la police ou de l’immigration.

A l’inverse, le Royaume-Uni, par exemple, a fusionné le mandat de cette unité avec celui de la lutte contre le terrorisme. Le travail de l’unité suisse est, quant à lui, limité du fait que ses ressources soient partagées avec celles de l’entraide judiciaire.

Philip Grant, directeur de TRIAL International, insiste sur le besoin d’améliorer la cohérence et l’efficacité dans l’instruction des dossiers relevant de la compétence universelle. « La poursuite des crimes de guerre exige à la fois des ressources appropriées et de l’indépendance. Nous appelons les Etats qui tardent à mettre en oeuvre la compétence universelle à doter leurs autorités de poursuite des moyens adéquats pour accomplir leur mission. »

 

Découvrez le rapport

 

 

En savoir plus sur la compétence universelle

Qu’est-ce que la compétence universelle ?
Lire Make way for Justice #3 (2017)
Lire Make way for Justice #2 (2016)
Lire Make way for Justice #1 (2015)

 

Le Human Rights and Justice Centre (HRJC) améliorera l’accès à la justice pour les victimes de violations de droits humains tels que : torture, disparitions forcées, exécutions extra-judiciaires et violences sexuelles, au Népal.

TRIAL International travaille au Népal depuis 2009. Le besoin d’accroître sa présence sur place s’est fait ressentir et l’organisation a maintenant établi son premier centre juridique à Katmandou.

Le HRJC fournira un support juridique gratuit et un service aux victimes, sans tenir compte de leurs affiliations passées, religieuses ou politiques. Il plaidera pour des cas au niveau national et international, une caractéristique rare dans le paysage népalais.

 

Une approche innovante et participative

Les employés du HRJC sont tous locaux.  Le HRJC travaillera aussi avec un réseau d’avocats népalais de confiance, tous ont suivi une formation spéciale donnée par TRIAL International.

« Le HRJC est conçu pour être un centre pour les avocats des droits humains et les activistes » explique Ranjeeta Silwal, Coordinatrice droits humains. « Toutes les affaires sont sélectionnées et analysées par le HRJC avant d’être assignées, une par une, à l’avocat de notre liste qui conviendra le mieux. Un juriste du HRJC – spécialisé dans les questions de droits – suivra l’affaire tout au long de la procédure, en synergie avec l’avocat désigné et la victime. »

Le HRJC espère aussi permettre aux acteurs locaux, avocats et aux victimes elles-mêmes, de renforcer leur autonomie. Pour cela il fournira des formations spécialisées et des entraînements aux avocats, ainsi que de l’assistance légale aux ONGs qui travaillent dans le secteur de la documentation et du litige. Le HRJC organisera aussi régulièrement des ateliers d’autonomisation pour les victimes. Cela leur permettra de mieux comprendre leurs droits et d’être plus engagées dans la procédure.

 

Favoriser une vaste coopération

Enfin, le HRJC pense qu’une culture des droits humains au Népal doit aussi se construire au niveau structurel. C’est pour cela qu’il fera pression auprès des autorités locales pour des lois et une politique plus juste, tout en œuvrant pour que les décisions prises par les différents organes des Droits de l’Homme des Nations Unies soient mises en place.

Le Centre recevra l’aide de nombreux partenaires au Népal et à l’extérieur, comme par exemple : d’autres organisations non-gouvernementales, des corps diplomatiques, et des experts individuels.

« C’est en accord avec l’éthos de TRIAL de créer des ponts et travailler de façon collaborative. Tous les acteurs qui se battent contre l’impunité au Népal doivent se rassembler pour provoquer un changement durable », conclue Helena Rodríguez-Bronchú Carceller, responsable du programme Népal pour TRIAL International.

Lenin Bista a été recruté à l’âge de 11 ans par la guérilla Maoïste népalaise. Après avoir subi la guerre, la violence et les humiliations, il milite maintenant pour ses droits et ceux de ses pairs.

En août et novembre 2015, the Human Rights and Justice Centre (une organisation partenaire de TRIAL International), a organisé à Katmandou une formation* pour les anciens enfants soldats népalais. Lenin Bista y a assisté pour s’initier aux techniques de documentation et de plaidoyer au niveau international.

Accéder au récit illustré de Lenin Bista : « Cela ressemble à une scène de film de guerre, mais c’était ma vie »

*Le projet est soutenu par l’ambassade allemande au Népal

Le Docteur Mukwege a fondé l’hôpital de Panzi à Bukavu en 1999. Depuis sa création, plus de 50 000 femmes, y compris les jeunes victimes de Kavumu, ont pu y être soignées. Il revient sur cette affaire qui a tant marqué les esprits.

 

Qu’avez-vous ressenti quand des mineurs de Kavumu, toutes victimes du même mode opératoire, ont commencé à affluer pour se faire soigner dans votre hôpital

L’afflux de ces enfants violées a constitué un véritable choc pour toute l’équipe de prise en charge médicale et moi-même. Des limites infranchissables étaient atteintes : l’impunité avait accouché l’innommable.

Le traumatisme était profond pour nous tous au bloc opératoire. C’est la première fois que j’ai vu toute l’équipe fondre en larmes. Même ceux qui habituellement expriment plus difficilement leurs émotions n’ont pas résisté. C’était très douloureux de voir ces petites innocentes souffrir suite à la bêtise humaine, dans un contexte sans protection, sans justice, en bref : sans recours.

 

Pouvez-vous nous parler un peu plus du travail des experts locaux en RDC et le rôle qu’ils ont joué ? 

Les acteurs locaux ont joué un rôle très important en commençant par nos para-juristes qui n’ont pas cédé aux menaces des bourreaux et leurs complices. Pour chaque cas, ils prévenaient notre clinique juridique et notre équipe mobile faisait ensuite des déplacements périlleux pour aller chercher les victimes et les amener à l’hôpital de Panzi. Ce sont eux qui, en documentant et en collectant les éléments de preuve, recueillaient les premières informations relatives aux incidents.

 

Au niveau de l’hôpital, comment avez-vous procédé ?

La prise en charge holistique était conduite minutieusement. De manière pratique, l’hôpital réalisait : un examen physique général, un examen des lésions physiques avec photographies scientifiques, une évaluation psychologique et la rédaction d’un certificat médical. Souvent, comme les enfants arrivaient dans les 72 heures, un kit de prévention du VIH et des infections sexuellement transmissibles leur était administré immédiatement. Le traitement chirurgical suivait, en fonction de la localisation des lésions et de leur gravité.

Ces cas ont fait l’objet de deux publications scientifiques de notre part au niveau internationale puisque nous avions à faire à des situations jamais publiées*.

Nous continuons le suivi médical et psychologique étant donné qu’à ce jour la littérature scientifique ne nous dit pas quel sera l’avenir de ces futures femmes sur le plan sexuel, sur le plan de la fertilité et sur le plan psychologique. Ce travail de suivi est crucial pour l’avenir de ces enfants, même après le verdict.

 

Quelles ont été les difficultés majeures au long de cette enquête qui a finalement abouti à un procès historique ? 

Les bourreaux avaient presque un statut d’immunité dans la société. Ils étaient intouchables. Et toute personne qui résistait à cet état de choses risquait de le payer de sa vie sans aucune conséquence pour les bourreaux. Il ne faut pas perdre de vue qu’il y eu des assassinats et mort d’hommes dans cette affaire.

De ce fait, les membres de V-Men**, mon équipe et moi-même, nous sommes rendus à Kavumu pour sensibiliser les hommes concernant ce fléau. Et pour qu’ils s’engagent contre l’omerta, les commérages, la corruption.

Il était de notre devoir de pallier à ce sentiment de peur général ressenti par la population lorsqu’elle devait s’exprimer sur le sujet.

 

Une autre affaire vous a-t-elle marqué de la sorte au cours de votre carrière ?

L’Assassinat de mes malades et de mon staff à l’Hôpital de Lemera en 1996.

Ils étaient inoffensifs, comme les enfants…

 

* La classification des lésions génito-urinaires et digestives basses chez les filles de moins de 5ans. Publiée dans le « Journal of Gynecology and Obstetric »

Le traitement des lésions génito-urinaires et digestives basses chez les fillettes de moins de 5 ans. Publié dans le « Journal of Gynecology and Obstetric »

**Mouvement en faveur de l’égalité du genre, lancé à New York il y à 10 ans. Le Docteur Denis Mukwege parraine le mouvement V-Men RD Congo

 

La Guinée équatoriale juridiquement condamnée à « poursuivre ou extrader » un dictateur gambien en exil

 

(Banjul, Gambie, 29 janvier 2018) – Les victimes de l’ancien gouvernement gambien de Yahya Jammeh et de leurs partisans ont réagi avec indignation à une déclaration du président équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema selon laquelle il « protégerait » le dirigeant exilé de la justice.

« De quel droit un dictateur pourrait-il en protéger un autre ? », Demande Baba Hydara, fils de Deyda Hydara, rédacteur en chef du journal « The Point » assassiné en 2004. « Ceux d’entre nous dont les proches ont été tués, torturés ou violés en prison, fusillés pour avoir manifesté pacifiquement, ou même contraints à de faux programmes de traitement contre le VIH de Jammeh, ont droit à une justice qui ne sera pas niée, et nous nous battrons aussi longtemps qu’il le faudra. »

M. Jammeh a fui la Gambie en janvier 2017 pour s’exiler en Guinée équatoriale après avoir perdu les élections présidentielles de décembre 2016 au président actuel, Adama Barrow.

Dans une interview accordée le 17 janvier 2018 avec RFI et France 24, le président Obiang a déclaré qu’il n’avait donné aucune garantie sur l’immunité de Jammeh et qu’il « ferait analyse de toute demande d’extradition avec [ses] avocats. » Cependant, après avoir rencontré le président guinéen Alpha Condé, qui a pris part aux négociations du départ de Jammeh de la Gambie, Obiang a changé d’avis le 26 janvier et a déclaré qu’il rejetterait toute demande d’extradition. « Je suis totalement d’accord avec [Condé]. Il faut protéger [Yahya Jammeh], il faut le respecter en tant qu’ancien chef d’Etat en Afrique, car cela reste une garantie que les autres chefs d’Etat qui doivent quitter le pouvoir n’aient pas peur du harcèlement qu’ils pourraient subir à une date plus tardive », a déclaré Obiang.

Entre-temps, le président Barrow de Gambie a déclaré dans plusieurs interviews le 25 janvier qu’il était « plus que désireux » d’entamer des discussions sur l’extradition de Jammeh si un tel procédé était recommandé par la Commission de Réconciliation et de Réconciliation de la Gambie, un organisme établi par la législation.

« Les présidents Obiang et Condé n’ont pas le droit d’usurper la décision du peuple gambien quant à savoir si les crimes présumés de Jammeh devraient être poursuivis », a déclaré Madi Jobarteh, responsable du programme de l’Association des ONG en Gambie (TANGO). « L’Union africaine et la CEDEAO doivent soutenir nos revendications de justice, comme elles l’ont fait dans l’affaire Hissène Habré, et ne pas faire obstruction. »

La campagne visant à amener Yahya Jammeh et ses complices en justice, qui rassemble des victimes gambiennes et des groupes de droits nationaux et internationaux, a noté que la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1984 ratifiée par la Guinée équatoriale en 2002, oblige les États à poursuivre ou extrader  des tortionnaires présumés qui pénètrent sur son territoire. Le 20 juillet 2012, dans une décision unanime, la Cour internationale de justice a jugé qu’en raison de cette disposition «sans refuge» dans la convention sur la torture, le Sénégal devait poursuivre ou extrader l’ancien dictateur tchadien, Hissène Habré, contre qui il y a eu procès peu de temps après.

« En suggérant qu’une fois que vous avez été chef de l’Etat vous ne pourrez jamais être poursuivi quel que soit le crime que vous commettez contre votre peuple, Obiang et Condé veulent donner aux dirigeants carte blanche pour assassiner et torturer en toute impunité », a déclaré Ayeesha Jammeh, ce dernier ayant vécu l’assassinat de son père Haruna Jammeh et sa sœur Marcie, cousins ​​de Yahya Jammeh, suite à leurs critiques de l’ancien dirigeant. « Nous les victimes gambiennes n’accepteront pas cela et je suis sûr que personne en Afrique ne le fera. »

Ironiquement, dans son discours d’adieu en tant que président de l’Union africaine deux jours plus tard, Alpha Condé a annoncé que « nous ne sommes plus un syndicat de chefs d’Etat qui se protègent mutuellement ».

En 22 ans de régime autocratique, le gouvernement de Jammeh a utilisé des meurtres, des disparitions forcées, la torture, l’intimidation, la violence sexuelle et des arrestations arbitraires pour réprimer la dissidence et préserver son emprise sur le pouvoir. En 2005, plus de 50 migrants, dont 44 du Ghana, ont été massacrés par les forces de sécurité de Jammeh. Jammeh a contraint quelque 9000 Gambiens – dont la grande majorité vit avec le VIH – à recevoir ses remèdes à base de plantes médicinales grâce à un simulacre qu’il nomma « programme présidentiel de traitement alternatif ».

La campagne a déclaré qu’elle cherchait l’extradition de Jammeh pour un procès en Gambie, mais a compris que cela pourrait prendre plusieurs années car les problèmes politiques, sécuritaires et institutionnels doivent être résolus avant que Jammeh puisse obtenir un procès juste pour promouvoir l’état du droit en Gambie.

« Le président Obiang, dont le gouvernement continue d’utiliser la torture, les arrestations arbitraires et les exécutions extrajudiciaires contre ses détracteurs, ne peut se cacher derrière une telle « solidarité africaine » pour priver le peuple de la justice de la Gambie », a déclaré Tutu Alicante, le directeur d’EG Justice, une organisation à la tête de la protection des droits de l’homme en Guinée équatoriale.

Les groupes participant à la Campagne comprennent : le Centre Gambien pour les Violations des Droits de l’Homme, l’Institut pour les Droits de l’Homme et le Développement en Afrique, Article 19 Afrique de l’Ouest, Coalition pour le Changement en Gambie, TANGO, EG Justice (Guinée Equatoriale), TRIAL International (Suisse), Human Rights Watch, Guernica 37 Chambres de Justice Internationale, Aids-Free World et La Fondation pour l’égalité des chances en Afrique. La page Facebook de la campagne est : https://www.facebook.com/Jammeh2Justice/

Comment TRIAL International est-elle née ? Son fondateur et Directeur Philip Grant retrace la genèse de l’organisation, intimement liée à son parcours personnel.

 

Militant de la première heure

J’ai toujours été actif dans le milieu associatif. A 17 ans, je tombe sur la Déclaration universelle des droits de l’homme : une révélation. Je voyais écrites noir sur blanc mes convictions les plus profondes sur la dignité humaine. J’ai commencé à militer pour les droits humains, notamment contre l’apartheid en Afrique du Sud, qui était le grand combat de l’époque. A la fin du cycle secondaire, étudier le droit m’est apparu comme une évidence.

10 ans plus tard, au milieu de mon doctorat, Pinochet était arrêté à Londres pour ses crimes au Chili. Deuxième tournant majeur : la justice internationale devenait une réalité et son champ d’application potentiellement immense. Cet événement a raffermi ma conviction intime que le droit est un formidable levier de changement.

Mais à l’époque, peu d’ONG œuvraient dans ce domaine. Amnesty International, par exemple, dénonçait les violations mais sans nommer, et encore moins dénoncer, les coupables. Il y avait un besoin qu’aucune structure existante ne remplissait : j’ai donc décidé de fonder ma propre organisation de lutte contre l’impunité en Suisse.

 

Les premières années

Quelques semaines avant l’entrée en vigueur de la Cour pénale internationale, en 2002, j’ai fondé TRIAL avec une poignée de victimes, de militants et d’avocats. Notre objectif était double : sensibiliser le public à la justice internationale et faire pression sur les autorités pour qu’elles arrêtent les suspects présents sur sol helvétique.

A partir du moment où TRIAL est née, je n’ai plus regardé en arrière. Nous assistions à un essor historique de la justice internationale et j’étais persuadé (je le suis toujours) de notre valeur ajoutée dans ce combat.

Nos premières plaintes étaient assez symboliques et n’ont pas abouti à l’ouverture de procédures. Mais il y avait un intérêt indéniable des médias et du public, nous recevions des signes encourageants qui nous ont incité à persévérer.

 

Ouverture à l’international

Les premières années, il y a eu plusieurs plaintes contre des suspects algériens, tunisiens, somaliens ou afghans. Mais les autorités suisses ne réagissant guère, nous avons développé de nouveaux modes d’intervention en nous tournant vers d’autres pays. La Bosnie-Herzégovine était sortie d’une affreuse guerre civile depuis plus de 10 ans, mais les procédures étaient totalement bloquées : il y avait pourtant des voies supranationales à explorer, par exemple la Cour européenne des droits de l’homme ou le Comité des droits de l’homme de l’ONU. Là aussi, nous avions la possibilité d’ouvrir des voies inexplorées pour redonner espoir aux victimes. C’est comme ça qu’est né le premier programme pays de TRIAL, en 2007.

A peu près à la même période, l’affaire Sperisen s’est ouverte en Suisse : les choses bougeaient enfin ! Nous avons ouvert dans la foulée les programmes Népal et Burundi, et je suis devenu salarié de TRIAL à plein temps, abandonnant définitivement mon cabinet d’avocat.

 

Une ONG dans la capitale des droits humains

Genève, où j’habite et travaille, était le lieu idéal pour lancer TRIAL : de hauts dignitaires y transitent pour des raisons diplomatiques, mais aussi à titre privé : luxe, écoles privées et cliniques de pointe attirent les puissants du monde entier.

Preuve de ce brassage, il est arrivé plusieurs fois que des victimes de crimes graves croisent leur agresseur en Suisse ! Je me souviens notamment d’une jeune demandeuse d’asile rwandaise placée dans le même centre que Félicien Kabuga, l’un des instigateurs du génocide de 1994. Cela donne parfois lieu à de véritables coups de théâtre, comme ce militant du Sahara Occidental qui, en pleine conférence sur les tortures qu’il a subies, a reconnu son bourreau dans l’auditoire !

 

 

Chercher sa valeur ajoutée

J’ai créé cette organisation car, à titre individuel, je cherche toujours à maximiser ma valeur ajoutée. Faire un travail qu’un autre pourrait faire, qui perpétue un ordre existant, ne m’intéresse guère. Et quand l’idée prend vie et fonctionne, c’est une belle satisfaction.

Il m’arrive bien sûr d’être las. Quand une procédure se compte en décennie, la tentation est grande de baisser les bras. Mais quand j’entends le récit des victimes, des atrocités qu’elles ont enduré et de leur détermination à se battre, et surtout quand l’on gagne des procès et que justice peut être rendue, je me dis que nous avons raison de poursuivre notre action.

Philip GrantDirecteur

@PhilipGrant40